Bulgarie (& Roumanie)
Distance parcourue : 685 kms
Durée : 17 jours
Date d'entrée : 2015-06-14
Date de sortie : 2015-07-02
Jour 901 - Arrivée en Europe
Mardi 16 juin 2015 - 5 kms - Post n° 578
Barth : Après avoir encore repoussé notre départ de quelques jours, le temps de redonner un coup de neuf à nos montures, de faire quelques ultimes rencontres comme celle de Julie, photographe française qui nous avait contacté grâce à Twitter en vue de sa visite en Turquie et avec qui nous avons plaisir à bavarder autour d'un çay… Le temps aussi de faire une synchronisation du site internet, des faire nos aux-revoir un peu précipités à Giorgio et Secil qui nous ont tant offert, de boucler les bagages et de savourer un dernier dîner à Galatasaray en compagnie de Funda.
La décision est prise, on ne sortira pas d'Istanbul par la route. D'une part pour épargner Roxana cette éprouvante expérience, et surtout car le visa de notre amie vient d'expirer ce qui nous donne une bonne excuse pour succomber une dernière fois à la tentation du bus. Direction la gare routière donc, en naviguant tant bien que mal dans le labyrinthe de ruelles sous un soleil de plomb, et pour nous retrouver en début d'après-midi, confortablement installés dans un bus climatisé à contempler la dilution progressive de la mégapole turque dans les campagnes que nous abordons. Le voyage n'est pas bien long et nous avons le temps de pédaler quelques kilomètres pour sortir d'Edirne, notre dernière étape turque, et trouver un endroit où planter les tentes et allumer un dernier feu au son de l'appel à la prière de la mosquée voisine.
Le lendemain, malgré un soleil estival qui cogne déjà dur sur les prairies fleuries, il ne faut pas pousser trop fort sur les pédales pour se retrouver à la frontière, fermer cette page turque de notre parcours et réclamer un tampon pour marquer le coup de notre entrée officielle en Europe, sur les simples souvenirs que sont d'un seul coup devenu nos passeports…
Une première pause dans un village nous permet de prendre la mesure du changement de décor avec l'apparition d'une première petite église, de quelques gitans qui viennent tout sourire nous faire la causette sous le regard blasé des cigognes qui encaissent le soleil de midi pour protéger leur nichée et l’œil sévère d'une voisine qui n'a pas l'air contente de voir un tel meeting se dérouler au pas de sa porte. Quelques kilomètres plus loin nous voici à Svilengrad, première petite ville bulgare après la frontière et dont la principale activité économique semble concentrée autour des casinos qui font le bonheur des voisins turcs. Heureusement, les alentours de la ville sont très sauvages et nous trouvons sans difficulté un bivouac bien confortable sur les berges de la rivière, où les lucioles et les hannetons font office de son et lumière une fois la nuit tombée…
Le camp est posé, on peut attaquer le programme, avec pour commencer la réalisation d'un nouveau Checkpoint dont le tournage a lieu le lendemain matin, juste avant de rejoindre le centre ville. Un des cafés de la ville fait ensuite office de bureau pour le montage, en attendant que notre ami Sam (cycliste anglais avec nous avions fait la route de Trabzon à Sinop) nous rejoigne pour une nouvelle session de co-pédalage. Notre autre ami Nurullah, qui nous avait hébergé à Trabzon et qui projetait de nous rattraper à la frontière, ne nous rejoindra pas. Le bus le conduisant de Trabzon à Istanbul a eu un accident, et avec heureusement juste une main cassée, son projet de voyage est hélas tombé à l'eau.. On remettra ça Nuri, promis !
