Indonésie
Distance parcourue : 1490 kms
Durée : 69 jours
Date d'entrée : 2014-01-27
Date de sortie : 2014-04-05
Jour 485 - Aéroport Séoul
Lundi 27 janvier 2014 - 0 kms - Post n° 487
Barth : Ce 27 janvier est une étrange journée pour deux raisons, tout d'abord parce que c'est l'anniversaire de Fanch, ce que nous fêterons humblement en trinquant avec nos gobelets de plastiques plein de whisky et de cognac. Et ensuite parceque ce jour n'aura duré que quelques heures, sans avoir réussi à comprendre à quel moment nous sommes passés du 26 au 27 janvier. Je me souviens que nous avons survolé le Japon, que lors de notre escale à Séoul il était 19h le 27 et qu'à notre arrivée à Singapour nous étions déjà le 28… Gros bug spatio-temporel donc !
Fanch : Ce jour est certainement le plus court de notre existence, décalage horaire oblige. San Francisco, GTM -8, Séoul (ou nous faisons notre première escale) GTM +9. Si je ne me trompe pas, il y a un décalage de 17 heures entre les deux villes. Et inévitablement le pauvre 27 janvier en prends une claque. Le jour le plus court est aussi celui de mon anniversaire, à quelques heure près je n'aurais jamais eu un ans de plus… Mais pas de bol, j'ai malgré tout mon compte. Ils ont du cognac chez Singapour Airlines, ça ne m'aidera pas à faire passer la pilule, mais je trouverai plus rapidement le sommeil…
Enfin bref, l'ambiance climatisée des Boeing et des aéroports se succèdent et la fatigue s'accumule. Nous voici à présent à Singapour pour 5 ou 6 heures de transite. Petite devinette, nous sommes partis de S.F hier à 13h heure locale, à Singapour (GTM +8), on regagne une heure par rapport à Séoul, il est maintenant 5 heure ici et nous sommes le 28 janvier. Depuis combien de temps sommes nous en transit?
Moi non plus je ne sais pas, je ne suis plus apte à comprendre quoi que ce soit. Allez, courage, dans 4 heures normalement on reprendra un rythme stable, enfin peut être.
Jour 486 - Pandok Taman, Denpasar, Bali
Mardi 28 janvier 2014 - 0 kms - Post n° 488
Fanch : Après être sortis de la zone internationale avec un nouveau tampon sur nos passeport, attrapé l'ensemble de nos biens sur le tapis roulant et enfin, après avoir subit un interrogatoire sommaire au sujet de notre programme sur les îles de ce pays… Nous y voilà enfin! L'Indonésie, transition entre l'Océanie et l'Asie. Nous y voilà enfin… Au point le plus au sud de notre périple, à quelques centaines de kilomètres sous l'équateur. Nous y voilà, sous cette chaleur moite que nous attendions avec impatience… Bienvenu à Denpasar, capitale administrative de l'Île de Bali. Et bonne nouvelle, en ce 28 Janvier, il ne pleut pas.
Le temps de reprendre nos esprits et de respirer quelques bouffées d'air local et nous trouvons une camionnette qui nous déposera pour 200 000 roupiahs au porte de l'hôtel que nous avions réservé auparavant. Ah oui, nous sommes officiellement millionnaire, nous avons fait notre premier retrait avant de sortir de l'aéroport. Un retrait de 1 500 000 roupiahs (ce qui équivaut à une petite centaine d'euros mais ça, il ne faut pas le dire). Arrivés à l'hôtel, la première étape constitue à vérifier l'état des bagages et des bécanes. Excepté l'une des fixation de ma suspension, tout est vraisemblablement ok, et surtout tout est là.
Nous enchaînons avec un timide balade dans le quartier, l'objectif étant de se nourrir bien sûr et d'en découvrir un tout petit peu plus sur notre nouvel environnement. Pour le moment, j'ignore notre localisation exacte, je sais juste que nous sommes entre l'aéroport de Denpasar situé plus au sud et le centre ville, au nord. J'imagine donc que l'ambiance que nous observons actuellement doit être celle d'une banlieue Indonésienne, je dit bien, j'imagine.
Donc, la première chose frappante, c'est la circulation. Ici, on roule à gauche, enfin, à gauche ou là ou il y a de la place pour se faufiler. La route étroite est aussi très passante et c'est un impressionnant flux discontinu de scooter qui monopolise la chaussée. Bien sur, les trottoirs sont inexistant, il faut à la fois faire attention ou on pose le pied tout en étant vigilant vis à vis du trafic… Débordant. On mange bien, à la mode locale pour moins d'un euro par personne dans un petit boui boui de quartier. La tenancière baragouine quelques mots d'anglais et… Et nous nous confrontons à un nouveau langage. La communication risque d'être compliquée mais néanmoins davantage spontanée, simple et sincère que lors de notre dernière étape. Disons que l'on intrigue plus que l'on ne fait peur… Ce n'est qu'un premier ressenti, je tiens à le préciser.
Alors que le peuple indonésien est en grande partie de confession musulmane, l’île de Bali est habitée d'une majorité de bouddhistes. Mais notre chambre domine la cours d'une école ou l'enseignement transmet les valeurs du prophète Mahomet. Le psaume qui s'échappe du haut parleur a le don de me faire sourire… Souvenir, souvenir.
Enfin bref, nous avons vraiment besoin de repos et le reste de la journée y sera consacrée. Je pourrai en écrire bien plus mais j'en garde un peu pour demain… Et pour après demain. Quoi qu'il en soit, ça fait vraiment du bien d'être ici… Affaire à suivre.
Barth : L'aéroport de Singapour est vraiment impressionnant, de par sa taille et sa modernité. Après le froid de Séoul, voici les tropiques et leur chaude moiteur qui parvient à filtrer malgré la climatisation de l'ensemble des bâtiments. Nous y avons cinq heures à attendre, en pleine nuit, dans un état de conscience semi-léthargique… Notre vol pour Bali est à l'heure et nous décollons comme convenu en même temps que le soleil se lève. Le petit déjeuner à bord nous est servi sur l’équateur et pour la première fois pour nous deux, nous mettons les pieds (façon de parler) dans l’hémisphère sud de notre globe…
Neuf heures du matin, 30 degrés au sol, Bali nous voici ! Les formalités de l'aéroport se déroulent sans trop de problème mis à part que nous constatons que certains de nos sacs ont été fouillés par les douanes. Ils nous ont laissé un petit mot quand même pour pas qu'on s'inquiète… Quelques instants pour trouver un taxi qui puisse embarquer nos vélos emballés et nos bagages et nous voila à l'hôtel, dans un quartier pas du tout touristique. Notre chambre au second étage donne sur une école musulmane. La chaleur et la fatigue nous écrase, j'ai à la fois l'impression d'être au Maroc en voyant toutes ces filles voilées dans la cour d'école, mais le climat tropical me donne envie de parler espagnol comme au sud du Mexique… Ça ira mieux après une bonne nuit.
Le déballage des vélos nous fait perdre quelques litres de sueur mais la douche qui s'en suit nous fait enfin atterrir. Reste à trouver un petit quelque chose à manger, et il y a le choix entre les différentes petites échoppes. Pas facile de se faire comprendre quand nos interlocuteurs ne parlent pas anglais mais on y parvient tout de même. Une petite promenade digestive nous fait entrevoir les principaux thèmes de notre séjour, à savoir une foule de scooters qui roulent plus ou moins à gauche, des temples et petits hôtels un peu partout et une végétation luxuriante même en pleine ville ! Je m'attendais à arriver dans une grosse ville avec des immeubles mais le plus haut bâtiment que j'ai pour le moment aperçu fut l’aéroport… Tant mieux !
Nous tombons sur un cyber café sympathique où le gérant est en train de jouer de la guitare, l'occasion de donner quelques nouvelles sur notre arrivée, suite à quoi nous filons à l'hôtel pour une sieste très attendue… Jusque vingt et une heures tout de même ! C'est donc déjà l'heure de dîner, la même soupe de nouilles que ce midi c'est très bien. De toute façon je n'ai pas trop d'appétit avec la chaleur et sans doute un peu à cause des cachetons anti-paludéens que nous avons commencé à prendre hier. Une soupe, et au lit donc, car il reste encore pas mal de sommeil à rattraper. En tout cas c'est soulageant de retrouver un pays « civilisé », où l'on peut manger pour moins d'un dollar ! Je regrette peut-être juste la largeur des routes et des trottoirs qui font défaut ici…
Jour 487 - Denpasar
Mercredi 29 janvier 2014 - 0 kms - Post n° 489
Barth : Vers six heures les premiers enfants arrivent dans la cour de l'école, peu de temps après le lever du soleil. Nous émergeons donc et commençons la journée par une bonne lessive que nous n'avions pas pris le temps de faire à Oakland, avant de sortir manger. Les petits restaurants ne manquent pas et c'est à chaque fois le même rituel. On vous sert une assiette de riz qui est ensuite garnie en choisissant parmi les différentes préparations qui sont présentées en vitrine. Oeufs, poissons séchés, légumes cuisinés, sauce pimentée… Que du bonheur et tout ça pour à peine un euro.
De retour à l'hôtel je prend le temps de laver mon vélo démonté en inspectant les éventuels dommages causés par le transport en avion. Pour ma part, je m'en sors bien, juste une petite éraflure sur la jante, et Fanch aura tout de même une patte de fixation de son siège à redresser. il est déjà l'heure de retourner manger quelque chose, et nous profitons de cette sortie pour aller faire un tour au cyber, à la fois pour prendre et donner quelques nouvelles en France, et pour chercher des informations sur la suite. Décision est prise de prolonger notre séjour ici, pour vraiment nous reposer et pour monter et publier le checkpoint tourné avant de décoller. Nous sommes dans un quartier absolument pas touristique, situé entre l'aéroport et le centre de Denpasar, de nombreuses rizières entourent les zones construites et nous sommes visiblement les seuls occidentaux ici. Tant mieux ! J'avais un peu peur qu'on se retrouve dans une station balnéaire, pour le moment on a réussi à passer à côté.
C'est l'heure la plus chaude de la journée, une petite sieste s'impose avant de me plonger dans le remontage, graissage, réglage et huilage de ma bécane. L'affaire est vite réglée, mais il faudra que je prenne le temps de resserrer un peu mes freins et sans doute de changer le câble des vitesses qui n'a pas bien supporté le démontage. Le soleil se couche vers dix-neuf heures, ce qui est plutôt rassurant, les journées sont plus longues ici que dans l'hiver californien. Et pour le moment nous n'avons pas vu une seule goutte de pluie, malgré les nuées qui défilent dans le ciel, balayée par un vent d'ouest de plus en plus fort. Touchons du bois, la saison des pluies est peut-être déjà passée, mais c'est peut-être parce que nous sommes au Sud de l'île, près de la mer…
Fanch : L'avantage du décalage horaire est que nous nous réveillons naturellement aux alentours de 6 heure, un rythme qui serai bon d'essayer de maintenir. Le soleil est levé depuis un bon moment déjà et j'ai bien l'impression qu'il se couche aussi plus tard qu'en Californie, ça c'est le deuxième bon point. Et le troisième est qu'il ne pleut pas. D'après ce que nous avons compris, la mousson battait son plein le mois dernier et depuis, certes il pleut de temps à autre mais ce n'ai pas systématique. Du troisième bon point découle une quatrième bonne nouvelle, pas de moustiques à déclarer…
Allez, on passe à l'action pour une lessive matinale et un remontage complet des bécanes. Ce dernier nous occupe une bonne partie de la journée. Nous ne prenons donc pas le temps de nous enfoncer d'avantage dans Denpasar, cela viendra bien assez vite. En revanche chaque pause déjeuner est synonyme de découverte. Gustative en premier lieu, une base de riz blanc avec toute une panoplie d'ingrédients étrange au choix. Étrange certes mais délicieux et après trois mois à manger à la mode occidentale mes papilles en sont toute dépaysées et ce pour un prix imbattable. Outre le plaisir de la table, une civilisation souriante nous accueil. Les contacts sont simples et même si les discutions philosophiques en indonésien ou en Balinéen ne verrons probablement pas le jour, on peut sentir que l'absence d'un langage commun n'est pas un obstacle pour communiquer. Quand l'anglais est inapproprié, gestes et onomatopées sont de rigueur. J'ai cependant appris mon premier mot, trimarashi ou tri mara shi, enfin, je n'en sait rien mais oralement, ça semble bien fonctionner. Ah oui, trima rashi ça veut dire merci.
Le coût de la vie, vous l'avez compris est aussi bien plus abordable. Moins d'un 1 euro pour manger, 3000 roupias (20 centimes) la bouteille d'eau, seul l'hôtel reste un peu cher mais nous sommes au abord de la capitale. On ne discute pas les prix, et je crois bien que personne (pour l'instant) ne cherche à nous entourlouper. Le potte-feuille de Geocyclab est un peu rassuré.
Niveau forme physique, la fatigue et le changement soudain du climat restent deux facteurs encore difficiles à gérer. J'ai un mal de crâne omniprésent depuis 24 heure que je mets sur le compte d'une légère déshydratation mais dans l'ensemble on se porte bien. Pour ne pas forcer, nous allons probablement prolonger de 48 heurs notre séjour, principalement pour nous reposer mais aussi pour monter le Checkpoint 008 tourné avant de quitter les USA et pour nous adapter davantage à ce nouveau monde que nous sommes en train de découvrir.
Jour 488 - Jalan Raya Pemogan, Denpasar
Jeudi 30 janvier 2014 - 0 kms - Post n° 490
Fanch : Ce n'est pas que nous voulons absolument rester ici, nous sommes d'ailleurs pressés de reprendre la route mais ce n'est toujours pas la grande forme. Mon mal de tête persiste et Barth est tout coincé, le remède est simple, du repos et beaucoup de flotte. Et oui! Comme nous ne savons absolument pas ce qui nous attend par la suite, quelles vont être les conditions de voyage (états des routes, dénivelé, vent plein ouest, pluie, bivouac…), nous venons donc de réserver deux nuits supplémentaires à Denpasar, espérant quitter cette ville en forme pour attaquer les 1000 bornes et des poussières qui nous séparent de Jakarta. Du repos certes mais pas uniquement. Barth est sur le montage du checkpoint qu'il serait bon d'achever rapidement. De mon côté, j'ai pas mal d'écriture à rattraper et j'essaie tant bien que mal de trouver de quoi m'occuper tout en étant utile. Je part à la recherche d'un artisan apte à recoudre quelques vêtements usés par les kilomètres, ajuste les freins et le dérailleur arrière de ma bécane (je cris victoire devant ce dernier qui est en état de fonction!) et puis j'écris encore afin de mettre à jour le carnet de bord, ce sera ça de moins à faire…
Autre chose, il va falloir que je replonge la tête dans les histoires de subvention puisque la date limite de dépôt des dossiers concernant une des aides qui nous intéresse approche dangereusement. Le côté positif, c'est que cette demande est quasiment prête à être expédiée et cela ne devrait monopoliser que quelques heures de notre temps si précieux, le travail accomplit à Mexico est enfin récompensé (encore faut il toucher les tunes maintenant).
Bref, on s'accorde tout les deux une bonne grosse sieste ce qui écourte considérablement cette journée… Décidément trop courte.
Barth : Au menu du jour en ce qui me concerne : montage du Checkpoint ! Je ne me sens pas envahi d'une immense motivation mais je tiens vraiment à tourner cette page symbolique avant de nous aventurer sur ce nouveau continent. Il y a aussi bien d'autres vidéos en retard à monter, qui datent de Mexico pour les plus vieilles, mais je me garde ça pour notre pause à Jakarta dans quelques semaines. Fanch se charge d'emmener mon pantalon e son drap de soie dans un atelier de couture pour y faire réparer quelques déchirures pendant que je plonge dans les images de la Californie. La chaleur est écrasante dehors et la climatisation de notre chambre d'hôtel devrait me permettre de me concentrer au frais…
Vers midi nous sortons manger un morceau et nous connecter avant de retourner au boulot. Nous commençons à recroiser les mêmes têtes dans le quartier, dont un homme qui parle pas trop mal anglais et même quelques mots de français ! Il nous indique une toute petite échoppe pour avaler une soupe à un prix défiant toute concurrence et dans une ambiance familiale.
L'après-midi n'est pas aussi studieux qu'espéré. Le vent souffle en rafale et l'atmosphère est lourde comme avant un orage. En y ajoutant la fatigue accumulée et le jet-lag, cela donne une bonne migraine qui me fait sombrer dans une sieste comateuse jusqu'au coucher du soleil… Un dîner bien pimenté me sort un peu de ma torpeur et notre première pluie tropicale finit de détendre l'atmosphère pour mon plus grand bien, me redonnant le courage de faire une heure ou deux de montage avant de dormir…
Jour 489 - Denpasar, Pandok Taman
Vendredi 31 janvier 2014 - 0 kms - Post n° 491
Barth : Nous sommes vendredi, l'école musulmane est donc fermée aujourd'hui mais quelques gamins occupent le terrain de foot en guise de réveil matin. Le ciel est encore chargé et quelques averses accompagnent le lever du soleil. Le petit déjeuner est agrémenté par une discussion avec le cuisinier d'un hotel qui baragouine quelques mots d'anglais. Ensuite je me plonge donc de nouveau dans le montage du Checkpoint qui sera assez efficace, sans doute du à la quantité limitée d'images tournées depuis notre départ de Mexico. Un peu avant midi, je lance donc un premier calcul et profite de cette pause pour fignoler un peu le réglage des freins et des vitesses sur mon vélo.
Après le déjeuner, et un petit tour au cyber pendant que Fanch apporte sa touche sonore au montage, je renchaîne sur une séance studieuse pour valider le Checkpoint donc, anticiper la synchronisation du site et dans la foulée faire quelques sauvegardes de nos dernières images sur un disque externe. On ne sait jamais, les installations électriques en Indonésie nous font un peu penser à celle, fatale que nous avions expérimenté dans le sud du Mexique… Bref, boulot, boulot, boulot.. J'en ai un peu marre mais j'ai besoin de boucler tout ça et de tourner la page du continent américain pour me sentir disponible ici.
La soirée est lourde, entre le vent qui se déchaîne dehors, notre climatiseur qui est tombé en panne et la fatigue d'une journée de boulot devant l'ordi.. Nous décidons de prolonger encore une nuit à l'hôtel pour prendre le temps demain de mettre en ligne le Checkpoint et de synchroniser le site. Après le dîner, je passe un bon moment au cyber à communiquer avec la France avant de rejoindre Fanch qui est en train de cuire dans notre chambre non ventilée. Nous dormirons les portes ouvertes pour avoir un peu d'air à défaut de fraîcheur, mais il va falloir s'y faire, nous n'aurons pas la clim partout dans notre périple…
Fanch : Barth est toujours sur le Checkpoint 008 qui devrait être terminé avant ce soir. Nous décidons par ailleurs d'effectuer la synchronisation du site avant notre départ de Denpasar, ce qui rajoute encore un peu de boulot mais en procédant de cette manière (un peu plus tôt que d'habitude) nous partirons l'esprit tranquille, la tête vide (ou presque) et disposée à recevoir de nouvelles informations. Il ne nous reste plus qu'à trouver un débit correcte pour mettre tout ça en ligne. Si avec ce changement de continent certaines choses du quotidien tendent à se simplifier, les bonnes connexions au cyber-réseau sont appelées à se raréfier. Enfin, nous verrons bien cela demain matin, nous partirons certainement de ce quartier plutôt populaire pour un coin d'avantage touristique, c'est ainsi que nous espérons trouver un bout de fibre optique pour uploader notre dernière vidéo sans rester bloquer 15 heures à attendre que tout soit sur le web.
Dehors c'est la tempête, le vent souffle sans retenue, plein ouest, un vent contraire à notre,trajectoire. C'est un des paramètres qui nous décide à retarder de 24 heures la reprise (et oui, encore) espérant ainsi de meilleurs conditions pour prendre la route. J'appréhende un peu nos premiers kilomètres dans cette univers inconnue, je n'arrive vraiment pas à me projeter, mais je n'en peu plus d'attendre… On fait juste un peu durer le suspense…
En attendant, et bien je fignole pas mal de petits détails, une autre lessive, encore un peu de tri et de rangement, j'essaie de me délester au maximum. Nettoyage des sacoche, intérieur/extérieur, réception des vêtements chez le couturier et imprégnation de la moustiquaire de ma tente d'un anti-moustique pour textile… Enfin, je prends le temps de bichonner un peu ma flûte traversière qui commence à tirer un peu la gueule, la pauvre, elle a besoin d'attention… (je suis d'ailleurs étonné qu'elle tienne le choc à ce point.
