Ceci est une ancienne révision du document !
Autriche (& Allemagne)
Autriche :
Distance parcourue : 410 kms
Durée : 11 jours
Date d'entrée : 2015-08-02
Date de sortie : 2015-08-12
Allemagne :
Distance parcourue : 1237 kms
Durée : 12 jours
Date d'entrée : 2015-08-13
Date de sortie : 2015-08-24
Jour 951 - Escale à Linz
Mercredi 5 août 2015 - 5 kms - Post n° 585
Fanch : La chaleur retombe pour laisser place à la grisaille, la pluie et le vent s'invitent au voyage. Dori s'en retourne à Budapest et nous continuons notre remontée du Danube, à contre-courant. À contre-courant puisque d'une part le vent nous fait face et que d'autre part, nous croisons des hordes de cyclistes qui descendent en direction de la capitale hongroise. C'est journée rouge sur les pistes cyclables de la région dans le sens départ en vacances.
Une crevaison, des rustines, oui, mais plus de colle… On perd du temps. Notre moral est à l'image du ciel. Maussade. Roxana a développé une infection probablement due à la chaleur moite des derniers jours et à une fatigue omniprésente. C'est apparemment douloureux et ça se développe rapidement. On décide de faire demi-tour pour consulter l'avis d'un médecin aux urgences de Dorog. Conclusion, une crème antibiotique et plus de peur que de mal, un petit détour d'une vingtaine de bornes et une journée de merde. Nous avançons péniblement, avec un vent d'Ouest soutenu. J'avoue avoir du mal à retrouver mon rythme, mais nous allons de l'avant, circulant sur le réseau de pistes réservées aux deux roues. L'aventure se métamorphose en promenade dominicale tant les aménagements sont étudiés pour le cycliste occasionnel. Ce n'est en soi pas désagréable, juste un peu redondant. Les surprises se résument à de furtives apparitions sauvages, quelques chevreuils aux aurores et les lièvres du soir. Quant à notre relation aux moustiques, nous sommes dorénavant leur manne quotidienne.
Autriche, espace Schengen. La frontière se manifeste discrètement. Un panneau bleu marqué d'une couronne d'étoiles posées sur le bord d'un chemin de gravier marque notre sortie des Balkans. Willkommen. Nous sommes entre deux champs de maïs. Plus de tampons, nous pouvons conserver nos passeports au fond d'une sacoche. C'est en traversant les premiers bourgs autrichiens que je réalise que nous avons franchi une étape supplémentaire vers un retour à l'ordinaire. Dépaysement ou repaysement ? Les trottoirs parallèles me donnent presque le vertige. Les villages prennent l'apparence de hameaux témoins, pas un chat, pas un chien, pas un bruit. Alors je me rappelle les mercredis de mon enfance passée dans mon village natal, où, quand nous décidions de quitter notre bosquet et nos cabanes pour une excursion dans le bourg (et que nous étions trop jeunes pour traîner dans le bar), nous nous emmerdions à mourir. Cette civilisation silencieuse je la reconnais donc et la retrouve avec l'appréhension de ne plus pouvoir m'en contenter.
L'Europe de l'euro… Là aussi la pilule passe mal.
Ça fait déjà longtemps que nous ne nous arrêtons plus pour saluer nos compères cyclistes. Ils sont dorénavant des centaines à croiser notre chemin, la plupart en sortie sportive ou familiale pour quelques heures suivant le sillage d'un long fleuve tranquille. L'Europe est définitivement le continent du vélo, alors que l'Asie restera dans ma mémoire celui du scooter.
L'Autriche nous pousse à rouler, les kilomètres s'enchaînent, les pauses se font rares et en silence. Nous croisons les abords de Vienne le temps d'un kebab, rien ne nous donne l'envie de nous y attarder davantage. Il pleut et nous continuons notre route. Puis une autre vague de chaleur nous submerge. Baignades et bivouacs interdits se suivent entre l'euroveloroute et le Danube dont le lit rétrécit progressivement. Et la routine s'installe, ou plutôt s'accentue, accomplir les mêmes gestes matins et soirs et ne jamais faire demi-tour.
4 août 2015. Linz, Autriche. La météo annonçait un vent favorable, je me suis emballé un peu trop vite… 110 km au compteur, 110 km de fatigue. Mais après avoir traversé la zone industrielle de Linz nous arrivons enfin à Time's Up. Ici c'est d'abord Tim puis Mario et Pippa qui nous accueillent avec un admirable dîner. Time's Up est un laboratoire pour la construction de situations expérimentales, autrement dit, un atelier et un collectif d'artistes ouvert sur la création, l'expérimentation, l'open bidouille, et qui tourne déjà depuis presque 20 ans. L'atelier est situé dans le port industriel de Linz, sur une languette de terre posée sur le Danube, entourée de grues, de containers et de graffitis gigantesques… Nous y logerons quelques jours, le temps de nous mettre à jour dans le boulot et de rendre visite aux quelques collectifs d'artistes et/ou activistes du coin… Tout ce que je peux dire pour le moment c'est que l'on se sent bien ici…
C'est les vacances à Time's Up et l'atelier tourne au ralenti. Néanmoins, nous ferons le lendemain connaissance de Steve, l'un des acteurs du lieu puis de Maruska, responsable d'Eleonore Ship, résidence artistique flottante ou nous prévoyons une petite présentation de Geocyclab. Nous y sommes d'ailleurs invités pour le repas du soir et rencontrons par la même occasion et dans une ambiance amicale d'autres acteurs du réseau artistique de Linz, une ville où il semble définitivement se développer une énergie créative, alternative et débridée. La suite au prochain épisode !
