Maroc
Distance parcourue : 2194 kms
Durée : 97 jours
Date d'entrée : 2012-12-13
Date de sortie : 2013-03-19
Jour 75 - Melilla
Jeudi 13 décembre 2012 - 25 kms - Post n° 075
Fanchic : La méditerranée nous offrent un réveil chaud comme ça faisait bien longtemps. Petite douche face à la mer, mon corps le réclamait, mon odorat aussi.
Melilla est très décor carton pâte. On s'y sent comme à disney, avec étalage de grosses voitures en prime. Les rues commencent à parler arabe, le Maroc on le touche, juste là derrière la ceinture de barbelés. Le premier poste frontière est fermé pour les non résidents, ce qui nous oblige à longer entièrement Melilla, le long de la frontière. Un épais mur de câbles, de grilles défilent à nos coté. A la frontière, la foule se densifie, déplace de nombreux sacs, sur les épaules, les bras, les vélos. C'est un énorme bordel. La route se rétrécit, une camionnette tente de me doubler. Déjà je trouve la manœuvre périlleuse, mais entre nous déboule un type sur son vélo qui doit se répéter à longueur de temps « ça va passer, ça va passer ». Ben non, ça passe pas, enfin pas complètement! Le sac d'un mètre de large qu'il traîne sur son porte bagage reste coincé. Lui m'engueule pendant que la camionnette continue à forcer. C'est n'importe quoi, mais je me marre. On évite sans problème la première arnaque qui consiste à te faire payer une fiche gratuite au poste frontière. Sensation de dépaysement complet cette frontière. Les abords sont noir de mondes qui transite, attende de le faire, commerce. Beaucoup de personnes d'Afrique noir. La vie à l'air très dur ici… C'est d'ailleurs ce qu'il nous disent en rêvant d'un occident paradisiaque. Arrivé là je pense qu'ils sont près à tout pour passer, de toute façon rester ici c'est survivre sans perspective…
Plantage de chemin, pas de sortie de ville, on prend un chemin au pif. Temps de latence, ou qu'on va? Qu'est ce qu'on fait? Un bonne vingtaine de gamins sont sur nous, cause les quelques mots français qu'ils connaissent. Il nous indique un spot. Il s'avère génial, des ados nous rejoignent et reste avec nous une partie de la soirée oscillant entre observation, conversation et gestion de Jimmy, le bourré du village…
Barth : Les soit-disant feux d'artifices que nous craignions la veille sont en fait des tirs de mortiers de l'armée espagnole qui s'entraîne juste au-dessus de nos têtes sur la falaise. A chaque explosion, les goélands qui nichent s'éparpillent en criant, mais aucun rocher ne tombe… Nous prolongeons donc un peu notre bivouac, le temps de nous doucher, de faire un peu de tri dans nos affaires et de profiter du soleil qui nous a tant manqué. Pour la première fois je sors la flûte irlandaise que Fanch m'avait légué avant de partir pour un duo avec la traversière !
Un peu avant midi, nous regagnons le centre ville et établissons un camp de base à la terrasse d'un café. Je pars en vain à l'autre bout de la ville dans l'espoir de trouver le magasin de sport qu'on m'a indiqué pour y trouver une paire de Krocs, pendant que Fanch cherche une carte du Maroc et de quoi manger. Nous prenons ensuite le temps de pique-niquer dans le parc resplendissant de la ville avant de nous décider enfin à entrer au Maroc !
Melilla est une toute petite ville dont le centre très chic a des allures de Disneyland et qui est entourée de zone militaires, commerciales et de friches, le tout encerclé d'une immense muraille de grillages et de barbelés. Ce petit morceau d'Europe aux portes de l'Afrique est physiquement enclavé. Nous tentons de sortir par une des ouvertures de cette souricière mais la Guardia nous indique qu'il nous faut aller de l'autre côté de la ville pour pouvoir faire tamponner nos passeports… Nous longeons alors cette impressionnante frontière sur quelques kilomètres. À notre gauche, la ville et le port de Melilla, tout ce qu'il y a de plus occidental, et à notre droite, derrière trois couches de grillages, le Maroc avec les appels à la prières qui résonnent de toutes parts…
Nous finissons par arriver sur notre objectif, le poste de douane, petite brèche dans la muraille où transitent tous les trafics possibles ! Une véritable fourmilière ! Les marocains habitant les environs de Melilla disposent d'un laisser-passer qui leur permet d'aller et venir pour faire des achats essentiellement, de préférence à pied ou en vélo pour ne pas payer de taxe en voiture. Nous nous insérons donc dans ce flot continu de marchandises et d'humains jusqu'à atteindre le poste de frontière où nous obtenons sans trop de difficultés nos tampons.
D'un seul coup nous changeons de monde. C'est bien le Maroc, du bruit partout, des moutons dans chaque petit coin d'herbe entre les constructions, des boutiques collées les unes aux autres tout le long de la route, et surtout une chaleur humaine tellement incroyable ! Je ne pensais pas que le changement serait si direct. Ici les gens nous disent bonjour en nous serrant la main avant de nous poser des questions sur nos vélos ou notre provenance.
Nous filons ainsi sur une bonne quinzaine de kilomètres et le soleil déjà bien bas nous fait vite chercher un bivouac. En suivant une piste qui s'écarte de la route, nous arrivons dans un petit hameau, accueillis par une ribambelle de gamins qui ont tôt fait d'encercler nos montures. Pendant que Fanch et Fanchic discutent avec deux Guinéens qui cherchent à passer en Europe et nous indique une forêt à 10kms pour passer la nuit, je fais une démonstration des principes de base du vélo couché à mes spectateurs de plus en plus nombreux. Quelques uns des enfants parlent un peu français et nous font comprendre qu'ils peuvent nous conduire à un jardin pour planter nos tentes. Nous les suivons donc jusqu'à l'entrée d'une immense propriété occupée seulement le week-end par des espagnols de Melilla. Une terrasse couverte nous y attend, merci les enfants !!
La soirée se passe tranquillement, entre préparation du repas, duo de flûte traversière et de guimbarde (le Maroc m'inspire…!), toujours sous le regard de quelques jeunes du village qui se relaient par groupe de deux ou trois pour nous tenir une assez silencieuse compagnie. Le réchaud à alcool fera son petit effet tout de même, un peu plus que la musique, sans doute pas assez industrielle à leur goût si j'en crois les morceaux qui s'échappent parfois de leur téléphones portables… Le petit feu qu'on allumé nos hôtes suffira à faire chauffer le thé mais pas à nous éterniser, il est l'heure de se coucher…
Fanch : Un imposant rideau de fer se dresse comme frontière entre l'Europe et l'Afrique. Nous sommes au poste de douane, dans un sas de transition. L'Espagne est derrière, le Maroc, devant nous. Le calme dans notre dos et le tourbillon approche. Les moteurs de vieilles mobylettes crachent bruyamment une épaisse fumée noir, ça se bouscule, ça gueule dans tous les sens. Des va et vient de véhicules de toute sorte, des piétons mettent mes sens en éveil. Je subis une petite montée d'adrénaline face à ce remue ménage, mais j'ai le sourire aux lèvres. Enfin, on y est.
Après quelques kilomètres sur une mauvaise route, il est déjà l'heure de se trouver un coin ou dormir (il faut dire que nous avons pris notre temps aujourd'hui). La question reste la même ici qu'ailleurs. Nous quittons la route principale pour nous hasarder sur un chemin caillouteux. On s’arrête pour je ne sais quelle raison, peut être pour réfléchir… Et d'un coup, je vois Barth entouré d'une bonne vingtaine de petits curieux se demandant bien ce que ces trois touristes sont venu chercher dans le coin. Héhé… Au même moment, deux jeunes hommes guinéens viennent à notre rencontre et pendant que Barth attire l'attention des mômes, Fanchic et moi prenons le temps de discuter avec les deux garçons. Ils sont en attente de passer la frontière. C'est dur, Les conditions de vie sont rudes sans rien d'autre qu'un peu d'espoir pour combattre l'ennui. Leur rêve est de rejoindre la France. Quand ils nous ont demandés notre avis sur ce pays, j'avoue avoir été relativement désemparé. Mais comme ils le disent « nous passerons si dieu le veux ». J’espère que leurs vœux seront exaucés et que la France leur offrira autre chose qu'une triste désillusion. Enfin, tout cela mène à la réflexion…
Bon, on a un plan un plan pour dormir… cool.
Jour 76 - Route de Zeghanghane
Vendredi 14 décembre 2012 - 35 kms - Post n° 076
Barth : Les muezzins environnants n'ont pas réussi à nous lever, il faut attendre le chant du coq pour émerger. Le temps de boire un thé et de grignoter les quelques gâteaux qui nous restent et nous quittons le petit village après avoir saluer « JimmyKif », que nous avions vu la veille dans un état d'ébriété plus qu'avancé…
Pour faire les 20kms de montagne qui nous attendent, nous devons manger un peu plus. Un petit déjeuner complet en terrasse nous rassasie et nous redonne du courage pour nous élancer à l'assaut des 800 mètres de dénivelé. Le soleil est déjà haut et nous faisons notre première expérience de suée en plein effort dans un paysage splendide. Quelques pauses pour admirer la vue sur Melilla puis sur Nador que nous surplombons, et au bout de dix kilomètres c'est le sommet ! Sur ce coup là, j'ai appliqué la méthode « marche et pousse », ce qui m'a permis de découvrir la fonction pied-photo sur roue de ma monture… Je ne regrette pas !
Les dix kilomètres de descentes qui enchaînent derrière semblent passer à une vitesse incroyable ! À peine le temps d'avoir un peu frais et nous voilà atterris au beau milieu de l'artère principale de la petite ville de Zeghanghane à l'heure du repas de midi. Après nous être approvisionnés de nos premiers dirams, nous trouvons une table pour manger un morceau de poulet et un thé à la menthe pour 1€75 chacun… On commence à faire des projections sur le budget d'un mois, on va peut être faire moins de courses au Maroc !
Les gens sont aux petits soins avec nous, du policier de garde à la banque qui ne lâchera pas nos vélos d'un oeil pendant que nous sommes attablés, au marchant de modems 3G qui passera une bonne heure à tester en vain tout ses modèles sur notre système Linux, et en passant par le serveur du petit resto qui va nous commander trois thés à la menthe dans le bistrot d'en face..! Je ne suis pas dupe, je sais bien que nous restons des touristes, toujours potentiellement plus rentables que la population locale, mais tout de même. Je mesure à quel point, pour le globe-trotteur débarquant hors-saison sur un vélo étrange que je suis, tout est plus simple ici ! Pas de question à se poser pour savoir où dormir, où manger, où trouver quoi que ce soit… Y'a pas de problème, vraiment !
Je ne compte plus les bonjours et les sourires vus en sortant de la ville, avec le soleil du soir qui nous aveugle, à l'heure où les gens sortent, travaillent, vont aux courses… Nous discutons un peu avec un coiffeur qui nous indique notre route en nous rappelant encore une fois au cas où : « au Maroc, il n'y a pas d'problème ! » Quelques kilomètres plus loin, nous finissons par trouver une petite oliveraie herbue au bord d'un ruisseau avec du bois pour faire un bon feu - important car nous n'avons pas trouvé d'alcool à brûler au Maroc pour le moment, ce qui compromet dangereusement les vertus de notre Canstove…
Je passe du temps sur l'ordinateur pour trier les images des derniers jours et préparer le terrain pour la prochaine mise à jour du site pendant que Fanch et Fanchic préparent le dîner en jouant de la flûte et de l'harmonica… La prometteuse première version de la soupe du soir ayant arrosé les oliviers (c'est un signe, il faut qu'on aille au resto !), Fanchic se rattrape bien avec une soupe plus clairette mais pas moins ravigotante ! Nous ne traînons pas pour nous coucher, les kilomètres de montée et toutes ces nouveautés, ça fatigue…
Fanchic : Je passe mon temps à sourire, pas seulement pour les paysages. C'est qu'une bonne partie des automobilistes, ils peuvent être beaucoup dans une voiture, nous encouragent, nous interpellent, klaxonnent. Dans la rue c'est idem, ça va du salut à la crise de fou rire. A quasiment chaque pause, des gens échangent quelque mots dans un mélange francoespanoloarabe. Et bizarrement j'ai l'impression de comprendre même si mon arabe se limite à « choukrane ». Dans les boutiques si ils ont pas le produit, un vendeur ou un client t'amène dans un autre magasin. « au Maroc y a pas de problème! » devient notre rengaine. Bon c'est que le début, mais un début souriant…
Fanch : Je me heurte enfin à une nouvelle culture, un nouveau rythme, de nouveaux points de vue sur notre monde. A peine passé cette muraille de grillage séparant l'Europe de l'Afrique, je m'étonne de tout. Ici, tout les sens sont stimulés. La vue bien sûr avec une nouvelle diversité de visages et de paysages naturels ou urbains. L’ouïe, avec un cette étrange langue aspirée, roulée, claquée, avec ces moteur de vieilles mercos, mais aussi avec le silence de la montagne ou vient se perdre le son de la prière. L'odorat avec ces gaz d’échappements qui empoisonnent les sinus jusqu'à vous irriter les yeux, avec les effluves de pin et d’eucalyptus s’échappant de la forêt. Le goût, avec le poulet de ce midi et le classique thé à la menthe. Et puis le toucher avec ce soleil qui vient réchauffer nos corps encore engourdis par le froid de ces dernières semaines.
Nous grimpons dur sur 15 kilomètres. À mi-chemin, nous apercevons en bordure de route, disséminé à la lisière de la foret, quelques groupes d'Africains venus du sud et qui, eux aussi (voir l'article d'hier) attendent le top départ de Dieu pour rejoindre l'occident. La nationalité française est un privilège, un confort qui nous ouvre pas mal de portes. J'en suis conscient.
La méditerranée nous salue une dernière fois. Nous descendons la dernière montagne qui nous coupera de l'horizon linéaire. En avant toute vers les terres inconnues…
Jour 77 - Route de Tiztoutine
Samedi 15 décembre 2012 - 45 kms - Post n° 077
Barth : La nuit aurait été parfaite sans ces insupportables chiens qui aboient sans cesse pour un rien… C'était déjà le cas en Andalousie, je mènerais mon enquête pour comprendre ce qui fait qu'ici on laisse les chiens aboyer. Je suis le premier levé et profite du petit plaisir de relancer le feu sur les quelques braises restantes de la veille. Le soleil se montre vite et fait sécher les tentes pendant que nous buvons le thé, puis nous reprenons la route.
Il fait chaud mais ça grimpe moins qu'hier. Je ne sais pas bien ce qui m'arrive, mais à ma grande surprise je me retrouve en tête de notre petit peloton sur une grande partie des 40 kms qui nous séparent de Tiztoutine. Nous suivons plus ou moins une vallée et les montagnes qui se profilent à l'horizon me rappellent que ça ne va pas être aussi tranquille dans les jours qui viennent.
Nous arrivons sur le coup de midi dans cette petite ville traversée par une route, avec pour objectif de manger un morceau et de trouver un endroit pour brancher l'ordinateur. Nous devons mettre à jour la version locale du site pour synchroniser demain afin que les publications s'enchaînent sans coupure. Nous passons donc la fin de l'après-midi à siroter des thés à la menthe devant l'ordinateur, dans un café où peu de gens parlent espagnol ou français.
Avant que le soleil ne se couche, nous sortons de la ville et trouvons refuge dans une oliveraie, pour changer ! Je termine le montage des derniers haïkus pendant que Fanchic prépare le repas et que Fanch tente en vain de réparer sa tente dont un des arceaux s'est brisé net… La mouise…! Heureusement il fait sec et nous sommes abrités du vent derrière une maison, mais il va falloir trouver une solution rapidement. Une fois couchés, les chiens commencent à aboyer, en guise de berceuse…
Fanch : Les mêmes questions reviennent inlassablement… rouler ou travailler, avancer ou se poser. Néanmoins, si j'ai encore ce sentiment frustrant de ne pas faire les choses à fond, l'organisation s'améliore et aujourd'hui nous sommes parvenus à atteindre notre objectif. Les 50 kilomètres ont (quasiment) étés atteins, une belle mise à jour du site à été effectuée et trois haïku sortent assemblés du logiciel de montage.
Le paysage évolue, nous roulons sur une plaine aride. Les eucalyptus cèdent leur place aux buissons de cactus. Un mince filet d'eau coule dans le lit d'une rivière et la poussière voile mes souvenirs de la glaise gluante des oliveraies andalouses. Nous déployons nos panneaux solaires pour la première fois pour les fixer sur nos vélos, je me coiffe de mon turban violet qui auparavant servait d'écharpe. Il est 10h, le soleil est au rendez vous. Enfin, le vent de la descente ne me glace plus la peau.
Nous ne passons pas inaperçus avec nos bécanes, chargés comme des mulets. Chaque pose est l'occasion d'un sourire, d'un dialogue (plus ou moins compréhensible), d'un coup de klaxon. Les Marocain nous accueil à bras ouverts.
L'un des arceaux de ma tente a déjà rendu l'âme, comment ne pas être énervé, hein!.. Ma tentative de réparation « système D » a échoué… Mais la toiture de fortune se tient malgré tout et étant donné les conditions climatiques du moment, je ne me fais pas trop de souci pour ce soir.
Fanchic : Les premières questions d'eau se posent. Et ouais en bons européens que nous sommes nous suspectons nos estomacs de ne pas supporter l'eau du robinet. Du coup il nous faut acheter de l'eau minéral, c'est pas compliqué y en a partout, mais c'est cher, logique. Il nous faut aussi prendre de l'eau du robinet pour la toilette, la lessive, la vaisselle. On va apprendre à rationner, en fait simplement à ne pas gaspiller. Déjà la vaisselle se règle avec 1,5 L d'eau, qui dit mieux. La toilette et la lessive je sais pas, ce sont des passes-temps que je délaisse…
Jour 78 - Driouch
Dimanche 16 décembre 2012 - 25 kms - Post n° 078
Fanch : Driouch, ville carrefour, village de passage. Nous y faisons halte pour synchroniser notre site. L'objectif principal est à présent de déceler une connexion fiable pour exporter nos données sur le web, puis faire les choses dans l'ordre pour espérer gagner du temps. Premier arrêt dans un café wifi, connexion pourrie, Barth tente tant bien que mal d'envoyer sur le web nos 3 derniers haïkus, tentative qui sera un échec. Gueroudj le dessinateur vient à notre rencontre et nous indique un cyber-cyber (dans un cyber-café il y a du café, ici il n'y a que des ordinateurs d'où le « cyber-cyber »). Ok, on fini notre thé et on décampe. C'est à deux pas et Gueroudj insiste pour nous y mener. C'est ouvert, Barth sort la machine à octets, branche le câble réseau, c'est encore lent mais la connexion s'avère meilleure que la précédente.
Pendant que les données chargent et que Barth mange son sandwich devant son écran, Fanchic et moi veillons sur nos montures garées devant la boutique. Quelques mômes restent nous observer, le regard à la fois curieux et timide. Un homme s'arrête pour discuter, puis un autre, encore un autre puis le premier revient, puis Gueroudj prend le relais… J'essaie de suivre les conversations (qui parfois demandent beaucoup de concentration) tout en restant attentif aux vélos. On parle de la France, du Maroc, de l'Europe et de l'Afrique et je ne suis qu'à demi surpris de constater que nos pays du nord font l'objet de beaucoup de fantasme. J'essaie, tant bien que mal, de tempérer les hardeurs de mes auditeur en leur expliquant que l'ambiance générale de la France, si elle peut convenir à certains, peut aussi déplaire à d'autres et que certes, nous avons des usines de production automobile mais la misère existe aussi chez nous. Et puis, j'avoue que je l'attendais, je reçois mon premier sermon coranique. Rien de méchant bien sur mais la discussion aurait pu ne pas avoir de fin si Gueroudj n'y avait pas mis terme en m’interpellant… Il va y en avoir d'autres mais j'aimerais simplement que celles-ci mènent vers un débat idéologique et non pas vers une propagande religieuse. Affaire à suivre.
Ah, Ça y est tout est en ligne. La nuit tombe quand nous serront une dernière fois la main de Gueroudj. Il est grand temps de sortir de Driouch pour trouver un lieu de bivouac.
Barth : Ce n'est pas facile de décoller tôt quand on a eu un peu froid la nuit, que les tentes sont mouillées par la condensation et que les premiers rayons de soleil nous offrent un moment de bien-être… Nous finissons tout de même par prendre la route, direction Driouch à une vingtaine de kilomètres afin d'y trouver une connexion internet pour la mise à jour du site. La route est toute droite, quasiment plate et la petite chaîne de montagnes que nous longeons sur la droite semble retenir les nuages du nord, coupant le ciel en deux applats bleu et gris. J'ai ma première grosse frayeur en ayant à peine le temps de voir une voiture qui doublait en contresens et qui m'effleure à quelques centimètres à une vitesse que j'estime aux alentours de 100km/h… Ça m'aprendra à regarder dans le retro !
Driouch est une ville moyenne, pas spécialement jolie mais très animée. Après quelques détours, on nous indique un café disposant d'une connexion wifi. Une fois installés avec trois thés à la menthe, je lance le chargement des trois derniers haïkus. Au bout d'une grosse heure, le chargement plante, la connexion n'est pas assez solide… Je demande si je peux me brancher directement avec un cable à la box et Gueroudj, l'homme à qui je m'adressais, m'entraine à quelques rues de là dans un petit cyber center.
Démenagement. Nous établissons notre camp devant la boutique tandis que je m'installe avec une connexion filaire cette fois-ci pour finaliser l'opération. Je passe ainsi le reste de l'après-midi devant l'écran, avec une coupure de 20 minutes pendant laquelle la boutique était fermée et un sandwich à la viande coriasse que Fanch m'amène. Je suis un peu dégouté d'avoir passé autant de temps à résoudre toutes ces histoires, au détriment de communications privées qui me tenaient à coeur… Mais la nuit arrive, nous devons quitter la ville pour trouver un coin tranquille.
Sur les hauteurs nous trouvons un bout de terrain un peu dur, à l'écart de la route, sans oliviers cette fois et loin de tous les chiens que nous entendons déjà au loin. La vue sur Driouch est imprenable mais le froid arrive vite. Une soupe de légumes presque crus car notre canstove ne fonctionne pas bien avec de l'alcool à 90, et au lit !
Jour 79 - Route d'Ain Zorah
Lundi 17 décembre 2012 - 45 kms - Post n° 079
Barth : Le soleil chauffe déjà la terre tout autour de nous sauf à l'endroit où nous sommes installés, dans l'ombre d'une colline. Le vent souffle mais ne parvient pas à faire sécher les tentes. Nous prenons la route sans boire de thé chaud, une première depuis notre départ…
Nous traversons une immense plaine sur une route quasi rectiligne où le passage des camions soulève un nuage de poussière et de gaz d'échappements. Je commence à différencier au goût et à l'odeur un sans plomb d'un gazole !
Dans cette immensité, nous trouvons une grande place fermée par des murs où une petite boutique ouverte nous permet enfin d'avaler un thé ! C'est le lieu du souk qui se tient le lendemain et quelques hommes sont là à recevoir les livraisons. Nous discutons plus particuliérement avec l'un d'eux qui est infirmier et parle bien le français. Nous apprenons ainsi que nous allons bientôt sortir de l'ex-territoire colonial espagnol, et donc trouver plus de monde à parler français !
Nous repartons sous un soleil de plomb en direction d'Ain Zohra, petite ville accrochée à la montagne que nous devrons franchir le lendemain. Les derniers kilomètres sont un peu durs, la faim et les premières grimpettes de la journée se font sentir… Nous trouvons une petite échope où un homme nous dit qu'on peu manger pour 10 dirhams chacun ! Impeccable, nous voici attablés devant une assiette de crudités, quelques frites et un peu de viande, avec un attroupement de curieux devant nos vélos que nous gardons en vue. À la fin du repas un homme assez agé nous accoste en espagnol, complètement emerveillé d'apprendre que nous sommes français ! Il nous baise les mains, n'en finissant pas de parler sans que nous ne comprenions tout. De son portefeuille il sort une pièce de monnaie française de 1863 qu'il tient de son grand-père, ainsi qu'une collection de billets de nombreux pays. Nous devons quitter la boutique qui ferme et nous tombons de haut quand le patron nous indique que le repas nous coute 280 dirhams, soit 28 euros ! Nous sommes coincés, nous n'avons pas négocié avant et il n'y a plus personne dans le restaurant pour nous venir en aide… On s'en tire à 170 dirhams avec amertume.
Direction un café pour prendre le thé ! Les enfants sortent de l'école et s'attroupent petit à petit devant l'établissement. Je pars avec Fanch et le patron du café faire quelques courses pour le soir qu'il nous offrira en plus d'avoir négocié le juste prix ! De retour aux vélos, c'est un peu la panique, une soixantaine d'enfants entourent Fanch et Fanchic et j'apprends que le préfet local est parti avec leurs passeports… Nous décampons donc rapidement jusqu'au poste de police où après nous avoir expliqué que pour notre sécurité il fait une copie de nos papiers ( comprendre : il ne se passe pas grand chose ici alors je m'occupe comme je peux… ) nous pouvons enfin repartir ! Ouf !
Nous sortons de la ville avec le soleil en pleine face et l'ascension du col commence déjà. Quelques pauses pour discuter avec des passants toujours trés prévenants quand à notre itinéraire, et nous trouvons enfin un coin pour la nuit. Au bord d'un petit torrent assêché où nous pouvons faire du feu à l'abri du vent et des regards indiscrets, et même nous laver ! La soupe de ce soir rattrape celle d'hier, mais misère, dans notre précipitation de tout à l'heure, nous avons oublié le pain !…
Fanchic : Journée riche, encore, le Maroc nous accueille avec une convivialité que je n'avais encore jamais connu. Chaque pause est l'occasion d'un bavardage ou d'un simple salut. Le bruit du klaxon qui d'habitude me hérisse m'a fait maintenant me retourner en souriant. Parce qu'à chaque fois (ou presque, parfois c'est juste pour prévenir que le mec va tenter une manœuvre hasardeuse) c'est un encouragement.
Notre première halte est l'occasion de rencontrer Cherif, qui tient un dispensaire dans un village abandonné. L'endroit est un vestige de la colonisation espagnol. Le poste d'administration n'est plus qu'une ruine donnant sur une place vidée de toute activité. Il parle très bien français nous permettant d'en savoir davantage sur le passé du lieu, sa vision du Maroc. Quand il nous questionne sur la crise, nous renvoyons la question, réponse « mais au Maroc c'est toujours la crise ». Il me propose un petit tour dans le dispensaire, un bâtiment vaste, mais dont une seule pièce est occupée, c'est son bureau… Il est le seul ici à proposer des soins, il est infirmier mais c'est devenu le médecin.
Nous passons ensuite à Ain-Zorah, petite ville perchée à flanc de colline, les discussions se succèdent, chacun y va de sa question, de sa proposition d'étape. Je finis par connaître par cœur les prochaines villes à traverser. Bon on se fait aussi arnaquer, c'est la première fois, du moins de façon aussi flagrante. Le repas qui nous est servi nous revient plus cher qu'en France. Pas de bol, le mec à qui j'avais au départ demandé le prix n'était pas le serveur. Il m'a donné le prix qu'il payait (10 dirhams) et pas celui qui nous est ensuite demandé (80 dirhams). Ça fait mal au (…), la tentative de marchandage se solde par un rabais de 20 dirhams. C'est à prendre comme un vaccin. Maintenant je négocierais tout avant de passer commande. La rancune est vite oublié, dans la foulée un mec nous invite chez lui puis nous paye l'ensemble de nos courses, pourquoi, comment, j'arrive toujours pas à comprendre… Entre temps un « vieux » nous alpague, c'est carrément les embrassades quand il sait que nous sommes français. Il nous montre fièrement une pièce française qu'il enveloppe précieusement dans son porte monnaie (elle date de 1800 selon lui, et de ce que j'en comprends, il y a donc une marge de plus ou moins 100 ans). Nous comprenons qu'il collectionne les billets européens qu'il nous montre une nouvelle fois. Je suis « fasciné » par l'intonation presque l’idolâtrie qu'il met à nous parler de l'Europe. Il reste difficile à suivre dans son mélange d'espagnol et de berbère. C’est bon je suis perdu, j'arrive plus à suivre, mais lui continue, veut nous payer le repas (chez les escrocs). C'est simplement surréaliste comme scène…
Dans la même ville un type parlant impeccablement le français s'arrête devant Fanch, dans sa belle voiture, et se présente comme le préfet. Il lui demande ses papiers. Je ne vois rien, absorbé par les questions que me posent une bonne vingtaine de mômes. Fanch me rejoint me dit qu'il faut que je montre mes papiers à ce type. OK, je m’exécute et lui explique que nous sommes trois. J'ai pas le temps de finir qu'il me demande de le rejoindre au poste de police et démarre avec… nos passeports. J'ai comment dire, un petit moment de flottement… Les gens m'explique qu'il s'agit bien d'un policier, ben moi ça me rassure à peine. Barth nous rejoins et nous partons fissa au poste. Ils ont déjà fait des photocopies des passeports, pourquoi? La réponse est évasive mais l'ambiance très cordiale, il nous redonne les passeports avec un grand sourire. Là encore la procédure m'échappe. Mais comme toujours « C'est le Maroc, y a pas de problème ».
Et puis la journée se termine par une décision, je la mûris depuis un moment…
Fanch : Je n'ai pas grand chose à raconter, ou alors beaucoup trop. Oui, c'est cela, les pensées se bousculent dans ma petite caboche et résumer cette journée haute en couleurs me parait difficile . Vous me pardonnerez de ne pas faire l'effort de replonger dans les péripéties de ces dernières heures, pour une fois je laisse glisser les souvenirs dans le vide sans prendre le temps de les immortaliser. La fatigue est bien présente ce soir et je sens que je traverse une première phase de manque. Un semblant de manque, de repères en tout cas, quand les habitudes mises en place durant toute ces années disparaissent peu à peu, ça fait toujours cogiter. C'est normal et c'est aussi ce que je cherche. Le voyage devient petit à petit un mode de vie, tout se créé chaque jour, pour se détruire trop vite parfois, tout est mobile et rien autour de moi ne se fige jamais.
Jour 80 - Oued Msoun
Mardi 18 décembre 2012 - 35 kms - Post n° 080
Fanch : C'est au levé du soleil, alors que nous devrions encore dormir, que les hautes collines aux formes fluides de l’extrémité Ouest du Riff, se dévoilent tout en splendeur. Tel une peau de caméléon amoureux du soleil, la terre change subtilement de couleur, violet, rose, orangé, rouge puis jaune pâle, ocre et brun. Plus tard, c'est un des premiers monts enneigés du Moyen Atlas qui apparaîtra sous nos yeux à nouveau ébahis. Et c'est au premier coup de pédale de la matinée que je réalise à quel point je suis heureux de participer à ce spectacle. Et voilà, nous y sommes.