Jour 490 - Kuta
Samedi 1 février 2014 - 0 kms - Post n° 492
Fanch : Pomogane est devenu notre petit cocon. Nous y avons pris nos marques, connaissons à présent quelques bonnes adresses pour bien manger à prix dérisoire. A Pomogane, quartier Musulman, vous ne trouverez probablement pas d’activités fun ou intéressante pour profiter des vacance à fond, pas d'agence de voyage, pas de bistrot branché, pas de boutique de souvenirs ou autres enseignes de renommée mondial, mais des mécanos pour scooter, artisans chaudronniers ou ferrailleurs en tout genre. Étant certainement les seuls visages pâle du quartier, nous sommes observés moins comme des touristes que comme deux étrangers marginaux. Je ne m'en rends compte qu'à l'instant, alors que nous venons de débarquer à Kuta, un autre quartier plus à l'Ouest, en bordure de l’océan. Kuta est réputé pour son côté fun, ses plages, ses vagues, pour ses salons de massages et pour ses luxueux hôtels avec vue sur mer. C'est d'après ce que j'ai compris le rendez vous incontournable des australiens qui ont colonisés ce lieu comme les européen l'on fait à Ibiza. Un tourisme qui ne tient vraiment pas à se fondre dans le paysage. Après 5 jours relativement isolé, nous mettons les pieds dans un Dreamland foireux et c'est plutôt déroutant. Ouaip, c'est clair et on est bien d'accord avec Barth, nous préférons mille fois rester bosser une semaine dans un même quartier ou il ne se passe rien d'extraordinaire, à côtoyer des humains dont ce n'est pas le métier de sourire, que d'aller se dorer la pilule sur la terrasse d'un bar à cocktail ou le prix d'un café équivaut à trois copieux repas.
Bah alors, qu'est ce qu'on fait là? Ah oui, bonne très question… Nous espérons tout simplement trouver une connexion internet doté d'un débit suffisant afin d'uploader le dernier Checkpoint. Les infrastructures étant d'avantage développées pour satisfaire les touristes capricieux, que les besoins des locaux, nous sommes « forcés » de migrer dans ce lieu qui ne nous correspond pas vraiment. Et non mec, les sexy massage ne nous intéresse pas… Merde… Nous ne sommes pas venu non plus pour acheter une statuette amérindienne mais bel et bien pour trouver un cyber-café, c'est ce que tout les rabatteurs et vendeurs de babioles ont vraiment, vraiment du mal à capter… C'est toujours pareil, au début on essaye de discuter et d'expliquer posément notre situation, puis toujours on fini par devenir con…
Et tout ça pour rien, puisque ici comme ailleurs et ce même si la wifi existe, les connexions reste merdiques. Après plusieurs tentatives et une journée foutu en l'air, Barth renonce juste avant de péter les plombs, c'était limite limite mais il est suffisamment raisonnable le mec… Vas y Barth, vient on s'arrache, on a plus rien à faire ici.
Bon, je crois que le message est clair, l’Indonésie est en bout de ligne, c'est pas la fête cybernetiquement parlant. C'est un facteur supplémentaire que nous allons devoir prendre en compte… Et nous en discuterons longuement ce soir. Une fois de plus des changements s'annoncent.
Barth : Une fois le petit déjeuner avalé, nous prenons juste le temps de changer de chambre d’hôtel après avoir conclu avec le réceptionniste que la réparation du climatiseur prendrait beaucoup de temps, et nous attrapons un taxi en direction de Kuta, le quartier touristique et balnéaire situé au sud ouest de Denpasar. C'est un autre visage de Bali qui se dévoile, celui du tourisme de masse, majoritairement australien, avec toute la panoplie de boutiques souvenirs, de chaines de restauration internationales et d'attrape touristes plus ou moins pittoresques.. Bref, le paradis pour certains… Mais nous sommes ici pour trouver une connexion wifi susceptible de supporter la mise en ligne du dernier checkpoint.
Le premier café est un échec, 12 heures de chargement ça ne va pas être possible. On tente une deuxième chance dans un cyber repéré sur internet et dont la connexion satellite laisse un peu d'espoir mais pas de chance il vient de fermer l'an passé… Apparemment l'Indonésie et particulièrement Bali, se situe en bout de ligne avec des débits moyen-âgeux qui me rappelle la Mauritanie. C'est pas gagné… On finit par trouver une connexion wifi un peu plus prometteuse dans un cyber/restaurant, mais au bout de trois heures de chargement avec de nombreuses coupures, ajouté au refus du gérant de me laisser brancher l'ordinateur via un câble ethernet, je frise la crise de nerfs et déclare forfait. Je pensais que l'affaire serait réglée pour midi et que nous aurions l'après-midi pour souffler un peu avant le départ de demain, mais il est seize heures passées, et la fatigue et la chaleur n'arrangent rien. Nous rentrons dépités à l’hôtel où nous avons une longue discussion au sujet du fonctionnement de Geocyclab. L'idée de revoir intégralement les contraintes de notre atelier que nous avons évoqué dans le dernier Checkpoint s'avère être plus que jamais urgente. Il va y avoir du changement dans les semaines qui viennent, particulièrement sur la forme du carnet de bord… La réforme de Geocyclab est donc enclenchée !
Après le dîner, ayant décidé de rester un jour de plus (c'est la dernière fois, promis) pour trouver des hamacs et des moustiquaires et pour nous reposer un bon coup, nous passons un long moment au cyber du quartier pour repérer les magasins de hamacs, et ironie du sort, pour mettre en ligne le Checkpoint via une clé USB en à peine une heure et demie ! Reste à finir de synchroniser le site et à envoyer le dossier de demande de subvention à la SCAM que j'ai eu le temps de finaliser pendant notre fastidieuse connexion de l'après-midi. En attendant, au lit !
Jour 491 - Kerobokan, Denpasar
Dimanche 2 février 2014 - 0 kms - Post n° 493
Barth : Cette fois c'est la bonne, dernière journée à Denpasar pour finir de nous préparer avant d'enfin prendre la route indonésienne. Nous sommes dimanche et le premier magasin de hamacs que nous allons voir est fermé.. Une bonne heure de marche sous le cagnard pour chercher en vain le second magasin repéré la veille et nous tombons sur Iksan avec qui nous soufflons un coup à l'ombre d'une petite échoppe. Iksan est originaire de Jakarta mais vit à Bali depuis 20 ans. La quarantaine passée, marié et père de deux enfants, sa passion est la moto cross. nous sympathisons vite, et après avoir tenté de faire la synchronisation du site via la connexion partagée de son iPhone nous décidons de rejoindre le centre de Kuta pour y boire un verre plus confortablement tout en finissant cette fameuse synchronisation.Nous passons donc un très bon moment au Babar Café, à discuter, apprendre quelques rudiment de langage indonésien et autres bons plans en vue de notre route à venir.
Nous déclinons son invitation à passer chez lui pour avoir un peu de temps pour finir de nous préparer et dormir un peu. Après une visite rapide dans un supermarché dans l'espoir d'y trouver nos hamacs, nous abandonnons donc notre nouvel ami qui nous dit qu'il passera peut-être nous voir le soir à notre hôtel… La fin de journée est donc consacrée au rangement de nos sacoches et un peu de détente avant qu'un orage n'éclate avec la tombée de la nuit, compromettant la visite d'Iksan. Dîner et petit tour au cyber en pataugeant dans les ruisseaux qui ont envahi la rue et bonne nuit pour être en forme demain…
Fanch : Il est 7 heure ce matin, la cours d'école résonne et se métamorphose en véritable stade de foot. Aujourd'hui dimanche, les écoliers habituellement nus pieds ont chaussé les crampons et troqué bermudas et chemises blanches contre les maillots. Les crampons de plastiques glissent sur le terrain pavé, pas pratique du tout mais qu'importe, aujourd'hui c'est dimanche, c'est le jour du vrai match et les vrais footballeurs, eux, ont avec des chaussures à crampons…
Le jour des crampons :
Jour 492 - Sortie Ouest de Denpasar
Lundi 3 février 2014 - 50 kms - Post n° 494
Fanch : Nous voici sur les routes de Bali, à l'heure de pointe… Autrement dis, dans un bordel innommable. Les scooters et autres deux roues à moteur se compte par centaines, on se bouscule, se double, se redouble se klaxonne dessus… La chaleur est elle au rendez vous, bien plus que nous l'espérions d'ailleurs. Dans cette ambiance moite et pesante, le moindre effort nous fait suer, la poussière nous colle à la peau et les premiers coups de pédales nous donnent un aperçu un peu plus précis sur le type d'effort physique mais aussi mental qu'il va falloir fournir sur les routes d'Indonésie.
Nous parvenons tant bien que mal à nous extraire du flux dense et discontinue de la circulation de Denpasar et de son nuage de fumée. Rapidement, nous traversons nos premières rivières, miroirs juxtaposés piqués de milliers de brins de verdure, bien rangés les uns derrière les autres. La nature est luxuriante, presque étouffante en cette période de pluie. Les arbres exhibent fièrement de larges et lourdes feuilles, fougères et les lianes tombent sur les bas côtés d'une chaussée étroite et déformée, chaque passerelle de terre non entretenue est inondée par la Jungle. Le relief n'est pas encore trop rude et nous permet d'avancer à bonne allure.
Après une grosse une trentaine de bornes, considérant le manque de sommeil de mon compagnons, nous décidons de ne pas en faire d'avantage. Suivant les conseils d'une villageoise chez qui nous nous sommes arrêté pour la pause déjeuner, nous poussons tout de même 5 ou 6 bornes plus loin, vers le nord pour tenter notre chance au poste de police. Iksan, lui aussi nous l'avais dit, « si vous ne savez pas ou dormir, vous pouvez toujours vous replier chez les flics ». Mais pas de bol Arnold, bien que très sympathique, l'officier auquel nous faisons face refuse notre demande prétextant que nous avons suffisamment d'argent pour nous payer une nuit d'hôtel. Malgré nos explications, il refuse catégoriquement.
Alors, on trace encore 10 bornes pour enfin trouver refuge sous un toit de tuile, face à l'Océan. Nous y tendons nos hamacs et la moustiquaire qui lui est associé, deux accessoire récemment achetés et qui vont probablement s'avérer très utile. Tout est près pour regarder avec une légère appréhension l'orage de mer qui fonce droit sur nous… On va bien voir si notre abris de fortune est étanche…
Barth : Et c'est parti ! Neuf heures du matin, le soleil cogne déjà bien et la circulation est très dense en ce lundi matin. Nous mettons une petite heure à rejoindre la boutique de hamacs à quelques kilomètres à peine, en nous faufilant tant bien que mal dans les embouteillages de scooters. Une fois équipés de nos hamacs en toile de parachute et de nos moustiquaire, il nous reste à sortir de la ville sous le cagnard. Bien vite, les boutiques et fabriques laissent la place aux rizières et petite vallées à la végétation luxuriante et la route secondaire que nous empruntons est de plus en plus belle. Cependant la chaleur et les litres de transpiration que nous perdons nous obligent à stopper un peu après midi, pour une pause déjeuner bienvenue. Nous n'allons pas forcer pour ce jour de reprise, les premiers coups de soleil sont violents, il va nous falloir un peu de temps pour nous acclimater au vélo tropical.
Une femme à qui nous demandons s'il est possible de trouver une place pour dormir dans les environs nous conseille de pousser jusqu'à la prochaine ville pour soumettre notre requête au poste de police. Nous suivons ce conseil, mais le policier fort sympathique qui nous reçoit n'a pas mieux à nous proposer qu'un des hôtels les moins chers de la ville. Le bivouac en extérieur semble être une notion abstraite pour lui, nous n'insistons donc pas et poussons encore une dizaine de kilomètres jusqu'à la côte.
Après avoir traversé une série de petits villages paysans, nous voilà nez à nez avec l'océan indien. Le sable volcanique noir scintille de petits éclats de nacre quand il n'est pas recouvert par le limon des rizières qui s'écoule des cultures. L'ambiance est orageuse, la fatigue bien palpable après ces premiers cinquante kilomètres, un petit bain s'impose avant d'installer notre bivouac sous un petit préau abandonné. La tombée de la nuit et l'arrivée des moustiques nous sortent d'une sieste comateuse, juste le temps d'avaler quelques nouilles chinoises sous le regard d'une mange religieuse attirée par nos lampes… Première nuit en hamac, avec un orage qui se rapproche de plus en plus, je sens que ce n'est pas cette nuit que je vais me reposer…
Jour 493 - Yeh Sumbul, village de pécheurs
Mardi 4 février 2014 - 50 kms - Post n° 495
Barth : La nuit fut longue mais pas vraiment réparatrice. La chaleur du soleil fini par nous sortir du lit et comme nous n'avons rien à manger nous filons directement. Pas beaucoup de kilomètres ce matin, mais un itinéraire très pitoresque qui zigzague entre les rizières et les temples, avec des creux et des bosses vertigineux, et sur une route qui tient plus du chemin de randonnée parfois. Le plaisir des yeux n'égale pas celui des molets hélas, et après deux petites heures laborieuses, nous finissons par rejoindre la route principale. Il est midi, l'heure de se poser à l'ombre, d'essorer les t-shirts dégoulinants, de manger un peu, en attendant que les nuages du soir viennent voiler le soleil meurtrier qui interdit toute avancée.
Le petit restaurant où nous avons trouvé refuge est tenu par un vieil homme indhou, qui avec ses rudiments d'anglais comprend les grandes lignes de notre voyage et se fait un plaisir de raconter l'histoire à ses clients qui vont et viennent. Le ventre plein, nous reprennons la route en direction de la mer avec une petite pause pour avaler un mie ayam (soupe de poulet) juste avant de débarquer sur une immense plage prisée par les surfeurs et pour cause ! À droite se trouve un hotel plutôt chic que nous éliminons rapidement des possibles pour bivouaquer et nous filons à gauche jusqu'à un petit village de pêcheurs. Madi nous y reçoit avec un thé chaud, qui réconforte malgrés les trente-cinq degrès de l'air, et nous pouvons accrocher nos hamacs entre les arbres devant sa maison. Il nous promet qu'il n'y aura pas de pluie cette nuit malgré l'orage qui fait office de coucher de soleil au dessus de l'océan… S'il se trompe nous sommes autorisés à toquer à sa porte pendant la nuit pour nous réfugier au sec ! Nous discutons donc un bon moment, toujours avec difficulté étant donné son niveau d'anglais, mais assez pour nous faire comprendre sur l'essentiel. Et la fatigue de cette deuxième journée de route dans la fournaise nous attire bien vite dans les hamacs…
Fanch : Nous quittons notre plage de sable noir avec comme plan de route un dizaine de bornes hors des sentiers battus, avant rejoindre l'axe principal que nous suivrons jusqu'à l’embarcadère ouest de Bali. Mais pour l'instant, nous nous enfonçons un peu plus dans le Bali rural, sur les chemins secondaires, voir tertiaires, traversant des rivières aux rives abruptes, slalomant sur de petits sentiers au milieux des rizières. Les temples bouddhistes et hindouistes ponctuent notre chemin, parfois symboliques dressés de trois pierres volcanique sculptées, parfois plus imposant, certains doivent êtres plutôt récents mais à chaque fois ils sont d'une finesse incroyable. L'odeurs de l'encens se mêlent se mêle à celle de la jungle et parfois de la ferme. C'est assez fantastique mais ce décor à un prix, le relief associé à une chaleur déjà rude (à 10h) rendent notre évolution lente et périlleuse. La route est accidentée, les cotes sont trop raides et souvent, nous poussons péniblement nos bécanes sur un sol recouvert d'une pellicule de mousse autrement dit, glissant. On se vide littéralement de notre flotte et ce à une vitesse impressionnante du coup les pause sont régulières. 10 bornes en une heure et demi, même pas… Mais croyez moi, même si on en bave physiquement, le jeu en vaut largement la chandelle. Encore une fois nos vélo nous guident sur des sentiers ou personne ne nous attend au virage, loin loin des tourbillons de l'effrayante industrie touristique de Kuta.
Nous rejoignons finalement la grande route et gouttons à la folie du trafic sur nationale. Ça roule vite, camions, bus, bagnoles et scooter se doublent en permanence, « surtout rester bien à dr… Gauche!! » Après quelques frayeurs, et une petite cinquantaine de kilomètres, nous faisons halte pour la nuit dans un village de pécheurs, juste en face d'un spot de surf 5 étoiles. Madi nous accueil en bon musulman avec un verre de thé, alors qu'au loin, les chants du muezzin retentissent et s’évaporent jusqu'à l'horizon. En face de nous l'océan avec l'un des plus beaux swell que je n'ai jusqu'à présent rencontré… Le spot semble réputé et d'après Madi, avant hier c'était 6 mètres… Cool pour les surfeurs mais en attendant, le bonheur des uns ne fait pas celui des autres, on sort pas en mer avec de telle conditions, sur de telle embarcations et forcement, Madi lui s'impatiente… affaire à suivre
Jour 494 - Candi Kesumah, village de pêcheurs
Mercredi 5 février 2014 - 40 kms - Post n° 496
Fanch : Pas de pluie, l'orage a pourtant grondé fort en soirée mais pas de pluie. Madi notre ami pécheur l'avait prédit et moi j’hallucine. Enfin bref c'est répartit pour un tour. Nous restons sur l'axe principale et ne le quitterons pas d'ici Gullimanuk le point finale de notre excursion Balinaise. Notre avancée se fait à bon rythme et constatant un compteur satisfaisant, nous décidons de nous poser plus tôt que les deux autres jour, dans un village de pécheur au centre duquel, s'est installé une fête foraine.
Nous arrivons tôt et tout est encore fermé. Plusieurs chapiteaux de fortune aux armatures de bambou et recouverts de larges bâches d'un bleu délavé encerclent quelques manèges mécaniques, véritablement usés par le temps. Ils sont immobiles, mais avec un sourire en coin, je les entends déjà grincer. Seul quelques enfants en bas-âge qui trottent maladroitement sur le carré de pelouse prouve que le temps continue sa course. La scène est tout simplement surréaliste.
Rapidement, nous rencontrons Rizal et Bachir, deux forains qui nous y accueillent avec un café local (café turque). Ici, pas vraiment d'anglais, les conversations sont laborieuse mais en faisant preuve de bonne volontés, il est toujours possible de deviner quelques mots. Pas énormément certes mais franchement, je me marre bien avec ces deux gars. Invités par Rizal, nous ferons une sieste sous une de ses tentes, au milieu des peluches, pistolets à ventouses et autres babioles de fête foraine. Vraiment, la situation est improbable et ce n'est là qu'un début.
Nous dégageons au moment des festivités pour trouver refuge sous le toit de la place du village. C'est ici que nous devrions passer la nuit, abrités des habituelles pluies nocturnes. Le rituels des nouilles chinoises (que nous avons un peu délaissé pour la bouffe local mais qui reste pratique) attire la moitié du village, autant dire que notre canstove fait sensation et intrigue les cuisinières. Les enfants communiquent par leurs rires, les adultes par des questions qui bien souvent sont sans réponse. Nous mangeons donc devant un public de curieux. L'autre moitié du bled viendra assister à la pose des hamacs, au brossage de dents, traînant leurs claquettes autours des vélos, ils nous observent, tantôt intrigués, tantôt amusés. Il nous faudra nous glisser à l'intérieur de nos cocons respectif pour voir les derniers curieux s'en aller, c'est notre seul échappatoire.
Enfin, la police nous rendra une petite visite surprise ce qui évidemment provoquera l'attention de quelques villageois. Vous l'aurez compris, deux européens qui préfèrent dormir au milieux du village plutôt qu'à l'hôtel, c'est davantage intéressant qu'une fête foraine… J'imagine que ça n'arrive pas tout les jour…
Une prière du soir hors du commun, une mélodie qui apaise quand tout autour de nous, tout va très vite…
Barth : Après avoir fait nos adieux à Madi nous filons quelques kilomètres jusqu'à une station service où nous petit déjeunons sur le pouce. La chaleur arrive déjà mais la sur la route principale que nous empruntons, les kilomètres défilent assez vite. Nous rejoignons ainsi une ville un peu avant midi où nous trouvons un distributeur d'argent, une connexion internet qui nous permet tout juste de relever nos mails, et de quoi déjeuner. Dans l'idée de faire une pause au calme et au frais à l'heure la plus chaude de la journée, nous reprenons donc la route directement malgré le zénith. Quinze kilomètres plus loin, nous atterrissons dans une petite bourgade au bord de la mer où un bain fera décoller la sueur qui s'accumule depuis la veille.
