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Jour 498 - Kawah Ijen

Dimanche 9 février 2014 - 0 kms - Post n° 500


Fanch : Kawah Ijen, c'est le nom d'un des nombreux volcans en activités trônant sur les terres indonésiennes. Celui ci présente plusieurs particularités. Premièrement, avec un PH variant autour de 0.2, le lac qui gît au fond du cratère est semble-t-il le plus acide au monde (d'après wikipedia). Deuxièmement, les fumées et leurs composant chimique qui s'en dégagent produise, de nuit l'effet de « blue fire » que l'on ne peut observer qu'ici et en Alaska. Troisièmement, le cratère est exploité par une centaine de mineurs, véritable forçats, condamné par la vie à collecter les blocs de souffre qui s'y accumules…

Enfin voilà, une heure de scooter en pleine jungle puis une deuxième à gravir les pentes abruptes du Kawah Ijen pour enfin fouler périmètre extérieur du cratère. Nous sommes à un peu plus de 2500 mètres d'altitudes, la température a probablement chuté d'une bonne quinzaine de degrés, nous sommes au milieux d'un nuage, le ciel est bouché et tombe malheureusement dans le cratère. Nous n'y voyons rien à plus de dix mètres. Les premières odeurs de souffre se font alors sentir accompagnées de quelques toussotements d'adolescents, un peu trop fragiles mais suffisamment déterminée pour avoir grimpé jusqu'ici afin de se prendre en photo dans un mélange de brume et de gaz mal odorant. Quelques mètres plus loin, un panneaux indique « danger, visitors forbiden aera ». C'est ici que le sentier plonge vers le lac acide, le sentier que les mineurs emprunte avant de disparaître, paniers à vide pour réapparaître portant jusqu'à 70 kilos de caillasse jaune pastel sur leurs épaules transpirantes. L'un d'entre eux nous propose de le suivre, l'occasion est trop belle pour être déclinée. Nous enroulons soigneusement nos turbans respectifs pour qu'il fassent office de protections contre les gaz et franchissons l'interdit avec en prime une dose d’adrénaline non négligeable. Dès les premiers pas, l'ambiance change de ton. Les visiteurs sont restés en haut et petit à petit, nous nous engouffrons dans un monde silencieux. Le sentier à disparut, seuls de petits fragments de pierres jaunes tracent la direction à suivre sur ce terrain pentu et chaotique. Nous descendons toujours et traversons l'épais nuage de souffre une fois, puis deux, puis trois, plus nous descendons, plus nous nous approchons de la source d'ou s'échappent les gaz qui maintenant sont tellement dense qu'il nous agresse les yeux. Et toujours, ces hommes escalade lentement la parois chargés comme des mulets, un bout de tissus en bouche ce qui ne les empêche pas de tousser.

D'un coup, en s'engouffrant dans le cratère, le vent provoque un tourbillons et chasse instantanément l'épaisse brume qui nous empêchait de comprendre ou nous étions. L'instant est magique mais ne durera pas long. Je découvre un paysage surréaliste aux couleurs vives et surnaturelles. Le bleu azur et mate du lac provoque le jaune pastel du souffre déposé sur la roche. Du rouge aussi, orange, ocre, gris… Kawah Ijen signifie le Cratère vert en Javanais, mais curieusement, le vert manque à l'appel. Pas de vert non, excepté l'homme et sa folie légendaire, la vie ne s'aventure pas ici.

nous continuons jusqu'au lac, le ciel mais semble nous offrir une autre chance d'en prendre plein la vu. Barth s'éclate avec les images… Tu m'étonnes… Nous y sommes, sur les rives mortes du lac d'acide. Le sol est recouvert de granules de souffre qui contact des semelles produisent le même type de son qu'une neige fraîche que l'on écrase, que l'on tasse entre ses mains, les mêmes grincements mais en plus accentués… Silence, ça tourne.

Mère nature nous offre un spectacle splendide certes mais, un petit mot s'impose quant au sujet de ces mineurs de l'extrême… Et ouai, « de l'extrême » je crois que l'expression est juste. Nous attendons les courbature pour demain alors que nous n'avons marché qu'une seule fois ce qu'ils font trois fois par jour, 3 allés à vide, 3 retour chargés de deux paniers de minerais… Le tout sur un terrain d'altitude bourré d'obstacles et tout en respirant des gaz toxique (acide sulfuriques, acide chlorhydrique, dioxyde de souffre…) à longueur de journée et bien sûr, rare sont les hommes qui portent un masque pour s'en protéger. Chaque kilos de souffre rapporte 800 roupiahs (0,5 euros) à son porteur. Les plus fort et résistant gagnent environs dix euros par jours… En Indonésie, c'est probablement un bon salaire, mais les conditions de travail de ces ouvriers sont impitoyable. Preuve en est, l’espérance de vie de ces travailleur n'excède que rarement 40 années… À méditer…