C'est trois ventres vides qui prennent la route ce matin (petit problème de gestion des stocks de vivres) et avec l'effort, la faim se fait trop rapidement sentir. Quelques centaines de mètres plus loin (et plus haut), à la lisière d'un hameau, je m’arrête essoufflé devant un jeune homme. Il s’appelle Mohammed, je lui demande s'il est possible d'acheter un peu de pain par ici. Il ne parle quasiment pas français mais je pense que le message est bien passé. Il nous fait signe de le suivre jusqu’au pied de la mosquée où son frère Tamal, moustache et sourire au lèvres, pompe tranquillement (j’insiste sur le « tranquillement ») sur sa pipe de kif (cannabis). Nous lui (ré)expliquons notre problème puis il disparaît après nous avoir demandé de patienter ici, nous laissant en compagnie d'un veil homme, de Mohammed et d'un garçon avec qui il n'est pas vraiment possible de communiquer. Même si l'on sens un arrière goût de colonialisme français, l'absence de tourisme dans cette région (et particulièrement en campagne) fait que cette langue n'est plus réellement parlée et les conversations se résument souvent à : « ça va? ça va bien! » Tout ça pour dire qu'à cet instant précis, nous restons là, à nous regarder dans le blanc des yeux et personne n'ose ouvrir la bouche pour articuler quelque chose. Jusqu'au moment ou Fanchic a la magnifique idée de sortir ses balles de jonglage. Le môme l'observe, un rictus se dessine au coin de ses lèvres, puis il rigole, puis Mohammed rit à son tour, l'ambiance s’assouplit, d'autres enfants arrivent, un ballon de foot est mis en jeu… c'est partit! Et enfin Tamal revient avec du pain mais aussi des œufs au plat, de l'huile d'olive (du jardin!), des épices et du thé. Un tapis est étalé au sol, la table est dressée.
Cette journée marocaine (comme les précédentes) se ponctue de rencontres en tous genres, surprenantes, courtes, agaçantes, magiques, intenses, désolantes parfois, intéressantes mais toujours spontanées. Seule ombre au tableau, il semble que dans ce coin de Maroc les femmes n'existent pas. Et quand elles nous font honneur de leur présence, aucun échange ne paraît possible. C'est culturel - religieux - je sais, mais la condition de la femme musulmane reste, en règle général, quelque chose de difficilement acceptable pour moi. Affaire à suivre…
Le soleil poursuit son chemin, il va bientôt disparaître derrière la montagne. Fanchic part à sa poursuite, vers l'Ouest, nous partons vers le Sud. Le décor des adieux est planté, somptueux. Comme je l'avais prévu, les séparations sont douloureuses. Alors, Fanchic. Merci pour ta présence, pour ta bonne humeur inaltérable, pour ce que tu m'as appris sur l'histoire espagnole, merci de nous avoir attendu de si longues heures quand Barth et moi étions occupés à résoudre nos problèmes informatiques. Merci pour ta tolérance, ton honnêteté et pour tout le reste. Ton absence va provoquer un grand vide. Je ne sais pas quand je te reverrais, alors de tout mon cœur, je te souhaite bonne chance mon ami, bonne route et que le vent te porte vers le bonheur de la découverte et plus encore. Et fais moi plaisir, fais gaffe à toi… et mange des légumes! Bonne route mec!
Il n'y a plus que deux tentes plantées sur les rives de l'Oued Msoun, dans une nature toujours plus radieuse. Il est 19h, seuls les aboiements lointains des chiens bavards perturbent le silence des étoiles.
Barth : Deux madeleines et un thé, c'est un peu léger pour démarrer la journée par une série de pentes ! Je commence à avoir quelques vertiges quand nous sommes accueillis par la famille Tabib qui nous offre le thé, du pain et des oeufs au plat baignants dans l'huile ! Nos sauveurs !
La descente jusque Mezguitem se passe beaucoup mieux ensuite, le paysage est splendide et on aperçoit au loin les cimes enneigées du moyen Atlas. Les couleurs de la montagne vont du vert tendre de l'herbe qui commence à pousser suite aux pluies des dernières semaines, sur fond de terre rouge, jusqu'au bleu profond des sommets les plus éloignés quand ils ne sont pas étincellants de neige. Grandiose !
Arrivés à Mezguitem, un agent de la prefecture nous déconseille vivement d'y manger… Sans doute a-t-il des instructions visant à assurer notre sécurité jusque dans notre assiette ! Quoiqu'il en soit, nous restons et commandons quelques sardines grillées avec du pain et du thé, sous la protection d'un inspecteur du ministère du culte islamique en visite dans ce petit village de montagne. La conversation est très intéressante avec cet homme qui semble un peu mieux mesurer la dimension de notre voyage. Un autre homme prend ensuite le relais pour nous assurer un bon prix dans nos achats de provisions.
Nous reprennons la route vers 15h, toujours en descente dans les montagnes. C'est là que Fanchic nous quitte, pour voler à son allure… Nous avons le coeur gros en voyant une dernière fois sa silhouette disparaître dans le lointain. La splendeur du paysage, et le fait d'avoir passé 80 jours si intenses ensemble donne à la scène une dimension cinématographique que je ne saurais décrire… Que d'émotions !
Merci Fanchic pour ta présence joyeuse de ces premiers mois, et pour ta patience face au rythme d'escargot de Geocyclab. Que ta route soit fluide, et pleine de belles surprises !
Après toutes ces émotions, nous nous laissons glisser jusqu'au fond de la vallée, pour trouver un bivouac sur le bord de l'oued Msoun. Pour la première fois depuis longtemps, nous avons de l'eau qui coule près de nos tentes ! Après avoir regardé quelques troupeaux de moutons rentrer avant la tombée de la nuit, nous allumons un petit feu, préparons le dîner et ne tardons pas à nous coucher…
Fanchic : Alors voilà, c'est mon dernier message sur Geocyclab. Aujourd'hui je quitte le navire mais pas le vélo! Un dernier passage de col et c'est parti pour une balade en solitaire. Mes camarades optent pour une voie directe vers Meknès, je pars vers les montagnes, m'enfoncer un peu plus dans le Maroc, qui pour l’instant comble pas mal de mes souhaits. On ne se reverra pas les copains avant un petit moment, à Quimper dans trois ans, ou avant qui sait, si mes humeurs vagabondes ne me quittent pas.
L'expérience du voyage en solitaire me fout un peu les ch'tons (c'est ça qu'est bon!), mais je crois qu'elle s'imposait. J'y vais rassuré par le bout de chemin que nous avons déjà réalisé ensemble. Alors un grand merci les gars.
Et pour les quelques personnes que ça peut intéresser (globalement j'ai la poisse, alors ça risque de devenir sport!), je vais me remettre à écrire de temps à autres sur mon blog fanchstanguennec.blogspot.fr. Au menu, ben les mêmes pays que Fanch et Barth, petit bout de Sahara, Mauritanie, Sénégal puis bateau stop jusqu'à l'endroit où l'on voudra bien m'amener (si par hasard quelqu'un a un tuyau, je suis preneur, je serais à Dakar fin mars, début avril…). Si tout va bien je devrais échouer en Guyane pour travailler un peu.
A suivre… Et comme qui dirait « force et honneur!!! »
Jour 81 - Taza
Mercredi 19 décembre 2012 - 55 kms - Post n° 081
Fanch : Réveil en douceur au bord de l'Oued Msoun. J'ai pris l'habitude depuis quelques jours d'invoquer l'astre solaire en jouant un coup de flûte traversière dès les premiers rayons. Pour l'instant ça fonctionne plutôt bien, ou alors c'est l'inverse, je joue parce qu'il fait beau… enfin bref, un peu de musique pour me mettre en jambe et puis c'est reparti, en direction de Msoun puis de Taza. D'après la carte, Msoun est une ville de taille moyenne mais la réalité diffère de sa représentation graphique. Point de ville ici, peut-être est ce le mauvais jour, mais une caserne militaire, un parc de vente de dromadaires et une station service-hôtel bordant la route national menant à Fes. Nous y faisons une courte halte ce midi, histoire de se remplir la panse. Il reste 30 bornes avant Taza, un vent d'ouest s'est levé qui va considérablement nous ralentir, nous ne traînons pas. Tout en pédalant j’élabore une théorie (foireuse certainement et qui restera donc à vérifier) sur le rapport existant entre les différente catégories de routes et la gentillesse et la générosité des marocains.
- Les autoroutes- le vélo y est interdit donc vous ne croiserez personne.
- Les nationales- un véhicule sur deux klaxonne et vous salue d'un geste de la main.
- Les routes secondaires- tout le monde klaxonne, certaines voitures s’arrêtent, d'autres chauffeurs font demi-tour pour vous serrer la main et pour vous demander si tout est ok.
- Les chemins- Rares sont les personnes que l'on y croise mais elle vous invite chez eux pour dormir.
Théorie à vérifier mais pour l'instant, c'est à la fois surprenant et rassurant.
Nous voici arrivés à Taza, la première (relativement) grande ville marocaine à laquelle nous nous confrontons depuis notre arrivée dans ce pays. Chose frappante, contrairement à la campagne que nous venons de traverser, ici les femmes se promènent dans la rue. Certaine ne portent pas de voile et s'habillent en tenue occidentale. En parlant, d'occident, on sens clairement son influence sur la vie du citadin. Je me pose une question concernant l'évolution des moeurs en pays islamique. Il y a forcement une évolution mais je ne saisi pas bien dans quelle direction elle s'oriente. Tradition et islamisation ou modernisation des mentalités et occidentalisation ? Encore une affaire à suivre.
On se paye une nuit d’hôtel ce soir, surement le plus miteux de la ville, le moins chère aussi. Pas de douche mais de l’électricité pour nos batteries et une bonne nuit au chaud.
Barth : En ouvrant la tente ce matin, les battants étaient rigides, pris dans un demi centimètre de givre… Il a fait froid comme toutes les nuits, mais la proximité de l'eau aura accentué le phénomène. Heureusement, le soleil ne tarde pas à réchauffer les corps et le matériel.
Le décollage est un peu retardé, je ne suis pas bien réveillé et il faut repenser la répartition des affaires dans nos sacoches maintenant que nous ne sommes plus que deux. Une vingtaine de kilomètres nous séparent de Msoun, carrefour de deux routes sur les bords de l'oued du même nom. Nous y apercevrons nos premiers dromadaires et trouvons de quoi manger dans l'hotel-restaurant-station service qui se trouve là.
Nous sommes à présent sur la route principale qui relie Guercif à Fes en passant par Taza, notre objectif du soir. La circulation n'est pas trop intense et nous avançons bien, malgré le vent de face qui nous freine de plus en plus. Je pense à Fanchic qui doit zigzaguer dans les montagnes que nous voyons sur notre droite…
A quelques kilomètres de Taza, nous faisons une dernière halte pour acheter quelques fruits secs à un marchand sur le bord de la route. Nous négocions dur le prix au kilo et après avoir payé, l'homme nous invite à passer la nuit chez lui à Taza… je ne peux m'empêcher de penser que la marge qu'il vient de faire paye largement une nuit et un repas, mais celà n'enlève rien à sa gentillesse ! Nous avons prévu de prendre une chambre d'hôtel cette nuit, pour pouvoir recharger nos appareils, faire un peu de lessive et reprendre des forces… Nous lui disons donc que si nous le revoyons à Taza, nous viendrons chez lui…
Taza est une ville, une vraie, la première que nous traversons depuis notre arrivée au Maroc. Après avoir essuyé un refus à l'hôtel de la poste, nous prenons le temps de boire un thé en terrasse et de prendre la température de ce nouvel univers. Quel contraste avec ce que nous avons vu ces derniers jours ! Premier choc, la présence féminine dans les rues, voilées ou totalement occidentalisées, les femmes sont en ville bien plus libres et visibles que dans les petits villages que nous avions croisé. Le nombre de magasins occidentaux, de publicités, les étudiants, les hommes d'affaires, le fait que pour une fois on essaye pas de nous entourlouper sur les prix, tout porte à croire que nous avons changé de pays.
Nous trouvons finalement une chambre au Guillaumetell, un vieil hôtel tenu par cinq soeurs qui reprennent tant bien que mal le relais de leur mère, ancienne gérante aujourd'hui décédée. Pas de douche mais une vieille baignoire où je pourrais me laver à l'eau froide. Après avoir passé quelques coup de téléphone, nous pouvons profiter de la soirée pour aller manger un petit morceau et siroter un dernier thé à la menthe sans avoir à garder un oeil sur les vélos, plaisir bien rare ! Mais la fatigue est là, et je crois que j'ai repris froid la veille, alors au lit !
Jour 82 - Hôtel Guillaumtell
Jeudi 20 décembre 2012 - 0 kms - Post n° 082
Barth : Je me suis réveillé avec un début de bronchite, pas question de reprendre la route aujourd'hui. Nous allons passer une deuxième nuit à l'hôtel et prendre le temps de faire quelques bricoles et de me soigner. Je retrouve Fanch au café wifi que nous avions repéré la veille, après être passé à la pharmacie et sur le souk pour prendre quelques clémentines et pâtisseries. Le petit déjeuner se poursuit en scéance de brief de ce qu'il faut faire aujourd'hui : acheter une carte du Maroc, répondre à quelques mails importants, mettre à jour le carnet de bord, trouver une clé 3G, commander des composants électroniques… Il y a de quoi s'occuper !
Nous retournons manger au même endroit qu'hier soir, et plusieurs fois au café wifi où selon l'heure et la programmation des matchs de foot, la salle est vide ou comblée. En même pas 24h, on se sent comme chez nous dans le quartier autour de l'hôtel, les commerçants commencent à nous reconnaitre, on ferait presque partie du décor…
Nous n'aurons pas le temps de visiter plus que ça la ville, je préfère me reposer un peu l'après-midi à l'hôtel. À la fin de la journée, il ne reste que la clé 3G à trouver, après quelques recherches sur internet, un modèle devrait peut-être faire l'affaire pour notre ordinateur sous ubuntu. Pour fêter ça, on change de restau pour un chawarma et de succulentes croquettes de pommes de terre chaleureusement recommandées par le patron de la boutique qui me fait vraiment penser au Chef dans South Park ! Pas très littéraire comme référence, je le concède.
La soirée se termine à l'hôtel entre écriture et rangement des affaires. Nous reprendrons la route demain en début d'après-midi, en douceur…
Fanch : Il nous reste pas mal de petites choses à faire aujourd'hui. Ce n'est pas dans mes habitudes mais je nous ai confectionné une petite liste des taches à accomplir en cette belle veille de fin du monde. D’ailleurs, si vous lisez cet article, réjouissez vous car vous êtes sauvés! Oui bon, enfin bref, on se divise le boulot, Barth part à gauche, je pars à droite, on se retrouve plus tard pour faire le point devant un thé-wifi et il repart à droite et moi à gauche. J'ai passé un petit coup de fil à l'école supérieur d’ingénieur de Rabat qui d'après mes recherche hébergerai un hackerspace, l'occasion pour nous d'avancer un peu sur notre petite enquête… et peut-être de rebondir un peu. Ils nous attendent début Janvier, on en profitera certainement pour faire une petite intervention et pour présenter les objectifs de ce voyage. Il est 20h, les mots inscrit sur la liste sont quasiment tous rayés. La journée a été productive et malgré tout cela, ce fut une journée presque reposante.
Jour 83 - Taza
Vendredi 21 décembre 2012 - 25 kms - Post n° 083
Fanch : Les mayas se seraient ils planté?
Étrange bivouac. J'écris pour la première fois sur ma tablette hyper hight tech devant le feu qui nous servira à cuire la soupe. Mélange de savoir faire primaire et de technologie moderne. C'est une tentative de vie en harmonie avec la nature et l'immatérialité du numérique. Cette expérience en est encore au stade expérimental, j'en tirerai donc les conclusion plus tard.
Barth : C'est la fin du monde aujourd'hui, il va falloir en profiter ! Pour commencer la journée, un thé à la menthe, quelques pâtisseries et clémentines dans notre café wifi préféré. Le temps de mettre en ligne le dernier haïku et je file à la boutique de modems 3G pendant que Fanch fait quelques courses. Ce n'est pas encore aujourd'hui qu'on pourra se connecter dans les oliviers, impossible de trouver un modem compatible avec ubuntu…
On se retrouve à l'hôtel un peu avant midi pour débarasser les lieux tout en discutant avec deux des sept soeurs. Elles vivent pour la plupart en France et sont rentrées en urgence au Maroc suite au décés de leur mère. Notre équipement fait son petit effet comme toujours et nous partons sous les encouragements !
Nous ne resistons pas au plaisir de manger une dernière fois les délicieuses croquettes de pommes de terre de la veille. C'est aussi l'occasion de dévoiler nos bécanes à tous ces patrons et serveurs de snacks et de bistrots dans lesquels nous avons passé ces dernières 48h ! Puis il temps de reprendre la route de Fès.
La sortie de la ville se fait en descente, toujours sous les klaxons et salués par de nombreux sourires et encouragements. On a un peu l'impression de faire le tour de France parfois. Au bout de quinze kilomètres de plat, le col de Touahar culminant à 556 mètres fait un peu violence à mes bronches affaiblies. Mais arrivés au sommet, nois sommes accueillis par le sourire malin de Ahmed, un petit grand-père qui ne parle pas un mot de français mais qui nous offre le thé ! Nous arrivons tout de même à tenir une sorte de conversation, toujours entrecoupée d'éclats de rires et de poignées de mains approbatives à chaque fois que nous pensons nous être compris. Un autre homme parlant espagnol se joint à nous, mais le soleil descend déjà, nous devons redescendre dans la vallée.
La descente est royale, et comme à chaque fois beaucoup trop rapide pour en profiter. Nous trouvons refuge entre un oued et un petit cimetière caché sous des oliviers centenaires. Montage des tentes, feu, dîner, la formule est toujours la même…
Jour 84 - Sidi Abdallah Des Rhiata
Samedi 22 décembre 2012 - 45 kms - Post n° 084
Barth : Réveil frais et humide sur les bord de l'Oued. Nous roulons une petite heure avant de faire une première rapide pause thé à la menthe, puis encore une heure avant de s'arrêter déjeuner. Où que nous passions, les vélos succitent toujours autant de sourires, d'exclamations de joie, de klaxons et d'appels de phares.. Même les policiers nous saluent d'un grand sourire !
Vers 14H30, nous apercevons le lac Idriss I. Nous faisons quelques courses avant de nous éloigner de la route pour se rapprocher de la rive du Lac… pour un bivouac réussi, il faut arriver tôt, se placer loin des chiens et de la route, un terrain plat où planter les tentes, du bois pour faire le feu et dans l'idéal une exposition au soleil qui nous permet d'en profiter le soir et de sécher rapidement le matin. Ce soir, c'est le bois qui va être dur à trouver, le lac étant entouré de terres cultivées et totalement déboisées… Mais en quadrillant la zone nous trouvons de quoi faire à manger au moins.
C'est la première fois qu'on se pose aussi tôt depuis longtemps, après 45 kms tout de même ! Cela laisse le temps de sortir les appareils de captation photo et sonore pour un nouveau haïku. En plus de la fin du monde (qui a l'air de s'être très bien passée vu que nous sommes toujours là), c'était aussi le solsiste d'hiver ! Les journées vont enfin rallonger et le phénomène va s'accentuer dès que nous irons vers le sud, ce qui devrait nous laisser un peu plus de temps pour entrer dans le vif du sujet de Geocyclab. J'ai toujours la sensation un peu frustrante d'être en rodage de notre atelier mobile. Première leçon, la prochaine fois on ne part pas juste avant l'hiver !…
Fanch : Nous suivons le chemin des cigognes. La route défile sous nos roues, le vent dans le dos… et toujours de belles surprises.
Jour 85 - Cooperative Mokhtara
Dimanche 23 décembre 2012 - 10 kms - Post n° 085
Barth : Il y a des jours comme ça où dès le lever je sens que le vélo ne me veut pas, que la route peut se faire attendre. Comme l'impression qu'il reste quelquechose à faire ou à vivre ici… ou un peu plus loin, après quelques kilomètres de grimpette sous le cagnard. Nous arrivons en pleine digestion de grillades de boeuf au sommet d'une côte où deux hommes nous font signe de nous arrêter à la manière de policiers. Le plus vieux des deux, Hassan et son ami Hassane nous invitent à prendre le thé, et à voir leurs regards pétillants, je sens que ça peut nous prendre le restant de la journée. Quelques minutes plus tard, nous sommes donc confortablement étalés sur les canapés et matelas qui meublent le salon d'Hassan, à siroter le thé en devisant sur la marche du monde.
Hassan a fait des études de philosophie il y a longtemps. Il excelle dans l'art de mélanger une pensée libre aux coutumes et proverbes berbères, marriage on ne peut plus rayonnant qui me va droit au coeur. Son frère mort il y a quelques années lui a laissé la responsabilité de s'occuper de sa femme et ses deux enfants en plus des siens.
Hassane quant à lui, après avoir vécu une dizaine d'années en allemagne, travaille aujourd'hui à Agadir dans le tourisme, et vit le reste du temps dans ce petit coin aux confins sud de la région du Rif. L'amitié qui lie ces deux hommes se fonde apparement sur ce petit bout de terrain, ex-coopérative agricole tenue depuis 1945 et jusque dans les années 80 par des français. En visitant les vestiges de cette autre époque, les deux compères nous vantent la qualité de vie de ce petit hâmeau où rien ne manque, dans l'espoir que de nouveaux français viennent relancer un peu les affaires ! J'ai dit à Hassan que j'y songerais pendant le grand voyage qu'il nous reste à accomplir. Inch'Halah…
Nous sommes reçus comme des princes, difficile de refuser l'invitation pour dormir chez Hassan ce soir. Nous descendons à sept dans un petit taxi jusqu'au café, sans doute pour ne pas déranger la préparation du repas par sa femme… Comme le veux la coutume, nous dînerons entre hommes, parlerons entre hommes, avec le poste de télévision allumé en guise de fond sonore. Mais je crois que si sa femme parlait le français, il serait bien plus simple de la complimenter pour le repas royal que nous venons d'engloutir ! Quand la barrière de la langue se superpose aux moeurs traditionnels il faut se méfier des effets de déformation…
Je m'endors en méditant sur un des proverbes berbères qu'Hassan nous aura traduit entre deux éclats de rire : « Une chèvre, même si elle peut voler, ça reste une chèvre..! »
Fanch : Deux hommes parmi d'autres attendent debout sur le bord de la route, je ne saisis pas encore quoi mais une chose est sûr, comme les autres ils me sourient. Mais là, j'ai envie de m’arrêter. Le plus vieux des deux lance un « Police! » avant de s’esclaffer franchement. Le regard malin mais franc, les joues creusées par le temps et sa moustache bien entretenue lui confère l'air du sage berbère mais avec son bonnet de travers et à sa manière de rire, on devine très vite que derrière cette enveloppe corporelle se cache une âme d'enfant joueur. Son amis, plus jeune, la quarantaine environs, nous observent les mains derrière le dos. Il est coiffé d'une casquette-béret et vêtu d'un survêtement bleu marine. Les traits de son visage inspirent la sympathie. Ils se présentent, Hassan et Hassane ou encore « Hassan Premier » et « Hassane deux » comme ils aiment en rire. Les deux amis nous invite pour le thé, naturellement, pour discuter un peu.
C'est dans sa modeste maison qu'Hassan Premier nous accueil. Nous rentrons par la petite cuisine pour accéder au salon, je ne le remaquerai que plus tard mais à cet instant nous avons déjà visité l'ensemble du logis. 2 matelas sont disposés au sol, un petit lit fait office d'assise, un buffet dont le style rappel étrangement celui du mobilier rustique breton est adossé à la cloison séparant les deux pièces. Au centre est posé une table basse sur laquelle 4 tasses et un théière attendent sagement que l'on s'occupe d'elles. Quelques bibelots kitch font office d'enluminures et cassent un peu la neutralité de la décoration intérieur. Et puis il y a la télé, allumée bien sur. La pièce est sombre même si une petite ouverture laisse passer les rayons enfumés du soleil de 15h. Et c'est ici que l'on va passer les heures à venir, à discuter, boire du thé, discuter, manger et encore causer de tout et n'importe quoi. Tour à tour chacun d'entre nous s'exprime au sujet de la France, du Maroc, de la modernité, des traditions, de religions aussi. Hassan nous parle de son passé de Berbere, Hassane prime évoque sa situation de Marocain exilé en Allemagne puis revenu au pays. Ces deux hommes, ces deux libres penseurs aimant la vie, respectant celle des autres et nous immergent dans un autre Maroc… « Une chèvre avec ou sans ailes, ça reste une chèvre ». Mon seul regret cependant est de n'avoir pas réussis à évoquer le sujet délicat (?) de l'évolution de la parité homme-femme dans ce pays. Il nous est d’ailleurs dificile de rentrer en contacte avec la femme d'Hassan qui pourtant s'occupe de nous comme si nous étions des princes…
Nous décidons de rester pour la nuit. Ce soir les hommes dorment avec les hommes, dans la chambre-salon, la femme et la fille d'Hassan s'endorment quant à elle dans la chambre-cuisine… et le téléviseur tourne toujours.
Jour 86 - Hôtel Moulay Idriss
Lundi 24 décembre 2012 - 50 kms - Post n° 086
Fanch : Réveil en douceur ce matin. À peine levés nous suivons Hassan à l’extérieur de sa demeure pour saluer le soleil, se chamailler avec les mômes de l'ancienne coopérative et retrouver Hassane 2. À notre retour la chambre est redevenu salon et pains de semoule, huile d'olive, miel et thé à l’absinthe nous attendent pour le petit dèj. Comment est-il possible de vouloir partir de cette maison? Hein ? « venez, on va voir les collines » nous lance Hassane prime. C'est en nous montrant les vallons, juste au bout du village qu'il nous explique les raisons de sont bien être. « Ici avec des poules, des moutons, tu as à manger, de la bonne eau, du kif et les montagne. Ici on te laisse tranquille, c'est comme être libre, alors tu as tout ce qu'il faut pour être heureux ».
Bon ce coup ci on a vraiment du mal à partir mais les adieux sont simples, sans arabesques ou volutes exagérées, simples à l'image de la décoration intérieure de la petite maison, à l'image de la vie d'ici.
50 kms plus à l'ouest nous apercevons Fès, la majestueuse ville impérial qui de loin s'habille d'un bien triste nuage de poussière. C'est encore un autre Maroc que nous découvrons à présent. L'occident à fait ici son bonhomme de chemin, pour le pire et le meilleur. C'est avec surprise que nous goûtons à une autre ambiance, celle de la cité, plus bruyante, grouillante de vie. Ce soir, c'est Noël. Un Noël exotique pour nous, pas vraiment festif mais pour l'occasion, on se paye un petit hôtel et on se couche un peu plus tard que d'habitude…
Barth : Sous deux grosses couvertures de laine tissée, j'ai rattrapé en une nuit le retard de sommeil des derniers jours. La toilette du matin au soleil avec Hassan qui nous verse une théière d'eau bien chaude sur le visage me réjouit ! Je n'ai encore rien vu, car le petit déjeuner arrive. Simple, mais divin. Du pain frais, du pain dur de semoule, une assiette d'huile d'olive et une assiette de miel local. Avec bien sûr, le thé.
Malgré tous ces efforts pour nous retenir, nous voulons arriver à Fès ce soir pour être joignables en France pour Noël. Le remontage des sacoches sur les vélos se fait sous le regard de toute la famille, et en particulier du petit Mohamed, sorte de clown à roulette absolument fascinant qui nous aura bien fait marrer avec ses éclats de rires hypra-communicatifs ! C'est dur de partir, mais on se reverra Inch'Hallah ! Pour le réveillon, à Agadir où au même endroit dans quatre ans !
Et c'est reparti pour le pédalage ! 45 kms de route avec une pause déjeuner rapide, et offerte par un client, dans une station service. Nous voilà aux portes de la medina de Fès, à l'orée d'un monde parallèle… Le soleil cogne dur et la poussière de la circulation urbaine nous assaille. Deux hommes sur une moto nous abordent et nous parlent d'un petit hotel pas cher. Dans le doute on les suit, ne sachant pas du tout par où commencer, au pire ce sera le point de départ de notre recherche. Un quart d'heure plus tard, nous sommes instalés au Moulay Idriss discutant avec notre escorte, des agents du ministère du tourisme qui dans leur mission de nous garantir un séjour sans encombres, nous proposeront même un pastis, offre que nous déclinerons.
Nous sommes la veille de Noël, on pousse la folie jusqu'à investir un euro dans une douche chaude, la première depuis notre départ d'Iznajar en Andalousie ! Nous voilà prêts à changer de dimension. Nous plongeons dans la medina, bouillonnante de monde à cette heure. Nous n'irons pas très loin ce soir, il est déjà tard et nous sommes affamés et fatigués. Mais une fois le ventre plein nous passons la veillée de Noël au coin d'une théïère, à essayer de mesurer la chance qu'on a d'être là, tout en se demandant si le cadeau de Noël qui nous a été annoncé ce soir sera dans nos basquettes demain…
La soirée se termine sur la rencontre de Mohamed, dans le hall de l'hôtel. Il a notre âge, vit à Oujda, et à une fille de quatre ans sans être marié, ce qui n'est pas encore très courant au Maroc semble-t'il. Il nous offrira une poignée de chocolats au milieu d'une bonne heure de discussion, quand nous lui disons que chez nous c'est Noël. Merci encore Mohamed et bonne route !
Jour 87 - Fès
Mardi 25 décembre 2012 - 0 kms - Post n° 087
Barth : Quelques coups de marteaux dans le mur de la chambre d'à côté me tirent du lit à une heure plus que raisonnable, mais au moment de sortir de la chambre je remarque que la porte est entrouverte avec la clé sur la serrure à l'intérieur… Sans doute Fanch dormant encore, qui aura oublié de refermer hier soir. Je rencontre le receptionniste dans le couloir, qui m'informe fébrilement que mon ami François, avec la bicyclette, est parti et m'attend au café à côté. Bien. Donc si je comprends bien le mec qui dormait sur l'autre lit quand je suis sorti, ce n'était pas Fanch ?… Petit moment de doute au moment de secouer le sac de couchage, mais d'où j'ai l'immense soulagement de voir emmerger Fanch en chair et en os. Je comprends dans la même fraction de seconde que mon ami François qui m'attend au café à côté, c'est Fanchic, à qui on a envoyé l'adresse de notre hôtel la veille après avoir appris qu'il était à Fès également !
Notre cadeau de Noël est donc au rendez-vous ! Mais il s'en est fallu de peu. Le réceptionniste n'avait pas compris que Fanchic allait prendre un café pour revenir à l'hôtel plus tard et nous qui pensions que Fanchic était déjà en train de pédaler dans la montagne…
Les retrouvailles ont lieu dans un café de la medina, d'où nous assistons à notre première pluie marocaine. Un véritable déluge s'abbat sur la ville et les ruelles se transforment en torrents de boue et d'ordures. Le spectacle est burlesque, entre les marchands résignés qui restent sous l'eau, les passants pressés qui équipent leurs souliers de sacs en plastiques et ceux moins pressés qui montent le camp dans tous les abris imaginables. Nous discutons un moment avec un de ces guides qui aborde les touristes partout dans la medina pour proposer une visite guidée. Mohamed est très élégant, il cible plutôt les touristes fortunés avec qui il arrive à discuter facilement grâce aux cinq langues qu'il connait sans avoir passer de temps à l'école.