À peine secs, nous sommes conviés par deux forains de Sumatra, Rizal et son ami Bakir, à partager un café dans la petite échoppe devant laquelle nous squattons. Ni l'un ni l'autre ne parle anglais mais malgré tout nous conversons, parfois sans nous comprendre. Les deux amis font le tour de l'Indonésie en tant que membres d'une fête foraine itinérante et il semble qu'ils aient vu du pays. Notre condition de voyageur leur parle donc assez pour nous proposer de venir nous réfugier quelques temps dans un des stands de la foire avant l'ouverture en fin de journée. Nous obtempérons et tentons une vague sieste au milieu de manèges paraissant sortis d'un autre siècle.
À l'heure de l'ouverture, nous prenons congé de Rizal pour aller installer notre bivouac sous un immense préau public qui doit servir de place du marché de temps en temps. Le réchaud à alcool et le montage des hamacs attire de nombreux spectateurs, dont la patronne d'un petit restaurant qui fait mine d'être vexée de ne pas nous avoir pour clients avant de revenir nous offrir quelques gâteaux. Je laisse Fanch aller jeter un œil à la fête foraine dont j'entends plus les groupes électrogènes que la musique, pour ma part il faut que je dorme.
Ces premiers jours en Indonésie sont épuisants physiquement. La chaleur, le bruit constant, les nuits un peu agitées par les orages et la pluie, tout ceci vient s'ajouter à une fatigue plus ancienne qui traîne depuis Mexico je crois, et j'ai pour le moment l'impression de ma laisser porter par les événements. Ceci explique le manque d'images de ces derniers jours, j'ai besoin de m'immerger sans le filtre de l'appareil photo, que je ne suis pas toujours à l'aise pour exhiber quand nous rencontrons des gens vivants avec si peu. Et il y a cette reforme du carnet de bord de Geocyclab qui me trotte dans la tête… Notre arrivée en Asie est un sacré déboussolement, nous avons du temps devant nous pour nous y adapter et j'entends bien ne plus céder à l'urgence parfois trop mécanique de nos captations.
Bref, tout ça pour dire que je m'en veux un peu de ne pas avoir sorti l'appareil photo un peu plus ces derniers jours, mais le déclencheur continu de me démanger ne vous inquiétez pas !
Prière du soir :
Jour 495 - Giri Indah, Banyuwangi, Java
Jeudi 6 février 2014 - 35 kms - Post n° 497
Barth : Mis à part une petite visite de la police en début de nuit, venue vérifier qui nous étions, la nuit fut calme. Notre ami Rizal nous accompagne pour un café avant une séance de prises de vues sur le terrain de la fête foraine. Et nous ne tardons pas à reprendre la route avec l'espoir d'éviter la grosse chaleur du midi avant notre arrivée à Gilimanuk, notre ultime étape à Bali. La route défile à toute allure, avec la surprise de croiser quelques singes sur le bas-côté, et nous arrivons fourbu et affamés aux portes de la ville. Le temps d'avaler un repas plus consistant que le petit déjeuner en regardant les images des inondations à Jakarta à la télévision, et nous nous retrouvons sans trop comprendre dans la file d'attente de l'embarcadère pour Java. Salut Bali, ce fut court et intense, mais nos visas ne nous permettent pas de traîner plus longtemps…
La traversée en bac est bien plus courte que le temps de manœuvre pour enfin mettre pied à terre sur l'autre rive, et il faut encore faire quelques kilomètres pour rejoindre Banyuwangi, la première ville sur notre route javanaise. Objectif, trouver un café avec une connexion wifi pour y étudier au calme notre futur itinéraire. L'affaire nous prends pas mal de temps et nous fait rencontrer un gars qui nous propose d'aller visiter un célèbre volcan le lendemain.. Why not ! Nous finissons par trouver un restaurant très bruyant mais disposant d'une connexion et décidons de réserver un petit hôtel pour la nuit. Parmi les nouvelles de la France, il y en a de pas trop bonnes de notre disque dur qu'Anaïs avait ramené et contenant toutes les données de notre périple. Le formatage du disque n'a pas l'air d'être reconnu, ce qui augure quelques complications si l'affaire ne se résout pas en France. La copie que nous avons avec nous est intacte, mais l'expédition de ce type de matériel depuis l'Indonésie me parait un peu hasardeuse.. Affaire à suivre…
La fin de journée se passe à l’hôtel, entre douche, lessive, écriture et connexion, avant une bonne nuit au calme inch'hallah..!
Fanch : Un café avec Rizal le forain. Rien à redire, nous ne parlons pas le même langage mais son regard laisse transparaître une profonde sensibilité. Ses large pupilles noir surlignés d'un étrange liseret bleu gris me fixe sans relâche, je n'arrive pas à l'assumer longtemps et gêné, je tourne bien souvent la tête. Ses yeux? Ils nous demandent de rester un peu, juste histoire de troubler encore quelques heures un quotidien monotone. Peut être que je me trompe, mais c'est là bien ce que je lis. Et c'est donc dur de partir mais nous essayons tant bien que mal de faire la part des choses, on reste une heure de plus, pour une séance photo en compagnie de Bachir, son compère au sourire édenté. Mais il faut quitter les manèges avant que le soleil ne soit brûlant… Il est 8h30, déjà. Adieu Rizal, adieu Bachir, vous le savez aussi bien que moi, nous ne nous reverrons certainement pas, ainsi va la vie…
Nous joignons rapidement Gillimanuk, petite ville à l'extrême Ouest de Bali ou nous faisons halte pour nous remplir la panse. Sans transition, nous chargeons nos montures à bord du bac, les adieux avec Bali sont furtif, notre embarcation n'attend pas. Au revoir Bali, salut Java. Nous nous arrêtons à Banyuwangi première ville que nous traversons à l'Est de Java afin d'y dessiner un plan de route. Nous devrions donc joindre Surabaya par le centre de l'île et slalomer entre quelques volcans. Ça promet d'être rude, entre jungle et relief accentué, pluie (diluvienne?) et grosses chaleurs…
Mais rien est encore arrêter et avant de figer l'itinéraire nous préférons prendre le temps de nous reposer et peut être même d'aller faire une petite excursion dans le cratère du volcan Ijen dont tout le monde nous parle depuis notre arrivée. Nous passerons la nuit ici dans un hôtel miteux certes, mais à ce prix là nous ne ferrons point les difficiles. Pas de douches mais l'eau courante est un luxe (on à pris le pli de se laver à l'eau de mer), une chambre à lit double pour 4 euros, c'est pas trop mal pour notre budget…
Jour 496 - Giri Indah, Banyuwangi, Java
Vendredi 7 février 2014 - 0 kms - Post n° 498
Fanch : Que se passe t-il quand on veut se couper la barbe à Banyuwangi? Ça paraît con comme question, mais c'est tout une histoire…
D'abord il faut rappeler que 24 heures après notre arrivée, une bonne partie du quartier nous a repéré. Nous sommes grillés! Mais ça facilite considérablement les choses quand il s'agit de rentrer en contact avec les locaux pour demander le chemin du barbier. Ici, et bien c'est mieux de parler l'indonésien, le javanais au pire mais comme ce n'est pas le cas, un langage de sourd s'improvise. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi je garde le reflex de parler anglais alors qu'avec le français j'obtiendrai exactement le même résultat. Enfin bref, d'après les gestes et les grimaces de cette sympathique veille dame, mon objectif se trouve un peu plus loin à gauche, tranquille Émile! Mais… Je suis un peu plus loin, et rien à gauche. Je redemande mon chemin… Ah? C'est tout droit? Bon, ok… Mais rien. La quatrième personne interrogé me fait monter à l'arrière de son scooter, mon intuition me dicte de lui faire confiance et 1 kilomètre plus loin, il tourne à gauche (j'était sûr que c'était à gauche!) fais encore quelques mètres et me dépose devant le barbier. Il me propose d'ailleurs de m'y attendre pour le retour, ce que je décline, car il a surement d'autres chose à faire… Bref j'y suis et ce fût relativement simple (bien plus simple que la recherche du câble d'Ipod de Barth qui nous a bloqué toute une après midi)
BZzzrrzzrz… (entendre le bruit de la tondeuse)… Ça, c'est fait, je m'occuperai des finitions moi même.
Enfin le retour est assez funky puisque, commerçants, tenancier de boui-boui, clients et toutes autre personnes m'ayant aperçu sur le trajet aller, applaudissent ou explosent de rire en me voyant rasé comme un poulet plumé. Peut être est-ce la performance du barbier qui les étonne mais franchement, j'en doute fort. C'est un peu gênant quand même…
C'est une anecdote mais elle révèle bien notre situation. Banyuwangi est une ville bien peu touristique, aux antipodes du cosmopolisme Californien. Avec ou sans vélo, il nous est tout simplement impossible de se faire discret, les regards se tournent systématiquement vers nous, la plupart du temps avec le sourire et c'est tant mieux. Les rencontres sont nombreuses, les situations cocasses, mais il est aussi difficile de trouver un peu de tranquillité, un tout petit peu de tranquillité pour se vider l'esprits et c'est parfois très fatiguant de répondre à tout le monde d'un « Hallo, Aba kabar » (salut, comment ça va)… D'autant plus que les conversations sont bien souvent les mêmes et qu'inlassablement nous répétons les mêmes phrases. Enfin bref, je sens que ce n'est pas fini, on s'adapter à notre environnement… Une fois de plus.
Barth : Journée plus ou moins off aujourd'hui, un peu de couture pour réparer quelques habits vieillissants, écriture, et une longue promenade en ville à la recherche de câbles électriques qui nous font défaut pour recharger notre matériel. Banyuwangi n'est pas une très belle ville et en ce vendredi plus ou moins férié pour les musulmans, avec un ciel chargé et une atmosphère orageuse, la balade est un peu épuisante…
Nous recroisons tout de même un homme rencontré la veille qui s'avère être prof d'anglais dans un centre de formation et qui nous tuyaute rapidement en vue d'une excursion au volcan Kawah Ijen, réputé pour abriter le lac le plus acide de la planète en son cratère et pour ses flammes bleues visibles la nuit. Le contact est pris, 20 euros pour se faire conduire là-bas en moto, nous allons y réfléchir. Nous allons donc rester encore quelques jours ici pour souffler un peu plus avant d'attaquer la route intérieur de Java. L'hôtel où nous logeons est très bas de gamme mais parfait pour notre portefeuille et le personnel est très sympa. Tout comme les différents marchands des alentours chez qui nous allons manger ou faire des emplettes. Comme toujours, notre arrivée en vélo n'est pas passée inaperçue et comme nous sommes les seuls touristes occidentaux du coin, impossible de sortir discrètement dans la rue.
Le dîner se passe au même endroit que la veille, un petit stand sur le trottoir tenu par un type d'une trentaine d'année et qui sert de repère à toute une bande d'adolescents à mobylette. Ambiance assurée et nourriture excellente, pas besoin d'aller chercher plus loin ! Et au lit tôt, sans cérémonie…
Jour 497 - Rue Mohammad Husni, Banyuwangi
Samedi 8 février 2014 - 0 kms - Post n° 499
Barth : Pas facile de véritablement poser une journée pour se reposer totalement sans rien à penser.. Après la promenade épuisante de la veille nous décidons donc de retenter cette chance aujourd'hui. La matinée est donc très calme. Juste quelques nouvelles de Piero en France qui nous confirme que les données du disque dur sont accessibles ! Ouf, plus de peur que de mal !! Le déjeuner se prolonge dans une longue discussion sur le planning des mois à venir.. Il y a de quoi cogiter entre les contraintes de visas qui se corsent un peu dans les pays asiatiques, le renouvellement de mon passeport qui ne va pas tarder à devenir une chose urgente, l'envie de prendre le temps de modifier le site internet en vue de la réforme du carnet de bord qui sera effective au jour 500 de notre périple, et tout ceci sur fond de grosses interrogations sur notre budget qui dépend pour le moment de la réponse de la subvention Declic'Jeunes à venir… Nous décidons donc de rester encore deux trois jours ici, au moins pour repartir avec la nouvelle formule du carnet de bord opérationnelle, et toujours pour récupérer de cette fatigue qui nous colle au basques depuis le jet-lag americano-indonésien.
Dans l'absence de nouvelle de notre contact en vue d'aller visiter le volcan demain, nous poussons ensuite jusqu'au centre de formation où nous l'avions rencontré la veille. Notre homme est là, en train de donner un cours d'anglais, et après lui avoir appris à rafraîchir sa boîte mail pour y découvrir notre message de la veille, nous convenons d'un rendez-vous pour le lendemain matin. Au moment de rentrer à l'hôtel, il nous demande notre aide pour servir de cobaye en répondant à quelques questions de ses élèves en anglais. Difficile de ne pas se prêter au jeu, nous répondons donc patiemment à quelques gamins qui nous demandent « Where are you from ? », « What is your favorite food ? » et autres questions du genre, en lisant d'un œil leurs notes de cours.. Un chouette échange mais nous n'avons pas le cœur de prolonger l’expérience trop longtemps cette fois ci.
Retour à l'hôtel, écriture, dérushage des dernières images, résolution du bug de formatage de la carte SD de l'appareil photo qui m'a donné quelques sueurs froides dans l'après-midi, avant d'aller dîner toujours au même endroit en évitant de peu un déluge tropicale. Demain il faut se lever tôt pour notre excursion au volcan Kawah Ijen, alors pas de folie…
Fanch : Aujourd'hui on ne fais rien d'autre qu'échanger nos point de vu sur l'itinéraire, mettre à jour le planning, faire un point sur les visas et le passeport de Barth qu'il va falloir refaire un jour, parler du projet de son contenu artistique et documentaire. La forme du carnet de bord est elle aussi remise une fois de plus en question et nous tentons de lui trouver une meilleure alternative, à la fois moins prenante et avec plus de sens, pour nous et pour les lecteurs. Mis à part cela, cette journée est consacrée à la réflexion… Celle de demain à la « conquête » du kawah Ijen…
Jour 498 - Kawah Ijen
Dimanche 9 février 2014 - 0 kms - Post n° 500
Fanch : Kawah Ijen, c'est le nom d'un des nombreux volcans en activités trônant sur les terres indonésiennes. Celui ci présente plusieurs particularités. Premièrement, avec un PH variant autour de 0.2, le lac qui gît au fond du cratère est semble-t-il le plus acide au monde (d'après wikipedia). Deuxièmement, les fumées et leurs composant chimique qui s'en dégagent produise, de nuit l'effet de « blue fire » que l'on ne peut observer qu'ici et en Alaska. Troisièmement, le cratère est exploité par une centaine de mineurs, véritable forçats, condamné par la vie à collecter les blocs de souffre qui s'y accumules…
Enfin voilà, une heure de scooter en pleine jungle puis une deuxième à gravir les pentes abruptes du Kawah Ijen pour enfin fouler périmètre extérieur du cratère. Nous sommes à un peu plus de 2500 mètres d'altitudes, la température a probablement chuté d'une bonne quinzaine de degrés, nous sommes au milieux d'un nuage, le ciel est bouché et tombe malheureusement dans le cratère. Nous n'y voyons rien à plus de dix mètres. Les premières odeurs de souffre se font alors sentir accompagnées de quelques toussotements d'adolescents, un peu trop fragiles mais suffisamment déterminée pour avoir grimpé jusqu'ici afin de se prendre en photo dans un mélange de brume et de gaz mal odorant. Quelques mètres plus loin, un panneaux indique « danger, visitors forbiden aera ». C'est ici que le sentier plonge vers le lac acide, le sentier que les mineurs emprunte avant de disparaître, paniers à vide pour réapparaître portant jusqu'à 70 kilos de caillasse jaune pastel sur leurs épaules transpirantes. L'un d'entre eux nous propose de le suivre, l'occasion est trop belle pour être déclinée. Nous enroulons soigneusement nos turbans respectifs pour qu'il fassent office de protections contre les gaz et franchissons l'interdit avec en prime une dose d’adrénaline non négligeable. Dès les premiers pas, l'ambiance change de ton. Les visiteurs sont restés en haut et petit à petit, nous nous engouffrons dans un monde silencieux. Le sentier à disparut, seuls de petits fragments de pierres jaunes tracent la direction à suivre sur ce terrain pentu et chaotique. Nous descendons toujours et traversons l'épais nuage de souffre une fois, puis deux, puis trois, plus nous descendons, plus nous nous approchons de la source d'ou s'échappent les gaz qui maintenant sont tellement dense qu'il nous agresse les yeux. Et toujours, ces hommes escalade lentement la parois chargés comme des mulets, un bout de tissus en bouche ce qui ne les empêche pas de tousser.
D'un coup, en s'engouffrant dans le cratère, le vent provoque un tourbillons et chasse instantanément l'épaisse brume qui nous empêchait de comprendre ou nous étions. L'instant est magique mais ne durera pas long. Je découvre un paysage surréaliste aux couleurs vives et surnaturelles. Le bleu azur et mate du lac provoque le jaune pastel du souffre déposé sur la roche. Du rouge aussi, orange, ocre, gris… Kawah Ijen signifie le Cratère vert en Javanais, mais curieusement, le vert manque à l'appel. Pas de vert non, excepté l'homme et sa folie légendaire, la vie ne s'aventure pas ici.
nous continuons jusqu'au lac, le ciel mais semble nous offrir une autre chance d'en prendre plein la vu. Barth s'éclate avec les images… Tu m'étonnes… Nous y sommes, sur les rives mortes du lac d'acide. Le sol est recouvert de granules de souffre qui contact des semelles produisent le même type de son qu'une neige fraîche que l'on écrase, que l'on tasse entre ses mains, les mêmes grincements mais en plus accentués… Silence, ça tourne.
Mère nature nous offre un spectacle splendide certes mais, un petit mot s'impose quant au sujet de ces mineurs de l'extrême… Et ouai, « de l'extrême » je crois que l'expression est juste. Nous attendons les courbature pour demain alors que nous n'avons marché qu'une seule fois ce qu'ils font trois fois par jour, 3 allés à vide, 3 retour chargés de deux paniers de minerais… Le tout sur un terrain d'altitude bourré d'obstacles et tout en respirant des gaz toxique (acide sulfuriques, acide chlorhydrique, dioxyde de souffre…) à longueur de journée et bien sûr, rare sont les hommes qui portent un masque pour s'en protéger. Chaque kilos de souffre rapporte 800 roupiahs (0,5 euros) à son porteur. Les plus fort et résistant gagnent environs dix euros par jours… En Indonésie, c'est probablement un bon salaire, mais les conditions de travail de ces ouvriers sont impitoyable. Preuve en est, l’espérance de vie de ces travailleur n'excède que rarement 40 années… À méditer…
Barth : Nos chauffeurs sont à l'heure, nous décollons donc à huit heures pétantes de l'hôtel pour une bonne heure de route qui grimpe sans arrêt vers le sommet du Kawah Ijen. Les scooters ont un peu de mal à avaler les pentes les plus raides mais nous arrivons à bon port sur le parking du site après avoir traversé différents paysages naturels dont une impressionnante forêt d'immenses fougères arboricoles. Les nuages et l'altitude ont un peu rafraîchit l'atmosphère, mais pas assez pour nous empêcher de suer un peu dans les trois kilomètres de grimpette à pied qui nous mènent vers le cratère. Sur le chemin nous croisons de nombreux porteurs, trimbalant au moyen de deux paniers de bambous une grosse cinquantaine de kilos de souffre vers la vallée. Je suis étonné de les voir si souriants et guillerets, mais nous comprendrons plus tard que cette partie de leur trajet n'est pas la plus désagréable…
La dernière étape avant le cratère est une cabane où chaque porteur vient peser sont chargement avant de le descendre vers lae parking. Tout ce manège se passe au beau milieu des touristes, locaux pour la plupart en ce dimanche, et le mélange des deux activité est pour le moins anachronique. Nous passons un peu de temps à discuter avec un lituanien aperçu à l'hôtel la veille qui nous raconte une histoire incroyable au sujet de sa copine qui se serait fait envoûter par une magie noire locale et qui vient d'être rapatriée en Europe dans un état de santé plutôt inquiétant. Je ne comprends pas tous les détails mais son récit est tout autant mystérieux qu'instructif sur cet aspect occulte de la culture locale que nous n'avions pas du tout remarqué pour le moment.
