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documentation:carnets:geocyclab:almanach:06-mexique:post-255
Jour 255 - Tonina

Mardi 11 juin 2013 - 0 kms - Post n° 255


Fanch : Je marche sur un sentier qui s'enfonce avec pudeur dans jungle. Mais déjà, les espèces végétales que je croise m'étonnent par leurs formes, leur nombre, leurs couleurs. À peine ai-je le temps d'ouvrir grand mes oreilles, mes yeux et mes narines que l'étroit chemin débouche sur une clairière. Je me dégage définitivement de la forêts en faisant quelques pas puis découvre, presque avec surprise cette impressionnante ville verticale. L'émotion est réelle, j'éclate de rire devant l'ampleur majestueuse deToninà, vraiment, je ne m'attendais pas à cela. Et puis, c'est parfait puisque, excepté une petite dizaine d'ouvriers oeuvrant à la restauration d'un des versant de l'édifice, je me trouve seul sur le site, c'est une situation idéale pour capter l'énergie du lieu. Je me laisse guider par mon instinct qui me propulse au sommet de l'architecture pyramidale, sur la dernière pierre du Temple Miroir-Fumée. Pause, la grimpette fut sportive. Je reste sur mon perchoir un moment, pensant à cette mystérieuse civilisation qu'en Europe nous ne connaissons que très peu. Je tente d'imaginer là citée animée, grouillante et pleine de couleurs. Mon imagination me porte loin, loin de ce qui fut une réalité mais peu importe. Alors, je pense à Moebius et à Jodorowski puis à ma frangine et à sa collection de VHS des « citées d'or » enfin bref, je pars loin… Mais je suis loin…

Je resterai 4 heures à me promener entre les murs parfois labyrinthiques, profitant de l'absence de gardiens pour franchir quelques rubans rouge afin d'aller voir ce qui ce trame derrière (je rappelle que je ne suis pas pilleur de tombe). Enfin bref, ce n'est pas une citée d'or mais un vrai trésor…

Anaïs : Les matriarches, les reines de la cité, sont belles, leurs visages sont creusés, burinés par le soleil, et chacune d'entre elles a un large sourire qui semble vouloir dire « bonjour toi étrangère, je ne sais pas qui tu es, mais je t'aime déjà! ». Ces femmes dégagent une confiance en elles qui impose le respect et leur façon de dire bonjour à Barth, presque sur un air de défi, quand elles lui disent bonjour, contraste avec les saluts qui me sont adressés, souriants et solaires, cherchant à créer une connexion, à dire « toi aussi tu es une amazone, sois fière, personne d'autre que toi ne décide de ce que tu es… » Oui, oui, je vois tout çà dans leur bonjour!

Je suis vraiment étonnée de l'interaction qui se crée entre ces femmes et moi, juste en les croisant. En l'espace de quelques secondes, elles prennent le temps de plonger leurs pupilles au fond des miennes, et à chaque fois, ça me fait frissonner.

Ici, les femmes ont le pouvoir, et l'atmosphère s'en ressent, il y a dans l'air ce petit quelque chose de différent, mais d'indéfinissable. Pas étonnant que certains hommes cherchent à reproduire leur gestuelle, leur façon de se tenir, de s'habiller, elles dégagent une certaine puissance.

Barth : Un orage et une pluie diluvienne ont rincé l'air cette nuit et la matinée est marquée par une rare et relative fraîcheur. Suite au passage chez le réparateur pour admirer avec un soupçon d'inquiétude le résultat du démontage intégral de notre bécane, il va donc nous falloir rester une nuit de plus pour savoir si la panne est réparable et récupérer l'engin sous sa forme initiale…

Le reste de la journée sera consacré à une vaine chasse aux muxes, dans l'espoir de pouvoir réaliser quelques portraits photos pour le projet d'Anaïs. Sans aucun contact sur place, avec le peu d'espagnol que je baragouine, difficile de rencontrer simplement cette étrange population. Nous en avons aperçu quelques un(e)s tout de même, vêtus d'une longue robe traditionnelle, coiffure et sac à main venant parfaire cette élégance androgyne qui ne choque pas vraiment dans le décor de Juchitan. Il faut dire qu'ici les femmes, et particulièrement les plus âgées, gardiennes des traditions et de l'économie, semblent bâties dans du roc et bien que souriantes, n'en impose pas moins une apparente autorité bien éloignée des stéréotypes féminins en vigueur. Dans cette population haute en couleurs, ou la tradition se mêle au modèle américain, pas grand chose ne peut étonner ou sembler incongru…

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