Fanchic a eu le temps de repérer un peu les lieux depuis son arrivée, il sera donc notre guide pour rejoindre la ville nouvelle on nous voulons visiter une école d'informatique. Nous voilà parti pour une traversée de la medina. Il faut imaginer une immense cuvette dont j'estime le diamètre à deux ou trois kilomètres, entièrement recouvertes d'un labyrinthe de ruelles juste assez larges pour se croiser et qui serpentent entre les milliers de boutiques. A chaque croisement de ruelles, il nous faut expliquer que non nous ne cherchons pas les tanneurs, et que nous n'avons nul besoin de nous faire « bronzer la tête ». Petit à petit, notre discours s'affine pour expliquer en un temps record que nous sommes des voyageurs et pas vraiment des touristes… La recherche d'une école d'informatique démotive ainsi rapidement la plupart de nos potentiels guides.
Au bout de deux bonnes heures de marche nous finissons par trouver une école d'informatique où nous prenons vaguement rendez-vous avec un professeur travaillant sous Linux le lendemain. S'en suit un thé avec wifi suivi d'une soupe avant de retourner à l'hôtel en taxi. La fin de soirée ne s'éternise pas, juste le temps de revoir Mohamed, notre voisin de palier et fournisseur officiel de chocolats.
Fanch : Barth me réveil en panique, il vient de voir l'aubergiste qui lui a dit que son ami François (et oui, mon vrai nom est François) était dehors à boire un café… Barth ne comprend pas, je suis dans mon lit, je n'ai pas bouger depuis hier soir… je ne comprend non plus… C'est Fanchic ! Bien sûr. On s'habille en deux deux et hop on part à la recherche ne notre ami avant qu'il ne disparaisse. La chose semblait évidente et s'est avérée exacte, impossible trouver Fanchic. Tant pis, c'est la vie !
C'est l'heure de rentrer en communication avec ma famille, tradition oblige. Je disparaît dans un cyber, je retrouve Barth peu de temps après assit avec Fanchic et sirotant un petit thé, tranquille. Nous passerons la journée ensemble, il ne repartira de Fès que demain matin. C'est un peu notre cadeaux de noël.
A défaut de FabLab ou autres laboratoires du libre, nous décidons de frapper à la porte d'une école d'informatique dans le Nouveau Fès. Mais un immense labyrinthe nous fait obstacle: La Medina. La veille ville de Fès composée de 4800 petites ruelles plus ou moins identiques. C'est vraiment impressionnant, impossible de se repérer à quoi que ce soit. L'attention glisse, le regard s'accroche à ce qu'il peut mais rien y fait, l'orientation n'est pas possible. Après plusieurs demandes d'explications, nous arrive tout de même à sortir du bazar, du blizzard devrais-dire et là, c'est l'Europe qui se présente devant nous, la Nouvelle Ville. La partie n'est toujours pas gagné car les numérotations des rues reste difficile à repérer. Nous continuons notre recherche, ça fait peut être deux heures que l'on marche à présent. Enfin nous trouvons ce qu'on cherche, nous obtenons un rendez-vous demain à 18h avec avec un professeur de l'école d'informatique ETIGE de Fès, affaire a suivre.
Jour 88 - Médina de Fès
Mercredi 26 décembre 2012 - 0 kms - Post n° 088
Fanch : Cette journée commence par une soupe de fèves et avec un peu d'huile que l'on nomme ici le bissara, pas mal pour se préparer à affronter les évènements de ce jour. On est allé se perdre avec mon ami Barth dans le dédale labyrinthique de ruelles de la médina avec l'espoir d'y pêcher quelque chose d'exploitable. L'objectif est de se perde (pour cela, il n'y a aucun souci) et de chasser la poésie du lieu, et là, ça devient un peu plus complexe (c'est un travail en soi). Avec mon enregistreur audio, je passe « relativement » inaperçu mais dès que Barth sort le bout de son objectif, un attroupement s’agglutine rapidement autour de lui rendant toute manœuvre délicate voir impossible. On retentera le coup demain en changeant de technique. Notre rendez vous à l'école d'informatique n'a rien donné, nous nous sommes cassé le nez. La personne qui devait nous recevoir était à Casablanca et sera « peut-être » là demain… incha'allah. De retour à l'hôtel, je me permet d’interroger le réceptionniste au sujet des horaires de prière.
- 5h49
- 12h26
- 15h00
- 17h24
- 18h43
Puis une discussion s’enclenche, remarquant son ouverture d'esprit, nous lui posons tout un tas de questions auxquelles il répond quasiment systématiquement en se référant aux écritures sacrées du Prophète. Et le dialogue se meurt trop vite à mon goût car à la suite d'une question contenant le mot « pourquoi » la réponse commence souvent par un « parce que, c'est écrit… ». Affaire à suivre.
Barth : Nous avons rendez-vous avec Fanchic vers 10h pour aller manger un bissara suivant la recommandation de Mohamed. Une bouillie de fèves avec de l'huile qui à défaut de nous rassasier nous fait passer un moment typique de la journée d'un marocain de Fès. Un dernier thé et nous disons au-revoir à Fanchic qui reprend la route. C'était rapide mais chouette de se retrouver ici pour Noël, de notre côté on reste encore un peu en ville !
La matinée se termine par quelques pages d'écriture et quelques communications web et téléphoniques. Après manger, nous nous enfonçons dans la medina armés de nos appareils, en quête d'un sujet de haïku. Nous tombons alors sur Mohamed, le guide élégant de la veille qui réussit à nous entraîner sur le souk des pauvres et jeter un oeil dans un vieux riad… C'est vraiment difficile de se promener dans la medina sans être assisté ou pris en charge par quelqu'un. Les conditions minimum pour un bon haïku sont la disponibilité, un peu de concentration, et surtout de l'indépendance… Le challenge est élevé dans la medina ! Nous remettrons ça demain car il est l'heure de rejoindre la ville nouvelle pour notre rendez-vous à l'école d'informatique.
Après qu'on nous ai fait comprendre que je ne sais pour quelle raison le professeur visé ne sera pas là aujourd'hui, mais peut-être demain… Bref, je n'y crois plus vraiment et je commence à avoir l'impression de perdre du temps. Pour compenser, nous profitons de notre présence dans la ville nouvelle pour nous connecter dans un des nombreux café disposant d'une connexion wifi digne de ce nom ! Il est temps de synchroniser le site, ce qui nous amène jusqu'au dîner.
Après un bol de soupe et quelques croquettes de pommes de terre, nous reprennons un taxi direction l'hôtel. Le chauffeur vit juste à côté et parle bien français. Nous sympatisons un peu sur le trajet et rendez-vous est pris vendredi à 13h pour manger un couscous, préparé par sa femme bien sûr..!
Jour 89 - Médina de Fès
Jeudi 27 décembre 2012 - 0 kms - Post n° 089
Barth : Il fait froid ce matin, les habitants de Fès sont habillés chaudement. Après un rapide petit déjeuner à la terrasse de notre boutique habituelle, nous repartons à l'assaut de la medina ! Cette fois je prends une mini caméra GoPro mais qui ne passera pas encore assez inaperçue. Nous déambulons ainsi dans le dédales de ruelles soit totalement vides, soit pleines à craquer de boutiques, d'ateliers et de passants à pieds, à cheval ou en mobylette. Petite tension dans le quartier des tanneurs où un homme barbu nous demande d'effacer les enregistrements sonores que Fanch vient de faire. Juste des discussions avec quelques ouvriers très excités qui nous citent des noms de footballers inconnus en hurlant… Bref.
Avant de déjeuner nous rencontrons Samir qui tient une boutique d'appareils éléctroniques, tout en donnant des cours d'espagnol et de français à des gens qui n'ont pas accès à ce genre de choses. Son rêve par-dessus tout serait d'acheter une maison dans son Rif natal pour y faire vivre sa femme et sa fille tout en s'occupant de fonder une association pour nourrir les sans-abris ! Bonne chance à toi Samir, et merci pour tes précieux conseils sur les us et coutumes marocains.
Le déjeuner se passe avec Mo, un canadien en vacances qui loge dans le même hôtel que nous. Nous passons un moment avec lui à discuter et à retrouver le rare café wifi de la medina. La journée se termine sur fond de lessive, derushage, enregistrements, écriture… Nous avons laissé tomber l'école d'informatique, histoire trop floue qui risquait de nous prendre beaucoup trop de temps.
Fanch : On enchaîne sur une nouvelle journée dans la vieille ville de Fès, caméra et enregistreur audio au poing. Cette session semble plus productive que celle de la veille. Plus les jours passent, plus nous avançons vers ce que nous attendions de l'atelier de Geocyclab. Des reflex se mettent en place, les idées se multiplient, les discussions à ce sujet se prolongent. Beaucoup de bornes et de boulot nous attendent mais plus il y en à mieux c'est ! (n'est ce pas?)
Jour 90 - Fès
Vendredi 28 décembre 2012 - 0 kms - Post n° 090
Barth : Ce soir Fanch m'abandonne pour rejoindre sa douce à Marrackech. La journée se passe donc entre rangement des affaires et derniers travaux à réaliser ensemble. Nous avions rendez-vous le midi pour manger le couscous avec un chauffeur de taxi rencontré deux jours plus tôt mais nous ne l'avons pas revu…
Nous avons donc le temps cet après-midi de faire une réunion de travail filmée pour donner des nouvelles plus axées sur le fil rouge de Geocyclab. L'exercice s'est bien passé et nous avons décidé de le répéter assez souvent ! Et déjà c'est l'heure de nous quitter. Je suis un peu perturbé de voir Fanch faire ses sacoches sans moi. C'est une activité que nous exerçons ensemble le plus souvent… Et le voici parti dans la foule des grands jours de la medina, pour rejoindre la gare routière.
Pour ma part, j'ai décidé de rester à Fès pour avancer un peu sur différents montages, et pousser plus avant l'immersion dans la vie de la medina qui commence à me happer. Je retrouverai Fanch le 2 janvier à Rabat.
Fanch : Un mlaoui (comment dire, ça ressemble au kouign-amann mais sans beurre et sans sucre), un oeuf, un yahourt, une clémentine et un thé chiba (absinthe), c'est top pour commencer une journée. Un petit dèj' en bonne et dû forme.
Je finis quelques affaires personnelles et me prépare à partir, puis Barth et moi grimpons sur le toit du petit hôtel pour tenter une chose que nous n'avions jamais pris le temps mettre en œuvre, peut-être est ce notre timidité qui nous l’empêchait…ou pas. Quoiqu'il en soit, nous allons tout deux rentrer dans le champs de la caméra de Geocyclab, un petit « live » pour faire un bilan de ce qui à été réalisé jusqu’à présent et pour mettre en perspective nos objectifs prochains. C'est un nouvel exercice que l'on sera amenés à effectuer de plus en plus régulièrement.
Il est 20h11, mon vélo est démonté et rangé proprement dans la soute du bus qui me mènera à Marrakech dans une dizaine d'heures. Rendez-vous galant en perspective, je quitte donc Fès laissant Barth dans la jungle de la médina, je ne l'abandonne que quelques jours, puis je le rejoindrai à Rabat aux alentours du premier janvier. Mon voisin de banquette est un jeune homme de 22 ans, étudiant en science-po et écrivain à ses heures perdues il me parle de la vie avec une fraîcheur inattendu mais non sans un esprit critique aiguisé. La conversation va durer trois bonnes heures et c'est avec plaisir que je l'écoute parler de son pays natal avec tant de recul.
La route est encore longue, je vais tenter de dormir un peu.
Jour 91 - Fès
Samedi 29 décembre 2012 - 0 kms - Post n° 091
Fanch : 5h45, je n'ai pas vraiment dormis… le bus s’arrête à la gare routière de Marrakech. Mon esprit est dans un brouillard dense. J'aimerai remonter mon vélo le plus rapidement possible dans l'objectif de rallier mon point de rendez vous avec Cindy avant que la ville ne se réveille, appréhende quelque peu la circulation de Marrakech. Pas de GPS (il est avec Barth), pas de plan, j'ai l'adresse de l’hôtel pour seul et unique indice et je ne sais pas exactement où je suis. Je demande mon chemin régulièrement et petit à petit je m'approche de mon but. Ce coup ci j'ai de la chance, je trouve plus rapidement l’hôtel que je ne l'aurais espéré. J'y dépose mon vélo et mes affaires avant de partir errer dans la veille ville histoire de tâter un peu l'ambiance du lieu à l'heure du soleil levant.
Rapidement, je me rend compte que je suis au cœur de la Mecque du tourisme. Jusqu'à présent, en prenant les petites routes, nous étions préserves de la machine touristique marocaine (15 jours sans voir un seul visage pale) et même si Fès comptait quelques guides ou vendeur de hachich fâcheusement accrocheurs, déambuler dans les rues était synonyme de moments agréables. Ici, on passe à la vitesse supérieur. Ce n'est pas la présence des touristes qui me dérange (bien que l’attitude de certains d'entre eux m'agace franchement) mais toute cette foire attrape couillons ou les clichés se vendent aux prix du pain et bourrée de rabatteurs qui te laissent rarement en paix. Enfin bref, n'allez pas croire qu'il n'y a pas d’honnêtes gens mais pour les rencontrer ici peut-être plus qu’ailleurs, il faut faire preuve de patience, savoir être vigilant sans être paranoïaque (ce n'est pas forcément évident). Et il ne faut pas oublier que le mec qui veut te vendre un massage ou une peluche dromadaire (même si tu n'en as rien à foutre), il a besoin de ton argent pour bouffer… et c'est souvent très intéressant de discuter avec lui d'autre chose que du prix de sa marchandise… aller, il faut que j'y aille… mon rendez-vous…
Barth : Première journée seul depuis le départ. Je profite un peu de la matinée pour souffler, j'ai bossé tard hier soir sur des montages vidéo et ce n'est pas terminé. Tous les commerçants me demandent où est mon ami ! On s'est vraiment fait repérer… Je vais me connecter pour trouver des couchsurfings à Rabat, puis je mange un bissara avec un petit thé en terrasse avant de re-attaquer le boulot.
Après une nouvelle session informatique, je pars faire un tour dans les hauteurs de la medina. J'y rencontre Mohamed (c'est un peu les Fanch du Maroc les Mohamed!), un jeune qui m'interpelle dans un espagnol impeccable. Il a vécu 7 ans en Espagne et paraît très remonté au sujet de la situation du Maroc. Il me montre les chiens errants qui se baladent dans cette zone un peu abandonnée au pied des remparts, en m'expliquant qu'il leur amène souvent des déchets de viande provenant des poubelles du quartier des boucheries, repas de fête pour ces pauvres bêtes malades et blessées… Effectivement, les chiens semblent l'avoir adopté comme leur maître et lui répondent au quart de tour !
Plus loin, dans un terrain vague à moitié terrassé par des bulldozers et servant visiblement de décharge aujourd'hui, il m'explique qu'il s'agit d'un ancien cimetière et que les quelques tas d'immondices ont été placés là pour masquer les ossements humains qui apparaissent régulièrement. Je ne suis pas allé vérifier, mais vu l'indignation de mon guide, je pense qu'effectivement il y a quelque chose de pas très propre dans cette histoire…
Fès est une étrange cité. Les trois globules que sont la medina, la ville nouvelle et la ville moyenne sont aussi différents que complémentaires et dressent un tableau haut en couleur de la société marocaine. Je n'ai pas vu la ville moyenne que je suppose être le quartier résidentiel de la majeure partie des habitants de Fès. La ville nouvelle porte bien son nom. De grandes avenues rectilignes équipées de trottoirs, d'immenses architectures modernes entre palaces et banques, ici l'activité économique est ouverte sur l'occident au point d'en copier point pour point le triste décor. Dans la médina, comme dans tous ces lieux classés au patrimoine mondial, on change autant d'époque que d'espace. Mais malgré la scénographie parfaite qui comble les attentes du touriste en quête d'authenticité, les traces du présent n'en sont que plus visibles. En déambulant dans la medina on peut éviter un âne conduit par un vieux qui vend un peu de menthe ou d'absinthe, et tomber nez-à-nez avec un jeune cadre dynamique arborant une panoplie d'accessoires électro-tendance… Du matin au soir, le mur d'enceinte de la medina filtre ce mélange fantastique par ses nombreuses portes, fine membrane cellulaire maintenant l'équilibre entre le dehors et le dedans. Et la nuit, après la dernière prière, les rues bondées se vident comme par miracle et on se croirait alors dans une ville abandonnée…
Jour 92 - Fès
Dimanche 30 décembre 2012 - 0 kms - Post n° 092
Barth : Je profite de ces jours statiques pour rattraper le retard dans les montages de vidéos et nettoyer le système de l'ordinateur en faisant quelques sauvegardes. Un programme passionnant entrecoupé d'allers et venues dans la medina en quête d'un repas, d'un thé ou d'une connexion web.
J'aime ce décalage entre mon statut officiel de touriste et mon rythme de vie ici à Fès. Un peu après Noël j'ai vu arriver plus de touristes occidentaux. Sûrement pas la foule des périodes de pointe mais bien assez pour que je commence à sentir la différence entre mon statut de voyageur nomade et celui de visiteur touristique. Et ce n'est que le début sans doute !
C'est étrange de se sentir posé dans un endroit que je ne connaissais absolument pas il y a une semaine et dans lequel j'ai mes petites habitudes aujourd'hui. Pendant que certains voyagent dans les méandres de la medina, j'y savoure une pause dans mon voyage, je me sédentarise pour quelques jours avant de reprendre le mode de vie nomade.
Fanch : Marrakech arnaquech, on m'avait pourtant prévenu mais j'ai quelques difficultés à encaisser les coups. La place Jemaa El Fna, inévitable semble-t-il, le joyau de la ville, assume toute les caractéristiques d'un parc d'attraction pour blancs becs en mal de dépaysement. DreamLand arrosé d'une pointe de folklore Berbère. Essayant d'éviter les pièges, Cindy et moi regardons de loin le combat entre le dupe émerveillé et le trompeur malin. Le touriste se laisse charmer par le serpent sans venin et se retrouve plumé par le charmeur sans scrupules. L’excitation monte, la bataille ne cesse d'échauffer les esprit. Adeptes du pogo et autres bains de foule, vous êtes les bienvenus à condition d'ouvrir bien grand votre porte feuille, ça va de soi. Jemaa El Fna est selon moi, une réponse vulgaire à l'authenticité fantasmé des adeptes du tourisme de masse. Il nous est difficile de sortir de la cohue, l'étau se resserre aux embouchures des ruelles ce qui réduit nos chances d’échappatoire ou en tout cas, ralentissent notre progression. C'est un coup de gueule certes, mais je suis énervé, saoulé par cette machine qui me fait suffoquer.
Nous atteignons enfin les allées étroite de la médina, le calme revient, s'installe doucement. Un peu plus tard, la gentillesse et le sourire de Mohammed le vendeur de bissara et d'Isham le maroquinier nous aide à tempérer notre colère et nous rappellent qu'au Maroc comme ailleurs, il faut de tout pour faire un monde. L'épisode de Jemaa El Fna n’aura bien sur, en rien altéré le bonheur de mes retrouvailles avec Cindy.
Jemaa El Fna :
Jour 93 - Fès
Lundi 31 décembre 2012 - 0 kms - Post n° 093
Fanch : Après une courte ballade dans la médina et un tanjia chez Mohamed, nous faisons route en direction du jardin Majorelle. A notre grande surprise (ce n'est qu'après coup que je conçois que nous avons étés vraiment naïfs), l'entrée est payante et relativement chère: 50 dirhams par personne. 50 dirhams ça équivaut à environs 5 euros, ce n'est pas excessif mais voici un petit aperçu de ce que ça vaut ici :
50 dirams =
- 10 bissaras.
- 50 pains.
- 10 kilos de clémentine.
- 1 nuit dans un petit hôtel.
- 3 paquets de clopes.
Force est de constater que la plupart des visiteurs de ce splendide jardin (il faut l'avouer tout de même) sont des touristes en grande majorité occidentaux. Enfin, pas vraiment de dépaysement ici mais un calme au senteurs de chlorophylle et dans une ville animée comme l'est Marrakech, c'est loin d'être désagréable.
Petit problème d'organisation de la part de l'hôtel, il n'y à plus de chambres disponibles (quelque chose de ce genre en tout cas) alors que nous avions réservés. Le réceptionniste nous mène vers un logement voisin et une dame nous remet les clés. Ce soir nous fêterons la nouvelles année dans un riad pour nous tout seul, une suite royale pour nous mettre à l’abri des tumultes urbains en ce soir de réveillon. J'ai une petite pensée (et oui, ça m'arrive!) pour les potes, la famille et tout ceux qui fêtent 2013 en ce moment, même si je me sens bien loin de tout cela. Alors je vous souhaite une belle année à toutes et à tous. Plein de bonheur pour celle-ci et pour les autres à venir.
Barth : Bye bye 2012 ! Quelle année ! La fin d'un compte à rebours de deux ans et les premiers mois intenses de l'aventure Geocyclab. A Fès, le dernier jour de l'année n'a pas l'air d'émouvoir plus que ça. La nouvelle année va remplacer la précédente sans que sans que la palpitation incessante de la médina ne s'en trouve perturbée. Je savoure ce culte du temps présent, si éloigné des pompeuses échéances qui caractérisent cette période de l'année chez nous.
Sur l'immense écran télévisé qui trône à la terrasse du café, quand ce n'est pas le foot, National Géographique ou le dernier film d'action américain qui passe, ce sont les informations d'Aljazeera qui tournent en boucle. Des images de guerre que je devine en provenance de Syrie et qui font vraiment partie du décor ici. Je me rends compte que je suis plus grand chose à l'actualité du monde depuis notre départ…
Je crois que cette fois-ci les guides qui tentaient leur chance les premiers jours ont laché l'affaire. Nous nous saluons avec courtoisie aux croisements des ruelles et pouvons avoir une conversation normale sans que ça débouche forcément sur une offre commerciale… Mais il n'y a pas que les guides qui m'abordent, souvent la vue de mon appareil photo sert de prétexte à une accroche. Comme ces deux là qui se présentaient l'un l'autre comme voleur et fou. Ils me parlent de trafic, de prison, d'expulsion de France tout en rigolant et en précisant qu'au Maroc on aime parler pour rire ! Y a t'il du vrai dans tout ça ou seulement le fantasme synthétique d'une culture télévisuelle à la bad boys ? Ils m'auront bien fait marrer en tout cas..!
Je ne saisis pas bien l'importance de la fin de l'année pour les marocains. J'ai bien remarqué une surproduction de gateaux à la crême et croisé un père Noël, mais je m'attendais tout de même à une autre ambiance dans les rues, à un peu de musique ou tout autre signe d'une ambiance festive… Mais non, comme tous les soirs, la medina retombe dans sa torpeur nocturne après la dernière prière. Tout ceci manque cruellement de cotillons et de serpentins ! Mais je ne m'en plains pas…
Jour 94 - Fès
Mardi 01 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 094
Barth : Petit tour à la ville nouvelle aujourd'hui. J'ai bossé tard hier soir pour finir le montage de « la réunion de travail », j'ai hâte de savoir ce que Fanch va en penser avant de le mettre en ligne. Bref, pas de festoiements hier soir, ni pour moi, ni pour les habitants de Fès. Peut-être juste un occupant de l'hôtel qui se faisait une soirée télé tardive dans le hall à côté de ma chambre… Mais on était bien loin du show du Crazy Horse !
Dans le taxi qui m'emmène à la nouvelle ville, je tente un « bonne année » à l'adresse du chauffeur qui m'avait prévenu qu'il ne parlait qu'un chouia français. La réponse fut « bonne année pour toi, pour les musulmans ce n'est pas aujourd'hui… » Ok. Et bien, bonne année à moi alors ! Cool !.. Il faudra que je sorte l'histoire de Geocyclab pour détendre l'atmosphère et nous quitter sur un « bonne année quand même ! ». En tout cas j'aurais compris que la saint Sylvestre au Maroc n'est pas forcément très bien vue…
Sur ces passionnantes considérations, et après avoir réservé ma place dans le bus pour Rabat de demain, je m'en suis donc retourné à la Medina pour déjeuner. Je tombe ensuite sur Mo, le canadien de notre hôtel, avec qui je papotte politique et histoire de France en anglais en attendant désespérément un thé à la menthe qui tarde à être servi. Mo repart le soir même pour Casablanca, ou peut-être Rabat. Si on ne se revoit pas, bonne route à toi l'ami !
Comme le jour de Noël, il pleut pour le jour de l'an. Un crachin doux qui brumise la crasse de la medina pour produire une sorte de pâte grasse qui finit par recouvrir le sol. Le soleil, sans arriver à crever la couche nuageuse, diffuse une lumière dorée qui se reflète sur les parois luisantes de la ville… Je retourne une dernière fois dîner dans mon restaurant préféré. Sorte de stand muni de trois tables en plastiques, d'une cuisinière à gaz et d'un petit lavabo et où pour un euro je déguste une soupe, un oeuf, du pain, et quelques innévitables croquettes de pommes de terre épicées. Pas de la grande cuisine bien sûr, mais l'assurance de manger bon et chaud au prix juste !
Fanch : 5h15. Nous avons tout deux du mal à émerger. Mais nous n'avons malheureusement pas le choix car Cindy doit se rendre à l’aéroport pour 7h00. On s'active… La séparation n'est pas évidente mais nous nous reverrons ailleurs, bientôt, j'y pense et ça m'aide à garder le moral. De tout façon il ne faut pas trop que je rêvasse car je dois retourner en ville afin de récupérer mes affaires ainsi que mon vélo puis foncer à la gare CTM (compagnie transport marocain). D'après les informations du site web de CTM, à 10h30, une navette part pour Rabat où je devrai rejoindre Barth et peut-être même Fanchic, je n'ai donc pas de temps pour me reposer sur mes lauriers. Aller on enchaîne…
10h, je suis à la gare routière… pas de cars pour Rabat aujourd'hui… merde. La compagnie ferroviaire ne veut pas entendre parler de vélo, j'essaie une autre compagnie de cars, j'insiste, en vain. Je trouve une auberge de jeunesse à deux pas, je m'y installe avant d'aller errer en périphérie du centre ville. Concernant le car, je croise les doigts pour demain.
Jour 95 - Medina de Rabat
Mercredi 02 janvier 2013 - 10 kms - Post n° 095
Barth : C'est le jour du départ. Après le dîner d'hier, je poursuis mes adieux gastronomiques par un dernier petit dejeuner mlawi, yahourt, thé dans la boutique en face de l'hôtel. On s'attache vite quand on mange bien !!!
Mais c'est parti ! Je redécouvre les sensations du pédalage après une semaine de pause, en attaquant la grimpette qui me sépare de la gare routière dans la nouvelle ville. Il y a beaucoup de circulation mais je m'en sors pas trop mal !
Je me retrouve donc un peu plus tard assi dans un car bondé à destination de Rabat. Le voyage dure trois heures, avec la demie-heure de retard au départ et les deux arrêts pipi sur la bande d'arret d'urgence de l'autoroute, dont un pour mon plus grand soulagement, nous arrivons à Rabat vers 17h. J'ai une heure de soleil pour rejoindre l'hôtel où je devais retrouver Fanch sensé etre arrivé avant moi, et Fanchic qui passe sa dernière nuit à Rabat…
A l'hotel, pas de trace ni de l'un, ni de l'autre, et surtout mauvaise nouvelle, c'est complet ! Petit moment de doute sur la suite de l'organisation… Le programme et le lieu de rdv sont un peu remis en cause, quand soudain j'entends mon nom dans le brouhaha de la medina. Du même coup, j'entrevois la tête de Fanchic tout sourire parmi la foule. Je comprends sans le voir qu'il est avec son vélo, au temps qu'il met à parvenir jusqu'à moi entouré de curieux qui s'agglutinent. Cool ! A deux ça va être plus simple ! Mais il faut faire vite car Fanchic doit rejoindre son couchsurfeur vers 19h30. Après de rapides retrouvailles, je lui laisse donc la garde de mon vélo pour aller faire le tour des hôtels du coin. Je reviens bredouille mais content de voir que Fanch est arrivé à son tour ! Après de nombreux détours apparement…
Nous trouvons finalement une chambre à l'hôtel d'Alger qui devrait nous dépanner le temps de trouver des contacts à Rabat. Et nous avons juste le temps de manger un bout tous les trois avant de passer une soirée studieuse avec Fanch, à parler vidéo, sons…
Fanch : De retour à la gare routière de Marrakech. J'ai mon billet pour Rabat, c'est une bonne chose. On me demande d'attendre sagement le bus le long d'un mur, quelqu'un me fera signe quand il sera temps de mettre ma bécane en soute. J'en profite pour la démonter proprement, puis je patiente. J'observe le balai des autobus entrants et sortants avec une légère appréhension, je ne serai rassuré qu'une fois mes affaires bien calées dans l'autocar.
J'ai la poisse, la soute est pleine, mon vélo ne passera pas d'après le bagagiste, je pense que si, mais il ne veut rien entendre. Il n'y a pas d'autres options pour Rabat, je décide donc d'embarquer pour Casablanca, ça me rapproche de mon objectif c'est déjà ça. Pour la suite, je fais plus moins confiance à mon sens de l'improvisation…
Bon, j'ai de la chance… arrivé à 15h30 à Casa, je trouve un bus qui fait route à 16h pour Rabat. Le bagagiste est sympa, il se démène pour caser mon vélo dans la soute. Impeccable. Je m'imaginais déjà tourner dans Casa à la recherche d'une auberge puis galérer de nouveau demain pour faire le voyage vers Rabat… Le vélo c'est bien pour rouler, pour les transport en commun c'est une autre histoire… Tout va bien, nous nous étions donner rendez vous à l'hôtel de France que je trouve facilement. J'aperçois le blouson bleu de Fanchic, décidément, c'est comme si nous ne nous étions jamais quittés. Et je retrouve Barth, mon acolyte que je n'ai pas vu depuis au moins 4 jours. Ils m'auraient presque manqué ces deux là!