Encore quelques centaines de mètres à grimper pour atteindre le bord du cratère, fin officielle du circuit touristique. La végétation se fait de plus en plus rare et l'odeur de souffre commence à envahir l'air. Pas question d'en rester là, nous n'avons pas fait tout ce chemin pour regarder des nuages qui sentent le souffre. Un des mineurs nous fait signe de l'accompagner pour la descente dans le cratère, théoriquement interdite aux visiteurs. Foulards sur le nez et la bouche, dans une fumée dense qui nous empêche parfois de voir où nous posons les pieds, nous suivons donc notre homme dans une sorte d'escalier de rocaille qui nous conduit au fond du cratère. Parfois le vent balaye les fumées et fait apparaître un paysage totalement ahurissant, de pierres fumantes avec tout au fond le lac d'un bleu azur, réputé comme étant un des plus acides au monde. Et juste ensuite les fumées reviennent sur nous, nous empêchant de respirer quelques instants au point de piquer les yeux. Une fois au fond du cratère nous découvrons le chantier d'extraction. Des sortes de cheminées inversées fond descendre les vapeurs sulfurées vers une esplanade accessible, et à la bouche de chacune d'elle le souffre se solidifie dans une coulée orange et jaune surmontée d'un panache fumant qui remonte vers le sommet du cratère quand le vent ne vient pas nous le renvoyer en pleine figure. Quelques hommes travaillent là à découper à coups de barre à mine quelques blocs de souffre qu'ils embarquent ensuite à pied sur quatre kilomètres.. Nous restons le temps que notre guide remplisse ses deux paniers, enregistrant un maximum d'images de ce spectacle à la fois magnifique et inquiétant. Une centaine d'hommes travaillent ici quotidiennement, inhalant les vapeurs toxiques dans leur ascension avec soixante-dix kilos de caillasse sur le dos, ça ne fait pas vraiment rêver…
La pluie nous accompagne sur le chemin du retour, et après avoir payer notre guide nous redescendons jusqu'au parking, avalons un café avec nos chauffeurs et refaisons la route en sens inverse, du froid vers le chaud. De retour à l’hôtel nous filons déjeuner dans le seul restaurant que nous trouvons ouvert en plein après-midi, accueillis par un bijoutier et un marchand de fruit qui nous tiennent le crachoir en javanais dans une ambiance plutôt joyeuse. Sur le retour nous nous faisons inviter à boire un café chez Astolani, un homme que nous avons juste aperçu devant le pas de sa porte. Sa fille Dita nous aidera à converser car notre homme ne parle pas un mot d'anglais, mais la discussion est intéressante, au sujet du syncrétisme religieux en Indonésie entre autres choses. Mais la fatigue nous ramène vite à l’hôtel pour une bonne douche, un dérushage en règle de toute les images du jour et un peu de repos…
Jour 499 - Banyuwangi, Java
Lundi 10 février 2014 - 0 kms - Post n° 501
Barth : Lundi, journée boulot. Je passe pas mal de temps sur le site pour mettre au point un nouveau système de publication de notre carnet de bord. Désormais les articles ne seront plus quotidien pour nous enlever un peu de pression dans le rythme de l'atelier, mais comme nous voulons continuer à archiver nos objets du jour avec les informations leur correspondant, il fallait juste prendre le temps de séparer ces deux démarches. Rédaction du carnet de bord et collecte quotidienne sont désormais indépendantes l'une de l'autre.
Dans la foulée, je me penche aussi sur le chantier de la carte interactive que Jean-Baptiste (le frère de Fanch) a presque terminé. Il reste pas mal de choses à régler de notre côté pour pouvoir la finaliser et j'espère que nous pourrons enfin le faire à Jakarta le mois prochain..! Et puis il y a la synchronisation du site à préparer, quelques haïkus à monter, un disque dur à commander pour faire une sauvegarde de nos données en France, bref la journée passe très vite.
Seule petite pause, le déjeuner que nous prenons dans un nouveau restaurant (que nous n'avions pas testé encore) et qui en plus d'être succulent, est animé par une ribambelle de gamines qui nous causent deux trois mots d'anglais pour traduire les question de leur mère et grand-mère qui tiennent la boutique. Un chouette moment qui se termine comme souvent par une photo souvenir et l'envie de remettre ça le lendemain !
Fanch : Pas grand chose à dire pour aujourd'hui, disons que cette une journée est réservée à l'écriture dans un premier temps puis au deruchage audio dans un second temps. En soirée, je trouverais tout de même un moment pour faire autre chose que du traitement de données en m'employant à quelques recherche sur les musiques et cultures indonésiennes, juste histoire d'avoir sous mes yeux un éventail un peu plus détaillé de ce que ce pays peut potentiellement nous offrir d'un point de vue coutumes et traditions… Disons qu'en règle générale, la culture locale est un bon point de départ pour commencer à cogiter à une création quelconque…
Jour 500 - Banyuwangi, Java
Mardi 11 février 2014 - 0 kms - Post n° 502
Barth : Cinq-centième jour de notre odyssée aujourd'hui. Un chiffre rond qui invite à tourner une page, celle de la réforme de notre carnet de bord… Depuis quelques temps nous sentons qu'il faut changer certaines choses dans la recette de fonctionnement de notre atelier mobile.
Geocyclab a été élaboré suivant trois fondements, voyage, création et partage, qui nous guident dans la découverte de notre monde. Nous essayons au jour le jour et sous différentes formes de partager nos réflexions via le carnet de bord, Ex Situ et la galerie des Objets Libres, ce qui exige une concentration et un travail quotidien. Depuis notre départ beaucoup de choses ont été définies en cours de route, affinées ensuite, et le site internet de Geocyclab qui reste le centre névralgique du projet, a changé de forme en se complexifiant peu à peu.
La formule d'un article par jour a fonctionné tant bien que mal pendant presque un an et demi, malgré une grosse frayeur au Mexique avec la perte de notre ordinateur, et trop souvent au prix de journées entières perdues à tenter de trouver une connexion fonctionnelle. Les éditions vidéos se bousculent sur le banc de montage, les idées de création ne manquent pas mais la disponibilité nous fait toujours défaut. Ce voyage n'est pas un long fleuve tranquille, il y a parfois des tourbillons, des accalmies, des accélérations contre lesquelles il n'est pas possible de lutter, à moins de s'épuiser et de finir par se noyer. Geocyclab est décidément un projet expérimental dont les contraintes et les aléas ne nous semblent plus aujourd'hui en accord avec la rigidité du rythme de diffusion que nous nous sommes imposé.
De plus, le nouveau continent que nous abordons depuis quelques semaines nous demande encore plus de temps, d'énergie et de concentration pour nous adapter au climat tropical, communiquer avec les locaux qui ne parlent pas souvent anglais, et continuer de pédaler pour découvrir de nouvelles régions. Toute cette disponibilité nous oblige donc à lever le pied sur la régularité de nos publications, et nous aspirons aujourd'hui à plus de liberté tant dans la forme que dans le rythme de notre récit.
A partir d'aujourd'hui, les publications quotidiennes de notre journal de route vont donc cesser, remplacées par des articles plus espacés, mais sans doute aussi plus denses et variés. Nous poursuivons tout de même notre collecte quotidienne de petits objets et des informations qui leurs sont associées, mais nous ne les publierons plus… Fini donc les quêtes parfois angoissantes d'une connexion internet tous les dix jours. Nous prendrons le temps de rédiger, mettre en page et éditorialiser notre site quand une connexion se présentera, et quand ce sera le moment de faire une pause, de tourner une page entre deux régions, deux pays, deux ambiances… Désormais, notre récit va s'adapter à notre voyage et non l'inverse, ce qui paraît tout de même bien plus logique et naturel. Geocyclab est une école, autonome, ce qui nous oblige à prendre le temps de tirer des leçons de son enseignement. Voici donc venu le temps de repartir sur de nouvelles bases ! Geocyclab 2.0 brise sa coquille !!
Ceci étant dit, il nous reste à faire une dernière synchronisation « obligatoire » pour véritablement tourner cette page avant de reprendre la route à la découverte de Java. C'est donc le programme de la journée d'aujourd'hui…
Au réveil, nous filons donc directement jusqu'au restaurant où nous avions trouvé une connexion à notre arrivée à Banyuwangi avec dans l'idée d'y prendre le petit déjeuner tout en mettant à jour le site. Une petite heure de marche dans la ville qui est déjà bien animée pour nous casser les dents sur une grille fermée.. ça commence bien. Nous posons alors notre camp dans un minuscule petit restaurant juste à côté de celui que nous visions, en attendant que celui-ci ouvre. Le lieu est tenu par un couple de vieux particulièrement adorables qui nous servent un petit délicieux petit déjeuner avec jus d'orange et bananes en prime. Les piles de magazines spécialisés sur les cultures du monde musulman qui traînent sur les étagères confèrent au lieu une ambiance cultivée et sereine bien loin des bouis-bouis bruyants et populaires qui font notre quotidien. Nous restons là quelques heures, le temps de fignoler les derniers haïkus avec l'aide d'une cliente pour traduire un titre qui nous échappe en Indonésien.
Finalement le restaurant voisin ouvre ses portes, mais le FTP ne fonctionne pas ici non plus, damned ! Après avoir tenter en vain de mettre en ligne un haïku au prix d'une longue et inutile attente, il nous faut patienter encore un peu en regardant le déluge qui vient de s’abattre sur la ville… Le dernier espoir consiste à aller faire un tour à l'EJC, le centre de formation où nous avions rencontré nos contacts pour aller visiter Kawa Ijen, et qui pourront peut-être nous aider un peu. Pas de connexion sur place, mais Agus nous fait une lettre en indonésien pour demander au cyber voisin de nous autoriser à brancher directement notre PC pour tenter de faire enfin fonctionner le FTP. Nous cédons au désormais traditionnel rituel de questions-réponses en anglais avec quelques étudiants avant d'aller tenter notre chance au dit cyber… Là encore, pas moyen d'établir une connexion FTP avec le serveur…
Retour dépité à l'hôtel, où Fanch se couche avec une migraine tandis que je console vaguement ma frustration en mettant en ligne les derniers haïkus. Cette journée noire et pluvieuse vient souligner l'urgence de changer de formule, c'est tout ce qui me paraît positif en me couchant…
Jour 501 - Rue Mohammad Husni, Banyuwangi
Mercredi 12 février 2014 - 0 kms - Post n° 503
Fanch : Nous venons tout les soirs à ce petit boui-boui installé en bordure de la rue Mohammad Husni Thamrin. Et tous les soirs nous y mangeons notre nasi goreng, assis en tailleur sur un tapis, entourés d'une horde de mômes, toujours les mêmes. Il se réunissent ici chaque fois que le soleil disparaît, comme pour fêter la fin d'une journée d'école, ou la fin d'une journée tout court. Pour faire comme les grands, ils laissent refroidir leurs cafés blancs qu'ils posent sur le sol, sans exception ils crapotent leurs clopes, recrachant dans l'air un nuage de fumée aux odeurs de girofle. Ils blaguent, braillent, sifflent gentillement une fille qui passe en scooter, trop vite pour entendre quoi que ce soit. Sans succès, d'ailleurs leurs appels ne fonctionnent jamais mais ça les fait marrer, et finalement, je ris aussi.
Depuis six jours que nous nous asseyons là, la chaîne hi-fi laissée à leur disposition par le cuistot déconne, ce sont les basses semble-t-il. Alors chacun tente sa chance, espérant régler le problème que les autres n'auront pas résolu et devenir le héros de la soirée. Ça grésille, puis bon, c'est pas si mal, pas mieux, pas pire, comme hier et ça fera l'affaire pour ce soir. En venant ici faire les cons, à parler de scooter et de meufs, ils se sentent libres et me font croire en leur insouciance… Je les aime bien ces couillons.
L'heure du nasi goreng :
Jour 508 - Kedung Doro, Surabaya
Mercredi 19 février 2014 - 0 kms - Post n° 504
Fanch :
Jeudi 13 février 2014 - Java. Nous décidons frileusement de prendre la route du nord, celle érigée par les hollandais lors de leur colonisation et qui devrait nous éviter le relief accidenté du centre. Elle relie par la côte Banyuwangi (extrême Est) à Jakarta (extrême Ouest) qui sera probablement le point final de notre épopée indonésienne. Plein nord donc, puis passés le Parc National de Taman, nous tournerons à 90 degrés pour prendre la direction du soleil couchant. L'itinéraire est tracé, la théorie est posée, nous verrons bien ce donnera la pratique…
Le premier obstacle se présente un peu trop tôt, à peine 15 kilomètres au compteur et le ciel s'assombrit dangereusement. Les nuages s’amassent au dessus de nos têtes, ce coup ci ça promet d'être violent… Le vent se lève, les premières gouttes s'éclatent bruyamment sur le sol, tik tik tik, l'air se rafraîchit brusquement… « Ok, jouez pas aux cons les gars, trouvez vite un abris ».
La voilà l'averse que nous redoutions, la voilà! Une forte pluie s'abat frénétiquement sur la côte et fait vrombir la taule du toit sous lequel nous nous sommes réfugiés. Le toit d'une terrasse de resto avec vue sur la mer qui sépare Bali de Java. Le paysage est plutôt séduisant, le son puissant… Silence ça tourne. Mais le déluge ne cesse pas, la nuit tombe et nous nous résignons à ne plus voir le soleil aujourd'hui et l'inévitable question se pose. Bah ouai, il faut dormir… Les tarifs de l'hôtel d'à côté sont au dessus de nos moyens Je discute avec Firman, un des réceptionnistes, il nous propose la chambre d'un employé ayant pris congé… Et hop, l'affaire est réglée. C'est pas le luxe mais c'est gratuit.
Vendredi 14 février 2014 - Nous traversons le parc national de Taman, laissant sur notre droite un volcan habillé d'une forêt tropicale, peuplé d'étranges mammifères aux expressions humaines. Les singes. Ils sont la plupart du temps surpris et ont tendance à paniquer à nous voir ainsi débarquer silencieusement. Je ne suis à vrai dire pas très à l'aise et l'une de mes expériences passées m'a apprise à me méfier de ces mignonnes petites bestioles. Alors que certaines d'entre elles dégagent sans broncher d'autres paniquent et ne sachant pas comment réagir, restent nous observer sur le bas côté, près à nous sauter à la gorge… Ou pas, enfin, quoi qu'il en soit, mieux vaut il rester méfiant…
Nous venons d'avaler 70 bornes, il doit être environ 16 heures, mes douleurs au genoux gauche reprennent. On s’écarte de la route pour trouver un coin bivouac, au calme si possible. Cependant, nous savons qu'à Java, la tranquillité est une chose précieuse, un trésor qu'il faut sans nuls doutes aller quêter au cœur la jungle. En deux mots, il y a du monde partout, tout le temps… Toujours est il que notre chemin nous mène au coeur d'un village… De pécheurs pour changer. Et c'est bien évidemment un culs de sac… Nous sommes pris au piège! Rapidement, une vingtaine de curieux s’amassent autours des bécanes. Sachant que les questions sont toujours les mêmes, notre vocabulaire s'est quelques peut enrichit et nous permet à présent d'expliquer brièvement l'objet de notre intrusion… C'est très simple, on cherche un lieu pour dormir. Bon, pour le coup nous ne demandons rien, nous sommes accueillis d'office et comme des princes dans la maison familiale de Mister Mahmoud. Un accueil royal qui me replonge au Maroc, là ou l'étranger est un ami, là où le voyageur est un frère. Les honneurs se succèdent et nous rirons avec une bonne partie du village. Et paf, je refais le plein de sourires, de regards sincères et de chaleur humaine…
Ces moments partagés nous apprennent aussi que la notion d'intimité est toute relative. Posé en extérieur, la salle de bain rudimentaire est un constituée d'un muret d'un mètre vingt de hauteur, donnant directement sur la rue. On se lave donc en saluant les passants… Les parties intimes restent à l'abris des regards mais c'est malgré tout une expérience à vivre. La sieste est commentée en direct par quelques villageois ayant loupé notre arrivée quant au repas du soir se déroule avec la famille et les voisin et ce même si nous sommes les seuls à dîner! Enfin, quand vient l'heure de se coucher sur la payasse à l'entrée de la maison… Il reste encore pas mal de monde à roder autour des étrangers. Le plus étonnant pour moi, c'est de me savoir observé alors que je tente de trouver le sommeil. Ça cause de nous, tout autour de nous, à voix haute comme si nous n'étions pas là. C'est une sensation délicate à décrire, à là fois dérangeante et apaisante. Le bruit ambiant, les discutions et le poid des regards m'empêchent de dormir mais je sais aussi que nous sommes entre de bonnes mains, que tout ces yeux qui nous fixent sont emplis de bienveillance et d'amour…
Samedi 15 février 2014 - On reprend la route après un nuit agitée. Barth a sa tête des jours difficile. Autant dire que quand c'est difficile pour lui, ça l'est pour moi aussi. Mais avec 50 bornes avalées aujourd'hui, le bilan est positif.
Nous sommes toujours sur la route tracée par les hollandais, l'axe qui relie l'Ouest à l'Est de l'île. De temps à autre, les vestiges d'un chemin de fer datant probablement de l'époque coloniale refont surface sur les bas-côtés poussiéreux. La circulation est dense et continue, les pétrolettes se comptent par milliers, les camions et bus par centaines, enfin les voitures par dizaines. Au premiers abords, on a envie de dire que les indonésiens sont des fous du volants mais après mûr réflexion je dirais qu'ils ne conduisent pas si mal, c'est juste (vraiment) plus impressionnant. Il suffit tout simplement de se convaincre que… Ça va passer! À nous maintenant de nous adapter, de comprendre comment ça fonctionne, d'oublier un peu nos principes de conduite, d'oser et de réussir à s'imposer. Et même si c'est parfois effrayant, c'est aussi grisant de se faire accepter en tant que cyclistes dans un tel trafic.
Nous dégotons un bivouac dans l'enceinte du commissariat de police de Sidubondo et tendons les hamacs entre les poteaux du parvis de la mosquée, à quelques mètres de la route, en face de la fête foraine. Encore du bruit, beaucoup de bruit. Le silence est décidément une denrée rare en Indonésie.
Dormir chez les flics est une chose qui va probablement devenir coutume. C'est gratuit, le matos est en sécurité, on peut s'y laver, faire une petite lessive et on à vu bien pire au niveau confort. C'est aussi l'occasion de rencontrer quelques mômes du quartier, qui viennent en bande. Après une journée de route, ce n'est pas toujours évident d'être disponible pour répondre à leurs curiosité, mais comme à chaque fois le jeu en vaut la peine. Disons que les mômes ont une capacité à surprendre les grande personne et bien souvent quelques secrets à révéler.
Ce soir, nous partagerons l'espace avec un quintet de jeunes indonésiens partit à la conquête des principaux volcans de Java. Une rencontre qui me rappel celle d'Anass Yakin au Maroc car dans un contexte ou la famille et le travail sont des valeurs sacrées, il est toujours intéressante de discuter avec des adeptes d'un certain non-conformisme… Eux ne se déplacent qu'en stop, marche et grimpent pour le plaisir des yeux, pour le plaisir de se sentir libre. Chez nous, on appel ça « vacances ». Mais dans cette société ou il n'y a pas vraiment de place pour les loisirs, se prendre trois mois juste pour soi reste une demarche incompréhensible, peut être même un acte d'égoïsme. À méditer…
Dimanche 16 février 2014 - Les mômes d'hier sont à l'école. Nous laissons nos amis traveller’s au post de police et reprenons la route. Une route bien entendue surpeuplée. Les villes est villages se succèdent sans réelles interruptions. Usines, garages, restos ouvrier et boui-boui de routier ponctuent notre chemin. Et toujours, quelqu'un se tient prêt à lever la main pour nous saluer ou à nous balancer un sourire étonné. Depuis que nous sommes en route, pas un arrêt ne s'est fait sans une petite causette avec un ou plusieurs mecs du coin, surpris de nous voir débarquer ainsi. Le discours tourne en boucle mais nous récoltons tant de sourires que le côté chiant de cette ritournelle disparaît. J'imagine que pour beaucoup de ces furtives rencontres nous ne sommes que des clowns, des fous, des touristes, je n'en sais rien et finalement peu importe.
Malgré le vent de face et ma douleur au genoux gauche nous avançons à bon rythme (60 km).