Jour 957 - Navigation
Mardi 11 août 2015 - 5 kms - Post n° 586
Barth : Le temps s'est dilaté dans l'atmosphère estivale de Linz, suivant le rythme agréable des quelques visiteurs de passage à Time's Up. Tim et Pippa ont pris la route du nord de l'Europe pour divers rendez-vous, et Léo les a remplacé en nous régalant d'orgies de crème glacée dès le petit-déjeuner. La fournaise ne donne pas franchement envie de reprendre la route, ni même d'explorer intensivement les environs, et de toute façon Roxana a besoin de quelques jours de repos pour que sa blessure au pied cicatrise. Alors on se laisse aller à la nonchalance caniculaire qui ramollit la ville, en bossant un peu sur les objets libres tournés en Turquie et en essayant de reconnecter avec le mode de vie à l'occidentale…
Le jeudi, c'est le jour d'ouverture de la Bike Kitchen dans le centre de Linz. L'occasion de faire la rencontre d'Ebli et Rosa qui avaient répondu à nos appels avant notre arrivée, et de jeter un oeil à la roulotte pleine à craquer d'outils et de pièces détachées garée sur le parvis d'un bar punk un peu à l'écart du centre touristique où une bonne vingtaines de cyclistes, habitués ou de passage, viennent réparer leur montures ou simplement boire une bière. Un projet totalement indépendant et sans structure légale, qui après avoir joué à cache-cache avec les autorités locales ces dernières années, semble avoir trouvé son équilibre, nottament grâce au soutien et à l'interconnexion avec les nombreuses autres initiatives qui animent Linz.
Chaque soir ou presque, à l'heure où le soleil baisse sa garde, nous pédalons quelques centaines de mètres jusqu'au port suivant pour partager un dîner avec nos amis d'Eleonore, le bateau/résidence d'artistes où Maruska, la gardienne des lieux, Pilar et Iratxe, deux artistes espagnoles vivant à Berlin qui préparent en ce moment une performance à base de tatouages DIY et d'expérimentations sonores, Henk, le capitaine d'Art, le bateau voisin amarré à Eleonore, ainsi que quelques autres membres de cette communauté informelle des amoureux de la navigation nous accueillent chaleureusement !
Ce lundi nous avons présenté notre projet à la trentaine de personnes conviées pour l'occasion sur Eleonore. Une première pour Geocyclab à bord d'un bateau. La chaleur moite de la soute n'était pas des plus confortable mais la fin de soirée sur le pont fut un bon moment de rencontres, de discussions et de rendez-vous pris pour une prochaine visite à Linz dans les années à venir… Le réveil ce matin était un peu difficile pour reprendre la route, mais nous avions convenu avec Leo et Maruska d'organiser un rendez-vous à une quinzaines de kilomètres de là, dans le petit village d'Ottensheim, pour que Maruska puisse avoir le temps de nous interviewer pour le programme de télévision d'Eleonore. Pas de pression donc pour faire les bagages, se régaler d'un copieux petit déjeuner et faire nos aux-revoirs à nos hôtes que nous devrions recroiser à Nantes mi-septembre pour l'ouverture d'une exposition que Time's Up est en train de préparer…
A la dernière minute, Maruska nous propose d'embarquer sur le bateau d'Henk et de faire la route tous ensemble jusqu'Ottensheim. Pas besoin de nous supplier, la perspective de naviguer quelques kilomètres sur ce fleuve que nous longeons depuis des mois nous enchante tous les trois ! Après une dernière bière avec nos amies espagnoles qui ont décidément du mal à se concentrer sur leur travail, nous prenons donc le large, traversons le centre de Linz et remontons lentement le fleuve au son de la musique manouche que diffuse le bateau-radio, tout en sirotant une bière dans un coucher de soleil doré… A contre-courant on va nettement moins vite qu'à vélo, mais je suis radicalement convaincu que le bateau reste le meilleur moyen, et sans doute le plus logique, de voyager sur un fleuve !.. Je m'en souviendrai pour la prochaine fois… Nous arrivons trop tard à Ottensheim pour tourner l'interview, mais pas pour nous régaler d'une bonne pizza avant d'aller planter les tentes dans le parc voisin après avoir saluer Léo, Henk et Maruska qui s'en retournent au port…
Jour 966 - Virée bavaroise
Jeudi 20 août 2015 - 80 kms - Post n° 587
Fanch : Mercredi 12 août 2015. La route tire et s'étire sous la gomme de nos pneus. Le paysage défile, vert et radieux, mais je n'ai pourtant pas l'esprit à m'y perdre. Nous avançons inexorablement, les yeux rivés sur les pistes de terre sableuse qui longent le Danube. L'eurovélo s'arrête net à deux reprises nous obligeant à charger nos mules sur de sommaires embarcations. La linéarité se brise quelques miles nautique nous donnant l'occasion de méditer silencieusement en contemplant les dernières falaises autrichiennes du fleuve. La transition se fait discrète, nous sommes dorénavant en Allemagne. Je ne m'en aperçois qu'après avoir révisé la carte. Pas de changement de langue ou de devise, la même culture, le même panorama. La frontière se définie par une ligne pointillée imprimé sur un bout de papier. C'est donc le vingtième pays que nous traversons et fêtons nos 16000 kilomètres.