Jour 96 - Fnac Berbère
Jeudi 03 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 096
Fanch : Fanchic nous devance, il part vers le sud, son visa Mauritanien en poche. Les adieux ne se prolongent pas, ils ont un air de déjà vu… et qui sait si nos chemins ne se croiserons pas une nouvelle fois, le monde est petit parait-il. Nous pourrions commencer notre séjour par une petite visite de la capitale marocaine mais il y plus urgent. C'est une journée pré-administrative qui s'annonce, il nous faut réunir les documents nécessaires aux demandes de visas mauritaniens. Demain on décolle à 7h00 pour plonger dans le grand bain, c'est notre première ambassade et d'après ce que j'ai entendu dire, l'ambiance n'y est pas hyper « funky »
Barth : C'est Fanchic qui nous réveille en tapant à la porte de notre chambre vers 8h00. Petit dèj au soleil durant lequel un retraité berbère de Tiznit nous fait la conversation, nous vantant les qualités de sa région d'origine que nous traverserons en partant vers le Sud. La troisième session d'adieux à Fanchic a lieu dans un cyber où nous prenons des nouvelles de nos potentiels couchsurfeurs… Rien de bien concret pour le moment.
C'est bizarre cette impression qu'on va se revoir dans pas longtemps Fanchic ! A Marrackech ou Essaouira, je le sens bien ! En tout cas merci pour ton boulot d'éclaireur, c'est plutôt agréable d'avoir une avant-garde qui nous repère tous les bons plans et qui attend qu'on arrive pour nous faire un rapport détaillé… Avant de redécoller à tire d'aile vers le soleil… Alors encore une fois, bonne route camarade ! Et bien vu le cyber des sénégalais, ils sont trop sympas et marrants !
La fin de la journée s'est passée dans le brouillard pour moi, coup de fatigue et coup de froid, avec le vent épuisant qui s'est levé sur la ville, je dois dormir un peu…
De Rabat, je n'ai vu que l'entrée de la ville et le petit bout de la medina qui entoure notre hôtel. Nous sommes dans la capitale économique et ça se sent. Le nombre de concessionnaires automobiles alignés le long de la nationale, d'enseignes françaises comme Carrefour, de villas ou de résidences cloturées, les routes fraichement goudronnées, le tramway… C'est bien ici que l'argent est investi en masse, sans doute au détriment du reste du Maroc, et particulièrement du sud. J'ai vraiment du mal à me dire que je ne suis pas en Europe… Déjà à Fès, l'effet était là. Mais il y avait là-bas une forme d'épaisseur dans l'identité culturelle de la ville que je devine pour le moment totalement diluée dans l'occidentalisation à Rabat. Ce n'est que le début de ce voyage, mais je suis déjà impressionné par les traces de la mondialisation culturelle et économique que j'observe…
Ce qui me touche le plus, sans doute parce que nous sommes concentrés là-dessus, c'est la présence d'internet et la façon dont on peut y accéder. Dans les villes importantes, on peut trouver des cafés avec la mention WIFI sur la vitrine et généralement une classe aisée armée de smartphones qui paye son thé au prix d'un repas. Ensuite, il y a le cyber center où généralement il est possible de connecter notre ordinateur directement sur le cable ethernet en payant le tarif horaire en vigueur, mais très compliqué d'obtenir une connexion wifi (parfois pratique et plus discret quand il s'agit juste de relever les mails ou de checker les couchsurfings depuis une tablette)… C'est souvent l'histoire d'un mec qui connaît le code d'accès mais qui est en déplacement aujourd'hui… No comment. Et pour finir, il y a ce que j'appellerais les micro-cyber, petites boutiques avec quatre ou six postes installés où on paye un peu ce qu'on veut et où le wifi est gratuit si tu as payé une connexion avant ! Pour un peu on serait presque dans une philosophie du Libre là…
Je ne suis pas totalement surpris de voir tout ça, mais je crois que ça me touche tout simplement de voir cette nouvelle culture commune qui fait partie du quotidien jusqu'au fin fond des médinas. Ici comme en France, le fossé générationnel numérique est palpable, les jeunes vivent sur Facebook sans se poser de question quand les plus anciens commencent à peine à comprendre le principe de l'interface clavier/souris/écran… Bref, je crois que je vais garder ce thème comme fil rouge dans l'écriture de ce journal de bord…
Jour 97 - Rabat
Vendredi 04 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 097
Barth : Je n'ai pas vraiment fermé l'oeil de la nuit, entre les moustiques et une embrouille de marocains pas discrets qui aura bien duré deux heures, mais il faut tout de même se lever à 6h30 pour aller à l'ambassade. C'est l'aube, nous sommes une trentaine de personnes à attendre devant le petit local des visas de l'ambassade de Mauritanie. Il y a les habitués, résignés, qui traversent régulièrement la Mauritanie pour rejoindre le Sénégal ou le Mali, ceux qui ont déjà tenté leur chance la veille, plus remontés d'avoir eu à prendre une chambre d'hôtel pour patienter, et il y a nous, les bleus qui découvrons les trucs et astuces de cette supercherie administrative. On s'en sortira avec deux mois supplémentaires à payer, impossible de faire commencer nos visas début mars…
Le mauvais moment est passé, il faut attendre quatorze heure pour connaître le verdict. Nous retournons vers le centre ville accompagnés de Saïd, un saharoui adorable qui tient à nous simplifier la vie. Il est de passage à Rabat pour une demande de visa pour un proche et loge chez ses cousins. Nous buvons un thé dans un immense appartement et il nous indique ensuite une auberge de jeunesse où pour le même prix que l'hôtel, nous avons la douche chaude et la wifi en prime ! Après la nuit mouvementée de la veille, c'est tout vu. Nous débarrassons donc le plancher de l'hôtel d'Alger pour poser notre camp à l'auberge, et après avoir avalé un bissara nous retournons à l'ambassade. Cette fois dans la file d'attente, nous discutons avec deux français. Le premier descend régulièrement des voitures en Afrique et a pris en stop le second, Ilsen, photographe rejoignant l'école/atelier mobile de photographie l'atelier nomade en Côte d'ivoire. La rencontre entre deux ateliers nomades, il fallait le faire !
Une fois les visas en poche, sans complication finalement, nous filons vers l'école d'informatique Vinci que nous avions contacté par téléphone une bonne semaine avant. Nous sommes bien reçus, mais apprenons que le hackerspace qui nous intéressait est un projet ancien qui n'a pas vraiment vu le jour… Nous rencontrons le responsable de l'espace de co-working (cantine numérique en français) que l'école héberge. Il devrait contacter quelques étudiants avec qui nous pourrions discuter un peu… Affaire à suivre.
Après cette journée bien remplie, une bonne douche à l'auberge et un dîner dans la medina avec ses occupants, deux français, un canadien, un allemand à vélo, un indonésien, un tunisien…
Fanch : Nous émergeons de notre courte nuit devant le bureau des visas de l'ambassade mauritanienne. Il est 7h30 et déjà, plusieurs dizaines de personnes attendent avec appréhension leur passage devant l'unique guichetier (l'inquisiteur) dont l'amabilité est légendaire. Naïvement, je m'attendais au tapis rouge et aux Ferrero Rocher (j'exagère un peu), ma déception est de taille quand j'entrevois le triste bureau ouvert sur la rue et ses 3 mètres carré destinés à accueillir le visiteur. Une simple fiche à remplir que nous achetons 10 dirham à 2 sénégalais nous évite de faire une heure et demi de queue afin d'obtenir le document vierge et de se retaper une deuxième et même fil d'attente un fois cette feuille ajourée. On patiente.
C'est mon tour, je m'avance timidement mais avec mon plus grand sourire espérant amadouer mon interlocuteur, je lui tend le fameux papier (toujours en souriant bien sur), il le regarde rapidement, le tourne, le retourne avant de le déposer bruyamment en tapant de la paume de sa main le vieux guichet et de me dire :
« - C'est pas bon… - Qu'est ce qui ne va pas? - C'est pas bon je vous dis. - Mais si vous ne me dites rien d'autre, je ne peux pas corriger… - Le visa, c'est pas bon. - Hein!? - La date n'est pas bonne, il faut demander un visa de trois mois. - Mais nous ne serons en Mauritanie que d'ici deux m… - AU SUIVANT ! »
Ok… on doit prendre un visa pour 90 jours alors que nous n'y resterons pas plus d'un mois. On paye le prix fort mais il semble que nous n'ayons guère le choix. Après plusieurs tentatives, le guichetier fini par accepter nos passeport que nous reviendrons récupérer en milieu d'après midi, tamponné, je l’espère. Début de matinée difficile donc, mais nous rencontrons (devant l'office des visas) Saïd le sahraoui qui nous propose de fêter notre rencontre autour d'un thé, dans l'appartement familial (d'après ce que j'ai compris). Cette invitation sonne comme une trêve administrative.
Après une nouvelle heure d'attente devant l’ambassade, les passeports retournent à leur propriétaires, avec le visas mauritanien. Soulagement. On enchaîne en fonçant vers l'école supérieur d'ingénieurie informatique que nous avions contactée quinze jours auparavant. Nous y sommes très bien reçu et un enseignant responsable de l'espace de co-working nous promet d'envoyer un e-mail aux élèves de l'école afin que nous les rencontrions prochainement. Grosse journée, pas très drôle, mais productive.
Jour 98 - Medina de Rabat
Samedi 05 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 098
Barth : Pendant que Fanch s'immerge dans le bricolage d'un boîtier Arduino, je termine le montage de notre premier checkpoint et prépare un peu la synchronisation du site. L'auberge est un lieu confortable pour travailler et bricoler, et la présence d'autres voyageurs nous permet de nous aérer un peu la tête. C'est aussi l'occasion de tester en avant première la projection du montage vidéo, d'abord avec Simon qui vient juste d'arriver de Normandie pour une formation de quelques mois au Maroc. Et ensuite avec Florian, qui vient de plaquer son boulot dans un grand restaurant de Rabat et planifie les deux semaines qui lui restent au Maroc avant le retour en France. Son projet, partir vivre au Brésil pour y travailler comme cuistot entre la coupe du monde de foot et les jeux olympiques ! Le brésil sera « the place to be » entre ces deux évènements…
Journée studieuse donc, à l'abri dans notre auberge. Le temps est radieux mais il ne fait pas encore très chaud à l'ombre… Nous prendrons le temps demain de visiter un peu Rabat et d'aller voir la mer enfin !
Fanch : Programme du jour :
- Trouver, négocier et acheter des connectiques RCA. OK
- Trouver une boite plastique de type Tupperware. OK
- Trouver de quoi souder. OK
- Trouver de quoi percer la boite plastique. OK
- Observation, réflexion, testes. OK
Pause déjeuner.
- Percer la boite et monter les douilles RCA. OK
- Souder et connecter le tout à Arduino. NO
- Mise à jour du carnet de bord. OK
Pause dîner.
- Visionner et valider le montage vidéo de « CheckPoint 001 » OK
- Écrire le programme d'aujourd'hui avec un peu de recule. OK
Dodo
Jour 99 - Rabat
Dimanche 06 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 099
Fanch : On enchaîne sur une deuxième journée boulot. Le bidouillage de ma petite interface arduino prend forme, peu à peu. Ce dispositif vise à simplifier la mise en oeuvre de plusieurs installations qui me trottent en tête depuis notre départ. Il reste encore un peu de travail mais j'en suis sur, tout cela devrait nous faire gagner du temps par la suite. Je soude, bricole sur la terrasse de l'auberge de jeunesse. Tout cela commence d'ailleur à intriguer résidents et employés de l'auberge de jeunesse et là, j'ai vraiment hâte d'être apte à faire une petite démonstration. Mais patience, patience… Nous aurions aimé profiter de la proximité de la côte pour s'y balader, pour y chasser du son et de l'image. Ce sera partie remise, le soleil tombe déjà…
Barth : Malgré la bonne nuit que j'ai passé, je tiens une sinusite qui me fatigue… Je vais passer en mode antibiotiques et je m'accorde exceptionnellement une pause dans l'écriture de ce journal. Pas de promenade aujourd'hui, juste des galères de codecs vidéos, des coups de fils en France et des médicaments…
Jour 100 - Côte de Rabat
Lundi 07 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 100
Barth : La sinusite, c'est particulièrement dur au réveil j'ai remarqué… Mais après un bon mlawi au miel et à la vache-qui-rie arrosé de thé et d'un jus d'orange, je parviens à reprendre un peu forme humaine ! C'est le centième jour de voyage aujourd'hui, déjà ! La journée détente n'ayant pas été respectée la veille, il faut se rattraper… Pour commencer, assez tard il est vrai, une promenade jusqu'au bout de la medina au bord de l'océan. Il fait beau, le vent n'est pas trop froid et le paysage est singulier. Une côte de rochers déchiquetés, plutôt de nature volcanique, sur laquelle vient se briser la houle de l'Atlantique… Nous sommes à la sortie de la ville côté océan, il y a là un marché de mobylettes, quelques pêcheurs à la ligne et des promeneurs assis dans les rochers au beau milieu de cette véritable usine à embruns. Le cadre idéal pour un nouveau haïku !
L'air du large, ça creuse ! Nous prenons le temps de digérer nos désormais quotidiens bissaras avant de nous aventurer pour un premier hammam. C'est celui du quartier que nous avons trouvé, plutôt populaire, et bondé à l'heure où nous arrivons. C'est la première fois que je mets les pieds dans un hammam. En entrant dans l'étuve, je sens sans bien le comprendre qu'il y a un rituel à suivre. Muni de deux seaux et d'un gant de toilette grattoir, je prends d'abord le temps d'observer en m'accoutumant à la chaleur. Le hammam est divisé en trois pièces, celle du fond est la plus chaude, c'est là qu'on sue en se grattant les peaux mortes avec un sceau d'eau presque bouillante. Certains se font masser, allongés à même le sol, d'autres se grattent mutuellement… D'une manière générale, la pudeur et l'intimité qui existent chez nous n'ont pas vraiment leur place ici. C'est assez étrange de se retrouver au milieu de ces hommes de tous âges, au coeur de ce rituel où les corps sont dévoilés, lavés, soignés dans une expérience partagée. Sans être mal à l'aise, je suis trop attentif à ce spectacle, à ce qu'il me raconte de la société que nous côtoyons maintenant depuis presque un mois, pour arriver à me détendre totalement. Après avoir bien sué, il ne reste qu'à se laver dans une des autres pièces, avec de l'eau plus fraîche. Puis retour au vestiaire pour se sécher. En me rhabillant, je vois un vieux monsieur se faire porter sur une chaise en plastique par deux hommes en direction de l'étuve. Il est arrivé en fauteuil roulant. Je comprends d'un coup à quel point cette relation décomplexée au corps et particulièrement au corps de l'autre, fonde une culture de l'entraide où chacun est à sa place, ensemble… Difficile d'imaginer une telle scène dans l'individualisme occidental.
Au-delà ces fumeuses considérations, le hammam ça fait vraiment du bien, je n'hésiterais pas à remettre ça !
Fanch : Événement d’aujourd’hui: Cela fait 100 jours que nous sommes en route, 1 dixième du voyage, j'adore les comptes ronds.
Et pour fêter ça, on se paye une journée repos. Enfin presque puisque nous levons l'ancre pour se balader avec le matos audio-visuel. A 7 minutes de l'auberge, c'est notre cher atlantique que nous n'avions plus vu depuis Lekeitio (pays basque) il y a 54 jours de cela. Et nous le retrouvons, comme nous le connaissons, comme nous l'aimons. Les embruns naissent de la rencontre brutale entre le liquide iodé et la roche escarpée… L'océan. On sort nos enregistreurs respectifs, action.
De retour à l'auberge, je ne peux pas m’empêcher de ressortir le fer à souder avec l'intention d'avancer dans mon travail. Mais ce fer que j'ai acheté avant-hier (et qui fonctionnait très bien !) se sépare en deux au moment de le saisir. J'ai bien essayé de le réparer mais en vain. Autant dire qu'il tombe en miettes. Bon, il faut savoir interpréter les signes. Le centième jour sera celui du repos, c'est sûrement écrit quelque part. L'heure est à la détente, nous refaisons peau neuve au hammam du quartier. Excepté la chaleur excessive et humidité ambiante, tout ce passe pour le mieux (à prendre au second degré).
Jour 101 - Salé
Mardi 08 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 101
Fanch : Florian et Simon, deux français ayant élu domicile à l'auberge de jeunesse nous accompagnent à Salé, petit ville situé au nord de Rabat. Comme d'habitude, le pied photo se balance à l'une des bretelles du sac de Barth au rythme de ses pas. Mon enregistreur est au chaud, dans ma poche, la main dessus, je suis prêt à dégainer. Mais la « pollution sonore » est omniprésente dans cet environnement urbain, mes enregistrements sont ponctués de coups de klaxon, de bruits de moteurs et dans tout ce boucan, j'ai quelques petits soucis pour dénicher un son succeptible d'être exploité. On s'écarte de la route et des effluves de gazole pour s'approcher de la côte. Un soleil orange tombe doucement dans l'eau de l'atlantique. Il va bientôt s'éteindre et l'endroit est réputé dangereux la nuit, on nous conseille de ne pas traîner dans les parages. Ok, on rentre.
Concernant mon bidouillage éléctronique, ça avance bien. Je fais quelques tests ce soir et pour l'instant ça fonctionne comme je veux… Étonnant, j'espère que ça va continuer ainsi. A suivre
Barth : Nous avons trouvé notre rythme de vie à Rabat. De longues sessions de travail à l'auberge entrecoupées de pauses repas à la cantine d'à côté où nous sommes reçus en habitués. Du fait de la présence de l'ambassade de Mauritanie à Rabat, l'auberge de jeunesse est un point de carrefour presque incontournable pour tous les voyageurs descendant vers le sud. Nous y faisons chaque jour de nouvelles rencontres et de nouveaux contacts…
En revanche nous ne réussissons pas à entrer en contact avec des acteurs du libre ici. Faute de temps pour le moment, et aussi du fait que nous nous présentons un peu au dernier moment, dans des institutions qui ne peuvent pas réagir aussi vite. Mais il semble qu'il n'y ait pas tant que ça d'acteurs visibles du Libre sur Rabat…
L'après-midi, nous nous faisons guider par Florian aux abords de la medina de Salé, la ville séparée de Rabat par l'oued qui y trouve son embouchure. Salé est une ancienne république autonome de pirates, un peu l'équivalent de St Malo en France si j'ai bien compris… L'ambiance y est plus sauvage qu'à Rabat, mais nous n'avons pas le temps de pousser plus loin la visite, la nuit tombe déjà…
Jour 102 - Médina de Rabat, Fnac Berbère
Mercredi 09 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 102
Barth : J'ai beaucoup de mal à écrire ces jours-ci… Je passe beaucoup de temps à plancher sur des questions techniques sur l'ordinateur et je manque de courage pour pour en plus trouver les mots pour le raconter. Heureusement, nous faisons quelques pauses dans le bricolage. Aujourd'hui nous avons frappé en vain à la porte de l'Institut Français, au cas où… Et comme à chaque fois qu'on sort, je prends l'appareil photo pour m'aérer le regard ! Cette fois, je tiens une série sur Fanch qui je l'espère compensera ma flemme…
Dans la soirée, nous avons une réunion skype avec Fab, le président de LibLab. En plus des nouvelles et de la programmation de quelques événements quimpérois à venir, il nous a trouvé un contact à Casablanca ! Il s'agit d'une association qui promeut le Libre dans la culture marocaine, un LibLab marocain en quelque sorte ! C'est formidable de sentir que notre régie quimpéroise s'organise de mieux en mieux, nous faisant gagner un temps précieux, tout en commençant à trouver son sens au-delà de Geocyclab. Bravo et merci à toutes et tous, et longue vie à LibLab !
Fanch : Excepté pour les pause repas, on ne sort que trop rarement la tête à la surface du travail… Mais on tente d'aller faire un tour à l'Institut Français du Maroc par simple curiosité. Après un court passage à l’accueil, nous appelons la responsable des expositions, ce sera un coup dans l'eau, son agenda des jours à venir ne nous laissera aucune chance.
Mais cette promenade nous permet de sortir du quartier et de découvrir le Rabat occidental. De grosses et puissantes cylindrées empreintent le boulevard bordé d'une rangée de palmiers et slaloment entre les fontaines. Les marchands ambulants et les petites échoppes de la médina font place aux banques, agences d'assurances et boutiques de design d'intérieur. Les odeurs de gaz d’échappements remplacent celles de poissons, d'épices et de poubelles… Les deux mondes s'entrechoquent, se côtoient, commercent et s’influencent mutuellement mais la séparation reste nette. Et puis je voulais en parler avant-hier, il y a aussi ces terrains-vagues de bords de mer où s’enlacent quelques amoureux et où les familles pique-niquent avec vue sur l'atlantique. C'est une bande de terre sableuse coincée entre la dernière route du Maroc et l'océan. Étant donné le nombre d'éclats de verre éparpillés au sol, j'imagine, à l'heure où les silhouettes se perdent dans l'ombre, les jeunes et moins jeunes se regrouper pour braver discrètement l'interdit en décapsulant quelques canettes de Heineken. Rabat a plusieurs visages et Allah aime le contraste.
Même avec une petite relance, toujours pas de réponse de l'école d'informatique… dommage pour eux, dommage pour nous !
Jour 103 - Medina de Rabat
Jeudi 10 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 103
Fanch : Mon interface Arduino est terminée, elle fait aussi lampe de poche cool ! La programmation du micro-contrôleur n'a pas posé de problème majeur, j'en suis étonné, presque ému. Il reste encore quelques tests à effectuer, notamment en conditions réelles. Par ailleurs, je dois recevoir prochainement un coli plein de capteurs, après cela, nous pourrons enfin passer à l'action. Une nouvelle branche de Geocyclab est en train de pousser ! Barth à bidouillé avec classe un support-pince pour une de nos mini caméras GoPro, un bricolage qui lui tenait à cœur depuis notre départ. Encore une bonne chose de faite.
Nous sommes entrés en contact (merci à Fab, le président de LibLab qui depuis Quimper nous aide dans nos recherches) avec l'un des acteurs du Libre de Casablanca. Nous devrions le rencontrer Samedi et passer le W.E. ensemble. Ce coup ci, ça semble sérieux. Quant à l'école d'informatique incluant l'espace de co-working à qui nous avons rendu visite au début de notre séjour à Rabat, ils ne nous ont jamais redonné de leurs nouvelles et nous ne pouvons/voulons plus attendre d'avantage. Il est grand temps pour nous d'enfourcher de nouveau nos bécanes et de continuer notre chemin.
En fin d'après midi, de retour à l'auberge avec un sac de câbles RCA en main, j'entrevois avec surprise un vélo voyageur (le genre de vélo qui ne passe pas inaperçu)! C'est celui de Camille Szklorz avec qui nous avions eu quelques échanges de mails durant la préparation du voyage. Elle transporte dans ses sacoches un projet similaire au notre, Cyberconte. Coïncidence ?
Allez jeter un coup d’œil sur son site, elle en parlera mieux que moi ! C'est fou non? Chose tout à fait logique, nous voilà parti à discuter de nos aventures respectives et de nos découvertes communes. Nous sommes quatre au repas devant nos bissaras, Camille, Simon, Barth et moi… et la conversation continue !
Barth : Nous avons rendez-vous samedi soir à Casablanca, il nous faut donc reprendre la route demain. La liste des dernières choses à faire à Rabat est vite dressée et la journée promet d'être bien remplie !
Je bricole le matin sur un système d'accroche universel pour nos caméras GoPro, à partir d'une pince de serrage. C'est une des nombreuses choses que je voulais faire depuis notre départ, je vais enfin pouvoir faire des images embarquées sur nos vélos sans passer une demie-heure à installer ! Pendant ce temps Fanch termine son boîtier Arduino. Il semble que tout fonctionne, l'atelier est donc bien plus opérationnel ! Objectif atteint avant de quitter Rabat !
En rentrant de déjeuner, je salue de loin une française qui vient d'arriver et qui est en train de discuter avec la réceptionniste. Quelques minutes plus tard, elle vient me demander si je suis bien de Geocyclab ! Je suis un peu surpris. Je ne pensais pas que Geocyclab était aussi connu ! En fait il s'agit de Camille, ancienne étudiante au Beaux-Arts de Valence qui nous avait contacté par mail il y a presque un an. Elle voyage seule à vélo suivant un itinéraire assez semblable au notre et enquêtant également sur les systèmes D ! Encore un atelier nomade !
Jour 104 - Auberge de Jeunesse de Rabat
Vendredi 11 janvier 2013 - 20 kms - Post n° 104
Barth : Aujourd'hui est un jour férié au Maroc, l'anniversaire de l'indépendance. Et en plus nous sommes vendredi, deux bonnes raisons de rester à l'auberge ce midi pour ne pas manquer le couscous gratuit annoncé ! Nous avons donc toute la matinée pour faire nos sacs, immortaliser en vidéo la rencontre avec « Cyberconte » le projet de Camille et tenter de comprendre le polonais fou qui parle sans arrêt.
Vers 14h, le couscous semble être ajourné… Direction notre cantine préférée, avec nos montures pour une fois, pour un dernier bissara avant de prendre la route. Camille et Simon nous accompagnent et seront les témoins de notre nouveau départ. Simon, rendez-vous dans moins de trois ans en France où ailleurs. Merci encore pour ta présence et tes multiples coups de main !
Camille, il y a des chances pour que nos routes se recroisent ! D'ici là, que le « Cyberconte » soit nourri de belles rencontres…
Et nous voilà repartis. Reprise du pédalage après une longue pause sur la route côtière qui va de Rabat à Casablanca. À gauche, des maisons, immeubles, boutiques, résidences, hôtels, la ville quoi… Et à droite, la houle de l'Atlantique qui explose sur les roches déchiquetées qui constituent le rivage. Le soleil déjà bien bas a du mal à percer les nuages et l'épaisseur des embruns qui balayent le paysage. Mais de temps en temps, un éclat d'or se réfléchit dans le miroir de l'océan…
Nous avons le vent dans le dos et avalons sans trop de problème une vingtaine de kilomètres avant de bifurquer vers la plage du Val d'Or. Nous tombons sur Mohamed (pour changer), gardien de parking du restaurant chic « Les trois palmiers ». Il nous assure que nous pouvons monter les tentes ici. La nuit est en train de tomber, Fanch monte sa tente tandis que j'abandonne ce projet face au sable fin dans lequel il est impossible de planter quoique ce soit. Et le temps d'avaler un morceau de pain et quelques gâteaux, Hassan et Nourdine arrivent. Ils remplacent Mohamed pour la garde de nuit et nois invitent à emménager dans la cabane qui leur sert d'abri jusqu'à la fermeture du resto ! Un vent froid et humide s'est levé, on ne refuse pas l'offre. Mohamed rentre chez lui après nous avoir donné rendez-vous à 5h du matin pour une pêche au poulpe et nous passons la fin de soirée à apprendre quelques mots d'arabe avec Hassan en sirotant quelques thés. Au moment de nous coucher, je me sens un peu comme un prince, à l'abri du vent dans la cabane, tandis que nos hôtes font leur travail dehors dans le froid… Mais il est impossible de lutter contre l'hospitalité marocaine, aussi incongrue soit-elle !
Fanch : C'est toujours un peu étrange de quitter un lieu que l'on a côtoyé ne serait-ce que quelques jours. Nous avions déjà pris quelques habitudes et connaissions quelques têtes à qui il nous faut dire adieu, c'est le destin du routard… mais il me tardait de de reprendre la route, descendre, descendre et toujours descendre. Et puis nous tenons a être présent à notre rendez vous de demain soir à Casablanca, il est donc grand temps de lever le camps. Au revoir Rabat, au revoir le service des visa de Mauritanie (sans rancune!) mais surtout, au revoir Florian, bon courage pour ta recherche d'appartement Simon, et bon voyage Camille. Voilà qui est dit!
On longe la côte atlantique, à notre droite, l'atlantique nous offre un spectacle permanent et à regarder les imposantes déferlantes, j'ai du mal à rester concentré sur ma trajectoire. Le soleil baisse encore trop vite (il faut avouer que nous avons pris notre temps) nous décidons de tourner à droite pour emprunter la route qui mène vers la plage dans l’espoir d'y trouver un endroit ou piquer nos tentes. Mohamed, le gardien des « Trois Palmiers » (un resto chic, tenu par des français pour des français) nous propose dans un premier temps de planter les tentes là, juste là, sur le sable à une cinquantaine de mètres de l'entrée du restaurant à coté de la petite cabane aux gardiens, il nous assure que ses collègues veillerons sur nous et notre matériel toute la nuit. Puis dans un second temps, il nous propose carrément de nous installer dans le petit abris. On accepte, de toute manière, il ne nous laisse pas vraiment le choix. Et nous voilà en compagnie d'Hassan et de Nordine, veilleurs de nuit fort sympathiques avec qui nous discutons un long moment, apprenons à baragouiner quelques nouveaux mots d'arabe et partageons le thé, bien sur. Encore une belle rencontre aujourd'hui.
Jour 105 - Plage du Val D'Or
Samedi 12 janvier 2013 - 80 kms - Post n° 105
Fanch : Il y a certaines journées bien trop remplies pour pouvoir en faire le descriptif complet. Je vais donc faire l'impasse sur notre petit déjeuner avec Hassan, Nordine et Mohamed face au puissantes vagues de l'atlantique, nos 80 kilomètres de vélo, notre échappée belle dans Casablanca, notre entrevue avec un veille homme au yeux brillant sur un terrain (vague) de foot ou nous faisions sécher nos tentes… pour arriver à notre rencontre au croisement de l'avenue du 2 Mars et du Boulevard panoramique avec Abdellah M. Hassak, notre « contact du libre » de Casablanca.
Il est peut être 16 heures, le soleil vient tout juste de disparaître derrière une barre d'immeubles. Abdellah arrive alors que nous terminons à peine le thé de la récompense, celui qui nous aide à reprendre des forces. Sourire au lèvre, le pas assuré, il nous repère de loin (nous n'arrivons pas encore à passer inaperçu). Salut! Salut! Salut! Et hop la bise! Puis nous le suivons jusqu'au domicile familial pour effectuer de plus amples présentations. Diplômé en ingénierie télécome-réseaux, actuellement en master management et système d'information, adepte de la libre circulation du savoir et de la culture et musicien, ce sympathique jeune homme a tout un tas de projet en cours. A commencer par son désir de créer une plate-forme open source dans l'objectif d’améliorer et de simplifier le protocole de communication au sein et entre les établissements scolaires pour que la priorité devienne l'éducation et non pas la gestion de l'éducation… je n'ai pas encore saisie l'ampleur de ce qu'il à en tête mais c'est du lourd! Il nous parle aussi de Maroc Reusecultures voir le site, un projet consistant à revaloriser le patrimoine culturel marocain en l'archivant et en le diffusant sous licence CC (Creative Commons). Il est co-organisateur du premier summerlab du Maroc, ici même à Casablanca et il fait de la musique, quand je lui parle de mes logiciel préféré… enfin, vous imaginez bien que nous avons quelques points en communs.
Il nous amène en ballade au pôle Boultek de l’énorme technopôle de Casa. Un petit espace réservé à la culture, tout particulièrement au musiques urbaines. Il est 20h, nous sommes dans la petite salle 36 devant un groupe de rock déjanté de Mohamedia. Étonnant croisement de culture quand je repense Ain Zora, Mezguitem, à nos virées dans la campagne marocaine, j'ai presque l'impression d'être dans un autre monde…
Barth : Toc, toc… C'est Hassan qui nous tire du sommeil un peu avant 7h. Mohamed ne s'est donc pas levé pour la pêche au poulpe… Après un brin de toilette à l'eau chaude qu'Hassan a apporté dans une bouteille, nous assistons au lever du soleil en buvant le thé avec nos hôtes. La mer est montée bien plus haut que l'endroit où nous avions planté les tentes la veille.. Ouf !