Java est à majorité musulmane. Si nos expériences passées en terres islamiques furent inoubliables, j'appréhendais quelques peu l'omniprésence d'Allah et le retour de Mahomet dans les conversations. Mais il n'en est point. Certes le chant du minaret retentit 5 fois par jour mais le peuple de Java est doté d'une tolérance exemplaire en matière de religion. Tolérance, respect et amour, des paroles que nous avons déjà entendu à plusieurs reprises. Et franchement, quand je me renseigne sur l'évolution générale des mœurs dans mon pays natal (qui se proclame développé), je me dis qu'il est gravement malade. Bien sûr, tout n'est pas rose ici, mais la plupart de nos rencontres semblent chercher la paix du cœur et de l'esprit, une démarche que je salue spirituellement.
Je suis aussi surpris de constater que les femmes ne sont pas systématiquement voilée, ou juste de temps en temps. Nos relations avec elles sont bien différente qu'en Afrique du nord. Elles nous abordent dans la rue sans gêne et très naturellement. Peut être sont elles généralement moins contraintes à respecter les codes de conduite imposés aux femmes par un islam radical.
Ce soir, on change de technique et nous posons le camps dans une caserne militaire. On commence à piger le principe. Pour qu'ils s'intéressent à ce que nous faisons et avoir ainsi la possibilités de « squatter », quelques mot clé sont à retenir. Dari perences (nous sommes français). Feliling dunia sepeda gayung (tour du monde en vélo). Tiga tahun (trois ans). Sayamau tidur gratis (on aimerai dormir gratuit)… Tzikit-Tzikit rouphias (comprendre: on n'a beaucoup d'argent). Bagous! (c'est bon!)… Hop hop, un petit coup de fil au commandant et il s'en suit plein de nouveaux potes en uniforme! Easy guys!
Lundi 17 février 2014 - Je me réveille à l'heure où les militaires du dortoir d'à côté commencent à s'agiter, il est 5H30… Le temps d'emballer nos affaires et de dire « dada » (au revoir) à tout le monde, il est 7 heures et nous reprenons notre chemin. Il va nous mener plus loin que prévu, 90 bornes plus loin, dans un poste de police à l'entrée de Surabaya.
En approchant de la ville, la circulation déjà dense s'intensifie, les voix se multiplient, la chaussée s'élargie progressivement, nous évoluons dans un nuage de fumée et de poussière grasse. Les 40 dernières bornes sont mentalement difficile à gérer, je reste concentré tout en essayant de faire abstraction de ce véritable torrent mécanique. Regarder droit devant, suivre d'un œil le GPS, serrer à gauche, serrer les dents.
Nous y voilà, Barth tend son hamac sous le toit du garage, je plante ma tente à côté d'un bureau, nous faisons malgré nous l'attraction au poste de police. On s'habitue. Demain nous nous rapprocherons du centre de Surabaya ou nous devrions passer au bureau d'immigration car nous avons quelques questions concernant la prolongation de nos visas. Puis nous aimerions louer une petite chambre pour deux nuits. Une courte pose qui sera réservé au boulot. À savoir que l'hôtel est pour l'instant l'unique solution pour se retrouver un peu seul, au calme afin de pouvoirs se concentrer sur les tâches à exécuter.
Pour résumer, nous prévoyons de changer notre itinéraire en passant par le centre de l'île et filer entre les volcans jusqu'à Yogiakarta (centre sud) afin d'aller frapper à la porte d'un fablab qui semble plutôt actif. Un makerspace nous attend à Jakarta aux alentours du dix Mars, il ne va donc pas falloir traîner. Nous devrions par ailleurs poser les vélos une quinzaine de jours dans la capitale indonésienne. D'une part pour bosser sur les montages vidéo en retard, sur le site internet (carte interactive en devenir) mais aussi pour faire une intervention dans une école française et un portrait du makerspace… De son côté, Barth doit régler une histoire de passeport et une histoire de carie, en se qui me concerne j'aimerais (pourquoi pas) bosser sur une installation à base de solénoïdes. Le programme s'annonce donc… Chargé
Affaire à suivre!
Barth : Une semaine s'est écoulée depuis la mise en place de la nouvelle formule de notre carnet de bord, et c'est donc la première fois que la question de la forme de notre récit se pose aussi librement. J'avoue que je n'ai pas le courage de raconter la chronologie de cette semaine de route, d'autant que Fanch s'en est déjà chargé.
Ceci étant dit, je ne peux que confirmer l'incroyable et systématique gentillesse des gens que nous rencontrons qui rend la vie quotidienne très simple, effaçant presque la fatigue due aux efforts qu'il faut faire pour communiquer. Les choses quotidiennes sont tellement plus simples qu'en Californie où nous étions auparavant. On trouve à manger partout, tout le temps et pour un prix souvent dérisoire. Pour se loger il suffit d'arriver quelque part et on nous propose directement un accès à de l'eau pour nous laver (ce qui n'est pas un luxe après avoir sué quelques dizaines de litres dans la journée) avant de nous offrir à manger et un lieu pour dormir ! Peut-être que c'est ça qu'on appelle la civilisation…
Notre immersion dans la culture javanaise est donc bien entamée et j'ai la double sensation de retrouver le Maroc à travers la présence incontournable de l'islam, et la nonchalance tropicale du sud du Mexique. C'est sans doute une bonne transition pour aborder le continent asiatique qui nous attend.
La route que nous avons suivie pour le moment était un peu trop fréquentée et industrialisée à mon goût, et je n'arrive toujours pas vraiment à récupérer la fatigue que je traîne depuis quelques mois tant le bruit est incessant ici. Mais j'ai retrouvé le goût de sortir l'appareil photo sans complexe, totalement désinhibé par le nombre de personnes qui nous filment ou nous photographient avec leurs smartphones en nous doublant en scooter. Le rapport à l'image est vraiment très simple et automatique ici et j'ai hâte de reprendre la route avec cet objectif en tête !
Pour le moment, j'ai la tête encore trop pleine de questions techniques liées aux coulisses des changements qui sont en cours notre site pour me sentir totalement disponible à la production d'un récit plus fourni. Il y a cette obsession de trouver une solution pour accéder au serveur en FTP librement, malgré les restrictions de certains pays, afin de publier enfin des nouvelles. Là dessus, je compte sur l'aide de notre ami Tristan en France pour ne pas nous retrouver une nouvelle fois le bec dans l'eau dans les mois qui viennent. Et nous avons aussi décidé de supprimer la version anglaise du site qui pose de plus en plus de problèmes techniques à cause d'une incompatibilité avec un des plugins principaux du site, au point de devenir source d'angoisse bien trop souvent. Cette décision devrait alléger de beaucoup le temps que je passe à éditer le site et surtout devrait enfin nous permettre de finaliser la carte interactive que JB, le frère de Fanch, a presque fini de nous bricoler. Tout ceci devrait être fait au plus tard à Jakarta, tournant définitivement une page dans la gestion de notre atelier, pour mon plus grand soulagement !
Mais pour l'heure, la route nous attend, avec de nouvelles rencontres certainement incroyables, sans doute un peu de pluie au rendez-vous, et quelques visites prévues dans des fab-labs indonésiens. Pleins de choses que nous vous raconterons donc dans un prochain article très bientôt !
La caserne :
Jour 512 - Entrée de Yogyakarta
Dimanche 23 février 2014 - 130 kms - Post n° 505
Barth : Nous n'aurons pas vu grand chose de Surabaya durant les deux jours studieux que nous y avons passé. Cette immense ville ne nous a pas semblé très attrayante et c'est donc sans regret que nous avons pris la route en direction de Yogyakarta, ville bien plus étudiante et où nous étions attendu pour visiter un fab-lab local. Nous avons donc avalé les 350 kilomètres qui nous séparaient de Yogyakarta, au sud de Java, en quatre jours tout rond.
La route intérieure que nous avons suivie s'est avérée plus plate que prévu et mis à part quelques averses et un gros orage le samedi qui nous ont forcé à stopper notre avancée, le pédalage fut vraiment efficace. Et c'était mieux ainsi, car en prenant au plus court nous avons suivi un axe très fréquenté qui ne donne pas envie de flâner en route… Les nombreux camions ne furent pas les principaux dangers sur notre parcours, le pire étant les bus et cars qui forcent systématiquement le passage à grands coups de klaxon et à une vitesse pas franchement raisonnable. Le seul accident que nous avons d'ailleurs vu était un car qui avait sans doute percuté un camion en sens inverse qui n'aura pas eu le temps de se rabattre… Mais nous sommes toujours vivants !
Le paysage alternait entre rizières pleines de travailleurs dès l'aube, et longues traversées de zones urbaines ou industrielles pas franchement sexy. Java ne semble pas connaître la crise, tout le monde travaille, les chantiers jalonnent notre parcours et les commerces s'accumulent le long des routes, souvent installés depuis peu. Toute cette activité génère un bruit incessant auquel il faut s'habituer peu à peu, et la profusion des gazs d'échappements dans une atmosphère le plus souvent saturée en humidité donnent raison à tous ceux qui portent un masque respiratoire toute la journée. De notre côté, nous restons fidèles à nos cheichs marocains qui en plus de nous protéger du soleil et de la pollution atmosphérique, renforcent notre identité d'extra-terrestres avec nos vélos couchés. Nous ne passons vraiment pas inaperçus et je ne compte plus le nombre de photos dont nous sommes le sujet, à chaque pause comme en plein pédalage…!
Pour l'hébergement, nous nous sommes abonnés au « Mandi-Makan-Tidur » (douche-repas-dodo) gratuit qui nous est réservé dans n'importe quel poste de police. A chaque fois c'est la même cérémonie, nous sommes accueillis sans trop de questions après avoir expliqué les raisons de notre présence ici, et généralement on nous montre directement la salle d'eau pour nous laver (peut-être que notre odeur gène vraiment après une journée sous le cagnard humide mais je préfère mettre ça sur le compte de la culture islamique où se laver est une fondamentale de l'hospitalité..) Ensuite, après avoir expliqué plus en détails notre parcours, autant de fois que de nouveaux policiers arrivent au poste, il nous est souvent impossible de payer notre dîner, nous nous laissons donc inviter. Vient le moment de dormir, souvent dans un bureau ou une salle de réunion inoccupée. Pas toujours évident avec le son de la télé à fond à côté ou les éclats de rires entre collègues, quand ce n'est pas le commissaire qui vient d'arriver et veut absolument avoir lui aussi le droit à son brin de causette. Mais au final de chouettes souvenirs et les photos qui vont avec !
Pas beaucoup de création donc, au profit des kilomètres, si ce n'est une tentative d'enregistrement du son incroyable d'un marécage boisé juste après l'orage, mais trop près de la route hélas… Notre dernier jour de route fut marqué par la rencontre de deux cyclistes de Yogyakarta, Radit et Revo, aperçus en sens inverse quelques heures avant alors qu'ils accompagnait une cyclo voyageuse espagnole, et qui nous motivèrent à pousser le compteur jusque 130 kms pour arriver plus tôt que prévu à Yogya. Première rencontre un peu riche après ces quatre jours chez les flics locaux, nos deux amis parlent parfaitement anglais et nous racontent qu'ils sont membres d'une communauté de cyclistes à Yogya. Voilà qui sent bon et qui nous rappelle d'un coup les rodadas mexicaines!!
Fanch :
Jeudi 20 Février 2014 - Le jour où nous avions tracé, ou plutôt imaginé, notre itinéraire javanais, nous pensions alors longer la côte nord de l'île pour déguster durant 3 semaines environ les 1000 bornes qui séparent Banyuwangi de Jakarta. Aujourd'hui, après avoir constaté que notre rythme de croisière nous fait avancer à vive allure mais aussi parce que nous avons repéré un Fablab à Yogyakarta, nous décidons de changer le plan initial et de faire un détour. « Quoi, un détour ! » Et oui, un détour. Si ma mémoire est bonne, ce petit changement de programme est le premier du genre depuis le début du voyage. Nous sommes par manque de temps d'avantage habitués à emprunter les raccourcis. Voyons cela comme un signe positif! Peut être que je m'avance un peu mais je sens que Geocyclab reprend enfin du poil de la bête, enfin… N'oublions pas de (re)dire que le quotidien est bien plus simple maintenant que nous sommes ici.
L'Indonésie me rappelle d'ailleurs l'Afrique du nord, le Maroc particulièrement, c'est juste un peu plus humide que le Sahara occidental… Plus sérieusement, le niveau de vie est largement abordable pour notre budget et quand nous sommes sur la route, nous vivons pour moins de 5 euros par jour et par personne. Nous nous enfonçons dans une culture ou l'hospitalité (et les sourires qui vont avec) semble naturelle, une culture où les concepts de famille et de solidarité sont encore très présents, où l'humain se préserve de l'individualisme et de l'homogénéité que l'occident tente d'imposer aux quatre coins de la planète (espérons que ça dure encore un tout petit peu). Je n'en doute pas, mon regard est marqué, voir dénaturé par un récent séjour en Californie et par les immenses marchés de babioles « made in china » de Mexico, mais en matière de folie consommatrice, je ne suis pas particulièrement choqué, elle est certes présente mais se fait relativement discrète. Je dis bien « relativement discrète », ne pensez tout de même pas que les multinationales reste sur leurs retranchements, elles sont bien implantées et attaquent à coup d'Iphone et de Toyota of course, faut pas déconner, on est pas non plus au moyen âge! De son côté, le marché du téléphone portable semble se porter à merveille si l'on en croit le nombre de mômes qui jouent des pouces sur leurs smartphones derniers cris. Enfin, comme d'habitude le partage des richesses suit le modèle du capitalisme cannibale, les classes rurales et ouvrières (que nous côtoyons majoritairement quand nous sommes sur la route) se font bouffer les premières sans trop savoir comment réagir.
Nous sortons de Surabaya plus facilement que nous y sommes entrés. Le GPS est un allié de taille quand il s'agit de circuler dans une ville comme celle ci (deuxième ville de Java, Jakarta étant la ville la plus peuplée), il nous permet de choisir les axes secondaires et tertiaires et d'éviter l'heure de pointe sur les routes principales… Un GPS dans ce genre de voyage? Certain vous dirons que c'est gadget, ils n'ont peut être pas complètement tort mais je n'ose pas imaginer la galère pour trouver son chemin dans ce labyrinthe saturé de poussière et de monoxyde de carbone, bruyante comme une bombe qui explose indéfiniment. Le GPS ne nous sert vraiment que pour nous orienter, que dans les grandes agglomérations.
Où en étais-je… Nous nous enfonçons doucement dans les terres en suivant la rivière Brantas. C'est une voie « alternative » (un mot qui nous plaît bien) comme ils disent par ici, probablement plus longue mais moins fréquentée. À l'heure où les premières gouttes tombent du ciel, nous sommes au bureau de police de Jombang, le bilan est positif, 80 bornes viennent d'êtres avalées.
Inutile de préciser que si nous avons adopté ce type de bivouac, c'est que les flics indonésiens sont bien plus décontractés que leurs homologues européens. J'essaie deux secondes d'imaginer un indonésien toquer à la porte d'un commissariat dans une bourgade française pour demander avec son plus large sourire « j'ai un peu d'argent mais pas beaucoup, je peux dormir chez vous ? » Puis de voir l'un des flics de garde partir chercher un kebab-frite pour le lui offrir… Mouais, sait-on jamais… Ils sont quatre ce soir à tenir la boutique. La chaîne hi-fi crache du décibel, soirée techno-pop indonésienne, le poste télé est lui aussi sous tension, juste pour que la lumière des images teinte les murs de l'accueil d'une ambiance spasmodique. C'est la teuf à l'accueil du petit poste de police de Jombang. Quand à nous? Nous sommes malheureusement trop crevés pour participer aux festivités… Plus j'y pense plus je trouve l'idée d'investir dans une paire de boules quiés intéressante, moi qui pensais avoir un seuil élevé de tolérance aux nuisances sonores, je ne suis pas au bout de mes surprises.
Vendredi 21 Février 2014 - Alors que mon genou gauche se porte mieux, c'est le droit qui prend le relais. Il est midi quand je déclare forfait, besoin d'une pause. Le temps de reprendre quelques force et la pluie se mêle au jeu. Nous tentons une échappée entre deux averses, le temps d'apercevoir le sommet du mont Kelud, volcan qui la semaine dernière avait recouvert de ses cendres la moitié de Java. L'histoire est terminée et plus personne n'en parle. Par chez nous le dicton dit « l'eau a coulé sous les ponts » ici, je pense qu'il serait plus approprié de dire « la pluie est tombée depuis ». Et pour le coup le tapis de cendre s'est métamorphosé en boue grisâtre qui ne stagne plus que sur les bas côtés des routes. Et cette foutue pluie réduit à néant nos espoirs de faire encore quelques bornes. Nous ne pouvons fuir ce nuage qui maintenant monopolise le ciel et échouons au poste de police local. Le refrain se répète « mandi-makan-tidur » (se laver, manger, dormir) dans une ambiance bon enfant même si encore une fois, un peu de calme serait plus que bienvenu. Néanmoins, la rencontre de ces deux amis, Anto le flic et de Benu le chef bakso (bakso=boulette de viande) ne fera qu'embellir notre séjour au Pos polisi de Nganjuk.
Samedi 22 Février 2014 - Les pluies s'intensifient. Nous devons à présent savoir que notre évolution est soumise aux caprices météorologiques. Malgré les matinées habituellement ensoleillées, en pénétrant l'intérieur de Java on remarque que l'air du large ne parvient plus à chasser les nuages qui se forment puis stagnent entre les volcans. La mousson va dorénavant rythmer nos coups de pédales et il va falloir s'y faire.
La jungle est encore plus jungle sous les pluies torrentielles, plus sombre, plus impressionnante, plus mystérieuse. Les sons se réveillent et s'agencent pour former une rythmique asymétrique. L'eau continue de tomber. Les animaux des marécages savent qu'ici personne ne viendra les perturber durant l'heure des vocalises. Plusieurs espèces de batraciens, d'insectes et d'oiseaux entonnent une ritournelle sauvage et diaboliquement rythmée… Steve Reich a de la concurrence. Mais, Ô frustration… Les conditions d'enregistrement sont merdiques. Je ne suis pas équipé pour m'enfoncer un peu plus profond dans l'orchestre et reste bloqué à quelques mètres d'une route toujours aussi fréquentée, sans compter que je suis en train de me faire bouffer les mollets par je ne sais quelles bestioles. J'aurais voulu y rester des heures mais la nuit tombe, nous ne savons toujours pas où se trouve le prochain « pos polisi » et hors de question de nous aventurer à rouler de nuit ici… Danger de mort… On s’arrache et je prie mère nature pour qu'elle m'offre à nouveau ce genre de concert aux accents de musique sérielle…
Dimanche 22 Février 2014 - JogJa (Yogyakarta) est à 130 bornes plus au sud, 130 kilomètres que nous avalons comme des goinfres. Rouler, rouler pendant que la météo nous l'accorde. Au kilomètre 85, nous rencontrons Radit et Revo, deux locaux à vélo aux allures de cyclistes activistes. Ce sont aussi les premiers bikes-packers que nous croisons en terre indonésienne. Nos chemins se rejoignent ici et nous roulons nos derniers kilomètres ensemble. C'est l'occasion d'en savoir un peu plus sur ce qui nous attend plus bas. Dans un pays où les deux-roues ont très majoritairement un moteur sous le guidon, Yogyakarta est considérée comme la capitale indonésienne du vélo, la rencontre de nos deux compères pourrait n'être qu'une introduction.
Demain, nous devrions en savoir un peu plus sur cette ville que tout le monde vante. Une ville réputée étudiante, jeune, dynamique et culturelle… Mais avant tout, il va nous falloir frapper à la porte du bureau d'immigration pour renouveler notre permis de séjour qui arrive dangereusement à expiration, une fois cette affaire réglée nous nous sentirons plus légers pour attaquer le côté fun de notre projet…
Jogja, nous voilà !
Jour 523 - Yogyakarta
Jeudi 6 mars 2014 - 0 kms - Post n° 506
Fanch : Le refrain est redondant et ici comme ailleurs lorsqu'un inconnu s'arrête à notre hauteur (ou l'inverse) il nous propose toujours le même interrogatoire. Comme pour avoir la certitude que sa ville est la plus belle du royaume, il achève bien souvent la conversation de cette manière: « What about ma ville ? ». Pour y répondre, quand parfois le coin ne m'inspire pas plus que celui d'à côté (comme c'était le cas à Denpasar ou à Surabaya), je joue sur les généralités et détourne la question en parlant de l'atmosphère accueillante de l’Indonésie. Mais quand enfin j'entends le « What about Jogja », je fais tilt et j'ai particulièrement envie de développer.
