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Jour 674 - Trois jours chez les Assams

Samedi 1 novembre 2014 - 0 kms - Post n° 544


Fanch : Nous nous habituons à ces nombreux conducteurs de scooters qui après nous avoir repéré roulent au pas, téléphone portable au point qui filment et photographient sans modération allant même jusqu'à improviser une interview amateur… Mais ces deux-là, perchés sur une moto sportive semblent aussi intéressés pour échanger un brin de causette. Il nous suivent depuis une dizaine de bornes déjà et quand ils sortent une tablette de chocolat… On décide de stopper la machine et de faire une pause. Après cette rapide introduction, Rakib et Hassan nous accompagnent une autre petite dizaine de bornes supplémentaires avant de nous faire craquer… « Ok Rakib, let's go » on va dormir chez toi ce soir, il nous reste cinq jours pour avaler les 300 bornes qui nous attendent jusqu'à Guwahati, on peut se permettre un petit demi-tour.

Et c'est là que l'aventure en pays Assam débute.

Nous voilà 10 bornes en arrière, dans l'humble demeure de Rakib située à Doigrung, petit village au bord de la N1. Son père nous accueille en djellaba, barbe et cheveux teintés en rouge, il se prépare pour aller à la mosquée, son regard à la fois sérieux et bienveillant nous met rapidement à l'aise. Rakib de son côté semble aux anges, il nous promet déjà une soirée mémorable alors que la pièce principale de la maison se remplit de jeunes voisins curieux venus observer les étrangers.

Une fois la nuit tombée, une douzaine de personnes débarquent dans la petite maison, les amis de Rakib… On part en piste. Barth, malgré une crève qui s'accentue décide de suivre le mouvement, direction Golaghat, la ville d'à coté. Là, nous rencontrons le reste de la bande qui squatte comme chaque jour à la même heure depuis plus de 15 ans le même petit bout de trottoir, lieu de rencontre, de bavardage et de déconnade entre potes. Nous devenons le principal sujet de conversation et Rakib semble fier de nous intégrer à la bande. En ce qui nous concerne, nous resterons admiratifs face à cette équipé de potes soudés par des liens apparemment indestructibles. C'est Rakib qui régale le repas du soir dans une cantine muslim, bœuf korma, bœuf kofta, et cervelle… De bœuf évidemment. Nous sommes en Inde, au pays des vaches sacrées certes, mais un bon bout viande bovine n'a jamais posé problème aux musulmans.

Le lendemain est un jour de grève dans le district de Golaghat, je n'en ai pas retenu la raison mais les boutiques ainsi que les axes routiers seront fermés pour 24 heures. Rakib nous explique que la route peut se révélée dangereuse en l'absence de circulation, personnellement je pense qu'il veut surtout que nous restions un jour supplémentaire… Ok, qu'il en soit ainsi cher Rakib et puis Barth n'est pas au plus haut de sa forme, c'est peut être plus responsable de ne pas rouler aujourd'hui. En fait notre ami nous a planifié tout un programme, un programme chargé qui débute par une visite aux cousins où un tchai épicé nous attend, nous passons ensuite dire bonjour à la famille d'un pote où un autre tchai nous sera servi, puis une autre « cérémonie » (c'est le même rituel tchai-biscuit qui semble se répéter) dans une autre maison familiale. Nous faisons donc le tour du village, honorés par cet accueil exceptionnel mais aussi avec l'impression d'être exhibés comme un objet rare trouvé au bord de la route. Ce soir, c'est la télévision régionale qui se mêle de la partie au centre de Doingrung, rameutant une foule en délire. L'instant est à la fois fou, chaotique et extraordinaire, nous ne contrôlons plus rien et sommes pris à parti dans le lancement d'un programme politique « Clean India » commandité par le premier ministre actuel et qui vise, comme son nom l'indique à nettoyer l'Inde, il y a du boulot… Balais en main, nous voilà à nettoyer le trottoir sous les feux des projecteurs…

Le troisième jour devait être celui du départ mais rien y fait. Nous sommes une fois de plus tenus d'aller rendre visite à la famille d'un ami de Rakib qui nous attend pour le petit déjeuner. Rakib ne nous en avait pas causé auparavant et cela ne nous enchante guère (nous sommes maintenant en retard sur notre planning) mais avons nous le choix ? Finalement nous serons trimbalés toute la journée sans avoir vraiment la possibilité de donner notre avis sur le déroulement des événements, sans avoir la possibilité de faire 100 mètres en solo… Un autre repas est programmé ce soir dans la demeure de la famille d'Hassan, probablement le dernier car pour le coup, nous insistons auprès de notre ami pour partir demain… Dès l'aube.

Bien sûr, nous aimons nous retrouver dans de nouvelles situations (c'est entre autre l'objectif du voyage), que ce soit le temps d'une pause ou pour une semaine, mais parfois celles-ci nous échappent et ça va un peu trop loin. Chez Rakib et ses potes, nous nous sommes subitement retrouvés au centre de toutes les attentions, avec tous les honneurs et avantages que cela inclue bien sûr mais nous nous sommes fait encerclés, encadrés et chaperonnés sans trop savoir comment s'en sortir. L'Inde, ordinairement extraordinaire se dévoile généreuse et hospitalière mais il va aussi falloir apprendre à ne pas se laisser happer par les événements au risque de ne plus être maîtres de nos mouvements.

Rakib et Hassnan Le père de Rakib Rakib

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