La route côtière est magnifique tout en ayant l'immense avantage d'être plate avec le vent dans le dos ! Bref, c'est un plaisir de pédaler. De temps en temps nous longeons d'immenses propriétés de la famille royale, gardées par quelques hommes armés et disposés tous les trente mètres. Plus on s'approche de Casablanca, et plus l'air devient irrespirable malgrès la proximité de l'océan. Une immense raffinerie de pétrole inaugure la traversée de la zone industrielle nord de la ville et après 80kms dans les pattes nous découvrons enfin les premières avenues.
Casablanca n'est pas vraiment blanche… La pollution est palpable. C'est une ville immense que nous mettons beaucoup de temps à traverser pour rejoindre notre point de rendez-vous avec Abdellah, notre contact organisé par Fabrice (LibLab). Nous prenons le temps de souffler un peu en buvant un thé avant de l'appeler, et une fois qu'il nous a rejoint il faut faire un dernier effort pour arriver à suivre sa voiture dans sur quelques kilomètres jusqu'à sa maison.
Une bonne douche et un thé nous redonnent quelques forces pour aller visiter les locaux de l'association. Nous sommes samedi soir et un petit concert de métal a lieu dans la toute petite salle de spectacle. Les locaux sont situés au rez de chaussée du Technopôle, une immense tour repeinte aux couleurs d'Inwi un des gros opérateur de télécommunications au Maroc. La soirée se termine autour d'un bon repas préparé par Abdellah et son frère Essam, l'occasion de commencer à faire connaissances malgré l'énorme fatigue qui se fait de plus en plus pesante…
Jour 106 - Casablanca
Dimanche 13 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 106
Barth : Après les 80 kms de la veille, un peu de rab de sommeil n'était pas un luxe. Il pleut sur Casablanca quand je me lève vers 11h, Abdellah et Essam dorment toujours…
Un peu plus tard après avoir mangé tous les quatre, je fais un aller-retour en taxi jusqu'à la gare routière pour acheter mon billet du lendemain. Je suis de retour juste à temps pour aller rendre visite à Zakaria, un ami d'Abdellah qui travaille avec Arduino et bien d'autres technologies libres ! Nous le retrouvons à la terrasse d'un café le temps de nous présenter les uns les autres. Zakaria à fait des études d'ingénieur et a travaillé au Canada pendant plusieurs années. Il est de retour au Maroc depuis un an, et cherche un moyen de vivre de ses activités de bidouilleur de haut vol. Nous poursuivons la conversation dans le garage de la maison familiale où il a établi son atelier. Ordinateur, outils de construction, collection de circuits électroniques en tous genres et même de quoi fabriquer des circuits imprimés, on se croirait vraiment dans un mini-fablab !
La nuit est déjà tombée quand nous prenons congé à la fois émis et heureux d'avoir eu la chance de rencontrer Zakaria. Il se sent un peu seul ici au Maroc et ce n'est vraiment pas simple de trouver le matériel dont il a besoin… Mais ce n'est que le début ici, les connexions se font, les associations se créent, les lieux se trouvent, tout est réuni pour que la culture Libre trouve une vraie place dans la société marocaine tôt ou tard !
De retour chez Abdellah, toute sa famille est rentrée. Nous libérons donc le salon pour aller travailler dans sa chambre. Il faut absolument que nous tournions un petit portrait vidéo d'Abdellah, que nous fassions la synchronisation du site et il y a aussi plusieurs montages vidéos à faire avancer… Je suis d'attaque pour une nuit blanche de travail en compagnie d'Abdellah également adepte de ce genre de pratique. Demain je dois partir vers 5h30 du matin pour attraper le car direction Essaouira pour une semaine de pause avec Anaïs. Mais avant ce programme chargé et minuté, nous dégustons notre premier couscous préparé par la maman d'Abdellah car ce soir c'est le nouvel an berbère ! Alors bonne année 2900 et des brouettes !
Fanch : Abdelah nous conduis chez l'un des ses amis, un dénommé Zakaria. Les présentations ont lieu autour d'un café noir dans un rade à deux pas de son atelier. Il est bien plus qu'un électro-bidouilleur puisqu'il a suivit une formation d’ingénieur en « système embarqué » à Montréal (où d'après mes calculs il serait resté une bonne dizaine d'année - son accent en témoigne). Il se trouve qu'il est clairement orienté Open Hardware (matériel libre). Il est rentré au Maroc c'est dans l'espoir d'y promouvoir les nombreux avantages de l'Open Source et de tout ce qui s'y associe.
Avant même de s’enfoncer dans l'atelier du savant fou nous admirons son digicode réalisé à partir d'un Arduino. Il nous présente son équipement, biensûr ses « chers Arduinos » Made In Home et d'autres circuits imprimés dont je ne soupçonnais pas l’existence mais qui semblent vraiment intéressants (dont le beagleBone pour ceux qui se sentent concernés).
Mais, nous dis Zakaria, « depuis que les fabricants d'appareils électronique suivent le modèle de l'obsolescence programmée, il devient plus simple d'acheter un nouveau téléviseur que de réparer l'ancien et par conséquent, les composants un tant soit peu spécifiques sont devenu rares. Pour ce fournir en composant, c'est une véritable galère. Ici, il n'est pas possible de recevoir une commande sans subir un interrogatoire lors de la livraison » Alors il fait des allers-retours réguliers à Montréal afin de se procurer les divers matériaux nécessaires au bon avancement de son travail.
Puis nous venons à causer de la situation de la culture du Libre, de l'Open Source et du partage du Maroc. Il semble qu'ici quelques consciences tendent à s'élever vers ces valeurs qui nous sont chères mais d'après nos deux amis, le chemin est encore long et parsemé de nombreux obstacles. Les esprits marocains (et par extensions, ceux du monde arabe) ne paraissent pas préparés à ce genres d'alternatives aux produits propriétaires. Zakaria nous site l'exemple du logiciel: « Tu peux trouver un Système d'exploitation Windows piraté sur le Souk pour 10 dirhams… alors pourquoi se faire chier à installer Linux sur ton ordinateur surtout quand tu n'as pas connaissance de ce genre de chose? »
Ces deux gars s’efforcent en premier lieux, à sensibiliser leur entourage. Ils s'impliquent dans divers éventements culturels basés sur les fondement de la Culture du Libre et colportent un peu d'espoir dans ce pays ou beaucoup reste à faire tant au niveau culturel qu'au niveau des libertés individuelles.
Nous avons du mal à mettre un terme à la discutions, (elle pourrait ne jamais se terminer). Sur la route du retour, je me perd dans mes pensées. La rencontre d'Abdlelah puis celle de Zakaria ont non seulement renforcé mes convictions sur culture libre mais elles ont donné un sens à notre voyage. C'était prévu, je le sais bien, mais tellement attendu !
C'est le nouvel ans Berbère, enfin non, c'était hier, mais comme la famille n'était pas au complet, le festin est programmé pour ce soir et c'est couscous au menu (notre premier, enfin!). Nous mangeons avec Abdelah, un délice! Mon seul tout petit regret cependant est de n'avoir pas partager ce moment avec toute la famille. Demain Barth m'abandonne à son tour, un bus pour Essaouira décolle à 7h00 de la gare routière de Casa. Il va se prendre une semaine de vacance avec sa dulcinée qui devrai arriver demain. Et moi? J'avais pas mal hésité sur mon programme pour finalement prendre la décision de tracer vers cette même destination, mais en vélo. Le petit plus c'est que j'aimerai tenter d'avaler les 370 kilomètres qui me sépare d'Essaouira en 4 jours et puis, j’appréhende un peu le voyage en solo mais bon… c'est mon petit challenge de la semaine.
Jour 107 - Azemnour
Lundi 14 Janvier 2013 - 105 kms - Post n° 107
Fanch : 5 heure, à ma demande Barth (qui à veillé toute la nuit pour avancer le boulot) me réveille après 4 petites heures de sommeil. Je tiens à l'accompagner à la gare CTM, puis pédalerai vers le sud, seul, comme un grand. Abdelah est debout lui aussi Les adieux se font à coups d’accolades engourdi par le manques de repos. Nous traversons tout deux un autre Casablanca, presque sans vie, seul quelques ombres de vendeurs de bissera se dessine sur les murs gris de la nuit. A cette heure ci, la ville semble encore plus vaste.
-Salut Barth, dors bien et profites bien de tes vacances!
-Salut Fanch, profites bien et fais gaffe sur la route!
-Ok, kenavo!
-Kenavo!
Il n'est plus là. Et moi, je dois me sortir de la ville avant qu'elle ne s'active! Je passe vite fait voir la grande mosquée (la plus grande d’Afrique parait-il). Je dis vite-fais parce qu'un gardien m'interdit de m'en approcher avec ma bécane. Dommage… si c'est comme ça, je décampe!
La route côtière qui relie Casablanca à El Jadeda est ponctuée d'oasis de béton posées là, au milieu des champs. Des lotissements balnéaires constitués de grosses villas identiques sont plantés au milieu de nul part (dont beaucoup sont encore en train de pousser) et attendent impatiemment la fin des travaux ou d'éventuels futurs propriétaires. D'énormes panneaux publicitaires délavés affichent leurs slogans aguicheurs (vivez le lux comme vous le désirez - Prenez des vacances éternelles) laissant rêveurs mômes et paysans du coins. Ces citées de « luxe » rythment le paysage et tout les deux kilomètre environs il m'est à nouveaux possible d'admirer ce genre de fantaisie urbaine.
Le voyage en solitaire a un tout autre goût. Je vais à mon propre rythme, les rencontres sont plus fréquentes, je m’arrête, reprends, déjeune, déguste un thé quand je le souhaite, où je veux et tout ceci est plutôt agréable. Mais la solitude à aussi son lot de désagréments. Je ne peux pas quitter mon vélo des yeux, ce soir je suis dans un hôtel bas de gamme car je ne me sentais vraiment pas de dormir dans le coin (plusieurs personnes m'ont mis en garde) et puis l'un des objectif de ce voyage est de le partager avec vous mais aussi entre nous!
Ah oui, aujourd'hui est un grand jour pour moi car j'ai battu mon record personnel de distance en une journée et j'en suis fière, je suis passé au dessus de la barre des 100 km!
Barth : J'ai réussi à faire tout ce que je voulais dans la nuit. Je tire Fanch du sommeil vers 5h et Abdellah peu après qui s'est assoupi une heure auparavant…
Après des aux-revoirs quelques peu embrumés par le manque de sommeil, nous pédalons une dizaine de kilomètres jusqu'au centre ville sur des avenues presque désertes où les rares véhicules grillent tous les feux. Fanch m'accompagne jusqu'à la gare routière et nous déniche un bout de gâteau et deux thés pendant que j'enregistre mes bagages. Il va faire la route seul jusque Essaouira où nous nous retrouverons en fin de semaine… Bonne route mec !
Une fois assis dans le car, le jour qui se lève ne m'empêche pas de sombrer dans un sommeil léger mais nécessaire. Je suis réveillé par un accrochage entre notre car et un taxi en pleine ville. Notre chauffeur un peu énervé par un contrôle de police, n'a pas pris le temps de regarder à droite avant de s'engager dans la circulation. Je crains un instant que l'incident prenne beaucoup de temps mais nous voilà repartis…
Quelques heures plus tard, je débarque donc à Essaouira sous un soleil radieux et je ne tarde pas à retrouver Anaïs à l'autre gare routière. La semaine de vacances peu commencer, et je vais donc laisser reposer la plume et me contenter de produire quelques images d'Essaouira en parallèle du récit de Fanch… A bientôt alors !
Jour 108 - Route de Safi
Mardi 15 Janvier 2013 - 60 kms - Post n° 108
Fanch : J'avance sans faire de pause. A l'heure du déjeuner, j'ai déjà avalé 60kms, la faim se fais sentir, je décide de m’arrêter dans un village de pécheur pour engloutir 200g de kefta sur une terrasse ensoleillée, avec vu sur mer. C'est là que je rencontre Ali, un homme simple et posé. Il s'installe avec ses grillades à mes cotés et naturellement, une conversation s'engage, il me parle d'art, de peinture et cela a tendance à éveiller ma curiosité. On tient notre sujet de conversation, elle durera deux heures. Il est en quelques sorte, assistant d'artistes et à l'habitude de côtoyer ce genre d'individus un peu étrange… Le courant passe bien, des affinités se remarquent. Il me propose de passer la nuit sur son lieu de travail, une résidence d'artiste qu'il entretient en attendant d’accueillir quelqu'un au nouveau printemps. J'hésite un long moment. J'aimerai rouler encore un peu durant les deux heures de soleil qu'il me reste mais… mais j'accepte son offre et ce, avec un grand plaisir. Moi qui voulait avancer, c'est raté pour aujourd'hui mais cette petite déception va rapidement s'estompée face à l'hospitalité d'Ali. Je l'écoute parler de ses racines Berbère, de son père, de sa mère, d’Allah et de la vie… sa sensibilités me touche, je me sens sur la même longueur d'onde… alors je souris.
Pendant ce temps-là, à Essaouira…
Jour 109 - Route de Safi
Mercredi 16 Janvier 2013 - 115 kms - Post n° 109
Fanch : Je quitte Ali de bonne heure avec la ferme intention de joindre la ville de Safi 110 kilomètres plus au sud. Il fait froid ce matin, le vent souffle relativement fort mais il est en ma faveur. J'avance sur une côte de plus en plus radieuse, les falaises se dressent, de plus en plus sauvages. Je roule, roule et roule encore. Me voici enfin à Safi que je découvre quand la lune se met à briller. 115 kilomètre au compteur, mon nouveau record personnel! A pédaler comme un abruti j'ai presque l'impression de ne pas avoir profité de ma journée mais à y repenser mon chemin fut ponctué de quelques événements toujours aussi inattendus.
- 9H, je me fais courser par deux chiens qui ne m'inspire vraiment, vraiment pas confiance.
- 10H30, je fais la rencontre d'un couple de retraité franco-marocain fort sympathique, ils insistent pour me payer ma collation de milieu de matinée.
- 14H, je mange face à l’Amérique, assis sur le bord d'une falaise, les pieds dans le vide.
- 14H45, alors que je roule tranquillement, deux mômes relativement agressifs s'accroche à mes sacoches et manquent de me faire tomber. Ils insistent pour que je leur donne un stylos (c'est la troisième fois en deux jours que je suis confronté à ce genre de situation, j'imagine que ce n'est qu'un début).
- 15H00, je croise mon premier dromadaire.
- 15H30, je rencontre un homme est ses trois filles, la plus âgée des trois (une petite quinzaine d'années me propose de l'épouser, son père en rajoute une couche… je leur explique en toute franchise ma situation, nous nous serrons la main.
- 16H45, je rencontre deux colombophilies qui me parlent de trafic de bagues de pigeons voyageur. Je ne comprends rien mais j'adore ça !
- 17HO0, trois ados sur une mobylette me devancent de quelques mètres, ils roulent presque à la même allure. L'un des trois jeunes me fait un doigt d'honneur d'environs 5 minutes. Ce sera le plus long de ma vie…
Pendant ce temps-là, à Essaouira…
Jour 110 - Route d'Essaouira
Jeudi 17 Janvier 2013 - 60 kms - Post n° 110
Fanch : Je suis beaucoup moins efficace qu'hier, fatigué par l'intense journée d'hier. Je longe l'océan, la route est de moins en moins fréquentée même si de temps en temps le klaxon d'un poids lourd retentit soit pour me prévenir de son passage, soit ou pour m’encourager, le deux sûrement. J'ai trouvé un squatte pour la nuit. Une baraque à frite à la marocaine au pied d'une dune avec vue sur mer. Pas mal du tout, j’espère juste ne pas avoir de visite cette nuit. A force de croiser des marocains stipulant que tout les autres marocains sont des voleurs et qu'il faut vraiment faire attention la nuit, je me sens un peu seul… Ah oui, j'ai perdu mon challenge, je voulais être à Essaouira ce soir alors qu'une soixantaine de kilomètres me sépare de mon but. Essaouaira c'est pour demain.
Pendant ce temps-là, à Essaouira…
Jour 111 - Essaouira
Vendredi 18 Janvier 2013 - 60 kms - Post n° 111
Fanch : La nuit s'est bien passée. Je plie bagage et prends la route à l'heure des premiers rayons. Mon corps est fatigué par les bornes de la semaine (ma cheville et mon genoux gauche me font souffrir), il y a pas mal de grimpette et mon dérailleur commence lui aussi à montrer quelques signes de fatigue. Ce n'est donc pas la fête à l’intérieur de ma petite caboche. Je fais beaucoup de pauses et les côtes se succèdent, je pousse la bécane sur une dizaine de kilomètres au total, j'ai même hésité à lever le pouce devant un pick-up…
Moment de fatigue, minute posé le long de l'asphalte usé, les yeux rivé sur le sol, j’aperçois une tortue s'engageant sur la route avec la même hâte maladroite que celle du hérisson. Considérant cet instant comme un privilège, je la salue en l'aidant à franchir cet obstacle périlleux. Petite mais belle rencontre. J'arrive enfin à Essaouira, citée prisé par les touristes baba-cool. Pour le moment il s'agit de trouver de quoi se loger, de quoi prendre un bonne douche, de quoi manger et une connexion pour envoyer un mail à Barth afin de le prévenir de mon arrivée. Quant à la phase d'observation de mon nouvelle environnement, je verrai ça demain.
Bonne nuit
Pendant ce temps-là, à Essaouira…
Jour 112 - Medina d'Essaouira
Samedi 19 Janvier 2013 - 0 kms - Post n° 112
Fanch : Hier j'ai trouvé une auberge de jeunesse dans mes moyens, j'y suis arrivé en même temps qu'Ouri, un artiste voyageur Israélien. Problème, il ne restait plus qu'une place en dortoir et une chambre dotée d'un lit deux personnes. On a donc décidé spontanément de partager la petit pièce. Comme souvent, une conversation s'est engagée, et elle continu au petit déjeuner ce matin. En 2008, lors de mon passage en Inde, j’eus à plusieurs reprise l'occasion de croiser un bon nombre d'Israéliens qui, après leur service militaire, venait s'y aérer l'esprit (souvent en s'enfumant la tête). Un bon nombre d'entre eux, très certainement marqués par les stigmates d'un des plus long conflit de notre époque, colportaient un discours radical envers leurs voisins Palestiniens. Je restais alors muet, ne trouvant pas les arguments et ne sachant pas comment réagir face à ce mépris de l'autre si clairement affiché. C'est donc avec une certaine appréhension que j'aborde la question de sa vision du conflit Israélo-Palestinien.
Il semble Qu'Ouri soit un de ces excentriques pacifistes qui a troqué l’apprentissage des armes et de la haine contre un volontariat dans un centre d'éducation spécialisée pour jeunes autistes. Un chic type, intelligent et qui je l'espère, aura la force de contaminer ses pairs.
Je sors enfin de l'auberge pour découvrir Essaoura sous la pluie, la même qui arrose si souvent ma régions lointaine. Mais là, pas de nostalgie. Il est temps de rejoindre Barth et Anaïs. J'avoue être impatient de les retrouver. Je passerai une bonne partie de la journée en leurs compagnie. Anaïs nous fait un rapide état des lieu de LibLab, et ça à l'air bouge à Quimper.
Il ne pleut plus.
Ce soir, Ouri mange avec nous, puis nous continuons notre passionnant discutions sur le toit de l'auberge.
Jour 113 - Medina d'Essaouira
Dimanche 20 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 113
Fanch : Je cogite dur concernant notre traversée du Sahara mauritanien. Nous descendons vers une zone flou. Il n'est évidemment pas question d'aller traîner nos guêtres au Mali, mais le conflit semble se gangrener et s'étendre aux pays limitrophes. De plus la prise de position et l'engagement du gouvernement Français en terre malienne remettent en question notre choix d’itinéraire car actuellement, le passeport français n'est pas en vogue chez les islamistes Radicaux. Bon, au sujet de la Mauritanie, le danger semble se concentrer à l’intérieur des terres épargnant pour le moment la route côtière que nous souhaitons emprunter. Pour l'instant nous continuons notre chemin vers le sud et attendons d'avoir d'avantage d'informations concrets. Nous serons à la frontière dans deux petit mois, il nous faudra alors prendre une décision.
Jour 114 - Port d'Essaouira
Lundi 21 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 114
Fanch : Une deuxième journée grise, arrosée de pluie, plus ou moins fine. Je me ballade quelque peu dans les ruelles d'Essaouira avant de rejoindre mes acolytes et d'aller faire un tour au port. Essaouira est une une petite ville balnéaire ou se côtoient surfeur branchés, touristes et musulmans assidus, c'est un joyeux mélange de générations de genres et de styles. Cette ville touristique est paisible et agréable à vivre. Malgré tout, j'avoue que la magie et le charme des médinas marocaines s'estompent peu à peu. Je me sens déjà moins réceptif aux petite événements du quotidiens qui, il n'y à pas si longtemps, captivait mon attention. J'ai conscience que cette sensation est normale, je m'habitue, mais tout n'est plus surprises et c'est un peu dommage.
<div popupvizu box>Haiku 016 - Phases
Jour 115 - Sidi Kaouki
Mardi 22 janvier 2013 - 30 kms - Post n° 115
Fanch : Bonjour!
Un vent violent souffle vers Agadir. Je laisse les goélands et les vendeurs de hachich d'Essaouira derrière moi, sans regrets particuliers. Nous enfourchons nos engins en début d'après midi, direction le Sud, pour changer un peu!
L'équipe est au complet -j'ai retrouvé mon pote- on peu même dire que c'est un Geocyclab augmenté puisqu'Anaïs s'est procurée un vélo pour profiter à la fois de son amoureux, de son pote Fanch tout en participant au quotidien de l'atelier mobile.
Sidi Kaouki, bienvenu. La plage s'étend sur plusieurs kilomètre, la mer est en colère, déchaînée comme ce vent de Nord-Est. Le sable vole et se mélange au embruns. Je ferme les yeux un instant. Au premier plan, un dromadaire mâchouille une bouchée d'herbe sèche tandis qu'au second, une aile de kite surf virevolte au dessus de l'écume.
Anaïs : Cher monde cybernétique,
Me voilà propulsée dans le carnet de bord, parce que propulsée (à la vitesse de l'éclair, cela va sans dire…) sur un vélo, sur les routes du Maroc, derrière un atelier mobile de création… Geofi… geogi… geocyclab ! Un truc comme çà !
Je t'écris d'une maison d'hôtes sans eau ni électricité, et sans hôte, quelque part près de Sidi-kaouki, Maroc, Afrique, Terre…
Après une semaine à Essaouira, déjà, j'ai un pincement au cœur à l'idée que je ne verrai plus le grand sourire plein de lumière d'Anouar et Latifa, ni la danse orientale de leur adorable petite Hiba. Je n'apprendrai plus à compter jusqu'à dix en allemand à Abdelatif, et je ne boirai plus de jus d'oranges chez le marchand du port, celui au strabisme prodigieux, qui lui confère le pouvoir extraordinaire de regarder droit dans les yeux deux personnes en même temps…
Mais la route est belle, les deux p'tits mecs qui pédalent devant moi sont plutôt sympas, et les projets d'installations qu'on a ensemble sont enthousiasmants… ça se profile pas trop mal !
Je m'habitue très vite au fait que quand un mec nous rencontre, il aura plutôt tendance à regarder Barth et Fanch, même si c'est moi qui parle… et inversement. Le peu de femmes à qui on a dû s'adresser me parlait à moi, la non-couillue… oui, oui, je m'habitue… enfin, je vais m'habituer quoi ! En tout cas, j'ai du mal à m'empêcher de rire quand je vois sur la route les grands saluts, les rires, les sourires adressés à Barth et Fanch et le changement quasi-instantané de l'expression de leurs visages quand ils s'aperçoivent que le troisième larron est en fait une larronne !
Bien à toi, à demain
Barth : C'est la rentrée de Geocyclab pour moi, la semaine de vacances en amoureux à Essaouira est terminée. Mais Anaïs ne part pas tout de suite !
Vers midi nous retrouvons Fanch devant les stands de jus d'orange qui font face à un océan déchaîné. Nous sommes passé juste avant récupérer un vélo pour Anaïs chez un loueur de la medina, tout est prêt pour reprendre la route à trois en direction d'Agadir. C'est la troisième fois au Maroc que je quitte un lieu dans lequel j'ai passé plus d'une semaine, et comme à chaque fois, les premiers kilomètres me replongent dans la linéarité de l'espace et du temps. Le nomadisme s'oublie vite dès que les sacs sont posés dans un lieu confortable !
Nous roulons une trentaine de kilomètres jusque Sidi Kaouki, grande plage autrefois repaire de hippies et devenue aujourd'hui un spot de kite-surf et de planche à voile. Le site naturel est magnifique mais dégradé par de nombreux chantiers inachevés. Après une rapide pause thé sur une terrasse face à la mer, nous poussons un peu pour trouver un endroit où dormir. Les maisons en construction que nous avions aperçu de loin cachent un restaurant/chambre d'hôtes « chez Momo » que nous ne pouvons éviter. Le gérant du lieu, Mohamed of course, nous explique que nous ne pouvons pas faire de camping sauvage et nous propose une chambre pour 100 dirahms. Nous dormirons donc à l'abri du vent, après un dîner préparé sur le barbecue du restaurant vide… Mohamed à ouvert le lieu depuis à peine vingt jours et compte sur notre voyage et sa diffusion pour se faire un coup de pub…
Jour 116 - Smimou
Mercredi 23 janvier 2013 - 25 kms - Post n° 116
Anaïs : Cher monde cyber,
La nuit chez Momo s'est très bien passée, même si la ristourne qu'il nous a gentiment fait sur la nuit a été bien compensée par le prix du petit dèj… mais ne soyons pas si près de nos sous, c'était bon et calorique, c'est le principal quand on pédale, comme dirait l'autre…
Sur la route, j'ai l'impression de rouler entre Lady Gaga et Madonna (bien que je n'ai jamais vu ni l'une ni l'autre enfourcher une bicyclette, même de manière suggestive…) Chaque personne croisée lance systématiquement un salut, un sourire, un rire, une marque d'encouragement à nos deux geocyclistes, qui répondent d'un geste souple, gracieux et ample de la main, dont la reine d'Angleterre elle-même pourrait rougir d'envie… mais sans vouloir minimiser leur énormes qualités humaines, je crois que cette drôle de bestiole de vélo couché y est pour beaucoup… mon désespérément banal VTT, même maculé de taches de peinture, ce qui lui confère un vague air Pollockien (poil aux mains), fait bien pâle figure à côté, et j'attire les miettes de paillettes lancées aux deux autres, quelque chose plutôt de l'ordre de « oh, elle est mignonne à les suivre sur son petit vélo! » Fichtre!
Au diable les paillettes, je suis époustouflée par les paysages traversés et me sens plongée dans un film aux allures de ceux de Kusturica, je peux même en entendre la musique dans ma tête… je suis le personnage principal de mon propre film!
Le repas du midi change la référence cinématographique… on est + dans Lucky Luke, en mode cow-boy, à bouffer nos haricots froids…
On reprend la route pour se trouver un petit coin de paradis déguisé en terrain vague pour passer la nuit, le temps de faire un feu, planter la tente, manger, et croire en un pur moment de poésie grâce au demandeur de dirham qui avait bien amené sa requête… bien joué, la méthode n'est pas banale, mais le retour à la réalité au moment où la main se tend après une heure de presque silence en paix autour du feu fait l'effet d'une bonne claque.
Bonne nuit virtuelle, bien à toi, à demain.
Barth : Après un copieux petit déjeuner chez Momo, nous reprenons la route un peu tard. Le soleil cogne dur et le vent souffle en rafales, heureusement dans le sens de la marche ! Nous arrivons un peu tard à Smimou, il ne reste que des haricots froids dans le petit restaurant que nos choisissons… Le temps de faire des courses pour le dîner et de sortir de la ville et il est déjà l'heure de se poser.
À quelques dizaines de mètres de la route, un peu caché par les arganiers, nous tombons sur un terrain de football en terre battue, protégé du vent par une falaise. Le coin idéal ! Le campement s'installe petit à petit entrecoupé du passage de dromadaires, chèvres, camions, mobylettes ou piétons empruntant la piste qui longe le terrain. Au moment d'allumer le feu, un jeune homme ne parlant pas un mot de français s'évertue à nous faire la conversation pendant une bonne heure. Au moment de lui proposer de dîner avec nous, l'homme nous réclame un dirahm… Quelle dommage ce rapport quasi omniprésent à l'argent dans les rencontres.
Encore une journée qui a filé, seulement remplie par les nécessités quotidiennes : avancer, trouver à manger, avancer, trouver où dormir, s'installer, … et dormir.
Fanch : L'air nous poussait pourtant de toute sa force, maintenant que nous avons changé notre cap, il nous empêche d'avancer. Notre progression sur ces 10 kilomètres est lente, presque démoralisante… Ce vent, il souffle jusqu'en Mauritanie. il naît du nord pour mourir au sud et sur les longues lignes droites du désert, ce devrait être un plaisir. J'imagine une voile simple à mettre en oeuvre pour profiter au maximum de cette avantage. Enfin, pour l'instant..le vent est contre nous. Le paysage s’assèche, la terre rougit, jaunit, devient de plus en plus sableuse, elle vole en tourbions de poussière. Les oliviers du nord cèdent leurs places aux arganiers, les chèvres s'y perchent. Changement de style. Quelques flaque dans un lit de rivière tente en vain de se rapprocher les unes des autres. Bientôt l'été sans fin.
Jour 117 - Route de Tamri
Jeudi 24 janvier 2013 - 40 kms - Post n° 117
Fanch : Les joies du bivouac reprennent. Il est 18h, nous avons roulés à vitesse modérée une bonne partie de la journée sur les dernières montagnes de l'Atlas, celles qui plongent dans l'Atlantique. Et nous sommes là, pommés aux abords d'un village, assis le long d'une piste, n'ayant trouvé guère mieux qu'un parterre caillouteux comme chambre à coucher. Aucun espace ici n'est destiné à accueillir nos tentes, la nuit s'annonce à la belle étoile sous une lune bientôt pleine. Pas de bois pour le feu, nous mangeons, dépités, notre pain avec une préparation d'huile-miel-ail et un peu de fromage industriel dont je ne citerais pas le nom. Le soleil a récemment disparut laissant derrière lui un dégradé éphémère, le vent du nord s’accentue, on se prépare pour une nuit vraisemblablement difficile.