Les heures de montage s'enchaînent donc dans l'ambiance assez mortelle du bistrot tandis que les températures extérieures rivalisent avec celles qu'on avait connu en Asie du Sud-Est. Sam finit par nous retrouver, annonçant l'heure d'un l'apéro de retrouvailles et reportant au lendemain mes espoirs de boucler le Checkpoint. Une ultime journée me permet d'en venir à bout et de lancer les calculs, exports et mises en ligne alors qu'une grosse pluie d'orage inonde les rues de la ville. C'est le moment que choisit Kirsa pour nous rejoindre. Une première rencontre locale avec cet ingénieur travaillant sur le chantier d'une voie ferrée loin de chez lui, et qui se fait un plaisir de nous arroser de bières jusque tard dans la nuit en nous racontant un peu la Bulgarie. Pas facile de retrouver le chemin de notre bivouac dans la nuit et sur des chemins désormais boueux, mais nous parvenons finalement à planter les tentes pour quelques heures de sommeil avant la reprise de la route…
Jour 907 - Route Bulgare
Lundi 22 juin 2015 - 35 kms - Post n° 579
Fanch : Nous voilà sur l'asphalte bulgare, en formation quatuor. Notre objectif est simple, rouler vers le nord, traverser la Bulgarie et ses collines pour rejoindre le Danube. Nous nous enfonçons donc à pas de loup dans les Balkans sans trop savoir à quelle sauces nous allons être mangés.
La fin du printemps recouvre le paysage d'une verdure chatoyante et nous respirons toute sortes de pollens a plein poumons. Les odeurs de pin et de lavande nous envahissent et je m'étonne de ce changement bienfaisant, presque brutal qui nous projette hors des champs de béton que nous avions côtoyé un peu plus tôt, côté turque. La 55 est une route étroite, peu fréquentée et nous offre de larges plages de silence. Elle traverse quelques villages muets, figés, oubliés par les croissances économiques et démographiques. Les morts sont d'ailleur parfois d'avantage présents que les vivants, tradition oblige, ici les affichettes funèbres inondent les murs des petits bourgs. On en colle une première pour annoncer les obsèques d'un nouveau défunt puis une deuxième, troisième, quatrième pour honorer sa mémoire. Visiblement, une fois collées elles restent à leurs places, attendant l'effondrement des murs pour disparaître à jamais. Les jours de pluie, c'est une coutume qui ajoute un certain charme au centres villes.
Si nous entrons dans l'Europe administrative nous revenons aussi dans l'ex URSS et retrouvons dans l'architecture des bâtiments publiques les lignes rigides du style soviétique. De manière général l'atmosphère bulgare fait écho à ce que nous avions découvert en Géorgie, tant au niveau paysage et urbanisation que dans nos conversation de bords de route, distantes mais avec le sourire. A oui, L'alphabet bulgare est basé sur le système cyrillique, c'est sympa, dépaysant, ça sonne bien mais aussi bien à l'écrit qu'à l'oral, ce n'est pas très pratique pour communiquer avec les locaux.
À défaut de communiquer, j'observe le vide des villages, ces longues minutes avant qu'une voiture n'entre dans mon champs auditif, un vieillard qui s'avance pour réclamer une clope, deux mômes qui tracent en vélo une courbe illogique savourant leurs premiers jours de vacances, j'observe le silence de la campagne bulgare, un quotidien ordinaire qui finalement nous raproche encore un peu plus de la maison.
Enfin, globalement, excepté quelques jours de pluie et un relief marqué, notre évolution se déroule sans encombre et l'ambiance quatuor donne à nos bivouacs des allures de vacances entre potes. Roxana s'adapte petit à petit au rythme du cyclo-voyageur, Sam nous innonde de bonne humeur, fidèle à lui même. Quand à Geocyclab, nous continuons nos exercices quotidiens mais après l'épisode intense d'Istanbul, la motivation retombe et nous ne sommes pas au summum de notre créativité. Disons que nous consacrons le reste de notre énergie à la route et à la préparation psychologique d'un retour éminent. La porte de la Bulgarie fût celle d'une nouvelle étape qui nous pousse à la réflexion, c'est certain.