Alors commençons par le commencement, Jogja alias Yogyakarta est une ville universitaire. Et bien sûr, qui dit cité étudiante signifie la plupart du temps, ville dynamique, culturelle, cosmopolite et donc relativement ouverte sur le monde. Après l’Indonésie touristique (Bali), l’Indonésie rurale et ouvrière (villages de pécheurs et villes industrielles qui ont ponctué notre chemin jusqu'ici), nous découvrons donc une autre facette de ce pays, à la fois conscient et fier de son identité. Le Gamelan côtoie le jazz, le rock et les musiques expérimentales, l'indonésien et le javanais fricotent avec la langue de Shakespeare nous donnant l'occasion de nous (re)délier les langues et de travailler notre vocabulaire anglophone.
Nous avions entendu parler de cette ville (que tout le monde vante) avant même d'y mettre les pieds car Jogja soigne sa réputation, s'il vous plaît! Capitale javanaise du vélo, de la culture, tarifs plus qu'abordables, activités en tout genre… On a goûté, on en veut plus. La date du départ est d'ailleurs repoussée, quatre jours c'est vraiment trop peu, dix jours aussi mais nous nous en contenterons. Dix jours un peu fous que l'on peine à qualifier de reposants tant les rencontres et heureuses coïncidences se sont multipliées.
Avant notre débarquement, notre seul contact était le Fablab de HONF fondation (à prononcer à l'anglaise, ça sonne mieux) autrement nommé Honfablab. Cet espace de travail collaboratif s'est fait connaître (ou reconnaître) après avoir planché sur un projet de fabrication de prothèses transtibiales ajustables à bas coût (moins de 40 euros si mes souvenirs sont bons), à base de bambou et autres matériaux locaux, un projet parmi d'autres mais c'est grâce à la médiatisation de celui ci que nous avons repéré son existence.
Enfin bref, c'est en toute logique notre première visite (après le bureau d'immigration), un peu en avance sur ce que nous leur avions annoncé et donc légèrement improvisée mais qui sonne comme une visite de courtoisie en guise de présentation. Aga nous reçois puis contacte Tommy et Iren, les rendez vous sont pris et nous en saurons bientôt un peu plus ce qui ce trame dans ces locaux… La caméra au poing bien sûr. Honfablab est indépendant, il respecte les six points de la charte des Fablab mais ne dépend pas d'une université ou d'une entreprise dont les objectifs sont parfois davantage commerciaux qu'altruistes. Nous nous sentons rapidement à l'aise même si le cadre de cet atelier ouvert reste très formel et s'éloigne un peu du côté underground que nous affectionnons tant. Ceci étant dit, avec une découpeuse laser, une fraiseuse à commande numérique et bien d'autres machines plus ou moins high-tech en libre accès, c'est l'espace idéal pour tous les artistes et bricoleurs à la recherche d'outils un peu spécifiques et inabordables financièrement parlant. Ici divers passionnés se croisent, les rencontres donnent parfois lieu à des collaborations entre plasticiens, musiciens, designer, hackers, étudiants, scientifiques… Forcément, il y a du potentiel dans les parages.
Nous apprenons via Aga l'existence de Lifepatch, un bio-hackerspace. Un quoi! Aïe. Cette appellation est un peu barbare pour nous français qui hésitons encore à intégrer le mot talkie-walkie dans notre vocabulaire si précieux, mais ne soyez pas trop sceptique, pas trop vite.
Bio (vivant) Hacker (détourner) Space (espace). En somme, c'est un lieu où l'on joue avec le vivant. On y travaille davantage avec des algues ou des processus de fermentation qu'avec des rats génétiquement modifiés ou des chimpanzés à trois têtes… L'objectif ici est plus d'apprendre à faire du tofu qu'à torturer des bestioles sous couvert d'une science douteuse. Et si vraiment vous ne me croyez pas, que vous êtes pessimiste par nature, que vous ne pouvez pas vous ôter de l'esprit l'image du savant fou faisant des expériences sur des rongeurs, alors n'allez plus jamais à la pharmacie et commencer par vous soignez avec des plantes et autres méthodes douces. Je m'écarte (un peu) du sujet pour mieux y revenir puisque la médecine comme l'alimentation traditionnelle et biologique est une des préoccupation de LifePatch. Enfin bref, ils racontent tout ici
Lifepatch donc, Nous y rencontrons Krisna et Andreas, deux des membres actifs du laboratoire. Krisna est spécialisé dans la permaculture et travaille sur plusieurs projets collaboratifs d'agriculture intelligente, respectueuse de l'environnement et de la biodiversité, avec pour principaux outils, la pédagogie, le partage et l'accès au savoir. Si j'ai bien compris, il a fait ses armes ici, avec Andreas qui de son côté, outre le fait de s’intéresser à tout se qui se reproduit (presque) tout seul, fabrique des synthétiseurs et autres amplificateurs analogiques et affecte particulièrement le 8 bit qui grésille et les petites lumières qui clignotent. Si l'on ajoute qu'à côté de ce duo de choc travaille un Antony Hall le bio-artiste, un programmeur de l'extrême, et Marc Dusseillier ingénieur en nanotechnologie et fondateur de Hackteria, là encore des projets dignes d'intérêt sont promis à un bel avenir.
Woaw, Honfablab et LifePatch, ça fait déjà deux bonnes raisons de revenir à Yogyakarta pour y passer (beaucoup) plus de temps. Adrian et Kamil respectivement portugais et iranien chez qui nous logeons en cette fin de séjour ont compris l'astuce. Astuce que je vous dévoile ici avec plaisir (seule les moins de 35 ans sont concernés, désolé pour les autres). Le gouvernement indonésien a institué un programme d'étude offrant aux jeunes européens (entre autre) l'opportunité d'étudier les arts et la littérature locale dans une université ou une école supérieure en Indonésie, le programme d'échange s'appel Darmasiswa et la version française de l'appel à candidature se trouve ici
Nous avons donc déménagé pour quelques jours à Kasongan, un petit village situé au sud Jogja et que nous ne découvrirons que partiellement (on ne peut pas tout faire hein!) cependant nos hôtes ont eux aussi leur petit réseau d'amis, à commencer par Frog House, une résidence d'artistes qui tire son nom de la rivière d'à côté où des centaines de batraciens, chaque soir, entonnent la même et frénétique mélodie. Frog House est une résidence d'artistes certes mais c'est aussi un lieu d'échange entre jeunes et moins jeunes du village, un lieu de discution, de réflexion entre autre sur l'évolution des mœurs en matière d'écologie (il faut dire qu'à ce niveau là, le travail ne manque pas). Et sans oublier qu'après nous avoir fait visité l'université, Adrian nous présentera à Asep qui lui nous introduira aux arts traditionnels.
Un petit mot tout de même au sujet du gamelan qui me semble être un bon moyen de faire le trait d'union avec la fin de cet article. Le gamelan est un jeu de cloches, lames, gongs en bronze auquel s'ajoute quelques percussions, instruments à cordes et voix. Chaque ville ou village possède sont propre jeu, généralement accordé en mode pentatonique (5 notes), les gammes varient cependant d'un gamelan à l'autre. Là où cette tradition musicale me paraît particulièrement intéressante, c'est qu'elle reflète dans un certain sens « la mentalité » indonésienne. En effet, le gamelan est joué par un groupe d'individus mais est considéré comme un seul et unique instrument. Les cours individuels ne sont pas coutume, on ne rapporte pas un gamelan à la maison pour s'entraîner ou répéter comme on le fait avec un violon, l'apprentissage se fait en groupe, la notion de soliste disparaît, le pluriel devient singulier… C'est aussi un instrument sacré qui possède son propre esprit, il est de fait profondément respecté. Pour l'anecdote qui n'en est peut être pas une, on n'enjambe jamais un élément du gamelan, les pieds étant considérés comme impures, cela risquerait de fâcher l'esprit et de vous faire jouer… Comme un pied.
Pour la plupart des personnes interrogées durant notre séjour, Internet et le multimédia sont des supports (extraordinaires) de communication et d'éducation au respect des traditions et de l'environnement. Honfablab et Lifepatch, pour ne citer qu'eux cherchent à sensibiliser la population sur toute sortes de problématiques (locales, globales mais surtout actuelles) en utilisant tant les ressources, matériaux et savoirs faire locaux que les technologies issues du « digital world » et de l'Open Source…
Barth : Nous avons donc pénétré le territoire spécial de Yogyakarta il y a une dizaine de jours maintenant, escortés par Radit et Revo, nos deux amis cyclistes rencontrés sur la route et que nous avons revu plus tard pour dîner plus posément. Yogyakarta, en plus d'être un territoire spécial dont le gouverneur est aussi le sultan très respecté par ses habitants, est une ville très jeune, étudiante, culturelle et dynamique où nous avons rapidement trouvé des contacts intéressants. Il y règne une atmosphère détendue et effervescente à la fois et en à peine quelques jours j'ai ajouté Yogya à la liste des villes où je pourrais vivre un bon moment tant je me suis senti d’emblée à ma place !
Après notre arrivée, le temps de nous remettre des 130 kilomètres de la dernière étape, nous sommes directement allés voir le HonFabLab où nous étions attendus. Nous y avons été accueillis par Aga, Tommy et Irène, qui nous ont tous trois signifié que nous étions plus que les bienvenus, à la fois pour réaliser un portrait des lieux et pour y travailler si nous en avions besoin. Nous avons donc passé deux après-midi là-bas pour interviewer quelques membres du fablab et profiter de leur connexion internet accessible au FTP pour bosser un peu sur le site. Dans de spacieux locaux situés au centre de Yogya, le HonFablab est un projet qui tourne rond, avec un matériel sophistiqué, des connexions internationales et une équipe active et très investie sur le projet. De quoi nourrir notre enquête sur le Libre en Indonésie !
Et de fil en aiguille nous avons eu vent de l'existence de Life Patch, une sorte de bio-hacker-space où on bricole avec de l'électronique et du vivant d'une manière peut-être un peu plus alternative qu'au HonFabLab. C'est Andreas que nous avons principalement rencontré là-bas, ainsi que son ami Krishna qui est en train de lancer un projet de permaculture dans les alentours de Yogya, et quelques autres musiciens et artistes bidouilleurs qui fréquentent l'endroit. Parmi eux, Marc, un suisse de passage ici, ingénieur en nanotechnologies de formation et qui collabore avec Life Patch en réalisant un tas de machines DIY inspirées d'appareils de recherche scientifique, comme par exemple un microscope basé sur une webcam que j'aurais rêvé avoir quand j'étais môme !
Ici plus qu'ailleurs à Java, artistes, activistes, cyclistes, écologistes et autres informaticiens bidouilleurs de tous poils se rencontrent et mixent leurs savoirs-faire et leur connaissance dans une effervescence qui fait plaisir à voir et qui donne envie de passer plus de temps sur place ! Ville culturelle, elle l'est autant par la présence des arts traditionnels qui sont entre autre enseignés à l'université, que par l'appropriation de la culture moderne, scientifique et numérique qui nous intéresse tout particulièrement..
Après avoir renouvelé nos visas pour un mois supplémentaire, nous avons donc décidé en conséquence de prolonger un peu notre séjour afin de prendre le temps de creuser un peu ces rencontres et de s'imprégner de la vie de Yogya qui nous a vraiment séduit. Ceci nous a permis de participer à la fameuse « Jogja Last Friday Ride » qui rassemble plusieurs centaines de cyclistes dans les rues de la ville à l'heure de pointe du vendredi soir. Un joyeux bazar qui nous a un peu laissé perplexes puisque nous avons fini par perdre de vue le peloton sans doute trop éparpillé au milieu des véhicules motorisés, sans savoir où rejoindre le point de rendez-vous terminal où nous aurions du retrouver Radit, Revo, Andreas, Marc et d'autres pour un dîner festif. Mais dans notre malheur nous sommes tombés sur Adrian, un portugais qui s'est adressé à nous en s'exclamant : « Geocyclab?!.. » Le monde est tout petit ici, en plus d'avoir eu vent de notre présence via les réseaux sociaux, nous avons réalisé un peu plus tard que le lituanien croisé à Kawa Ijen quelques semaines auparavant était de ses amis..! En séjour pour un an à Yogya afin d'y étudier la musique traditionnelle, il nous a invité à passer quelques jours chez lui dans le petit village de Kasongan au sud de la ville. Une chouette maison au bord de la rivière dans le calme relatif de la campagne, ça ne se refuse pas !
Nous y avons fait la connaissance de Luis, espagnol, et Kamil, iranien, ses deux colocataires et de quelques autres expatriés qui se sont intégrés à la vie du village. L'activité principale de Kasongan est la poterie, mais nous y avons aussi découvert la Frog House, lieu de résidence artistique créé de toute pièce par une bande de copains et où Adrian a ses habitudes. Malgré notre programme chargé entre une présentation de Geocyclab au HonFablab, précédée d'une autre à la Frog House qui furent comme toujours de chouettes moments de rencontre et de partage, Adrian fut aux petits soins avec nous et ce fut un plaisir de partager avec lui notre expérience de voyage créatif pour nourrir ses projets relativement similaires. Il nous a également fait rencontrer Asep, un indonésien marié à une française qui est très investi dans l'aide aux sinistrés des différentes catastrophes naturelles qui surviennent à Java. Entre deux allers-retours sur les lieux de l'éruption de la semaine passée et le chantier de sa maison en bois qu'il est en train de construire, il nous a fait visiter un village reconstruit de A à Z suite à la grosse éruption de 2006. Nous y avons vu un atelier de fabrique artisanal de Batik, le tissu imprimé traditionnel, ainsi qu'un sculpteur de masques et un espace ouvert dédié au Gamelan, la musique locale à base de cloches en bronze et de gongs. Autant d'activités qui ont été le point de départ de la reconstruction sociale faisant suite au drame volcanique, par le biais de la culture donc ! De belles discussions également avec Asep qui a beaucoup de plaisir à partager et expliquer la culture de son pays. Nous comprenons ainsi que l'indépendance et la fondation de l'Indonésie est basée sur le principe d'une nation qui regroupe plus de 16000 îles et sans doute autant d'ethnies, une langue, malgré l'existence de nombreux dialectes encore employés localement, et au lieu d'une religion la reconnaissance de « mère nature » comme pilier spirituel de ce peuple. C'est sans doute là toute la différence qui confère à l'Indonésie cette immense tolérance et cette mixité religieuse, bien que l'islam demeure la plus visible et la plus importante au moins sur l'île de Java…
Toutes ces visites et rencontres ne nous ont pas laissé beaucoup de temps pour nous reposer, et le jour prévu de notre départ, un gros coup de fatigue nous a retenu, entre insollation et maux de ventres, nous obligeant à débrancher la machine pour une journée complète de repos. Néanmoins, cette étape à Yogya fut une réelle surprise et résussite, et nous en repartons les sacoches pleines d'images à monter très bientôt. Mais comme toujours, la route et notre visa nous poussent à pédaler encore et nous ne pouvons que promettre de revenir un jour pour réaliser des projets avec tous ces nouveaux contacts. Il faudrait qu'on casse notre ordinateur à chaque fois qu'on arrive dans une ville aussi vivante pour vraiment arriver à en profiter, comme à Mexico (rire jaune..)
En parlant d'ordinateur, les choses ont bien avancé, la version multilingue du site est enfin désactivée, remplacée par une simple page que vous pouvez découvrir ici : http://www.geocyclab.fr/en/
J'en ai aussi profité pour retoucher un peu la page du carnet de bord et des objets libres, et pour nettoyer la base de données en vue de la finalisation prochaine de la carte interactive. Une grosse page de tournée dans le fonctionnement de Geocyclab, qui va nous laisser plus de temps et de liberté pour être concentrés sur notre voyage. Je vais donc enfin pouvoir oublier ces soucis pour me replonger très bientôt dans le montage des vidéos que nous accumulons depuis le Mexique. C'est une partie du programme qui nous attend à Jakarta dans une dizaine de jours, mais avant ça encore un peu de route, une réalisation artistique en vue et certainement un nouveau checkpoint dans pas trop longtemps… On y retourne donc !
Kasongan Frogs :
Ma Ti La Lou :
Jour 532 - Arrivée à Jakarta
Samedi 15 mars 2014 - 10 kms - Post n° 507
Barth : La route de Yogyakarta à Bandung nous aura pris six jours bien pleins et elle ne fut pas aussi aisée que nos premiers trajets sur Java. Tout d'abord nous sommes partis fatigués, au milieu d'un enchaînement de journées sans pluie qui a pour effet de faire grimper les températures un peu plus chaque jour. Pour ne rien arranger, le mal de bide de Fanch a duré quelques jours, ne lui laissant pas beaucoup de forces pour appuyer sur les pédales, mais heureusement nous étions encore dans le sud, une partie relativement plate… Après avoir longé la mer le premier jour, l'état désastreux de la route nous a obligé à rejoindre l'axe principal plus dans l'intérieur, et plus fréquenté bien sûr. Notre première nuit ne s'est pas passée au poste de police habituel, mais chez Untung, stewart chez American Airlines en congé dans sa ville natale, qui nous a offert l'hospitalité alors que nous discutions avec lui au poste de police. Étrange personnage, très sympathique mais paraissant un peu déconnecté de par son mode de vie, entre longs séjours aux quatre coins du globe et périodes de congés de quatre mois par an qu'il passe avec sa femme dans sa grande maison vide.
Les deux jours suivants, la chaleur est devenue plus intense encore, nous obligeant à de longues pauses entre onze et quinze heures pour que l'état de santé de Fanch se maintienne. On s'est enfoncé de plus en plus dans les terres et les montagnes se rapprochaient à l'horizon.. Un soir, nous sommes abordés par Kuatman, un marin de la marine marchande qui parle bien anglais, roulant à notre hauteur avec sa femme et sa fille sur son scooter et qui nous a offert un jus de coco avant de nous conduire au poste de police en regrettant de ne pouvoir nous héberger à cause des complications avec la police.
Le jour suivant nous avons atteint Banjar, petite ville déjà bien perchée entre les montagnes, en profitant d'un temps nuageux pour faire nos premiers kilomètres de grimpette dans des conditions pas trop extrêmes. Au poste de police nous n'avons pas trouvé d'hébergement cette fois, mais parmi les hommes en train de jouer aux cartes, un marin de la marine marchande (encore un!) qui nous propose de nous prêter une piaule chez lui à quelques centaines de mètres. Nous y passerons la soirée en compagnie de son fils et des ses copains, la vingtaine à peine passée, tous musiciens dans des groupes de métal dont la scène a l'air très active ici, et ne parlant pas un mot d'anglais. Un moment convivial néanmoins, agrémenté par les bananes grillées que nous offre la femme de notre hôte !
Nous en parlions avec Asep à Yogyakarta, la saturation du trafic routier en Indonésie est bien sûr due à l'impressionnante densité de population tout particulièrement à Java, mais également à l'apparition d'un phénomène aussi rapide que lourd de conséquence. L'économie indonésienne s'est développée à une vitesse vertigineuse, et le jeu des crédits à l'achat aidant, une grande partie de la population est aujourd'hui en mesure d’acquérir une voiture ou un scooter. Nous n'avons presque pas vu de vieilles voitures ici, les seuls automobilistes étant issus d'une classe aisée qui découvre les joies du véhicule individualiste dans une totale confusion. Le permis de conduire s'achète, les routes et autres infrastructures n'ont pas suivi le mouvement et ne sont absolument pas adaptées, mais la voiture est un signe distinctif de reconnaissance sociale qui vous donne la priorité sur le reste du monde. Concernant les scooters qui font bien souvent office de véhicules familiaux en y embarquant femme et deux ou trois enfants, ils sont aussi un attribut social, particulièrement pour les plus jeunes qui une fois en possession de ce dangereux joujou ne voient plus trop l’intérêt de continuer d'aller à l'école par exemple.. J'ai un scooter, j'ai réussi ma vie, et de toute façon je n'ai plus les moyens de payer ma scolarité car je dois rembourser mon crédit ! Youpi !