5, peut être 6 personnes arrivent. Ils se demandent vraiment ce que font 3 blancs-becs ici, alors qu'il y a un hôtel quelques kilomètre plus loin. Alors on leur explique toute l'histoire depuis le début (ou presque) en finissant par leur avouer que l'on a rien trouver de mieux que cet endroit pour dormir. Ils ne semblent pas d'accord… il fait bien trop froid pour eux. Le chef du village arrive, il nous propose la mosquée comme dortoir. Honorés et heureux de migrer à l’abri des courants d'air, nous acceptons et remballons notre bivouac pour les 200 mètres à parcourir.
La lumière de la mosquée dévoile un bonne douzaine de visages, jeunes et moins jeunes. Ils affichent tous un large sourire de bienvenu. La situation est touchante, c'est le cœur qui parle. On nous amène des couvertures, le couscous, des fruit, des petits gâteaux et du thé… pour 15! La cérémonie commence et nous rions franchement la bouche pleine de semoule. Vraiment, ces gens sont adorables… profitons-en.
Barth : Le vent est tombé et le soleil chauffe dès le petit matin. C'est la première fois qu'on démonte les tentes torses nus ! Je n'ai pas très bien dormi cette nuit, préoccupé par tout ce que nous n'arrivons pas à prendre le temps de faire (création artistique, recherches, mise en oeuvre du projet d'Anaïs…)… L'atelier de Geocyclab n'a jamais été aussi prêt matériellement, reste à régler le fonctionnement en fonction des contraintes quotidiennes. C'est sans doute la partie la plus subtile de l'exercice !
Nous roulons une quarantaine de kilomètres aujourd'hui, dans un paysage de plus en plus montagneux et en ayant perdu de vue l'océan. Nous faisons halte à Tamanar pour manger un tajine dans une sorte d'aire de repos, et pour faire des courses. C'est jour de fête et les boulangers ne travaillent pas… Nous finirons par trouver quelques pains de la veille grâce à un homme étrange qui passe son temps à nous serrer dans ses bras et à nous embrasser.
Quelques kilomètres plus loin nous décidons de chercher un endroit où dormir dans un village paysan qui s'étend sur plusieurs kilomètres dans les champs. On nous indique une baraque abandonnée mais fermée derrière laquelle nous pourrons nous abriter du vent, mais pas moyen de trouver du bois pour faire du feu. Nous installons donc un bivouac le plus à l'abri du vent possible et avalons un délicieux pain/vache-qui-rie/huile/ail/miel avant de nous coucher. C'est à ce moment là que débarque une délégation des hommes du village avec l'un deux qui parle bien français. Je me doutais bien qu'on ne nous laisserait pas dormir dehors comme ça, mais trompé par la nuit qui tombe tôt, je m'étais résigné… Après discussion, nous acceptons l'offre qui nous est faite de passer la nuit dans la salle commune de la mosquée.
Le temps de faire nos sacs et de déménager et nous voici assis devant un couscous, du thé, des gâteaux, des fruits, du gros lait, entourés d'une dizaine d'hommes. Fanch prend un cours de langue amazire (berbère) tandis qu'Anaïs tente de savoir où sont les femmes… Déjà couchées semble t'il…
Cette formidable démonstration de l'hospitalité berbère ne se prolonge heureusement pas trop tard, je lutte vraiment contre le sommeil. Rendez-vous est pris le lendemain matin pour un petit déjeuner dans la famille du plus jeune de nos hôtes, et Ali, le plus comique de la bande, nous dit que non, il ne pourra pas venir à dos d'âne avec nous jusque Dakar… J'y avais presque cru !
Anaïs : Cher Cyber-world,
On the route encore, sous un soleil de plomb, j'ai du mal à me souvenir que chez moi c'est l'hiver, et mon nez écarlate en mode mue de serpent a du mal aussi…
Je commence à me demander quand je vais pouvoir bosser sur mon projet perso et quand on va mettre en place les installations avec les garçons… je me rend compte à quel point leur projet est ambitieux, la réalité du quotidien nous impose sa loi. Il faut rouler, avancer, manger, trouver un lieu pour dormir, ne pas tomber de son vélo parce que les jambes se transforment en plomb, etc… je sais que ces problèmes ont déjà été évoqués par Barth et Fanch dans ce carnet de bord, mais m'y voilà plongée moi aussi, alors j'en remets une couche!
A Tamanar, le joyeux fou que nous croisons et grâce à qui nous aurons notre pain quotidien (merci tu-sais-qui) nous innonde de son sourire et de ses chaleureuses accolades. Je le trouve vraiment beau et je suis heureuse de voir qu'il a l'air apprécié par les habitants qui le regardent en souriant avec bienveillance, je ne peux m'empecher de faire le lien avec mon pays en me disant qu'en France, on changerait de trottoir vite fait en rencontrant cette même personne.
Enfin posés après une énorme étape roulée… 38 km (oui, bon… je suis pas cycliste…), nous nous retrouvons devant une maison fermée à clé, à nous réjouir de notre première nuit à la belle étoile (positive attitude, tout va toujours bien!) lorsque l'armée des vieux du village vient nous voir et nous amène à la mosquée pour dormir au chaud. Nous partageons un thé (et un couscous et moultes délicieusetés) avec nos hôtes, je suis enchantée de voir qu'ils ne font aucune distinction dans le dialogue entre moi et les deux garcons, ça n'était pas franchement le cas jusqu'à présent. Une sacrée bande de potes, où chacun a son rôle à jouer… le chef du village, le chef du quartier, le maitre du thé, l'interprète, le prof de berbère, etc… mais toujours aucune femme… je vais bien finir par les trouver!
J'espère que tu vas bien et que les nuits ne sont pas trop fraiches dans la silicon valley.
Jour 118 - Du coté de Tamri
Vendredi 25 janvier 2013 - 45 kms - Post n° 118
Barth : Le premier petit déjeuner nous est servi par le chef du village qui est aussi le père de notre interprète de la veille. Une soupe au riz, suivie de pain avec de l'huile d'argan et du miel avec bien sûr le thé à la menthe ! La formule se répète avec l'arrivée de Younes, le plus jeune qui débarque avec un plateau garni. Puis nous partons visiter le village, guidés par notre interprète. L'école, le bassin de rétention d'eau de pluie, seule source d'eau pour tout le village et les cultures, la minuscule boutique… Et pour finir une visite chez lala Aïcha, une vieille qui nous offre un troisième petit déjeuner et une démonstration de son moulin à huile d'argan. Nous avons vraiment été reçus comme des rois, et comme toujours la question de rester quelques jours ici se pose… Mais il faut reprendre la route, après avoir échangé nos adresses bien sûr !
Le vent souffle fort et nous pousse dans les collines d'arganiers et les kilomètres s'enchaînent sans trop d'effort. Juste une longue côte contre le vent pour franchir la falaise qui nous sépare de Tamri, où nous pourrons manger et peut-être passer la nuit. Nous sommes plus près de l'océan et le vent est déchaîné, soulevant des nuages de poussière dans la ville tandis que de gros nuages s'accumulent sur le sommet de la montagne voisine. La nuit se fait sentir, la fatigue aussi.. Pas d'hôtel dans nos prix, impossible de trouver le responsable de la ville… Il faut un miracle ! Et le voici. Il s'appelle Rachid, est responsable touristique de la région, parle impeccablement français pour avoir vécu trois ans à Brest comme marin pêcheur, et nous invite à passer la nuit chez lui ! Seul hic, il habite à 15kms dans les montagnes… Pas de problème, une camionnette nous y emmène avec nos vélos. Une fois sur place, dans ce petit village caché au fond d'une vallée luxuriante, nous sommes abasourdis par la douceur de la température et l'absence de vent. En seulement quelques kilomètres nous avons totalement changé de climat.
Le temps de déballer un peu nos affaires et de faire un brin de toilette et nous voilà attablé devant un magnifique couscous à l'huile d'argan préparé par Aïcha, la femme de Rachid. Nous avons le plaisir de la manger avec elle d'ailleurs, bien qu'elle ne se soit pas éternisée… La soirée se termine sur le pas de la porte au clair de lune, entre discussions sur la religion, chants de Rachid et bataille de proverbes. Puis nous nous couchons, en compagnie de Rachid et de Maya, la petite chienne de compagnie qu'une Bordelaise lui a offert et à laquelle il est fort attaché. Comme chez Hassan il y a quelques semaines, c'est la télévision qui sert de berceuse… Sa femme dort chez son frère avec les enfants dans la maison voisine, ça se passe comme ça chez les berbères !
Anaïs : Cher Cyber,
Comme c'était dur ce matin de quitter ce village, j'y serais bien rester quelques jours, et les autres aussi d'ailleurs, mais nous nous étions fixés pour objectif d'atteindre Agadir à la fin de la semaine nous nous devions de repartir. On s'est rendus compte bien plus tard à quel point cet objectif était stupide! Tant pis, nous resterons en contact avec les plus jeunes, connectés à toi, noble monde virtuel, et peut-être aurons nous l'occasion de retourner dans ce village un jour, inch'allah!
J'ai quand même réussi à trouver quelques femmes grâce à l'aide précieuse du jeune Younès qui m'a présentée à sa famille. Etant seule, elles sont à peine plus à l'aise qu'en présence des hommes, mais le dialogue est impossible, elles ne parlent que berbère et sont vraiment farouches! Je suis un peu comme un mec à leurs yeux… Je réussis à faire quelques photos volées mais je réalise que pour aller plus loin et faire de vrais portraits, je devrais plutôt rester un mois pour que la confiance s'installe. D'autant plus que quand les rare plus jeunes acceptent de se faire prendre en photo, un des hommes vient m'interdire de le faire. La femme est un trésor bien protégé ici…
Bizarre et géniale sensation d'avoir passé quelques heures avec des gens et de les quitter comme si on les connaissait depuis des années.
Nous reprenons la route gorgés d'une nouvelle énergie, (et de thé, et tartines à l'huile d'argan et préparation à base de cacahuètes, miel et argan à se damner…) et les 47 km et le col de de montagne passent comme une lettre à la poste, (alors que je ne suis toujours pas cycliste!)
Notre nouveau bienfaiteur de la journée, en la personne de Rachid, après la soirée de la veille, m'enchante, mais ne me surprend déjà presque plus, on s'habitue diablement vite aux bonnes choses! Encore une soirée riche et belle. On découvre le bonhomme et j'apprécie beaucoup de trouver sous un masque un peu froid un esprit vif et rieur. le prénom qu il a choisi pour son fils et sa fille en est une bonne illustration: Numberone (le premier donc…) et Lamienne (la sienne donc…)
Je crois que je me laisse un peu trop envahir par ce que je vis ici, les journées passent tellement vite et les femmes sont tellement cachées qu'il m'est impossible de faire la moindre avancée dans mon projet perso. Demain… Yallah!
A demain, dans l'espace.
Fanch : On toc à la porte de la mosquée. Un homme en djellaba blanche, le responsable de la mosquée, nous apporte une soupe en guise de petit déjeuner. Le chef du village se charge de la préparation du thé. Nous sommes leurs invités et ils nous le font sentir. La conversation reprend, nos quelques mots d'arabes suffisent à faire rire nos hôtes. Considérant notre bonne volonté dans l’apprentissage des langues (ça n'a pas toujours été le cas en ce qui me concerne) ils s’évertuent à nous apprendre quelques expression berbère. Puis le jeune Younes arrive avec un second petit déjeuner, du pain, de l'huile d'argan, des gâteaux et encore du thé. C'est au tour de Lahcen, le fils du chef, de nous rejoindre et une visite du village s'improvise en sa compagnie. Il en découle une série de poignées de mains chaleureuse ainsi qu’un troisième petit dèj chez Lala Aisha. Quel accueil! Nous échangeons nos adresses, l'heure des adieux à sonnée. Je me retournerai plusieurs fois avant mon premier coup de pédale. J’espère simplement ne jamais oublier ces instants précieux ou l'homme ne se pose pas de question et raisonne avec son cœur… à méditer…
Il fait beau, chaud, le soleil cogne sans réserve. Le vent est lui aussi présent et se présente comme allié. Anaïs s'adapte à notre rythme, nous avançons à vive allure en direction de Tamri. Le paysage est grandiose, les collines rouges, oranges et jaunes sont piquées d'arganiers. De plus en plus, la végétation se montre sur la défensive et sort ses épines acérées. La route slalome entre terre et mer, le décore change à chaque virage, un régale.
Et nous arrivons à Tamri, affamés et rincés par tant d'émotions. Le vent s'est accentué soulevant des tourbillons de poussières et refroidissant l'ambiance. Chacun de notre coté, nous entamons une petite enquête pour nous dégoter de quoi dormir.
Je rencontre Rachid un homme d'une bonne quarantaine d'année, responsable touristique dans la région. Il me demande d’où je viens, il attend ma réponse avec un sourire pincé puis me lance un « Kenavo ». Bonne entrée en matière, très rapidement il nous invite chez lui. Barth et Anais semblent d'accord même si il nous faut nous enfoncer 15 kilomètres (en camionnette) dans la montagne et que cela nous éloigne d'Agadir. Rachid, ce soir, tu es notre porte de secoure.
Le vent ne s'engouffre pas jusqu'ici, il y fait bon vivre. Au creux de ce paysage aride, à deux pas de la petite maison de Rachid et d'Aisha coulait autrefois une rivière. Le courant a laissé place aux bananiers, palmiers dattiers, orangers… une véritable oasis.
Le décor est planté, c'est l'heure du couscous que nous le dégustons ensemble. Pour la première fois, la maîtresse de maison participe au festin, c'est un honneur.
Pour conclure la soiré, Rachid nous chante quelques versets du Coran. Un trésor mystérieux dont je ne détiens pas les clés mais qui sonne à mon oreille comme une berceuse venu du ciel.
Jour 119 - Route de Taghazout
Samedi 26 janvier 2013 - 45 kms - Post n° 119
Fanch : Rencontres heureuses, adieux délicats, comme toujours. Notre escapade se poursuit.
Nous en prenons plein la vu, la route côtière s'habille d'or et de turquoise et drague les esprits sensibles. Le vent est toujours notre allié et les températures sont en hausse.
Ce soir, nous échouons dans un camping vendéen, plein à craquer de camping-cars plus gros et sophistiqué les uns que les autres. Étrange sensations que de quitter une maisonnette munie d'une seul et unique pièce ou vivent 4 personnes pour découvrir une centaine d'appartements roulant de lux entassé les uns sur les autres. Encore une fois, deux monde se côtoient et ne semble ne pas s’entremêler.
Barth : Mis à part les aboiements soudains de Maya au beau milieu de la nuit, nous avons tous les trois repris des forces après cette bonne nuit loin du vent de l'océan et à quelques encablures de la vallée du Paradis, baptisée ainsi par les hippies qui la fréquente depuis une génération. Une fois encore, la tentation est grande de rester quelques jours de plus chez notre hôte, mais la route est là, qui nous attend…
Nous retournons à Tamrir, en vélo cette fois-ci, où nous retrouvons Rachid en plein boulot, vêtu d'une veste fluo et d'une casquette de chef de gare. Nous passons une dernière heure en sa compagnie à siroter du thé, avaler des bissaras et échanger nos adresses et un ou deux derniers proverbes. Et nous voilà repartis…
La route longe la mer, le ciel est azur, le vent nous pousse dans ce paysage solaire. À droite le bleu et la lumière, à gauche la montagne et la poussière, et flottant entre les deux, le ruban de goudron que nous suivons. Les kilomètres s'accumulent vite au compteur, les coups de soleil sont à point et surtout les corps ont faim, il est temps de faire une pause. A l'ombre d'une résidence de luxe nous avalons notre carburant en assistant au retour de fête de l'Aïd d'une bande de jeunes depuis le sommet de la montagne jusqu'à l'arrêt de bus près duquel nous sommes. Les marocains viennent de tout le pays retrouver leurs familles pour ces deux jours de festivités et il faut souvent une bonne randonnée pour rejoindre les villages d'origine…
Nous parvenons à atteindre les 45 kms au compteur avant de décider de passer la nuit dans la station balnéaire située juste avant Taghazoute. Apparemment, c'est un lieu uniquement fréquenté par des touristes occidentaux âgés de plus de 50 ans et disposant d'un camping-car. Et nous sommes en plein milieu de la saison ! Un peu par fatigue et dans l'espoir de pouvoir travailler un peu sur l'ordinateur, nous prenons un emplacement à l'Atlantic Park, une sorte de village de camping-cars plus impressionnants les uns que les autres au milieu desquels nous plantons nos ridicules tentes… C'est une autre réalité du Maroc que nous découvrons, celle de la colonisation douce de cette armée de retraités qui passent les hivers au soleil en attendant de franchir le pas en achetant une maison ici. En arrivant dans le camping, nous sommes abordé par des brestois qui avaient entendu parler de nous par des amis interposés, le monde est petit au Maroc en hiver !
La douche n'est pas aussi chaude qu'espérée au vu du prix et nous n'avons plus la force d'aller plus loin que le petit restaurant à l'entrée du camping pour avaler… des pizzas ! La soirée traîne un peu, arrosée de plusieurs théières… Après ces jours de pédalage où nous avons logé chez l'habitant, il était temps de re-discuter du programme de création artistique que nous avions projeté ! Il nous reste 30 kms pour rejoindre Agadir et deux jours avant qu'Anaïs ne prenne la route du retour, ça laisse un peu de champ pour créer !
Anaïs : Cher Cyb'
Je ne sais pas trop si nous avons du mal à quitter Rachid ou si c'est lui qui a du mal à nous quitter mais toujours est il que nous finissons par reprendre la route après un dernier thé à Tamri avec notre hôte.
Nous nous enfilons encore une bonne quarantaine de kilomètres avant d'arriver dans un bled qui ressemble à un immense centre de balnéo et qui pourrait être quelque part dans le sud de la France, car la population locale est constituée essentiellement de retraités français.
N'ayant pas trouvé de meilleure solution nous nous retrouvons dans le village de camping car à payer un micro carré de terrain plus cher qu'un petit hôtel. Un immense camping 4 étoiles habité par des centaines de retraités qui viennent se la couler douce au soleil à grand coup de pastis et de pétanque. Ma première pensée sera « mais qu'est-ce qu'on fout là? ». Après un rapide tour des lieux, ma deuxième pensée sera « mais qu'est-ce qu'on fout là, bordel? » Je m'attend à une petite animation ou un bal musette le soir pour venir égayer tout ça mais que nenni, à 20 h c'est le calme plat ce qui nous permettra de passer une soirée tranquille au petit resto à l'entrée. Nous prenons le temps de discuter de ce qui est à améliorer dans le fonctionnement de Geocyclab pour que nous puissions allier création et mobilité. Une des solutions envisagées est de s'autoriser plus de moments de pause en fonction des rencontres et pour cela la prochaine fois il faudrait que je reste… plus longtemps… Oh trop zut!
Jour 120 - Route de Aourir
Dimanche 27 janvier 2013 - 16 kms - Post n° 120
Barth : Les camping-carristes sont debouts avant nous. Nous démontons le camp en assistant à un défilé de baguettes sous le bras en provenance de la boulangerie toute proche qui s'est adaptée aux habitudes alimentaires de sa clientèle… Nous ne traînons pas, direction une terrasse pour un vrai petit déjeuner qui nous sort de la torpeur et nous fait réalisé que c'est l'anniversaire de Fanch aujourd'hui !
La route s'élargit de plus en plus à l'approche d'Agadir et les stations balnéaires se succèdent, plus occidentales les unes que les autres. Mais le paysage en vaut la peine ! Nous sommes en territoire de surf et Fanch se régale en regardant les premières vagues turquoises et translucides que nous voyons dans notre périple. Bon annif mec, c'est le cadeau le moins encombrant que j'ai pu trouver !
Nous ne poussons pas jusque Agadir ce soir et faisons halte une dizaine de kilomètres avant dans une petite ville. L'objectif est de recharger l'ordi pour pouvoir bosser sur le carnet de bord en vue d'une synchronisation le lendemain… Youpi ! Heureusement, nous avons repéré un coin pour planter les tentes à la sortie du bled, dans les parcelles agricoles qui bordent l'oued asséché. Nous relâchons un peu la pression donc, et la journée se termine un peu décousue, entre travail sur l'ordinateur, grignotages et tartinage de biafine sur le cheville d'Anaïs qui a triplé de volume suite à un coup de soleil et une piqûre d'insecte…
Les kilomètres de la semaine passée sous un soleil mordant se font sentir et l'ambiance surfaite de cette côte touristique n'est pas des plus palpitantes. Il est temps de faire un break à Agadir où nous sommes attendus par Hassan, le second du nom !
Anaïs : Cher cyber (le cinquième mousquetaire)
Nous ne traînons pas dans le camping de luxe (on essaie de ne pas traîner plutôt, c'est compliqué, on est arrêtés tous les deux mètres par des exclamations enjouées: « oh des bretons! On est de Rennes, on est de Lorient, mon beau-frère est de Brest, ma tante est de Plouhinec, mon chien est de Quimper, le cousin du voisin du concierge de ma soeur est de Chateaulin… » Bref, ici on est chez les berbères bretons! On se pose un peu plus loin à la terrasse d'une boulangerie qui ne propose que des bonnes pâtisseries bien grasses et bien françaises, ce qui ne manque pas de faire sourire le vendeur quand je lui en fais la remarque, et qui m'explique à demi mots qu'ici, il n'y a que ça qui se vend… On prend quand même quelques gâteaux pour l'anniversaire du p'tit et la journée se déroule de manière studieuse. On se pose dans un petit coin à l'abri des regards, et je m'endors en méditant sur la chkoumoune qui m'accompagne depuis que je suis ici…
Bout de dent qui se pète en mangeant un tajine (belle performance), coups de soleil qui se transforment en brûlures, nez de lépreuse, et cheville ayant la taille d'un ballon (enfin de rugby quand même, pas de foot… Enfin pas encore!)
Mais c'est cool!
Bislama
Fanch : C'est une journée de transition. Nous n'avons pas vraiment roulé (autrement dit, nous avons roulé un peu), nous n'avons pas vraiment travaillé (autrement dit, nous avons travaillé un peu). Ces « transitions » ne sont jamais très passionantes, cela ressemble à une journée perdu sans l'être complètement. On avance sans ressentir de satisfaction mais ce sont semble-t-il des étapes necessairs.
Jour creux donc mais il fait beau alors que j'ai toujours fêter mon anniversaire sous un temps gris, pluvieux et/ou froid. Aujourd'hui nous ne fêtons rien mais au moins, les températures sont clémente et c'est aussi bien ainsi.
Jour 121 - Porte d'Agadir
Lundi 28 janvier 2013 - 20 kms - Post n° 121
Anaïs : Bèbèr,
Aujourd'hui, on tente quand même une expérience vidéo avant que je ne reparte, puis nous arrivons enfin à notre étape finale (euh, mon étape finale): Agadir. Nous tournons un bon bout de temps dans la ville à la recherche du fameux Hassan dont j'avais tant entendu parler. Ma dernière étape au Maroc ne sera pas la plus belle. Une vaste cité balnéaire pour occidentaux friqués, ça pue, et les sourires sont crispés. C'est stressant et fatiguant et le camping de m… que l'on se trouve pour le soir sera notre cerise pourrie sur le gâteau… Heureusement que je reste en bonne compagnie, à trois dans la même galère, c'est plus facile. Je m'endors après une nouvelle session tartinage de cheville, devenue mon petit rituel du soir!
Demain, dernier jour geocyclabique!
Fanch : Deuxième journée de transition, mais nous voilà enfin sur les hauteurs d'Agadir. De l’extérieur, la ville parait glisser des montagne pour se déverser dans l'océan. Vu de l’intérieur, c'est une cité nouvelle pas franchement accueillante pour les nomades que nous sommes devenus. Le lux s'est installé aux abords des plages pour tenter de faire concurrence au palais royal. Nous entrons dans un monde de béton, de palmiers et de dorures ou la sobriété n'existe plus. Ça sent l'oseille…
A peine arrivés nous passons voir Hassan II qui s'y trouve actuellement. Il s'est transformé en Herboriste pour quelque temps. Nous buvons le thé accompagné d'un brun de causette. Rien de plus car est déjà tard et il nous faut trouver un lieu pour passer la nuit. Apparemment il y a un camping dans le centre, Go. C'est cher (impossible de négocier), en mauvais état, bruyant (en pleine ville) et l'emplacement qui nous est proposé n'est q'un bout de trottoir dont les mauvaises herbes ont défoncé le béton. Désabusés, nous ne tentons même pas d'engager le dialogue et attendons que le gardien disparaisse, une fois seul, nous poussons nos bécanes sur quelques mètres. Nous dormirons ici, dans une ruine de resto de à l'architecture circulaire au cœur de triste camping municipal d'Agadir. C'est un bon squat, ça ne me dérange pas de dormir à la rue, à condition de ne rien payer…
Barth : Un copieux mlawi en terrasse après une nuit tranquille à 100 mètres du centre ville, c'est ainsi que commence la journée. Nous ne sommes pas pressés aujourd'hui, et le pied d'Anaïs n'a pas vraiment désenflé… Nous venons de trouver un mail de la famille en camping-car rencontrée à Bilbao qui nous dit être à Taghazoute. Nous y étions la veille ! On tente de les appeler plusieurs fois tout en cherchant quelque chose de créatif à faire…
Pas de réponse des Bonellis, et je crois que nous sommes tous trois trop fatigués par le manque de poésie qui habite ces stations balnéaires… Il faut changer de décor. Nous enfilons une poignée de kilomètres avant de faire halte sur le bord de la quatre-voie pour déguster un pain vache-qui-rit et réaliser une petite expérience vidéo à base de défilé de mobylettes… Affaire à suivre !
Puis c'est Agadir. Nous entrons dans la ville en surplombant l'immense port avant de tomber nez à nez avec la mecque du tourisme industriel à la sauce balnéaire. Ici l'immense Club Med donne sur le salon de soin Jaques Dessanges, juste en face d'un restaurant de luxe… Après avoir cherché en vain un bar avec wifi du côté mer nous filons vers la station de taxi pour retrouver Hassan. Il nous attend en fait dans la pharmacie berbère d'un ami, qu'il tient en son absence. C'est étrange de retrouver notre ami dans un contexte et un costume aussi différents, mais nous buvons un thé berbère avec lui avec grand plaisir ! Il a troqué le survêtement et le béret pour une jellaba et un bonnet de laine, mais c'est le même clown dessous. Il est déjà tard, nous repasserons demain plus reposés. Nous devons rejoindre le camping international avant la nuit pour être sûr de dormir.
Accueil froid, grille tarifaire totalement farfelue, on nous installe dans le bac à fleur bordant une piscine vide sans aucune barrières de protections. Ce camp de réfugiés en camping-car installé en plein centre ville sur les ruines de ce qui fut un véritable camping un jour, ressemble d'avantage à un bidonville de luxe aujourd'hui. À Agadir le touriste fortuné est le bienvenu ! Le plus modeste n'y est pas vraiment pris en compte…
Jour 122 - Pharmacie berbere
Mardi 29 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 122
Barth : Nous avons préféré les ruines de l'ancienne salle des fêtes du camping à l'emplacement scandaleux qu'on nous a proposé. Au réveil, une seule idée en tête, « partir » !!! Direction le bistrot muni de wifi que nous avions repéré la veille, pour un petit déjeuner réconfortant avant la sacro-sainte synchronisation de notre site !
Pendant ce temps, Fanch dégote un petit hôtel pas cher pour la nuit prochaine. Nous y posons nos affaires avant d'aller déjeuner et de repasser voir Hassan.
Agadir est vraiment une ville sans aucun charme, mais dans le petit marché caché derrière la mosquée Sénégal où nous le retrouvons, on sent un peu d'authenticité tout de même. Nous lui achetons quelques épices et du thé berbère avant de faire nos adieux. Il part demain pour une marche de cinq jours en montagne à la recherche de plantes et de pierres pour compléter son stock…
Anaïs et moi, retournons à Essaouira le lendemain pour une nuit afin de rendre le vélo loué. Dernière soirée avec Fanch, on marque le coup avec une petite bouteille de vin rouge au restaurant de l'hôtel. Une seule, car demain il faut décoller tôt pour la gare routière…
Anaïs : Chère planète virtu'elle
Voilà, mon dernier jour en cycliste nomade s'achève. Une semaine intense, fatigante, émouvante, éprouvante, enrichissante, exaltante, marrante, absolument géniale! (Pour casser un peu le suffixe redondant!)
Notre dernière journée ensemble s'est bien mieux passée que l'avant-dernière. Nous n'avons pas traîné à quitter notre vilain camping, que même la jolie session matinale de flûte de Fanch n'a pas réussi à rendre plus sympathique, interrompue par un vieil homme grincheux et peu réceptif à la musique, qui apparemment préfère dormir le matin que la nuit… « tu dors pas le mating toi? (Oui, il avait l'accent chantant du sud mais ça ne le rendait pas plus sympa…) tu dors la nuit? Et ben moi je dors pas la nuit je dors le mating, alors… » fin de citation. Tu remarqueras la volonté de créer une tension dramatique par le choix très affirmé de ne pas finir sa phrase, laissant présager du pire si Fanch ne s'interrompait pas immédiatement…
Nous oublions bien vite ce bonhomme qui n'avait pas encore bu sa Ricoré, autour d'un bon petit dèj en terrasse, où nous passons une bonne partie de la matinée, Barth bidouillant ses trucs compliqués sur l'ordi, pour que toi, monde virtuel, restes au courant de toutes ces palpitantes aventures!
Grâce à notre bon génie Fanch, notre hôtel pour ce soir nous coûte une bouchée de pain, et après les deux nuits précédentes, il m'apparaît comme un véritable palais des mille et une nuits…
Débarrassés de notre lourd barda, nous retournons voir Hassan plus légers, à tout point de vue! J'ai l'impression de l'avoir mieux rencontré aujourd'hui, il était plus disponible, nous sommes restés plus longtemps, j'ai donc mieux reconnu le personnage dont j'avais entendu parler. Et c'en est un sacré, de personnage! Une bille de clown avec toujours le bon mot prêt à sortir, le bonnet savamment posé de travers, et la petite lueur de malice dans l'oeil! Avant que nous ne repartions il prend la peine de demander à Barth « combien de chameaux pour ta gazelle?! » Il connaît les clichés véhiculés en Occident sur son pays, et il en joue avec beaucoup d'ironie! Rendez-vous est pris dans 3 ans pour qu'on se revoie tous ensemble: les deux Hassan, Barth et Fanch et les gazelles, of course, de tout ce petit monde!
Ces rencontres fugaces me laissent toujours un peu essoufflée comme après une grosse côte en vélo, comme si on voulait tout se dire dans ce petit temps donné, comme si on voulait se faire marquer au fer rouge par cet Autre, se l'approprier. On veut vivre une petite vie avec l'Autre, l'espace d'un instant, pour ne pas se faire oublier, pour ne pas oublier. Et au moment de l'au-revoir, toujours ce léger pincement, non, on a pas réussi à tout se dire, mais tout ce qu'on ressent de l'Autre sans avoir besoin de le dire, c'est suffisant.