Enfin bref, après 5 jours de route, une fête de la musique dans le silence d'un dimanche pluvieux, un bivouac au bord d'un lac, deux autres au bords d'une rivières, 3 centrales électriques au charbon, une chaîne de montagne et des kilos de pinces oreilles, nous débarquons tout les quatre dans les hauteurs de Sevlievo, dans la maison de Stanimir et Zoya, un jeune couple de Warmshower - vélocyclistes activistes adeptes du système D… Mais ça, on vous en parle dans le prochain numéro!
Jour 915 - Les frontières du Danube
Mardi 30 juin 2015 - 0 kms - Post n° 580
Barth : Ces trois jours passés chez nos amis Stanimir et Zoya étaient l'occasion de se reposer un peu, de mettre à jour le site internet et d'échanger sur les souvenirs de voyage et les centaines d'idées de systèmes D que Stanimir développe quotidiennement, le tout entre deux soirées festives en compagnie de leurs amis. Cette rencontre aurait certainement pu faire l'objet d'une interview car Stanimir est un sacré inventeur, ayant construit entre autre deux vélos couchés lors de son voyage de trois ans en Asie. Mais la caméra reste dans la sacoche pour cette fois, laissant place à la simplicité d'une rencontre entre amis !
Au départ de Sevlievo, l'objectif est de rejoindre le Danube et l'euro-vélo-route qui le longe jusqu'en Allemagne. Nous avons décidé de scinder notre peloton en deux binômes, pour que Roxana puisse trouver son rythme tranquillement avec Fanch en coach personnel. Je fonce donc en avant avec Sam, et après deux bonnes journées contre le vent et sur un terrain que j'avais imaginé plus plat, nous atteignons Oryahovo où le Danube se dévoile enfin en ouverture de l'immense plaine roumaine qui se perd dans l'horizon poussiéreux. Une petite pause devant ce panorama le temps de faire sécher les tentes trempées par l'averse matinale et de nous faire offrir des pots de confiture de fraises par deux habitants du coin, et nous décidons d'aller jeter un œil en face, chez les roumains, en empruntant le bac qui permet de traverser cette frontière aquatique.
Quelques difficultés pour trouver un bureau de change en cette fin de samedi après-midi dans le petit village où nous débarquons, mais une fois l'affaire réglée, les sacoches pleines de provisions pour le diner et le petit dej du lendemain, nous prenons le temps de siroter une bière roumaine à l'ombre d'un parc, sous le regard curieux de deux gamins, avant de pédaler quelques dizaines de kilomètres jusqu'au bivouac du jour… La route est plate côté roumain. Dans chaque petite bourgade, les sourires et autres bonjours sont systématiques, sans parler des gamins qui se précipitent à notre rencontre pour nous taper dans la main.
Le décor est posé pour les mois à venir, il n'y a qu'à suivre les panneaux de la vélo-route, trouver un coin le soir où il est possible de piquer une tête dans le Danube, et prévoir que le pédalage sera entrecoupé par des rencontres avec les cyclistes de plus en plus nombreux qui suivent cet itinéraire. La nature est luxuriante sur les berges du fleuve en ce début d'été. Les armées d'insectes et d'oiseaux de tous genres sont à la manœuvre, les nombreuses ruches installées aux coins des champs sont en pleine activité et comme prévu, les moustiques sont au rendez-vous une fois le soleil couché.
Notre séjour en Roumanie fut bref, le temps d'atteindre Calafat où nous rencontrons Tobias, un cycliste allemand sur le retour après une virée d'un an en Iran et autour de la mer Noire. Nous repassons ensemble la frontière pour une dernière nuit en Bulgarie avant d'entrer ce matin en Serbie en suivant une toute petite route de campagne traversant des villages quasi-déserts. Un pays supplémentaire qui vient s'ajouter à la liste, mais si le changement culturel est vaguement visible, le décor reste le même, avec ce soir encore un bivouac les pieds dans le Danube entre deux pêcheurs à la ligne, en regardant la pleine lune se refléter dans le courant du fleuve…