Un peu plus de cent cinquante kilomètres nous séparent encore de Bandung, notre objectif avant de rallier Jakarta. Deux jours ne sont pas de trop pour les avaler et finir ainsi notre périple javanais avec un enchaînement de galères et d'obstacles haut en couleurs. Pour commencer, une cinquantaine de kilomètres en constante montée, sous un soleil de plomb et au milieu d'une circulation intense et saturée en gaz d'échappements qui aura raison de mes sinus déjà affaiblis par une nuit trop fraîche sous un ventilateur. La crêve me guette mais il va falloir tenir encore un peu… L'orage finit par éclater en cette fin de journée, et après quelques pauses obligatoires pour laisser passer le déluge, nous décidons de grimper le premier col juste avant la nuit pour atteindre le poste de police qui se trouve au sommet. Dix kilomètres de pente raide, à pousser nos montures sur le sol glissant de la petite route défoncée, la tête dans les pots d'échappement des camions qui font la queue pour se hisser sur les pentes les plus fortes. Le paysage devait être splendide, mais les nuages bouchent la vue à cent mètres, périodiquement illuminés par la foudre qui assure une mise en lumière de la situation particulièrement à propos. Finalement, nous atteignons le poste de police, fourbus et trempés et nous y passerons une nuit reposante dans la petite cabane un peu à l'écart qui sert de mosquée, accueillis en héros par les policiers et les commerçants du lieu.
Et c'est reparti, vingt kilomètres de toboggan en récompense de notre épique ascension de la veille pour commencer la journée, mais un nouveau col nous attend quelques encablures plus loin. Le temps d'avaler un bol de nouilles et de souffler un peu à l'ombre alors que le soleil tape fort, et nous remettons donc ça. A pied, au milieu des poids-lourds qui crachent tout ce qu'ils peuvent pour défier les lois de la gravité, nous hissons nos deux bécanes jusqu'au sommet avec moins de difficultés que la veille. Une bonne pause, quelques kilomètres de descente douce avant de faire une vraie pause déjeuner et il faut enchaîner pour rejoindre Bandung avant la nuit, alors que le ciel se couvre… L'orage éclate, nous sommes sur une grosse route totalement saturée en véhicules de tous poils et pour parfaire le tableau nous devons traverser quelques zones inondées en tentant de garder l'équilibre dans quarante centimètres d'eau boueuse qui cache les trous et ornières que nous déjà du mal à éviter en temps normal. Encore quinze kilomètres sous la pluie et nous voici enfin à Bandung, où après avoir checker en vain les nouvelles de nos différents contacts ici, nous décidons de réserver un petit hôtel que nous mettrons quelques heures à trouver dans le labyrinthe des rues de cette grande ville.
J'ai pris froid, une bonne crève qui donne envie de ne rien faire, mais il faut bosser un peu sur le site, organiser notre arrivée à Jakarta… Nous restons donc deux jours dans ce petit hôtel, à bosser et reprendre des forces jusqu'au samedi où nous prenons le train pour la capitale. Nos vélos nous suivent dans un train de marchandises, le paysage défile à la fenêtre du wagon dévoilant parfois un panorama impressionnant sur d’immenses vallées de jungle et de rizières. Je songe à ce qui nous attend là-bas, dans cette ville que tout le monde nous a décrit comme le pire endroit d'Indonésie, et aux nombreuses interrogations au sujet du renouvellement de mon passeport, de nos finances et des montages vidéos en retard dans lesquels je vais me plonger bientôt… Les tours de Jakarta apparaissent soudain au milieu du smog, terminus, tout le monde descend. Une demie-heure de taxi pour filer au sud de la ville et nous retrouvons Julien comme prévu, dans un bar allemand d'un immense centre commercial à quelques pas de sa maison. Julien est un ancien des Beaux-Arts de Quimper que Fanch connaissait un peu, et nous nous sentons très vite en terrain connu dans sa maison où nous sommes plus que les bienvenus. Un grog, un jus de gingembre, je n'en demande pas plus pour aller me coucher et tenter de venir à bout de cette crève, après avoir tué une araignée monstrueuse qui se baladait dans notre chambre et laissant sans regret mes amis aller profiter des délices de la « Jakarta saturday night ».
Fin de notre route indonésienne, qui avec le recul me donne le sentiment d'avoir parcouru une immense fourmilière chaude, humide et malodorante, où mis à part la traversée d'un ou deux parcs naturels, nous n'avons jamais fait plus d'une centaine de mètres sans voir les signes d'une activité humaine. Java est une grande île, mais déjà si pleine à craquer qu'on peut légitimement s'interroger sur son avenir en termes d'occupation du territoire. Mais c'est une part de l'identité de cette région du monde qui n'enlève rien, bien au contraire, à la gentillesse et l'accueil de ses habitants ! Mais pour l'heure c'est Jakarta qui nous attend, une autre face de la réalité indonésienne, avec une pause obligatoire qui risque de s'éterniser un peu… Une toute autre histoire sans doute.
Fanch : Entre Jogja et Bandung, il y a 400 bornes, un soleil sans pitié, des pluies diluviennes, de la montagne dont deux cols abruptes, toujours énormément de bus et de camions, une inondation, des dizaines de mosquées, des flics et quelques millions d'Indonésiens. En deux mots: c'est l'aventure.
La route continue donc avec son lot d'obstacles qu'il faut apprendre à outre-passer, conditions parfois rudes qui nous empêchent certainement d'apprécier le voyage à sa juste valeur ou de trouver l'énergie nécessaire pour se mettre à la création.
Premièrement, nous serions bien restés encore quelques jours à Jogja mais le temps est compté. En effet, il ne nous reste administrativement qu’une petite vingtaine de jours sur le territoire indonésien et avec la tonne de truc à faire à Jakarta, on ne peut malheureusement pas s'enraciner ici. Nous prenons le départ avec en ce qui me concerne, les intestins encore endoloris par je ne sais quelle vicieuse bactérie. Prendre la route avec une tourista, c'est un pari assez risqué et même si le premier jour fut prometteur, les deux suivants se sont avérés difficiles. Plus d'énergie, jambes lourdes, maux de ventre et l'impression d'avoir été piqué par un de ces insectes qui vous refile un sommeil permanent.
Deuxièmement, la déshydratation nous guette. Il faut toujours avoir en tête que face à de telles chaleurs nous sommes en position de faiblesse. Ici, l'eau que l'on achète en bouteille ne contient pas de sels minéraux. C'est du H2O pur qui pénètre dans l'organisme pour s'en échapper quasi instantanément via la transpiration, autant dire que c'est une illusion pour l'organisme. L'idéal, c'est de compenser immédiatement la perte de flotte ce qui n'est pas franchement évident. Il faut ajouter à cela cette foutue tourista qui s’accroche désespérément à mes entrailles… J'ai soif en permanence, je n'ai pas d'autre choix que de boire, boire et reboire. Pour vous donner une idée, quand ça grimpe dur et que le soleil s'en donne à cœur joie, je m'enfile un litre et demi par heure, autrement dit, une bouteille toute les dix bornes et je ne pisse que quelques gouttes, une ou deux fois par jours. Le mieux à faire dans ces cas là, c'est de s'hydrater durant les pauses, celle du midi où nous restons parfois deux ou trois heures à l'ombre mais surtout le soir, histoire de garder un peu de ce précieux fluide quelques heures durant. Bref… Tout ça pour dire que faire du vélo sous ce climat, c'est pas toujours très sexy…
Quand enfin je reprend du poil de la bête, c'est le relief qui prend le relais et qui m'en fait baver. Le relief… Et la pluie qui n’hésite pas à se mêler à la partie chaque fin d'après-midi.
Le mardi 11 mars 2014, autrement nommé « jour 528 », au départ de Banjar, la première grimpette s'éternise, elle se prolonge sur cinquante bornes et sous un cagnard à peine supportable… Après une indispensable pause, nous nous trouvons rassurés par une bonne descente, sympa, c'est peut être la fin du calvaire… Mais non, rapidement un col se dresse devant nous. C'est trop raide, nous n'avons pas d'autre choix que de pousser les bécanes, sous la flotte alors que la nuit tombe dangereusement. Le col n'est pas bien haut mais n'en est pas moins impressionnant. Les camions s'organisent pour gravir les lacets, ils n'avancent guère plus rapidement que nous autres qui sommes à pied, et crachent de leurs veilles mécaniques une épaisse fumée noire que dans l'effort nous respirons à pleins poumons… On nous avait parlé de trois kilomètres impossible à franchir en vélo, mais nous les avons déjà bouffer ces trois bornes, alors pourquoi ça n'en finit pas? Je doute et me demande bien ce qui nous à pris de nous engager là dedans, pourquoi ne sommes nous pas restés en bas pour dormir dans la mosquée de la station service, c'était possible pourtant. Puis la panique finit par s'estomper et malgré cette réelle prise de risque, cela devient grisant. À force de pousser et de se concentrer, je finis par me sentir (presque) invincible. C'est l'aventure, je sais très bien que cela ne va pas durer alors autant en profiter non ? Puis enfin, le sommet se dévoile avec un poste de police comme récompense…
Le lendemain le schéma se répète mais curieusement, ça passe mieux. Nous franchissons le dernier col avant midi. Plus tard, au portes de Bandung, nous devons affronter nos premières inondations. Nous roulerons quelques kilomètres dans quarante centimètres de flotte, la chaussée s'étant changée en rivière boueuse. L'orage approche et finit par s’abattre violemment à quelques centaines (dizaines?) de mètres de la station service où nous avons trouvé refuge. Le périple continue et ne s'arrêtera qu'une fois arrivés dans la petite auberge au nord de Bandung. Épuisés, nous y voilà enfin et une chose est sûre, le réveil ne sonnera pas demain matin.
Cette traversée du centre de Java fût mouvementée mais comme d'habitude ponctuée de rencontres et de nouvelles expérience. Il est toujours coutume de frapper aux portes des bureaux de police pour trouver de quoi dormir et nous sommes la plupart du temps accueillis à bras ouvert. Le thé ou le kopi susu (café au lait) nous sont systématiquement offerts en signe de bienvenue et il nous est bien souvent impossible de payer notre repas du soir. Seul le Bahasa, la langue commune à toute l’Indonésie nous fait trop souvent défaut. Mais si l'on considère que 80% de la communication reste non verbale, il s'en dit des choses probablement plus que nous ne l'imaginons. Ce coin de Java est aussi reconnu comme une province de marins, nous en croisons quelques-un, dont Kuatman et Utung qui se montrent particulièrement généreux. L'avantage c'est qu'ils parlent bien mieux anglais que leurs compères de la police nationale et nous donnent parfois d'autre clés de lecture pour mieux appréhender notre environnement.
Enfin bref, Bandung, puisque nous y sommes, est surnommée « Paris van Java »… Ah ouais ? Bah ouais, Paris parce que les femmes -réputées les plus belles de l'île - auraient la peau blanche. C'est davantage une mode qu'un phénomène génétique, un effet esthétique tous droit venu de leurs lointaines voisines coréennes qui de leur côté tentent - vainement - de coller aux canons de beauté occidentale. Quelle connerie. Mais Bandung est aussi la capitale javanaise de la mode puisqu'elle compte plusieurs luxueuses boutiques de prêt-à-porter. L'heure n'est pas - et n'a jamais été - au lèche-vitrine, pour nous repos et travail sont au programme. Les grasses matinées s’enchaînent donc avec exercices d'écriture et la mise à jour de notre carnet de bord. Nous décidons en outre de joindre Jakarta via le chemin de fer, une manœuvre qui consiste principalement à éviter l'entrée de la capitale et ses embouteillages nauséabonds. Alors pendant que Barth - malgré une bonne crève - continue de nettoyer le site internet, j'essaie d'organiser notre départ de Bandung en faisant des allers-retours entre l'auberge, la gare ferroviaire et les locaux de la compagnie de transport qui se chargera d'expédier nos bécanes à Jakarta. C'est pas simple encore cette histoire mais d'après mes calculs et après quelques négociations, à tort ou à raison, je conclus que tout va bien se passer…
Samedi 15 mars 2014, c'est donc parti pour quelques heure de train. Je découvre un paysage vallonné, habillé d'une jungle luxuriante qui me ferait presque regretter de ne pas avoir parcouru ces cent cinquante bornes à coups de pédale. Un regret modéré puisque nous avons peine à reprendre nos forces et la crève de Barth et ne semble que s'empirer… Un train, un taxi et nous arrivons les premiers au point de rendez-vous, comme des cons sans vélos et avec dix sacoches à porter à bout de bras.
Le voilà qui arrive, Julien, un ami de longue date mais que je ne connais finalement que très peu. Nous avions fait quelques années communes aux Beaux Arts de Quimper, il était « grand » quand j'était un petit nouveau et nous nous sommes côtoyés à cette époque sans trop chercher à aller plus loin. Après son diplôme, lui aussi a pris la route, traversant l'Eurasie en stop, entre autre… Avant de s'installer en Éthiopie pour y enseigner l'art plastique durant trois années consécutives. Il est maintenant professeur d'art plastique dans une école française à Jakarta et va gracieusement nous héberger quelques jours chez lui.
Jakarata donc, changement d'ambiance. Apres les village de pécheurs, les rizières et les villes ouvrières, nous débarquons dans une capitale internationale, le choc est bien réel. Béton, grattes-ciels, discothèques branchées, centres commerciaux huppés et surdimensionnés où expatriés et nouveaux riches se dandinent fièrement. L'excès est un mode vie, l'argent efface la réalité, strasses et paillettes forment une nouvelle religion. Mais en quelques heures je comprends que Sa Majesté Jakarta n'est qu'une parfaite illusion alimentée d'un côté par l'occident, de l'autre par la corruption politico-mafieuse… Alors, j'essaie de comprendre, je suis perturbé, je n'arrive pas à faire le trait d'union entre Jakarta et Java… Mon premier sentiment résonne donc comme un coup de barre à mine dorée dans la gueule… Affaire à suivre.
Jour 540 - Inside Jakarta
Dimanche 23 mars 2014 - 0 kms - Post n° 508
Barth : Une semaine déjà que Jakarta nous a avalé… L'acclimatation n'a pas été évidente, après avoir eu raison de ma crève à grands coups de jus de gingembre, nous avons enchaîné sur une tourista collective qui a un peu ramolli l'ambiance pourtant survoltée par les préparatifs de l'exposition de notre hôte.
Julien est donc professeur d'arts-plastiques au lycée international français à Jakarta depuis un an et demi déjà, et il s'est tissé un réseau de relations entre expatriés et locaux qui lui offre aujourd'hui la possibilité d'exposer son boulot dans un lieu branché de Kemang, le quartier riche près duquel il habite. Nous lui avons naturellement filé un coup de main pour l'accrochage de l'impressionnante série de collages photographiques qu'il a réalisé, présentant avec ironie et une pointe de subversion (ce qui n'est pas difficile ici avec le nombre de tabous socio-culturels) sa vision très subjective de l'Indonésie. Le vernissage fut l'occasion de rencontrer le petit réseau d'expatriés, collègues de Julien et bretons pour la plupart, et de se faire une petite idée de ce que signifie la vie d'expat à Jakarta. Cette plongée à l'autre bout du globe dans notre culture d'origine ouvre une parenthèse dans le dépaysement quotidien de notre voyage, plutôt bienvenue pour pouvoir nous concentrer sur des questions beaucoup moins exotiques.
C'était attendu de longue date, notre séjour à Jakarta serait studieux et administratif, et cette première semaine n'a pas dérogé à la règle. Côté administration, j'ai donc eu le plaisir d'aller visiter l'ambassade de France à Jakarta, au quarantième étage d'un des grattes-ciel qui champignonnent dans le centre de la ville, pour y faire la demande d'un nouveau passeport après être passé au commissariat central pour y déclarer la perte de l'ancien. Les choses se sont plutôt bien déroulées, si ce n'est que pour faire ce genre de démarche dans une ville comme Jakarta il faut compter deux heures de taxi dans les bouchons pour parcourir les dix kilomètres qui séparent la maison de Julien du centre, et la même au retour… Résultat des courses, la demande est envoyée en France et je serais prévenu par mail de l'arrivée de mon nouveau passeport dans un délais de une semaine à un mois.
Il ne me restait qu'à régulariser ma situation au bureau d'immigration, pour pouvoir prolonger en toute légalité mon séjour sur le territoire indonésien après l'expiration de mon visa actuel quelques jours plus tard. Là, les choses se sont compliquées… La dérogation n'existe pas et le prix à payer par jour de séjour excédentaire est d'une vingtaine d'euros… Gloups ! Vu l'état de nos finances, cette nouvelle tombe très très mal. Je tente un courrier à l'attention de l'attaché culturel de l'ambassade pour lui expliquer notre projet et notre situation, dans l'espoir qu'une solution alternative se profile… Fanch quant à lui, n'aura qu'à prendre un vol aller-retour pour Singapour, afin de renouveler son visa. C'est la qu'on se rend compte que c'est pratique un passeport quand même !
Pour ne pas broyer du noir et tourner en boucle sur toutes ces angoissantes interrogations, je décide de m'immerger dans le boulot, alternant entre le calme de la maison de Julien et le petit restaurant juste à côté qui dispose d'une connexion wifi… Et il y a de quoi s'amuser de ce côté ! Je commence par achever le nettoyage du site internet, particulièrement de la base de données qui est dans un état lamentable suite à la désinstallation du pluggin multilingue. L'effort en valait la peine car je parviens à réduire par trois le poids du fichier, ce qui fera gagner un temps précieux sur les prochaines synchronisations. Dans ma lancée, j'en profite pour retoucher un peu le code sur la catégorie Itinéraire, pour y mettre à jour notre parcours qui a beaucoup changé depuis le départ, et en vu d'y accueillir la future carte interactive qui est toujours sur le feu. Vous pouvez maintenant visionner dans le contenu de chaque article correspondant aux pays que nous visitons, la liste des publications réalisées dans ce pays. Le tracé visible sur la carte GoogleMaps reste donc obsolète pour le moment, mais il sera très bientôt remplacé par notre carte interactive Open Street Map, clef de voûte de ce chantier au long cours qu'est notre site internet. La page d'accueil a également eu le droit à un petit coup de neuf, toujours pour anticiper l'intégration de la carte interactive, mais aussi pour y mettre en avant le bouton PayPal permettant de faire des dons à Geocyclab, qui en ces temps de crise budgétaire ne constitue plus un gadget optionnel. A votre bon cœur donc chers amis, et encore merci au passage à ceux qui l'avaient déjà repéré dans notre page « Nous soutenir » !
Nous avons aussi planché sur une sélection de nos soixante Haïkus, avec l'aide du regard frais et critique de Julien, en vu d'expédier un bout-à-bout de la série au festival l'Oeil d'Oodaaq qui se tient à Rennes du 15 au 25 mai prochain, et pour lequel nous sommes sélectionnés ! Le fichier est prêt, il ne reste qu'à trouver un moyen de l'envoyer en France, par courrier ou par internet… Et pour finir, j'ai commencé à dérusher et trier la quantité astronomique d'images tournées en Indonésie pour le prochain Checkpoint que nous voulons tourner et monter avant de quitter Jakarta. Chantier en cours donc ! Et il me reste aussi de quoi m'amuser avec les six ou sept montages d'Objets Libres sur le banc de touche, pour les plus vieux depuis le Mexique…
Voilà donc le décor de notre séjour à Jakarta, où mis à part la nourriture, la chaleur et les orages tropicaux, on pourrait se croire à nouveau étudiants, en collocation avec notre ami Julien. Vous comprendrez donc que dans cette ambiance studieuse les publications de notre carnet risquent fort de manquer d'originalité et de créativité. Mais il faut en passer par là et nous ne manquerons pas de vous donner des nouvelles des avancées tout de même.. Alors, à vite !
Jour 547 - Jakarta, épisode 2
Dimanche 30 mars 2014 - 0 kms - Post n° 509
Fanch : Des nouvelles du front. Nous sortons tout juste d'un apéro chez Mathilde, un apéro-boulot destiné à préparer l’imminente intervention de Geocyclab pour les classes de troisième du LIF (lycée international français). Mathilde est prof de techno, Julien prof d'arts plastiques, notre présentation se fera donc sous l'égide de l'art et de la science avec une touche de voyage et d'aventure pour les jeunes esprits rêveurs.