Pour notre dernière soirée à trois, nous mangeons au resto de l'hôtel et faisons péter le cham… euh, le vin rouge! Le choix est limité niveau boisson au Maroc! Mais c'est toujours mieux que de trinquer au Sidi-ali (la volvic locale!) Une discussion fort constructive se poursuit assez tard, des éléments de compréhension et des débuts de solution apparaissent pour gérer la difficulté quotidienne à laisser plus de place à la création. J'ai hâte de voir les applications concrètes de cette discussion, pour les gars, dans quelques jours. J'ai la sensation que quelque chose s'est débloqué durant cette conversation, pour eux deux, comme s'ils avaient enlevé un gros caillou de leur chaussure qu'ils traînaient depuis le départ sans s'en être rendu compte. Pour ma part, le vélo c'est fini (pour cette fois!), demain matin, lever très tôt pour prendre un bus avec un retour en deux étapes: d'abord Essaouira où je rendrai ma fière monture Pollockienne, Puis Marrakech le lendemain, d'où je décollerai à bord d'un coucou low-cost le surlendemain.
Vraiment ravie de cette expérience! 18 jours, c'est à la fois très court et très long pour découvrir un pays… désolée, cette phrase est un lieu commun d'une platitude absolue, mais c'est sincère et je ne sais comment le tourner autrement. J'ai eu l'impression sur le coup que le temps se distendait, que chaque moment précieux s'étirait, s'étirait, que durant tous les beaux moments, chaque seconde durait des heures mais par-dessus ce temps, modifié, étiré, il y avait comme une deuxième couche de temps qui recouvrait la première telle une coupole en verre, et cette deuxième couche faisait accélérer les choses. Au bout de 15 jours, j'ai l'impression d'être ici depuis la veille, mais quand je pense à tout ce que j'ai vécu, je ne sais plus si c'était 7 jours, 8 jours ou 10 ans avant…
Je ne repars pas frustrée de ne pas avoir accompli les objectifs que je m'étais donné pour mon projet personnel, je me suis confrontée à la réalité du terrain, je comprend mieux comment je dois aiguiller mon propos. Je suis riche d'une nouvelle matière, de celle qui nécessite de laisser mûrir avant de s'en servir. Je reviens avec des kilos d'idées dans mes bagages et des tonnes d'envies, que je concrétiserai le plus vite possible. J'ai hâte de refaire un bout de route avec les artistes-voyageurs pour que cette première étape trouve un écho. J'ai hâte de suivre leurs prochaines aventures!
Nous nous retrouverons dans quelques milliers de kilomètres, pour toi, monde virtuel, une poussière d'étoile…
نراكم قريبا
Fanch : Ce serai bien trop aisé d'écrire: « Agadir, rien à dire », j'avoue que ça m'arrangerai bien mais je vais faire un petit effort.
8h00, on semble tout les trois d'accord pour décamper rapidement de cette onéreux squat, l'objectif premier étant de se remplir le bide puis de choper une connexion pour exécuter la synchronisation du site. Cette étape n'est pas très funky en soi mais elle s'impose tout les 10 jours pour que vous puissiez lire ceci. En règle générale cela prend un peu de temps (nettoyer le site, envoyer les vidéos en ligne), il faut compter environs deux heures pour que cette tache ingrate dont Barth se délecte régulièrement ne soit plus qu'un mauvais souvenir… Jusqu’à la prochaine fois!
Alors pendant ce temps, je fais quoi moi? Et bien je navigue aussi dans ce monde virtuel afin de trouver des réponses à nos questions :
- On dort ou ce soir?
- Comment les choses évoluent elles en Mauritanie?
- Si on ne passe pas en Mauritanie, par quel moyen parvenir au Sénégal?
- Zut, je ne sais plus, un visa est il nécessaire pour l'entrée au Sénégal?
- Ou se trouvent les dunes qui chante? Et pourquoi elles chantent d'ailleurs?
- Ça fait quoi si on branche un panneau solaire directement sur une enceinte?
- Peut on trouver un transducteur audio de ce genre là à Agadir? Si non, comment en fabriquer un?
Seul la dernière question n'a pas été résolue alors si vous avez des plans, ils sont les bienvenus
La journée bien entamée, nous filons voir Hassan pour un petit thé d'adieu (concernant Barth et Anaïs), une petite photo souvenir et quelques accolades fraternelles puis nous voilà déjà reparti. Mes amis s'en vont demain pour Marrakech d'où Anaïs prendra son avion de retour vendredi. Quant à Barth qui l'accompagne, il est prévu qu'il revienne (j’espère!) dans trois jours, ici à Agadir. Je vais donc l'attendre en tentant de répondre à ma dernière question !
Jour 123 - Souk ferraille d'Agadir
Mercredi 30 janvier 2013 - 0 kms - Post n° 123
Fanch : Mes potes m'ont abandonné, je suis seul dans une ville que je connais à peine… Impeccable !
Je tiens à répondre à ma dernière question (cf: journée d'hier) alors j’entame ma petite enquête. En premier lieu, je dois trouver le « souk ferraille » alors je passe prendre le thé avec Hassan, à qui je dis adieu à mon tour (il par dans les montagnes berbères à la recherche de plantes). Bien sûr, avant de se quitter, ce chère Hassan m'indique ce que je cherche avec son plus grand sourire.
Je fais quelques centaines de mètre avant de me retrouver dans un labyrinthe de minuscules échoppes pleine d'objets que nous, les blancs-becs, avons pour coutume de stocker au fond du garage ou pire, on les flanque à la poubelle sans nous poser la question d'un éventuelle détournement. Ali Baba et l'Abbé Pierre semblent s'être mis d'accord sur ce que doit être un « souk ferraille ».
Malheureusement je ne trouve pas ici ce que je cherche. Si je ne peux pas dégoter de transducteur, alors je vais m'en fabriquer un. Je change donc de technique et me met à la recherche d'un magasin d'électronique. Je déniche difficilement un buzzer contenant une pastille piezo électrique, élément qui devrait constituer la base de mon transducteur audio. J'ai dans mes sacoches un petit amplificateur qui pourrai éventuellement booster le signal pour faire vibrer le piezo en fonction de la musique émise par mon MP3! Hop, un petit coup de soudure et il n'y auras plus qu'à fixer ce même piezo sur une vitre pour qu'elle se mette à sonner, enfin, en théorie! Le but but étant de transformer presque n'importe quelle surface ou objet en membrane de haut parleur. Vous avez compris?
Barth : Levés à 6h30, à peine le temps d'avaler un petit dej et nous devons déjà attrapper un taxi pour rejoindre la gare routière. Tout se passe bien finalement sauf que nous n'avons pas réussi à réveiller Fanch. La route en bus d'Agadir à Essaouira donne le sentiment de rembobiner le film de la semaine. Nous apercevons entre deux virages, l'endroit où nous avons dormi, celui où nous avons recontré Rachid, le camping de luxe… Une famille polonaise qui met pour la première fois les pieds en Afrique, me pose de nombreuse questions. Les deux parents sont profs de Français, ce qui facilite la conversation.
Arrivés à Essaouira, nous rendons le vélo et prenons une chambre à l'auberge où Fanch était la semaine passée. La fin de journée se passe entre courses, coups de téléphone pour trouver un hôtel à Marrackech le lendemain..
Jour 124 - Souk ferraille d'Agadir
Jeudi 31 Janvier 2013 - 0 kms - Post n° 124
Barth : Adieu Essaouira, un dernier jus d'orange face à la mer sous un soleil de plomb et nous voilà en route pour Marrackech dans un car très mal ventilé…
La chaleur sur la route nous a bien épuisé, mais heureusement l'arrivée à Marrackech se passe plus calmement que je ne le redoutais. Comme cette ville est propre et bien rangée par rapport au souvenir que j'en avais d'il y a 15 ans ! Même la place Jama El Fna me paraît calme et bien organisée… Nous sommes peut-être tombés le bon jour. Nous profitons bien en tout cas de cette relative tranquillité pour cette dernière soirée ensemble…
Fanch : Je retourne au souk ferraille en espèrent à nouveau dénicher la perle que j'aurais manqué la veille. Il semble vraiment y avoir de tout ici, tout, n'importe quoi et plus encore. Plusieurs dizaines de petits vendeurs étalent à même le sol, sur des nappes poussiéreuses leurs bibelots en tout genre. Des lunettes de soleil sans verres, un moteurs de bagnole graisseux, des boites de médicaments périmés, des poignées de porte rouillées, des trucs et des machins, un flacon de gel douche déjà entamé, quelques chevilles traînent à droite et un lot de trois épingles à cheveux à gauche, on trouve ici les plus improbables objets venant la plus part des poubelles d'Agadir. C'est officiellement le « souk des pauvres », je l'appellerai d'avantage le souk des malins, à croire qu'ici il est possible d'équiper sa maison, du garage à la salle de bain pour 15 dirham seulement.
Ce type aux joues creuses et au sourire malin m'interpelle. Un bonne tête, alors oui, je m’arrête, nous engageons quelques tirades puis je décide de m’asseoir à ses cotés sur son carré de tissu à carreaux… et ce jusqu'au crépuscule (autrement dit 5 heures durant).
Il est tard, je me suis remis à bosser sur mon prototype de transducteur audio (cf: jour d'hier et d'avant hier) Chose positive, il fonctionne, chose négative, les pastilles piezzo ne supportent à priori que les hautes fréquences et saturent très très vite… mais ça marche. Affaire à suivre.
Jour 125 - Hôtel Les Palmiers
Vendredi 1 février 2013 - 0 kms - Post n° 125
Fanch : J'effectue ce matin quelques recherches sur le web en m'accordant régulièrement des pauses soudure pour fignoler mon petit ampli et ainsi le rendre utilisable. Puis en début d'après midi, Barth débarque enfin de ses trois jours de bus et nous partons pour une nouvelle visite du souk ferraille.
Nous rencontrons à nouveau mon ami d'hier, Hafid, qui nous propose un carré de tissu pour nous asseoir en échange d'un brun de causette. On accepte bien sur… le temps passe, la nuit tombe et nous sommes toujours là.
Hafid est ce genre de type qui parle de ce qu'il vit et vit ce qu'il raconte, il ne se cache pas et crache ses émotions à coup de grands gestes, de beaux gestes. Il nous invite et malgré le travail qui nous attend nous cédons avec plaisir à la tentation. Le début de soiré se déroulera chez lui, ou plutôt dans la maison familiale quelque part au centre de cette nouvelle ville.
Il sort sa gratte, son harmonica puis, dans cette pièce sobre qui fait office de chambre, il se lève, se tient droit, ferme les yeux et se métamorphose en Bob Dylan Berbère. Cet homme là vit aussi ce qu'il chante…
Barth : Debouts à 7h, le réceptionniste a appelé le taxi, nous sommes à l'heure à l'aéroport ! Le temps de grignoter un petit déjeuner au prix occidental et de nous dire au-revoir, et c'est déjà fini !..
C'était trop tôt et un peu court pour réussir à travailler ensemble, mais la formule a bien fonctionné. Geocyclab a encore besoin de se roder pour être fin prêt à recevoir des invités, c'est la prochaine étape !
Me revoici dans le bus, direction Agadir cette fois ci où je retrouve Fanch dans la chambre d'hôtel qui commence à ressembler à un véritable atelier. Le temps d'atterrir et de découvrir les nombreuses idées qui ont germé dans la tête de mon comparse, et nous voilà parti en direction du souk des métaux avec quelques affaires dont nous voulons nous séparer. Nous y retrouvons Hafid, un berbère pur sang que Fanch avait rencontré la veille. Il tient un petit étal de bric et de broc, vit habituellement à Taghazoute quand il n'est pas à Agadir chez ses parents. Un peu fatigué par la vie et le récent décès de son père, Hafid n'en garde pas moins l'esprit vif et nous conversons longuement jusqu'à la nuit tombante. Il nous entraîne ensuite dans la maison familiale où nous buvons le thé en compagnie de son frère avant d'assister à une démonstration de Bob Dylan, guitare et harmonica comme le vrai ! Il nous apprend quelques rudiments de l'alphabet berbère et nous ne voyons plus le temps filer… J'avais prévu de travailler le soir, c'est raté. Nous allons donc rester une nuit de plus à Agadir pour finir de bricoler et trouver quelques affaires comme un réchaud à gaz, car là où nous allons, le vent va remplacer le bois…
Jour 126 - Souk ferraille d'Agadir
Samedi 2 février 2013 - 0 kms - Post n° 126
Barth : Dernier jour en occident et dans une aussi grande ville avant longtemps sans doute. Il faut prendre le temps de faire quelques courses techniques. Nous trouvons sans trop de difficultés le camping-gaz de nos rêves, mais comme pour nous punir de mettre le système D de côté, dans le magasin suivant nous trouvons de l'alcool à brûler après en avoir cherché dans tout le Maroc ! Tant pis, désormais on roule au gaz !..
Nous avons eu des nouvelles de Fanchic par mail aujourd'hui. Il est tout proche de la frontière mauritanienne et malgré le climat et la gestion de l'eau, ça a l'air d'aller ! Merci pour tes conseils et tes contacts Fanchic, et soit prudent en Mauritanie…
Nous avons aussi pris le temps de saluer notre ami Hafid qui ne voulait plus nous laisser partir. Comme on te l'a dit, grâce à toi nous garderons un bon souvenir d'Agadir Hafid ! Et merci pour le cours de vente à l'étalage qui m'a permis de vendre mon moulinet de canne à pêche à un prix raisonnable ! J'ai également beaucoup apprécier de tenir ton étal en ton absence en regardant la tête étonnée de tes potentiels clients…
La route du sud commence donc demain, du plat, de la chaleur, du vent et du désert sur des milliers de kilomètres… Et la question de la Mauritanie. Les troubles au Mali et en Algérie ne rendent pas la route trés avenante en ce moment… La possibilité de prendre un bateau à Daklha pour rejoindre directement le Sénégal nous rassure mais pour le moment nous ne pouvons pas choisir, c'est encore trop tôt. Il faut d'abord découvrir et s'adapter au nouveau terrain que nous allons traverser. De nouvelles contraintes qu'il va falloir dompter pour parvenir à tirer le meilleur de l'atelier de création Geocyclab !
Fanch : Agadir est pour moi une étape importante de ce voyage. Ce sentiment d’excitation est similaire à celui ressenti durant les quelques minutes précédant le passage d'une frontière, on s’attend à ce que tout change de façon radical. J'ai presque l'impression de partir en voyage. Étrange et délicieuse sensation de savoir que tout reste encore à découvrir et que notre aventure n'en est qu'a son début. Un changement s'annonce dont je fantasme la nature. Je sais pertinemment que c'est une nouvelle épreuve, une de plus, mais j'ai hâte et je ne peux m’empêcher d'y penser. Agadir est la dernière grande ville avant le Sahara occidentale. Une ville ou il est possible de s'équiper pour affronter la rude réalité des paysages qui nous attendent. Demain c'est le départ. Alors en fin d'après midi, une fois nos courses achevées, nous retournons au souk ferraille et comme les jours précédents nous nous asseyons sur la nappe à carreaux de Hafid. Les adieux ne sont pas simples et nous sentons bien que le cœur de notre ami est gros de nous voir partir. Le mien ne l'est pas moins, comme tu le dis Hafid, moi aussi j’espère un jour avoir le plaisir de serrer à nouveau ta main. Merci pour tout.
Jour 127 - Non loin de Sidi Bibi
Dimanche 3 février 2013 - 35 kms - Post n° 127
Fanch : Le vélo laisse du temps pour penser, imaginer, pour construire l'image mentale d'une création potentielle. Je cogite à tout cela ce qui m'amène bien sûr à me pauser d'autres question. Ce midi, à la pause repas, nous causons des ces idées qui viennent et qui repartent dans un laps de temps variable. Mon imagination travail, ça chauffe là haut! Inspirée par mon environnement changeant, j'ose dire que mon esprit est productif. Mais… seulement mon esprit. Un lieu, une rencontre ou un objet peut être le déclencheur d'une idée . Celle ci est bien souvent intimement lié au contexte dont elle est issue. Mais j'ai besoin de materiel (aussi simple soit-il) que je ne possède pas, ou nous sommes pressés par le temps pour tel ou tel raisons. Si je pense trouver une nouvelle oportunité pour la concrétiser alors je tente le nécessaire pour me procurer le matériel dont j'ai besoin. Mais trop souvent dans cette configuaration des choses, l'idée ne dépasse pas le stade du projet. Soit parce qu'il ne m'est pas possible d'obtenir l'outis ou la matière souhaitée, soit parce que l'ocasion de croiser un contexte similair à celui qui à fait germer l'idée ne se représente pas. Autre cas. J'ai une idée que je souhaite mettre en forme, mais pas ici car j'imagine -à tort ou à raison- qu'un autre espace-temps serai bien plus approprié. J’espère me mettre prochainement au travail, logistiquement, tout est prêt. Alors je fantasme les conditions parfaites et pense à la méthodologie à appliquer pour que cette idée est un sens dans la réalité. Mais les conditions parfaites sont plus précieuses que je ne le pensais… Ce qui est difficile, c'est donc d'avoir la bonne idée au bon moment, au bon endroit, avec les moyens logistique et temporel pour la réaliser. Cela fonctionne bien avec les haïkus car leur réalisation imposent une même unité de lieu et de temps.
Alors la question est: Faut-il laisser les idées s’échapper?
À notre habitude nous capturons et collectionnons les traces de nos journée. Or les idées font aussi parties du quotidien et je pense que dorénavant, je vais les reportées ici, sur ce carnet dont l'un des objectifs principaux est de me rafraîchir la mémoire. Il est donc probable que j'inscrive ici mes idées les plus saugrenues, réalisables ou non, voir parfois utopiques. Voilà, sinon ça va!
Barth : Ça y est nous décollons enfin ! Pas très tôt car les derniers préparatifs nous ont fait nous coucher tard hier. Nous roulons une dizaine de kilomètres jusque Inzegane pour acheter de l'eau et de quoi manger ce soir. La banlieue sud d'Agadir s'étant ainsi sur plusieurs dizaines de kilomètres en une enfilade de petites communes… Vivement le calme du désert, je suis las de toutes ces grandes villes où nous avons séjourné ces dernières semaines. Le charme n'opère plus…
Nous traînons un peu encore à Inzegane, Fanch a repéré des petits panneaux solaires pour une future installation dans une boutique qui ouvre à 14h. Après plusieurs jours de recherches à Agadir, on ne laisse pas passer l'occasion ! Et nous voilà repartis, petit à petit les maisons laissent places à de longs murs qui délimitent d'immenses propriétés agricoles, puis à des champs de serres… Il faut pousser 35kms pour trouver enfin une prairie accessible où passer la nuit.
Nous ne sommes pas encore dans le désert, mais dans une zone irriguée où les cultures s'étendent à perte de vue, parsemées de hameaux ou de fermes isolées. Nous sommes accueillis par un homme qui ne parle pas un mot de français. À force de gesticulations, nous parvenons à nous faire comprendre et il nous souhaite la bienvenue ! Il reste une heure de soleil, le temps d'un haïku et d'une soupe avant de se coucher tôt. Fanch tient un bon gros rhume, il faut garder nos forces ! Je prends tout de même le temps de travailler un peu sur l'ordinateur avant de dormir, pour ne pas prendre de retard…
Jour 128 - Tiznit, Hôtel Belle Vue
Lundi 4 février 2013 - 60 kms - Post n° 128
Barth : Après une nuit encore un peu fraîche et humide… Je sais qu'on va en baver, mais j'ai hâte de de plus avoir besoin de faire sécher la tente ! Donc, nous plions bagages sous le soleil et le regard attentif de deux de nos hôtes qui commencent la journée aux champs… Malgré un léger voile nuageux, le soleil tape bien fort. Ce n'est pas encore le plat pays tant attendu, mais le désert commence à se faire sentir. Nous sommes sur une route très fréquentée, particulièrement par des poids-lourds de tous types. Parfois sur quatre-voies, mais le plus souvent en double voie sans aucun espace sur le bord, il faut apprendre à anticiper les appels d'air en évitant la petite marche entre le bitume et la terre caillouteuse à 5cm de la ligne blanche. Au loin, dans l'atmosphère poussiéreuse qui efface les palmiers les plus distant, se profile la dernière petite chaîne de montagnes que nous devrons franchir après Tiznit.
Nous avalons les kilomètres avec plaisir pour moi, et un peu en lutte pour le pauvre Fanch que son rhume fatigue… Une grosse pause sur un pont surplombant la retenue d'eau d'un oued nous donne l'occasion de sortir nos appareils. Je laisse Fanch enregistrer les vibrations du pont au passage des camions pour une petite exploration de l'étang formé par un ancien barrage. Je suis sous le charme de ce premier oasis visité depuis deux mois au Maroc ! La vie foisonne autour et dans l'eau. Tortues, grenouilles, bancs de poissons gros comme le bras, oiseaux, insectes, végétation luxuriante réveillent en moi mes premiers instincts photographiques, mais je reste concentré sur le haïku du jour !
Nous arrivons bien rincés à Tiznit. Soixante kilomètres au compteur, quelques coups de soleil, nous traversons la magnifique medina sous une averse de sourires ! Il règne ici une paix et une simplicité qui contrastent énormément avec les villes du Nord que nous avons fréquenté. Direction le cyber pour prendre des nouvelles des couch-surfeurs contactés. Rien en vue. On échoue à l'hôtel « le point de vue » dans une petite chambre pas chère avec un bureau pour travailler ! Un bissara, un peu d'ordi, et au lit!
Fanch : Le soleil lutte contre la rosée du matin. Nous sommes a 60 kilomètres de Tiznit que nous aimerions joindre avant la nuit noir. Une route s'étire en ligne droite, le soleil la frappe de plein fouet, il s'en échappe une chaleur visible qui trompe nos perceptions. La terre sèche et n'accepte plus que de petits buissons d'épines. De rares palmiers résistent et font office d'indices hydrométrique démontrant qu'autrefois, ici coulait une rivière. Mes lèvres sèches, ma peau se brunie, notre consommation de flotte augmente progressivement… et ce n'est que le début. Nous sommes bien loin du l'octobre pluvieux que la France nous avait réservée. Ce souvenir tend d’ailleurs à disparaître de ma mémoire. La chaleur augmente au fur et à mesure que nous avançons. Le seul petit soucis c'est que je ne suis pas en grande forme physique. Les nuits restent relativement fraîches (humides et inférieures à 10°C) alors qu'en plein soleil, j'imagine que les 30°C sont largement dépassés. Et j'ai réussis à prendre froid… Et le plaisir de pédaler sur un soleil torride s'estompe face à ce mal de crane omniprésent.
Nous arrivons à Tiznit, je suis rincé, je ne pense qu'à une chose… dormir.
Jour 129 - Ruelle de la médina de Tiznit
Mardi 5 février 2013 - 0 kms - Post n° 129
Fanch : Je bosse sur le premier volet d'un dispositif sonore à base de cellules solaires monocristallines. C'est une idée, rien qu'une idée mais je planche pour qu'elle se concrétise. Je ne veux pas trop en dire pour l'instant.. Toujours est il que je m'acharne à décortiquer un panneau solaire et que je vais de mauvaises surprises en mauvaise surprise. Rien de méchant mais il me faut plus de temps que ne l'aurai espéré pour détourner, (hacker comme on dit par chez nous) ce maudit panneau. Ceci dit, après quelques essais… ça sonne. Et puis je sort ma tête de ce sac de noeud pour en savoir un peu plus sur l'artisanat local, avec une pensée particulière en tête encore une fois. Je me sens parfois comme un anti-toutiste luttant contre le piège des babouches. J'apréhende la ville en cherchant quelque chose de précis, mes promenade sont influancées par des objectifs de productions et vivifiées par un désire de création. Je crois que c'est comme ça que je l'aime, le voyage. Enfin bref, ma recherche est moyennement concluante mais cette sortie me donne l'occasion de découvrir un Tiznit vraiment paisible, des quartiers charmants, et tout un tas de berbères fort sympathiques. Et même si quelques européens se sont aventurés jusqu'ici, la machine touristique montre des signes de faiblesse et je retrouve enfin le plaisir des pérégrinations urbaines… Vivement demain pour un nouvel épisode!
Barth : Trouver une connexion, manger, faire quelques courses, prendre des nouvelles de la France, et surtout travailler sur l'ordinateur… Voilà de quoi faire passer une journée sans s'en rendre compte. Il est 1h30 du matin, je viens d'enchaîner plusieurs heures de montage pour préparer le tournage du checkpoint de demain. C'est une de ces journées où il est difficile d'écrire et de raconter, les images parleront d'elles-mêmes plus tard…
Il y a une chose qui m'empêche de me projeter dans les futurs projets, c'est le montage de ce deuxième checkpoint que j'ai trop repoussé. Je me sens en décalage avec Fanch qui de son côté accumule les idées créatives depuis quelques jours ! Il faut y remédier, nous ne quitterons Tiznit qu'après avoir fini de tourner ce checkpoint portant sur une période un peu décousue de notre aventure… Alors seulement je me sentirai libéré et prêt à foncer en avant !
Jour 130 - Cantine de Tiznit
Mercredi 6 février 2013 - 0 kms - Post n° 130
Barth : Encore une journée bien studieuse, entre une première expérience véritablement artistique dont je laisse le soin à Fanch d'en dévoiler les grandes lignes, le tournage du checkpoint et la finalisation du montage qui s'en suit ! Bref, on reste un jour de plus dans le petit hôtel, pour finir de tourner la page de la préparation de Geocyclab et attaquer la création sans encombre.
C'est vraiment comme ça que je vois ce deuxième checkpoint, comme la fin du première partie de Geocyclab, où nous avons du inventer nos outils trouver le mode de fonctionnement, expérimenter la mobilité… Beaucoup de gens nous avaient conseillé de tester notre idée pendant quelques mois avant de nous embarquer pour trois ans, c'était une bonne idée mais nous avons préféré nous lancer directement dans l'aventure en prenant le temps d'inventer et de construire notre atelier nomade au fil de la route. De nombreuses choses restent à améliorer, tester, fabriquer, mais les fondations existent enfin, après quatre mois de voyage !
Je viens de finir le montage, c'est un peu la même recette que le premier, un peu trop peut-être… Les suivants seront différents, pour sûr ! Je m'endors avec l'espoir d'avoir le temps de visiter Tiznit demain, après avoir mis en ligne le checkpoint bien sûr…
Fanch : La caméra et l'enregistreur sont de sortie ce matin, nous sommes sur le toit de l’hôtel. L'heure n'est pas à la rigolade, je teste mon nouveau dispositif sonore sous l’œil attentif de Barth. Le soleil tape et c'est heureux puisque mon petit jouet fonctionne à l'énergie solaire. Ça tourne. Dorénavant, on peut dire que l'atelier assume aujourd'hui sa première production (excepté les Haïkus). Elle sera diffusée sur la galerie Ex-Situ dans quelques semaine accompagné, nous l’espérons, d'autre créations. Le soleil suit sa trajectoire habituelle, nous vaquons à nos occupations respectives, puis un nouveau rendez vous se profile, encore fois sur la terrasse pour le tournage de Checkpoint 002. Penser, tourner et monter ce genre de petite vidéo demande beaucoup de temps mais elle permet de faire le bilan de notre situation, de vous tenir au courant mais aussi de pré-trier nos données (particulièrement les vidéos et le son) car mine de rien, nous accumulons déjà une belle quantité d'octets dans notre disque dur. Il est grand temps de passer à autre chose et une fois ce montage achevé, nous pourrons de nouveau aller de l'avant.
Jour 131 - Palmeraie-décharge de Tiznit
Jeudi 7 février 2013 - 0 kms - Post n° 131
Fanch : NORLATEX c'est le nom de ces petits tubes oranges et noirs que l'on trouve partout, à semi enfouis dans la poussière ou aplatis comme des crêpes sur le bord de la chaussée. Ici, dans cette palmeraie de Tiznite, aux allures de décharge, les tubes vides se comptent par dizaines. NORLATEX c'est donc la marque d'une colle pour caoutchouc dont la composition intègre un solvant puissant capable de vous expulser dans un autre univers. Il suffit d'un bout de chaussette, un petit tube orange, on respire bien fort en fermant les yeux et au moment de les ouvrir, la magie opère. Tout les hommes sont au même niveau, ton père a autant de valeur à tes yeux que l'inconnue qui passe, ta mère c'est la reine d’Angleterre et toi tu est le roi Hassan II. C'est un remède idéal contre les petits coups de blues, simple, pas cher, sans ordonnance et avec ce genre de shoot, les hommes paraissent enfin réellement égaux. Mais on a souvent l'occasion de croiser, ces hommes dont les cerveaux fondent sous l'effet du solvant, leur visages se sont déformés jusqu'à devenir asymétriques. J'ai causé à Agadir avec Hamed, je voyait son regard luttant contre les limbes, il me parlait sans même sans rendre compte tenant entre ses doigts rongés par les composants chimiques une boule de tissu odorante. Il l'appel la cocaïne marocaine. Sous l'emprise ou non de cette merde, j'ai la nette impression qu'il a quitté la planète terre depuis longtemps espérant fuir une réalité trop pesante.
Chez nous c'est l'alcool en vente libre, ici c'est la colle et il suffit de scruter quelques minutes le sol des « zones » pour trouver les traces d'un triste fléau. Pardon de m’emballer sur ce sujet qui n'est guère réjouissant, c'est certainement un détail, mais il est bien trop visible pour ne pas en parler.
Barth : C'est les vacances ! Enfin la récréation plutôt, depuis que j'ai mis en ligne le checkpoint ce matin… Pour fêter ça on enfin pris le temps de faire le tour de la medina, à l'heure où même les mouches restent à l'ombre. Des rues désertes, relativement propres et larges en comparaison aux medinas de Fès, de Rabat ou d'Essaouira. Et surtout un calme presque pesant !
Nous poussons la promenade à l'extérieur de la ville dans une palmeraie où quelques carrés de cultures voisinent des décharges sauvages. Là aussi, le calme, seuls le vent et les oiseaux troublent le silence… Pas d'inspiration pour un haiku, juste quelques clichés cet après-midi.
Une bonne pause donc, relaxante après ces heures d'ordinateur ! Nous reprenons la route demain et profitons de cette dernière nuit confortable pour nous reposer un bon coup, écrire un peu, et chose rare, regarder un film sur l'ordinateur avant de dormir !
Jour 132 - Aarba Sahel
Vendredi 8 février 2013 - 40 kms - Post n° 132
Barth : Après une matinée de rangement de notre chambre/atelier et quelques courses de provisions pour la route nous nous apprêtons à reprendre la route ! Nous montons au dernier étage de l'hôtel pour saluer Karim, un français de Haute-Savoie qui passe l'hiver au chaud et avec qui nous avons sympathisé cette semaine. Un dernier tajine à la cantine, l'occasion comme à chaque fois de tomber les masques en arrivant avec nos vélos là où nous venions depuis quelques jours les mains dans les poches…
Et c'est parti, même pas une dizaine de kilomètres de plat et nous arrivons dans la dernière chaîne de montagne qui nous sépare du désert. Nous avons plus ou moins rendez-vous avec un couchsurfeur à une trentaine de kilomètres de Tiznit. En arrivant au village, Fanch tente en vain de le contacter par téléphone tandis que je fais la conversation à quelques gamins qui parlent super bien français. Le temps de boire un thé et nous décidons de laisser tomber et de faire encore quelques kilomètres avant que la nuit ne tombe.