Barth : Nos chauffeurs sont à l'heure, nous décollons donc à huit heures pétantes de l'hôtel pour une bonne heure de route qui grimpe sans arrêt vers le sommet du Kawah Ijen. Les scooters ont un peu de mal à avaler les pentes les plus raides mais nous arrivons à bon port sur le parking du site après avoir traversé différents paysages naturels dont une impressionnante forêt d'immenses fougères arboricoles. Les nuages et l'altitude ont un peu rafraîchit l'atmosphère, mais pas assez pour nous empêcher de suer un peu dans les trois kilomètres de grimpette à pied qui nous mènent vers le cratère. Sur le chemin nous croisons de nombreux porteurs, trimbalant au moyen de deux paniers de bambous une grosse cinquantaine de kilos de souffre vers la vallée. Je suis étonné de les voir si souriants et guillerets, mais nous comprendrons plus tard que cette partie de leur trajet n'est pas la plus désagréable…

La dernière étape avant le cratère est une cabane où chaque porteur vient peser sont chargement avant de le descendre vers lae parking. Tout ce manège se passe au beau milieu des touristes, locaux pour la plupart en ce dimanche, et le mélange des deux activité est pour le moins anachronique. Nous passons un peu de temps à discuter avec un lituanien aperçu à l'hôtel la veille qui nous raconte une histoire incroyable au sujet de sa copine qui se serait fait envoûter par une magie noire locale et qui vient d'être rapatriée en Europe dans un état de santé plutôt inquiétant. Je ne comprends pas tous les détails mais son récit est tout autant mystérieux qu'instructif sur cet aspect occulte de la culture locale que nous n'avions pas du tout remarqué pour le moment.

Encore quelques centaines de mètres à grimper pour atteindre le bord du cratère, fin officielle du circuit touristique. La végétation se fait de plus en plus rare et l'odeur de souffre commence à envahir l'air. Pas question d'en rester là, nous n'avons pas fait tout ce chemin pour regarder des nuages qui sentent le souffre. Un des mineurs nous fait signe de l'accompagner pour la descente dans le cratère, théoriquement interdite aux visiteurs. Foulards sur le nez et la bouche, dans une fumée dense qui nous empêche parfois de voir où nous posons les pieds, nous suivons donc notre homme dans une sorte d'escalier de rocaille qui nous conduit au fond du cratère. Parfois le vent balaye les fumées et fait apparaître un paysage totalement ahurissant, de pierres fumantes avec tout au fond le lac d'un bleu azur, réputé comme étant un des plus acides au monde. Et juste ensuite les fumées reviennent sur nous, nous empêchant de respirer quelques instants au point de piquer les yeux. Une fois au fond du cratère nous découvrons le chantier d'extraction. Des sortes de cheminées inversées fond descendre les vapeurs sulfurées vers une esplanade accessible, et à la bouche de chacune d'elle le souffre se solidifie dans une coulée orange et jaune surmontée d'un panache fumant qui remonte vers le sommet du cratère quand le vent ne vient pas nous le renvoyer en pleine figure. Quelques hommes travaillent là à découper à coups de barre à mine quelques blocs de souffre qu'ils embarquent ensuite à pied sur quatre kilomètres.. Nous restons le temps que notre guide remplisse ses deux paniers, enregistrant un maximum d'images de ce spectacle à la fois magnifique et inquiétant. Une centaine d'hommes travaillent ici quotidiennement, inhalant les vapeurs toxiques dans leur ascension avec soixante-dix kilos de caillasse sur le dos, ça ne fait pas vraiment rêver…

La pluie nous accompagne sur le chemin du retour, et après avoir payer notre guide nous redescendons jusqu'au parking, avalons un café avec nos chauffeurs et refaisons la route en sens inverse, du froid vers le chaud. De retour à l’hôtel nous filons déjeuner dans le seul restaurant que nous trouvons ouvert en plein après-midi, accueillis par un bijoutier et un marchand de fruit qui nous tiennent le crachoir en javanais dans une ambiance plutôt joyeuse. Sur le retour nous nous faisons inviter à boire un café chez Astolani, un homme que nous avons juste aperçu devant le pas de sa porte. Sa fille Dita nous aidera à converser car notre homme ne parle pas un mot d'anglais, mais la discussion est intéressante, au sujet du syncrétisme religieux en Indonésie entre autres choses. Mais la fatigue nous ramène vite à l’hôtel pour une bonne douche, un dérushage en règle de toute les images du jour et un peu de repos…

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