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documentation:carnets:geocyclab:almanach:16-georgie:post-561
Jour 806 - Immersion à Tbilissi

Vendredi 13 mars 2015 - 0 kms - Post n° 561


Barth : La Géorgie a pris place dans notre itinéraire comme sortie de secours de l'Asie, sans vraiment nous avoir laissé le temps de l'anticiper, de la rêver ou de la fantasmer comme ce fut le cas pour la plupart des pays traversés jusqu'alors. Le froid caucasien et les signes de la tradition orthodoxe ne furent pas une surprise bien sûr, mais rien ne m'avait préparé en revanche à l'étrange sensation de nous retrouver subitement « entre hommes »… Ici, plus de vaches, plus d'éléphants, plus de singes, plus d'écureuils, plus d'oiseaux multicolores, ni de toutes ces divinités qui leur étaient associées en Inde. Les humains se débrouillent entre eux, à la discrétion d'un dieu unique qui veille sur eux au travers du regard sévère des icônes christiques qui habitent discrètement la plupart des habitations.

Notre premier interlocuteur fut Zaza, le tenancier du petit hôtel où nous avons pris le temps d'atterrir, de nous acclimater et de remettre nos vélos en état de marche. Ne parlant pas un mot d'anglais, notre ami a tout de même réussi à nous raconter un peu son pays, au cours de lentes conversations via l'outil de traduction de Google. Le tout accompagné d'un morceau de pain frais, de fromage et d'un verre de vin ou de chacha (eau de vie locale), qui nous ont rapproché d'un seul coup de notre terre natale ! Quelques échanges aussi laborieux que sympathiques, qui nous ont donné un rapide aperçu des racines millénaires que ce territoire conserve, stratégiquement dissimulé au carrefour de l'Europe, de l'Asie, du Moyen Orient, et de la Russie, et suscitant donc la convoitise des Etats-Unis…

Pour le reste, nous avions rendez-vous au « Center of Contemporary Arts of Tbilissi », contacté quelques jours avant notre arrivée. Lancé il y a quelques années sans aucun soutien du gouvernement, le projet du CCAT consiste à développer un lieu d'étude, de diffusion et de création artistique contemporaine, tout en réhabilitant le musée de médecine traditionnelle à l'abandon depuis plusieurs décennies dans le vieux bâtiment. Nous avons donc présenté Geocyclab à la vingtaine d'étudiants qui suivent le programme du centre, et fait ainsi quelques rencontres, dont Tamuna qui nous invite à visiter un projet naissant de résidence artistique à Bolnisi, à une heure de bus de Tbilissi… En quelques jours à peine, nous avons donc intégré le petit réseau de l'art contemporain en Géorgie, ce qui nous motive à prolonger un peu plus longtemps notre séjour en ville.

Lors de notre première visite au centre, un grand barbu à l'air un peu sauvage nous a accueilli à l'entrée dans un français impeccable, en nous demandant de ne pas déranger ses travaux en cours dans la galerie d'exposition. Roland, c'est son nom, est américain d'origine, a grandi en Suisse, vit dans un petit village de la campagne géorgienne depuis une vingtaine d'années, et a planté sa tente avec ses deux petites chiennes au CCAT le temps de préparer une exposition intitulée « Wild ». Le courant est tout de suite bien passé avec ce permaculteur poète amoureux de la Géorgie, et sans avoir eu le temps de dire ouf nous nous sommes retrouvés dans une petite cantine au fin fond d'un bazar, à déguster des kinkalis et du poisson salé, arrosés d'une bouteille de chacha et de quelques bières, et à entonner quelques polyphonies en bonne compagnie !

Après un tel baptême, nous avons décidé d'abandonner notre petit hôtel beaucoup trop cher, et d'installer notre bivouac dans la galerie du CCAT avec dans l'idée de filer un coup de main à notre nouvel ami. Notre aventure géorgienne s'annonce rocambolesque !..

Roland Lasha

documentation/carnets/geocyclab/almanach/16-georgie/post-561.txt · Dernière modification : 05 02 2023 de 127.0.0.1