Jeudi 13 Août 2015. Plus nous avançons, plus le Danube rétrécit, plus il s’assèche. Nous aurions dû prendre un Bac pour passer sur la rive nord mais ça fait déjà dix jours que le trafic est suspendu. La canicule ne nous épargne pas non plus et le détour que nous impose cet imprévu n'a rien d'une bonne nouvelle. Vingt bornes plus loin et nous voici sur l'itinéraire bis. Il fait chaud, Roxana réclame une pause. Nous plantons les tentes à quelques encablures de l’embarcadère que nous aurions aimé joindre par le fleuve.
Vendredi 14 Août 2015. La chaleur lourde est de mauvaise augure. Le vent se lève, le ciel se couvre pour devenir menaçant. Nous avons roulé 110 kilomètres et nos cuisses commencent à se plaindre. L'heure est avancée et nous espérons tous trois dégoter un abri pour la nuit, mais rien y fait. Nous faisons halte en bord de la route, un peu inquiets concernant la suite des événements, cherchant une issue de secours. Mais Manuela fait son apparition nous indiquant la voie à suivre pour se rendre chez elle, à dix minutes de vélo d'ici dans un petit hameau près de Regensburg. Je pousse un soupire de soulagement, un soupire de bonheur, le même qu'à chaque fois que quelqu'un nous a sorti d'une situation délicate. Nous la retrouvons, rencontrons son époux Reiner et leurs enfants quelques minutes plus tard. Sans surprise, nous apprenons que nos hôtes sont des globes trotteurs confirmés, avec quarante ans de périples asiatiques dans leurs sacs à dos.
La pluie s'installe, le bruit court que la vague de chaleur ne réapparaîtra pas cette fois. Mais le changement est un peu trop brutal pour être réjouissant et de fait, nous sommes pour le moment bloqués, forcés au repos par la pluie tombante. Manuela et Reiner n'ont heureusement pas l'intention de nous laisser partir ainsi et nous passons les deux jours suivants bien au chaud, espérant un peu plus de clémence de la part de la météo pour enfin décamper. Nous occupons notre temps à bricoler, à poser une poignée de porte, changer quelques lattes du parquet de l'étage supérieur, rien ne nous y oblige mais étant nourris et logés c'est une façon simple de remercier nos hôtes… Les repas sont revigorants, le café est à volonté et les conversations passionnantes. C'est d'ailleurs réconfortant d'échanger avec des routards expérimentés car ils saisissent bien cette sensation indescriptible, ce mélange de lassitude, de nostalgie et d’excitation que ressent le voyageur au long cours lorsqu'il prend conscience que son aventure touche à sa fin. Alors nous parlons, parlons encore et puis nous écoutons leurs histoires du bout du monde au temps ou le téléphone cellulaire était encore classé dans le rayon S.F.
Lundi 17 Août 2015. La pluie ne cesse pas mais le compte à rebours (du retour) tourne toujours ce qui nous pousse à chevaucher nos montures. Nous saluons une dernière fois notre famille d'accueil et entamons cette nouvelle semaine avec un relief vallonné, une piste forestière trop verticale pour des vélos chargés. L'humidité s'incruste dans nos affaires et le froid fait son apparition. Quarante-cinq bornes plus en amont, nous trouvons un toit salvateur près d'un stade et décidons d'y passer la fin de journée pour finalement y rester cette nuit. Nous profitons de ce temps pour bichonner nos bécanes en manque d'affection depuis probablement trop longtemps.
Les trois prochains jours se suivent et se ressemblent. Nous roulons dans une grisaille permanente qui nous offre tout juste le temps de faire sécher nos toiles de tentes. Le Danube suit son chemin, nous suivons le notre et rien de notable ne vient perturber notre quotidien. Mais enfin, alors que nous quittons la Bavière par les portes d'Ulm, nous arrivons au point de rendez vous où mon père nous attend depuis… cinq minutes. Nous sommes à l'heure. Non content de jouer au père Noël avec quelques surprises gastronomiques, il va nous suivre, endossant le rôle de voiture assistance et transporter notre lourd paquetage jusqu'au prochain bivouac… Le tout durant une semaine! Et ça, c'est vraiment une bonne nouvelle…