Côté artistique, nous sommes plutôt rodés, aujourd'hui l'objectif est donc d'illustrer notre recherche sur les « Objets Libres », souvent très théorique et peut-être ennuyeuse, avec une démonstration ludique du micro contrôleur Arduino. Alors que Barth fait chauffer le processeur de notre ordinateur en continuant à bosser sur les vidéos, Julien me prête généreusement le sien pour préparer quelques surprises aux collégiens… Je m’attelle donc avec un soupçon d'excitation à programmer Arduino en tant que système autonome embarqué pour en faire un petit instrument de musique portable et attractif. Je me replonge dans les forums internet, teste pas mal de petites choses, pour enfin parvenir à mes fins. En quelques jours notre cher petit Arduino s'est transformé en sampleur basique capable de gérer plusieurs échantillons sonores. Il peut être contrôlé via de classiques boutons ou « potars » (potentiomètres) mais de nombreux capteurs peuvent lui être associé. Pour l'occasion, les élèves auront la possibilité de manipuler les sons en fonction de leurs mouvements grâce à un émetteur-capteur ultrasons. Juste une petite parenthèse, un système embarqué, cela veux dire qu'une fois programmé il n'est plus dépendant d'un ordinateur pour fonctionner, ce qui allège considérablement la mise en place lors d'une installation. Tout cela est encore nouveau pour moi mais j'entrevois déjà de nouvelles portes qui s'ouvrent.
Malheureusement cette session travail fût interrompue par un aller retour à Singapour dans l'unique but de refaire tamponner mon passeport pour prolonger mon séjour indonésien. Je n'ai pas d'autre alternative. une bonne heure et demie de bouchons pour joindre l'aéroport, un vol sans autre intérêt qu'un gaspillage de kérosène, un stage de huit heures dans le hall aseptisé et sur-climatisé de l'aéroport de Singapour, pour ensuite rebrousser chemin. Super moment! Enfin bref, du temps et de l'argent, voilà ce que coûte cette magnifique absurdité administrative.
Jeudi 27 Mars 2014. Les deux heures de présentation au lycée international Français se sont bien déroulées. Forcement, intervenir dans notre langue natale auprès d'un jeune public nous offre l'occasion de passer un bon moment. Les élèves semblent pour la plupart comprendre et adhérer à nôtre quête si l'on en croit les oreilles attentives et les nombreuses questions. La présentation d'Arduino comme exemple d'outil issu du monde du libre a fait son petit effet, rien de tel qu'une petite touche d’interactivité pour capter l'attention des jeunes après une heure et demie de discours et de projections vidéos.
Question paperasse, notre situation tend à se débloquer puisque l'ambassade à reçu le passeport de Barth. Nous ne l'attendions pas de si tôt et ce retournement de situation sonne plutôt comme une bonne nouvelle. En revanche, au vu du travail qu'il nous reste à abattre, le temps qui nous était alloué avant notre départ de Jakarta s'est contracté. Pour ce qui est des vidéos en attente, on ne se fait plus guère d'illusions, elles attendront probablement Kuala Lumpur, car avant cela il nous faut attaquer les tournages et montages du Checkpoint-009, la réservation des billets de bateau et la préparation de la Malaisie (contacts à relancer et itinéraire à tracer), la mise à jour du site et les transferts des fichiers vidéos pour le festival de l'Oeil d'Oodaaq… Et j'en passe.
À propos du transfert des fichiers vidéo, Piero et Fanch de Linux Quimper ont encore une fois assuré en nous offrant la possibilité d'envoyer les fichiers sur un serveur directement en ligne de commande. Une opération qui s'avère plus rapide que via les sites de transfert traditionnel et avantage non négligeable, cette méthode permet d'interrompre le chargement d'un fichier pour le relancer plus tard (en attendant une meilleure connexion par exemple). Incroyable, merci encore à vous les gars!
Une réunion est prévue avec Anaïs dans les jours qui viennent pour faire un point sur la situation financière de Geocyclab qui n'évolue guère dans le bon sens. Nous pensons à relancer ou plutôt à intensifier nos recherches de fonds, subventions, fondations, concours, bourses, crowfunding… Un autre point que nous devrions aborder et qui, faute de temps resurgit un peu du passé, c'est cette histoire d'ordinateur défunt. Anaïs à lancé les démarches pour faire fonctionner la garantie, il ne nous reste (presque) plus qu'à croiser les doigts… Mmmm, ça sent les heures dans les dossiers tout ça, on adore.
Enfin, j'insiste sur le fait que la maison et l'accueil de Julien sonnent pour nous comme une bénédiction. C'est un lieu calme dans une ville frénétique, un endroit idéal pour rester concentrés et nous nous y sentons comme chez nous. Mais Julien a aussi le don pour nous distraire, nous sortir un peu la tête du boulot. Alors, en quelques mots, « Ta compagnie est un véritable privilège Ju, merci encore ! Bagus bagus !! »
Jour 550 - Jamais assez prudent
Mercredi 2 avril 2014 - 0 kms - Post n° 510
Chers compatriotes,
Les autorités indonésiennes viennent d'émettre un message d'alerte concernant un possible mini-tsunami suite au tremblement de terre de force 8.2 survenu ce jour sur les côtes du Chili.
Une vague de 50 cm de hauteur est susceptible de toucher les côtes de l'est indonésien en début de matinée jeudi 3 avril.
L'ambassade vous recommande la plus grande prudence si vous avez prévu de vous rendre en bord de mer et vous invite dans tous les cas à consulter les fiches réflexes consacrées aux tsunamis sur le site internet de l´ambassade au lien suivant :
Fiche_catastrophes_naturelles_tsunamis_2.pdf
Bien cordialement,
Stéphane BAUMGARTH
Premier conseiller
Ambassade de France en Indonésie
Jour 552 - Un arrière-goût de Jakarta...
Vendredi 4 avril 2014 - 35 kms - Post n° 511
Fanch : Les petites habitudes à la française reviennent au galop, soirée ciné, régime alimentaire européen, virées nocturnes dans les bistrots un peu trop huppés de la capitale. Nous ne sommes plus qu'à 50% en Indonésie, je m'éloigne de la vie locale et me sens plus proche de la France. Cette situation particulière est confortable, on peut même dire que ça a du bon de laisser un bout de roquefort fondre sur la langue mais inévitablement, tout cela m'amène de force à questionner le mode de vie nomade, mon intégration et celle des expatriés à Jakarta, j'en arrive à imaginer le retour en France et la phase de rééducation qui va avec…
Ce changement de rythme résonne comme un « BOOMmmmm » bizarroïde qui suffit à déclencher une petite période de lassitude et de doute… De relâchement en somme. Globalement, ça va, je ne suis pas à la déprime (loin de là) mais mon esprit se laisse aller à la critique facile (négative par défaut) et finalement, je regarde Jakarta en me persuadant que l’humanité ne fera jamais face à ses problèmes en agissant de la sorte, qu'au bout du compte nous sommes en train de griller notre avenir. C'est un discours basique certes mais cette ville orchestrée par Mr. Capitalisme et M. Corruption est un magnifique exemple (parmi d'autres) de l’insouciance de l’excès. L’excès ça coûte cher et c'est ça qu'est bon. La politique et les religions sont deux concepts qui dans leurs fondements étaient destinés à proposer des règles de vie en société. Mais ici pas de bol, l'or transgresse les règles, aussi sacrées soient-elles. C'est juste normal pour tout le monde, à toutes les échelles. Quand tu as de l'argent à Jakarta, tu peux pavaner à gogo, liquider un mec, assouvir de glauques fantasmes sexuels, gober un extasy sous le regard d'Allah sans la moindre culpabilité… Quand tu n'as pas de tunes, à Jakarta? Et bien, tu rêves d'en avoir pour rejoindre la jet set locale. Au delà du code pénal ou du coran, ce sont simplement les notions de « bon sens » et de « pouvoir » qui sont ici requestionnées. C'est fou, ça fait presque peur et devant un tel spectacle, je pense plus que jamais que le monde manque de sages et qu'à ce rythme on va pas allez loin. Je me lâche un peu, la critique négative est toujours plus aisée, je sais, mais c'est assez grisant…
Bien sur qu'il y a plein de choses intéressantes à Jakarta, c'est juste que dans ce bordel, c'est pas facile de tomber dessus.
Voilà, c'était mon propre résumé (qui n'engage que moi) concernant l'ambiance de Jakarta. Au delà de cela, je tiens particulièrement à remercier Julien pour son accueil bien plus qu'exceptionnel, ses explications sur le monde dans lequel nous sommes tombés, ses conseils, les soirées Black-Mirror, la bouteille de rouge sur le sommet d'un gratte-ciel, et pour tous ces visages qu'il nous a fait rencontrer. Ju, on se revoit bientôt?
C'est l'heure de lever l'ancre, l'heure des Adieux… Soyons honnêtes, je dis « fuck » à Jakarta, mais je vous salue humblement vous, les peuples indonésiens que j'ai déjà envie de retrouver. Un peu plus de deux mois à rouler sur le bitume défoncé des routes secondaires à collecter vos sourires, à vous regarder droit dans les yeux pour essayer de vous comprendre sans avoir à parler. Merci encore pour votre tolérance religieuse, ça fait du bien à voir, vous êtes probablement un modèle à suivre en la matière. Merci pour votre générosité, pour votre curiosité, pour votre ouverture, c'est clair, ces deux mois en votre compagnie ont marqué Geocyclab. Faîtes gaffe tout de même à ne pas céder vôtre richesse intellectuelle et culturelle à n'importe qui et pour n'importe quoi en retour, un esprit libre est essentiel et irremplaçable, ça ne fonctionne pas comme un smartphone.
Le ferry est là, nous embarquons nos montures pour un long voyage vers un autre pays. Un autre voyage, une nouvelle frontière, de nouvelles découvertes… On est toujours dans la course!
Jour 553 - Au-revoir Indonésie
Samedi 5 avril 2014 - 0 kms - Post n° 512
Barth : Les derniers jours de notre séjour à Jakarta furent aussi intenses que précipités ! Difficile d'arriver à se concentrer sur toutes les urgences liées à notre projet tout en gardant un peu de temps pour profiter à fond de Julien, et la petite bande d'amis, Guillaume, Clément, Dita… qui nous ont si bien reçu. Mais c'est pourtant ce que nous avons tenté de faire… Quelques petits restaurants, soirées à papoter en refaisant le monde, quelques bons films également, et surtout une inoubliable bouteille de vin, dégustée sur la terrasse du cinquante-troisième étage de la tour BCA en contemplant la silhouette furtive de la forêt de grattes-ciel se dessiner à la lueur des orages qui balayent la métropole. Un grand moment, et un très bon vin ! Merci Julien !
Côté boulot, c'est toujours la même rengaine, il suffit de ne plus avoir le temps de faire les choses pour trouver l'énergie et la concentration d'en faire deux fois plus. Nous avons donc tourné le checkpoint, et un peu dégrossi le montage de ce dernier. Grâce à la prodigieuse méthode enseignée par nos compères de Linux Quimper, je suis enfin parvenu à envoyer en France le montage de nos haîkus pour le festival « l'Oeil d'Oodaaq ». Une bonne chose de faite en attendant de trouver de meilleures connexions pour finaliser l'opération. Et j'ai trouvé un tout petit peu de temps pour avancer à distance avec Jean-Baptiste le frère de Fanch, sur notre future carte interactive qui commence vraiment à avoir de la gueule !
Au sujet des derniers rebondissement administratifs, pas de grosses surprises. J'ai donc récupéré mon nouveau passeport et obtenu un permis de sortie de territoire au bout de quelques heures d'attente au bureau de l'immigration. Fanch à pu acheter les billets pour le bateau de vendredi directement au bureau de poste du quartier, s'évitant ainsi un aller retour de trente kilomètres à travers Jakarta. Tout est donc prêt pour laisser derrière nous l'Indonésie et poursuivre notre route vers l'Asie qui nous ouvre les bras. Et nous sommes déjà jeudi, la veille de notre départ. Le site synchronisé, les bagages pliés, Julien est en sortie scolaire toute la journée, nous n'avons donc que la soirée pour profiter une dernière fois de sa présence. On a beau repousser au maximum l'heure du salamat malam (bonne nuit) qui sera ce soir un adieu, mais il faut bien être raisonnable, il y'en a qui bossent demain. Et d'autres qui vont pédaler avant l'aube… Je dois avouer que mon quota de sommeil a pris une sacrée claque, mais je préfère partir d'ici fatigué avec la sensation d'avoir réussi à avancer sur pas mal de choses.
Il y a deux choses que je regrette néanmoins, ne pas avoir eu le privilège d'apercevoir un des iguanes qui logent dans le carré de jungle qui tient lieu de jardin dans la maison de Julien, et ne pas avoir trouvé le temps d'accompagner ce dernier pour une virée à moto armés de caméras afin d'immortaliser quelques grands crus d'embouteillages comme on en fait qu'ici à Jakarta… Mais Julien ne s'est pas laissé faire et s'en est allé seul, affublé de notre mini caméra pour tourner un plan séquence plutôt bien vu !
Trois heures du matin, le réveil sonne mais ne me réveille pas, je n'ai pas réussi à m'endormir après toutes ces veillées de boulot des derniers jours. Fanch émerge de son côté et nous appliquons silencieusement le rituel d’apprêtage de nos bécanes après avoir avalé un substantiel petit déjeuner. Une bonne heure plus tard, nous cachons donc la clé de la maison sous un pot de fleurs du jardin et glissons dans la douceur et l'étrange silence de Jakarta qui vient à peine de frémir au son du premier appel à la prière. La route est vite avalée, mais le soleil a le temps de nous rattraper. Après un joli dérapage de Fanch dans une boue de marée basse, nous parvenons sans trop de peine à trouver l'embarcadère qui nous intéresse dans l'immensité du port de Jakarta. Nous sommes en avance, le temps de boire un kopi susu qui finit un peu de nous réveiller et pendant que Fanch part aux renseignements, de me faire bénir par un musulman barbu venu « d'Aceh Tsunami » (dixit), province du nord de Sumatra plus ou moins indépendante… Étrange personnage ne parlant pas un mot d’anglais mais fort sympathique, terminant sa longue bénédiction par un vigoureux et bienvenu massage du dos.
Il doit bien il y avoir une vingtaine de mètres de hauteur entre le quai et le quatrième pont de notre navire où nous devons embarquer. Un escalier passerelle est bien là pour nous y aider, mais heureusement que les bras ne manquent pas pour hisser les deux chevaux morts que sont nos vélos chargés face à quelques marches. Nous avons pris la classe Eko. Faut pas déconner, on est en crise financière ! Nous trouvons donc notre place dans un immense dortoir de plus de 200 lits dans lequel nous sommes supposés passer les trente prochaines heures. L'odeur de poisson pas bien frais et les quelques pièges à blattes déjà pleins qui ornent les mûrs de la salle en disent long sur l'ambiance de notre nouvel abri. Nonobstant (ça faisait un bout de temps que je voulais le caser celui là), la seule vue d'une surface horizontale sur laquelle je vais pouvoir m'étendre et récupérer mon déficit de sommeil, me remplit d’espoir et de joie ! Fi des blattes et autres puces qui se baladent effectivement parmi les voyageurs, ça change des moustiques, et ça ne m'empêchera pas de dormir…
Je ne me souviens pas avoir entendu la sirène annonçant notre départ, et quand j'émerge quelques heures plus tard, je suis pris à parti par mon voisin de couchette, Kharis, qui dans un anglais rudimentaire engage la conversation sans préalable. Le temps de sortir de ma torpeur et nous nous présentons l'un l'autre, réalisant alors que nous sommes nés à deux jours de différence. Barman, remarié et père de trois bambins, Kharis est vraiment sympathique et c'est un plaisir de bavarder avec lui. La journée se poursuit ainsi, entre siestes et allers retours sur le pont supérieur pour siroter un kopi susu en regardant l'étendue d'eau défiler sous le ciel nuageux. Seule une étrange rencontre vient briser cette monotonie. Helen, la quarantaine, qui nous explique dans un anglais incohérent ses soucis en tant que chrétienne dans un pays musulman dans l'espoir de nous soutirer un peu d'argent. Nous essayons par tous les moyens de lui faire comprendre notre situation financière et de lui faire accepter l'idée que tous les « boulays » (blancs de peau) ne sont pas riches, en vain… Après avoir obtenu notre ration de nourriture, une portion de riz avec une demie sardine baignant dans une sauce douteuse, la nuit tombe et le sommeil ne tarde pas à venir malgré le bruit ambiant de l'immense dortoir…
Tiré du sommeil vers quatre heures au son de l'appel à la prière dans les hauts parleurs du bateau, je retrouve Kharis sur le pont supérieur pour guetter ensemble le lever de soleil, appareils photo en main. Le temps est aussi couvert que la veille et le spectacle est plutôt décevant, nous comblons alors notre déception en discutant autour d'un café, rejoins peu après par Fanch qui émerge couverts de piqûres de puces. J'ai définitivement abandonné l'idée d'avancer sur le montage du checkpoint durant cette traversée et en profite donc pour rattraper quelques peu mon quota de sommeil. Je laisse défiler la matinée et les averses qui croisent notre route avec une nouvelle sieste comateuse. Vers midi, les premiers îlots et quelques installations pétrolières accompagnées de nombreux cargos annoncent notre approche de Batam, et quelques heures plus tard, nous voici arrivés à bon port après trente heures de navigation.
Notre descente du bateau ne passe pas inaperçue sous le regard des autres passagers, de l'armée de porteurs en quête de clients et des quelques badauds ou chauffeurs de taxis qui attendent à l'embarcadère. Nous fonçons directement en direction du port international à une quinzaine de kilomètres de là, dans l'espoir d'y attraper la dernière navette qui nous fera gagner la Malaisie ce soir. Quelques grimpettes et hésitations sur la route à suivre mais nous atteignons finalement notre objectif, juste à temps pour acheter les tickets et franchir le poste d'immigration qui pose le point final de mes inquiétudes administratives. J'ai un bel espoir en étant reçu par un officier qui me parle directement de sa passion pour le vélo en me demandant l'adresse de notre site internet, mais ce dernier est remplacé par son supérieur qui ne veut rien savoir et exige sans négociation possible que je m’acquitte de la somme de 1,6 millions de rupiahs (100 €) pour régulariser ma situation. C'est moins cher que je ne le pensais, j'aurais tenté le coup, mais le bateau est sur le départ, je n'ai plus d'autre option… On paye donc. Mes derniers pas sur le sol indonésien se font en courant pour rejoindre l'embarcadère, et notre petit bateau met les gazs alors que le soleil est en train de disparaître dans l'épaisse couverture nuageuse.
Installés sur le pont supérieur, préférant le vent de la vitesse de notre embarcation à la climatisation de la cabine, nous regardons l'Indonésie disparaître derrière nous avant de nous faufiler parmi les immenses cargos et autres pétroliers qui circulent autour de Singapour. Nous croisons un moment le rail aérien sur-fréquenté de l’impressionnant aéroport avant de longer l'immense zone industrielle et pétrolière qui borde la côte sud de la Malaisie. Le gigantisme de ces installations industrielles dont les éclairages scintillent et se reflètent dans la nuit maintenant bien tombée est aussi magnifique qu’inquiétant. Une grosse heure plus tard, deux en réalité si l'on tient compte du décalage horaire, nous voici donc à Johor Bahur, notre point d’entrée sur le territoire malaisien. Les formalités de douane se passent sans souci, la présence de nos vélos jouant toujours autant en notre faveur, et nous nous retrouvons un peu abasourdis au second étage d'une immense galerie commerciale, fort heureusement pourvue d’ascenseurs pour nous permettre d'en sortir. Après avoir changé les quelques roupiahs qu'il nous reste, nous filons vers la gare à une poignée de kilomètres. Au-delà du consumérisme affiché de cette zone urbaine ultra moderne qui ne va pas sans rappeler notre traversée de la Californie, ce qui m'impressionne le plus, c'est le calme et la propreté des quartiers que nous traversons, impression sans doute accentuée du fait que nous débarquons de Jakarta…
Il y a un train de nuit qui part à 23h35 pour Kuala Lumpur. Parfait, cela nous laisse le temps de manger un morceau dans la galerie commerciale de la gare en observant le défilé des indiens, malais et chinois qui annoncent la couleur pour le mois qui vient. Et c'est enfin l'heure du départ… Nous suivons les recommandations de l’hôtesse d'accueil en empruntant un premier ascenseur qui nous mène directement au poste de douane en direction de Singapour. Demi-tour, explications, descente en urgence des vélos par l'escalator avec l'aide de deux policiers et nous voici enfin sur le quai, à négocier avec le chef de gare et les contrôleurs qui ne semblent pas disposés à nous laisser embarquer avec nos montures. Quelques billets et l'affaire se détend, nous entreposons vélos et sacoches dans le peu d'espace libre du wagon restaurant et prenons place à bord du train.
Ouf ! Kuala Lumpur, nous voilà !