Nous sommes sur une route de montagne, pas facile de trouver un endroit plat et éloigné de la route pour la nuit… Quand soudain au sommet d'une côte, nous apercevons l'océan ! En un coup de pédale, nous dévalons les derniers kilomètres pour atteindre un petit bout de plage au coucher du soleil. Les muscles était un peu froids aujourd'hui et le manque de sommeil accumulé ces derniers jours se fait sentir… Une soupe et au lit !
Fanch : La route suit son cours. Nous nous dirigeons vers Mirleft, petit village en bordure de côte. Nous sommes encore chez les Berbère, c'est le bout de l'Atlas et même si nous sommes à quelques pas de l'océan (Tiznit est à 20 bornes à vol d'oiseau), ça grimpe encore un peu. Et nous évoluons dans un paysage toujours changeant, des cactus par centaine nous accompagnent sur cette route sinueuse qui slalome entre les collines. Les rivières sèches se coiffent néanmoins d'une verdure étonnant, quelques arganiers par ci par là, des cactus à nouveau… et l'océan se montre enfin. Il s'étend majestueusement devant nous sonnant la fin de cette étape.
Trois berbère nous souhaitent la bienvenue avant de continuer leur ballade.
Le bivouac est planté entre deux falaises, dans un décor iodé. C'est une des premières fois depuis le début de l'aventure que nous profitons d'un ciel saturé d'étoiles, preuve que nous commençons à nous éloigner de zones urbanisées.
Jour 133 - Falaise de Mirleft
Samedi 9 février 2013 - 7 kms - Post n° 133
Fanch : Après un réveil doux et quelques petits coups de pédales, nous voici à Mirleft, petite ville paisible perchée sur une falaise surplombant l'océan. Et c'est à peine arrivés que nous faisont la rencontre d'un couple de Français, Catie et Ness, venus goûter au soleil du Maroc durant quelques semaines. Aussitôt, ils nous proposent une douche que l'on accepte sans hésiter. La cinquantaine entamée, ces deux là semblent entretenir leurs âmes de jeunes vagabonds… J'imagine que notre rencontre n'a rien d'une coïncidence. Cet après midi, ils partent en stop en direction d'une petite exploitation biologique, sans trop savoir où elle se trouve, autrement dit, à l'arrache!
Nous concernant, l'heure est à la promenade et nous découvrons Mirleft, sa plage et ses beignets. Il règne une atmosphère de vacances par ici, la tendance serait de se faire happer par le rythme du lieu. Alors on se laisse porter pour se perdre naturellement au jeu des haïkus. Plus tard nous retrouvons nos amis, le courant passe bien, toujours, nous décidons donc de rester pour le dîner, la soirée et la nuit. La voisine, se joint à nous à l'heure du repas. Expatriée depuis 5 ans, elle nous livre un regard pertinent sur la politique du Maroc et nous offre quelques clés supplémentaires pour comprendre d'avantage ce pays.
Barth : Nous sommes réveillés par deux types qui font des allers-retours avec leurs mules de la plage aux dunes pour transporter du sable. Pour cela ils doivent franchir une barre de galets dans laquelle les sabots des mules font un vacarme impressionnant ! Il fait beau, la mer est grosse et le temps de manger et de ranger le campement interrompus par un vieux pêcheur venu nous faire la causette, et nous prenons la route de Mirleft.
Quelques grimpettes mais seulement 5kms nous séparent de la station de surf où nous sommes accueillis par plusieurs touristes français nombreux dans la région. La conversation se prolonge autour d'un thé avec Catie et Ness qui passent un mois dans l'appartement d'une amie avec presque pas d'argent. Ils nous proposent une douche et de poser nos affaires pour nous balader un peu sans vélos ! Adjugé ! Nous déposons donc notre barda dans l'appartement et partons avec deux objectifs : un haïku, et des renseignements sur le soit-disant village alter mondialiste qui se trouverait dans le coin.
Le village de Mirleft est sur le bord de la route qui surplombe la mer à une bonne centaine de mètres, il nous faut donc un peu de temps pour aller nous tremper les pieds sur la grande plage qui sert de terrain de sport à tous les jeunes des parages. Le site est assez grandiose, un peu dans le style de Crozon en Bretagne et ça fait du bien de se faire bronzer les orteils qui sont incroyablement blancs comparés à nos chevilles !
Nous retournons ensuite en ville pour manger quelques beignets, surfer un peu sur la toile et faire quelques courses pour le soir en attendant que nos hôtes rentrent de promenade… Nous passons ensuite une très bonne soirée à la française avec Ness, Catie et Ghislaine, une voisine qui vit au Maroc depuis plusieurs années et qui nous en apprend beaucoup sur la société marocaine. Puis nous refaisons le monde jusque tard avant de nous effondrer de sommeil sur les banquettes du salon.
Jour 134 - Route de Sidi Ifni
Dimanche 10 février 2013 - 6 kms - Post n° 134
Barth : A dormir chez des vacanciers, ça donnerait presque envie d'être en vacances dis donc ! Nous profitons un peu du confort de l'appartement ce matin pour mettre à jour le travail sur l'ordinateur, ranger les sacoches, et discuter avec nos hôtes qui rentrent d'une virée jusqu'au souk à une quarantaine de kilomètres de là avec un poulet pour le déjeuner ! C'est dimanche, il fait un temps radieux et la fraîcheur de l'appartement nous retient jusqu'à la moitié de l'après-midi… Ness essaye en vain nos vélos, nous montrons nos haïkus en projection privée, et nous nous disons au-revoir.
Ness et Catie sont en train de monter un spectacle cabaret et cherchent à le rendre itinérant. Ils étaient donc intéressés par la solution du vélo couché, mais en mode tandem car Catie est mal-voyante… Ils sont aussi tout deux impliqué dans l'association Vivre en Comminges qui soutient les activités locales de qualité. Ce fut une rencontre vraiment simple et reposante pour nous. Merci à vous deux ! Et on se revoit pour un tour des festivals de rues par chez vous en vélos couchés à notre retour en France !
Nous roulons quelques kilomètres pour établir notre camps sur un petit lopin de terre entouré d'un muret. En cherchant un peu sous les pierres nous découvrons le premier scorpion du voyage, mais l'endroit reste idéal pour bivouaquer. J'ai le temps de finaliser les derniers haïkus pendant que Fanch prépare la popote du soir. A l'abri du vent dans cette petite vallée encaissée nous sirotons une tisane berbère en réfléchissant aux titres des derniers haïkus. Le ciel étoilé est magnifique et pour la première fois je crois, il n'y a pas vraiment d'humidité dans l'air… Fin d'un dimanche d'hiver aux portes du désert…
Fanch : Je marche seul dans les rues de Mirleft, à l'ambiance d'hier s'est ajouté quelque chose d'étrange. Même si quelques camping-caristes à paraboles parviennent jusqu’ici, ce village semble essentiellement convoité par des touristes à tendance Baba-Cool mais surtout, par des expatriés. Je sens pour la première fois, non pas un mélange mais une réel cohabitation entre européens (à majorité français, comme partout au Maroc) et marocains. Je ne sais pas quoi en penser mais la recette a l'air de fonctionner. C'est peut-être la raison pour laquelle ici, je n'ai plus l'impression d'être un potentiel touriste à déplumer.
C'est au creux d'une petite vallée que nous dégotons un parfait petit coin pour la nuit. La terre est de plus en plus sèche, rouge, volatile et le paysage nous gâte…
Jour 135 - Sidi Ifni
Lundi 11 février 2013 - 25 kms - Post n° 135
Fanch : 25 bornes après notre point de départ, nous voici à Sidi Ifni. Nous continuons sur notre lancée en prenant notre temps, comme si nous redoutions la suite. Peut être parce que nous avons en tête qu'il n'est pas très conseillé de flâner dans le Sahara occidental, que les étapes seront conséquentes et difficiles, alors nous profitons. Le soleil est encore haut mais nous décidons d'aller jeter un coup d’œil sur la plage, espérant repérer un coin calme pour la nuit. Notre recherche aboutie au pied d'une falaise, à quelques mètres d'un atlantique houleux. D'après ce que j'ai compris, cet emplacement est un repaire de hippies mais aujourd'hui il n'y a personne, seuls quelques déchets font office d’empreintes des fiestas passées.
Ça souffle, tant que ma tente reste en place, ça ne me dérange pas.
Et puis c'est repartit pour un Haïku, Barth s'amuse avec sa caméra pendant que j'essaie de mettre au point un stratagème pour effectuer une prise de son audible. C'est toujours difficile d'enregistrer quelque chose de précis en plein vent et aux abords d'une mer imposante. Alors je tente de détourner légèrement mon environnement pour le faire sonner. Aujourd'hui, j'utilise notre gamelle pleine d'eau que je place contre la parois rocheuse, à l'emplacement où les gouttes rejetées par la roche s'explosent contre le sol. J'y plonge un hydrophone ce qui me donne la possibilité d'enregistrer les impacts discrets de ce goutte à goutte permanent en évitant les ondes indésirables qui se propagent dans l'air. Je teste, parfois cela peut être étonnant et bien fonctionner, mais pas toujours.
Barth : Quand on dort à l'ombre, le soleil met du temps à chauffer les tentes… On se lève donc un peu tard, mais comme les tentes sont sèches, nous reprenons la route assez rapidement. Les trente kilomètres qui nous séparent de Sidi-Ifni sont vite avalés malgré les creux et les bosses. Le goudron est tout neuf, le paysage entre mer et montagne rappel un peu la route au nord d'Agadir et un petit vent nous pousse en nous rafraîchissant… Le pied !
Arrivés en ville, nous trouvons un café avec wifi pour mettre en ligne les haikus… Manque de pot, l'ordi n'a plus de batterie et nous ne pouvons pas le brancher dans la salle… Le temps d'un café et nous changeons de comptoir pour manger un bout avant de descendre vers la plage et trouver un bivouac au pied d'une falaise ruisselante… La lumière et le site nous inspire un nouveau haïku, mais le ciel qui se couvre et la nuit tombante nous fait vite monter le camp pour préparer à manger à l'abri.
Sidi-Ifni est une énième station balnéaire servant de refuge aux nombreux camping-caristes venus d'Europe. Je commence à me demander jusqu'où nous allons en voir au sud ? Le nombre de ces villages saisonniers de camping-cars n'est que la partie émergée de l'iceberg que représente l'expatriation de nos anciens. Plus de 500 000 français selon Ghislaine que nous avons rencontré à Mirleft, qui viennent d'élire leur député et rachètent ou construisent des villages entiers essentiellement sur la côte atlantique… Le phénomène n'est pas bien vieux et change déjà énormément le visage du Maroc quand je compare avec mes souvenirs de ma première visite d'il y a quinze ans. Qu'en sera-t-il dans dix ans ?..
Jour 136 - Mesti
Mardi 12 février 2013 - 20 kms - Post n° 136
Barth : Nous quittons le village de camping-cars de Sidi-Ifni sans regret après une nuit un peu agitée entre le vent, le boucan de l'océan à quelques mètres des tentes et une chaleur étouffante… C'est par une longue ascension dans la montagne que nous entamons la journée. Vingt kilomètres de grimpette face au soleil entrecoupés d'une pause haïku…
Juste avant d'arriver à Mesti, le village où nous pourrons trouver des provisions, nous sommes invités par Hussein, gardien de nuit du collège de Mesti, pour prendre le thé et manger un oeuf. L'homme est plein d'attention mais beaucoup trop speed pour notre coup de barre post-pédalage. Son comparse, un vieux berbère aussi hilare qu'édenté nous amuse beaucoup, mais nous ne traînons pas pour pouvoir enchaîner après le ravitaillement en ville.
Arrivés à Mesti, nous tombons sur Anass, un marocain de 25 ans, sac à dos posé près de sa table où il en train d'écrire sur son ipad. La discussion s'engage vite et nous apprenons qu'il est parti de Dakhla pour un voyage à pied à travers tout le Maroc pendant un an. C'est une première dans ce pays et nous avons beaucoup de chance de le rencontrer ! Pas de défi sportif, pas d'idée politique, juste l'envie de vivre son rêve sur les traces de son mentor Théodore Monod. C'est déjà bien assez incroyable pour la plupart des marocains!.. Pour en savoir plus su son projet : Le tour du Maroc à pied
Anass nous dégote une piaule dans une maison plus ou moins abandonnée. Il s'agit en fait d'un logement pour les marchands de passage à l'occasion du souk. Le temps de poser nos affaires et nous sommes invités à manger un couscous dans la chambre d'à côté squattée par un marchand d'olives…
Notre cuisinier est un ancien de l'armée marocaine qui a vécu seize ans en détention dans le Sahara occidental. Nous assistons pour la première fois à la préparation du couscous, et chose rare, par un homme ! Le repas qui s'en suit n'en est pas moins succulent. Merci Anass pour ton service d'interprète ! Le ventre plein, nous regagnons notre chambre et alignés tous trois en rang d'oignons nous nous endormons après avoir mis à jour nos écrits sur nos tablettes respectives.
Fanch : Les rencontres se suivent et ne se ressemblent pas. Nous sommes à Mesti, Sidi Ifni est à 20 kilomètres derrière nous, de l'autre coté des ces hautes collines qui se sont jouées de nous aujourd'hui. Nous prenons le temps de marquer une pause, aussi de faire quelques courses pour le dîner de ce soir. Alors nous nous dirigeons vers une épicerie marocaine avec en tête l'intention de boire un petit verre de thé tout en reposant nos guibolles endolories.
Un jeune homme est assi là, face à son sac à dos de routard. C'est l'étonnant Anass, un marocain de 25 ans, le premier à parcourir son pays de long en large… à pied. Son objectif principal est « d'arriver à l'heure, non pas en un lieu mais en un point de maturité et d'aboutissement d'un rêve ». Un rêve relativement accessible pour nous, les européens, mais lui se confronte à sa propre culture qui a semble-t-il quelques difficultés à comprendre et à accepter le voyage comme simple aventure humaine (surtout quand l'aventurier est marocain). Les médias et le gouvernement lui mettent à proprement dit, des bâtons dans les roues, la société le prend pour un fou, mais ce type est loin d'être imbécile et son discours colle parfaitement avec ses actes. Et oui, ici la route est empruntée pour aller de village en village, de ville en ville, pour traverser le pays mais plus souvent pour le business que pour un enrichissement, une quête de soi. Un chouette personnage qui veut changer les choses et qui mérite d'être soutenu dans cette lutte contre l'endormissement des consciences.
Anass nous déniche une petite chambre où nous dormirons tout les trois. Seule une vieille paillasse et une bouteille couronnée d'une chandelle meublent l'étroite pièce… la sobriété poussée à son paroxysme, c'est parfait. À peine installés et alors que je me préparais psychologiquement à entamer la popote, le propriétaire des lieux nous invite à partager un couscous aux tripes de chèvre dans une chambre voisine. L'homme nous raconte son passé comme soldat de l'armée royale du Maroc, une histoire incroyable. Il faut dire que nous nous approchons d'une ligne invisible séparant le nord du pays du désert et plus nous descendons vers le Sahara Occidental plus les conversations s’orientent vers ce sujet géopolitique délicat.
Jour 137 - Route de Guelmim
Mercredi 13 février 2013 - 35 kms - Post n° 137
Fanch : Nous voici repartis vers notre destin, je regarde Anass s’éloigner en direction de Sidi Ifni pendant que mon esprit l'encourage. Bonne route Anass, continue ce chemin qui certainement te mènera vers le paradis.
Les températures sont en hausse, le vent est tiède, nous nous éloignons doucement de la côte et de ses courants d'air rafraîchissants. Et nous avalons nos dernières grosses montées avant… avant de découvrir, presque brutalement, cette immense plaine qui se perd dans un brouillard de sable que nous aurons à traverser prochainement. Un paysage surréaliste.
Hier nous nous sommes réveillés avec vue sur mer pour nous coucher dans les montagnes et ce soir nous dormirons au portes du désert, au creux d'une plaine de plusieurs milliers de kilomètres carré. Les murs de notre atelier nomade changent en permanence. Guelmim nous voilà. Nous rencontrons rapidement Aziz, qui nous étonne par sa naturelle curiosité et le savoir qui en découle. Il a grandi en France mais après ses études de géologie a pris la décision de revenir au bled.
Il nous propose le gîte et le couvert mais nous devons nous mettre à jour concernant notre travail et risquons d'êtres de piètres hôtes. Aziz comprend mais insiste, alors nous acceptons avec une légère gène qui, comme d'habitude disparaît très rapidement. L’hospitalité du peuple marocain m'étonnera toujours…
Barth : Le souk hebdomadaire est déjà bien animé quand nous sortons de notre hôtel improvisé. Après un petit déjeuner au soleil nous prenons le temps de faire un portrait d'Anass, puis nous prenons chacun la route, lui vers le nord, nous vers le sud…
Un vent d'est s'est levé, et nous avons le soleil en pleine face pour notre dernière ascension. Nous arrivons au bord de l'insolation à l'ombre d'un majestueux arganier où nous prenons le temps de manger, de faire le thé et de créer !.. Il nous reste une dizaine de kilomètres de descente jusque Guelmim, nous ne sommes pas pressés.
Ça y est, c'est la sortie de la montagne ! Personnellement, je le vies comme un accouchement, du point de vue du nouveau-né… Nous glissons sur le filet de bitume qui longe la vallée et d'un seul coup un autre monde se dévoile, le plat et la poussière à perte de vue. Le Sahara et le continent africain enfin perseptibles. Un aperçu de ce qui nous attend après la halte que nous allons faire à Guelmim pour mettre à jour les différents travaux en cours.
Nous arrivons donc en ville et sommes tout de suite interpellés par Aziz, qui a reconnu notre drapeau breton. Le temps de boire le thé et après avoir tenté notre chance dans quelques hôtels complets ou trop chers, il nous invite à loger dans la maison familiale où il vit avec sa mère et ses frères et soeurs. Yallah !
Aziz a 34 ans, il a vécu longtemps en France, est diplômé en géologie et gagne sa vie en passant des voitures en Mauritanie de temps à autres. Une fois installés dans l'immense salon réservé aux visiteurs, nous passons la soirée à discuter de religion, de science, de politique, bref à refaire le monde jusque tard le soir. Aziz est très cultivé et est un véritable moulin à paroles ! Ça promet pour les jours qui viennent !
Jour 138 - Guelmim
Jeudi 14 février 2013 - 0 kms - Post n° 138
Barth : Journée boulot aujourd'hui, ça se passe comme ça quand on arrête de pédaler. Après un succulent petit déjeuner, Aziz file faire un tour en ville pendant que je prépare les vidéos à mettre en ligne l'après-midi. C'est agréable de travailler dans l'immense salon uniquement meublé de tapis et de coussins, avec le vent sec et chaud qui souffle à l'extérieur. C'est tout aussi agréable, mais pour le coup toujours un peu gênant de voir apparaître comme par magie un tajine de poulet et un plateau de thé. La famille d'Aziz est aux petits soins pour les voyageurs que nous sommes, mêmes si nous presque pas l'occasion de les voir… C'est ainsi !
En début d'après-midi, nous prenons tous les trois un taxi direction un café wifi du centre de Guelmim. Une fois installés, je lance le chargement des derniers haïkus et nous prenons le temps de lire nos mails, de téléphoner jusque la nuit tombante pour finalement se rendre compte que le chargement a échoué… Le programme de la journée de demain est donc tout trouvé !
En traversant à pieds la ville qui s'est réveillée avec la nuit, nous achetons un kilo de viande de dromadaire pour les repas à venir. La soirée toujours studieuse sera animée par la tentative vaine de charger les vidéos depuis le vieux PC d'Aziz au moyen d'un modem 3G. Tout ceci en compagnie de Boujemaa, un ami d'Aziz qui travaille dans un parc naturel sur notre future route. L'accès au réseau commence à devenir un challenge plus on se rapproche du sud…
Fanch : Salut salut! Le vent est de plus en plus tiède, et oui! De plus en plus fort surtout. Il souffle toujours direction sud sud-ouest comme pour nous encourager à prendre la route. Mais nous avons encore à faire ici avant de pénétrer un autre Maroc (dernières courses, mise à jour du site et mise en ligne des derniers Haïkus, nettoyage des vélos…).
Aziz est présent, il s'occupe de nous comme si nous étions de vieux amis, il lui pousse des ailes d'ange gardien. Il nous accompagne ici, là, lance un signe franc à droite, un « Salam » à gauche, fait demi tour pour une embrassade chaleureuse ou traverse la route pour une poignée de main. Ce n'est pas du tout désagréable de se faire balader par ce type qui semble l'ami de tous, un poisson dans l'eau. Il nous cause du désert, des us et coutumes Saharaoui, de leur remèdes et de leur musique, de leur lutte ce qui encore une fois, va nous aider à appréhender notre environnement directe. Des portes s'ouvre petit à petit… Mais voilà, nous parlons, parlons et pendant ce temps, les vidéos ne charge pas, c'est la galère, la connexion est trop faible et je sens que ça ne fait que commencer. Héhé!
Nous sommes sur la route de la maison familiale, j'ai un kilo de dromadaire sur moi, disons que c'est notre contribution pour le couscous de demain (vendredi). Il fut un temps ou j'ignorais que le dromadaire était comestible… ce soir nous dormons une seconde fois chez lui dans une vaste pièce qui nous est réservée. L'espace est presque vide, seul trois grands tapis occupent le sol ainsi qu'une multitude de coussins (42 exactement, je n'ai pas pu m’empêcher de compter) qui dessinent le périmètre de l'espace des invités.
Jour 139 - Medina de Guelmim
Vendredi 15 février 2013 - 0 kms - Post n° 139
Fanch : Le silence inonde les rues de Guelmim, le vent souffle modérément, une chaleur sèche se répand irrémédiablement sur la ville… nous sommes vendredi, le jour de la « salat-ul-joumou'a », la grand prière. Les stores métalliques des petits commerces sont baissés, pas un bruit, pas un chat, seules quelques âmes songeuses errent sur les trottoirs poussiéreux de la ville endormie. C'est aussi l'heure de la sieste.
Barth se casse la tête pour envoyer nos derniers Haïkus en ligne, ça rame dur. Je profite de ce temps pour chercher des cachetons pour purifier l'eau, les pharmacies sont elles aussi fermées… Walou! Je referais un essai au crépuscule, dans deux trois heures quand les marchands déploierons à nouveau leurs nappes à bibelots et que les vendeurs de pain chaud auront sorti leurs chariots. A cette heure, la ville se métamorphose en fourmilière de Byzance. J'aurai peut être plus de chance pour les cachetons.
Les vidéos sont enfin sur le web. Nous décidons d'avaler quelque chose en attendant Aziz qui doit normalement nous rejoindre d'ici une heure. Nous patientons devant un thé chez Ali Baba, le bistro populaire du centre ville. Une discussion a lieu avec un professeur d'éducation coranique, ami proche de Hanass Yakine (le monde est petit) qui nous présente sa vision de l'enseignement. Sur certains points, il ne respecte pas à la lettre le Coran qu'il enseigne mais semble l'assumer, au nom des libertés individuelles…
3 heures plus tard, Aziz arrive, sourire aux lèvres comme à son habitude. Je n'ai toujours pas trouvé mes cachetons pour la flotte… Et je n'en trouverai pas ici.
Barth : Le réveil est un peu dur après la soirée studieuse et tardive de la veille. Mais le petit déjeuner remet un peu les idées en place ! Objectif du matin, trouver une connexion assez stable pour charger les derniers haïkus et synchroniser le site. Après une heure passée dans le premier cyber le réseau s'arrête sans raison… Il se peut que j'ai un peu trop forcé sur le tirage… Changement d'adresse, la connexion est bien plus stable et au bout de deux grosses heures, nous voici enfin débarrassés de ce rituel hebdomadaire !
Il est 15h, il fait faim. Nous avalons une omelette et prenons place au café Ali Baba, quartier général de la medina, pour attendre Aziz. Sa mobylette est garée devant, on ne peut pas le louper ! Nous engageons une discussion avec Ahmed, notre voisin de table, qui s'avère être un ami des parents d'Anass que nous avions rencontré à Mesti. Après avoir appris notre projet de voyage, il nous demande si nous connaissons Anass Yakine, qu'il a hébergé quelques jours avant. Cet ancien professeur nous raconte un peu sa vie tout en saluant ses anciens élèves qui défilent devant le café. Aziz finit par nous rejoindre à la tombée de la nuit, et surprise, il est lui aussi un ancien élève de Ahmed ! Le monde est tout petit à la terrasse d'Ali Baba !
De retour chez Aziz, toujours en compagnie de Boujemaa, nous sommes accueillis par le copieux et réconfortant couscous du vendredi ! Encore deux ou trois choses à préparer côté boulot ce soir, avant de souffler un bon coup demain…
Jour 140 - Oasis Tighmert
Samedi 16 février 2013 - 0 kms - Post n° 140
Barth : Journée tourisme et repos aujourd'hui ! Pour commencer, nous quittons la maison en compagnie d'Aziz et Boujemaa pour un petit tour au souk des dromadaires. Nous arrivons un peu tard mais il reste encore quelques bêtes à admirer. Ensuite, direction le café Ali Baba pour attendre le bus qui nous emmène à l'oasis Tighmert. Le temps d'acheter de quoi faire un tajine là-bas, de faire l'expérience des ravages de l'alcoolémie matinale chez un client qui me descend mon café d'une traite en braillant à tue-tête pour venir s'excuser juste après… Le temps aussi de louper deux fois le bus pour finir par se rabattre sur un taxi !..
Le temps marocain, le temps du sud, c'est ce qui nous attend dans l'oasis où nous posons directement le camp sous la tente d'un bédouin, une connaissance d'Aziz. Aboubaker est seul et a l'air d'avoir passé l'après-midi à surveiller les avances infructueuses d'un jeune âne à l'égard de son ânesse… Pendant que Boujemaa prend en charge la préparation d'un premier tajine, nous buvons le thé en discutant avec notre hôte grâce à Aziz notre interprète. Il nous parle de l'ancien temps où les caravanes circulaient librement dans tout le nord de l'Afrique, et de la création des états, des frontières, de l'arrivée de la modernité, de la sêcheresse qui poussent les bédouins à se sédentariser et à remonter toujours plus au nord pour troquer leur bétail contre des denrées nécessaires à leur survie… L'époque n'est pas facile depuis plus d'un siècle maintenant, mais c'est la volonté de Dieu nous dit Aboubaker.
Le soleil est tombé trop vite pour pouvoir visiter l'oasis ce soir… Qu'à cela ne tienne, quelques thés et la préparation d'un deuxième tajine occupent le début de soirée. Et c'est le deuxième service ! Mêmes ingrédients mais nouvelle recette… Nous avons changé d'espace temps ce soir, changé de monde. Pas de vélos, pas de questions, pas de prix, pas d'ordi, juste un tajine, du thé, des palmiers, des étoiles, des amis et la prodigieuse répartie de cet âne qui nous fait bien rire tous les quarts d'heure..!
Fanch : C'est le W.E. On décide de se laisser aller au rythme d'Aziz et de son cousin Boujemaa. Première destination, le marcher du dromadaire sur la route de Tan Tan, le plus grand du Maroc parait-il. J'imagine un marché habillé de bousculades et de poussière où les voix des nomades, ventant les qualités de leurs bestiaux, s'élèvent au-dessus de la foule. J'imagine un salon de l'agriculture, sans petits-fours ni cravates mais avec du sable et des bédouins.
Le spectacle n'est pas aussi extraordinaire que cela. Une dizaine de dromadaires attendent fièrement que quelqu'un s'intéresse à leur cas, pas de cravates certes mais pas énormément d'ambiance, c'est plutôt calme. Apparemment, nous avons trop tardé, la fête, c'était plus tôt, tout le monde est rentré. Deuxième destination… Non, il faut acheter de quoi manger pour le tajine de ce midi (il est déjà 14 heures) et de ce soir.
Deuxième destination… Ah non pardon, on se pose un peu pour prendre un thé et pour rencontrer Saïd le marocain bourré qui a déclenché un scandale après avoir bu d'un trait le café noir de Barth. Deuxième destination… Promis, après j’arrête mais on vient de louper le bus, on commande donc un autre thé ce qui nous fait louper le deuxième bus… Bon
Deuxième destination (en taxi collectif), l'Oasis Tighmert, la dernière avant plusieurs milliers de kilomètres de désert. Aziz a un plan derrière la tête (en fait, il nous en a parlé bien avant mais avec plein de inch'allah, donc je n'y avais que moyennement cru) et il nous guide directement à la tente d'Aboubaker qui nous accueille chaleureusement dans sa demeure de toile. Nous changeons alors d'espace temps. Aziz traduit les paroles d'Aboubaker qui nous fait découvrir son monde, Boujemaa prépare tranquillement la braise du tajine et nous sirotons notre thé liquoreux, les oreilles et le cœur grands ouvert, honorés de vivre ces instants en leur compagnie. Nous dormirons sous la tente du bédouin en présence de notre ami Aziz et d'un homme issu d'un peuple voyageur dont la survie dépend d'un mode de vie nomade.
Jour 141 - Oasis Tighmert
Dimanche 17 février 2013 - 0 kms - Post n° 141
Fanch : Je me réveille en douceur et c'est déjà l'heure du troc. Aboubaker extrait d'une malle son trésor en nous expliquant soigneusement l'utilité et le mode de fabrication de chacun des objets. Amulette en cuir de hyène, bijoux d'ambre et d'améthyste, tapis, et autres chefs d’œuvres d'artisanat nous sont déballés. Mais il y a ici deux choses qui nous intéressent particulièrement, un flacon d'huile de cate et quelques dés de musc. L'huile de cate est épaisse, noire et dégage une forte odeur sensiblement similaire à celle du goudron, quelques micros gouttes à chaque coin de la tente suffisent à écarter les petites bestioles avec lesquelles je ne préfère pas fricoter (scorpions, serpents et autres insectes et arachnides). Le musc, est un mélange de graisse animale (dromadaire + gazelle) et de plantes, je n'en sais pas plus. Ça sent bon mais surtout, c'est un anti-moustique efficace et naturel. J'opte aussi pour changer de chech, je traîne le mien depuis trop longtemps et les quelques poils s'évertuant encore à pousser sur les cotés de mon crâne ont fini par l'user.
Ok, à défaut d'avoir quelque chose d'utile à lui proposer, on troc tout cela contre un billet jaune. C'est une somme non négligeable mais je préfère acheter double ici que simple chez un commerçant lambda d'une ruelle touristique. Enfin, après un énième thé, nous saluons Aboubaker pour une ballade au cœur de l'oasis toujours en compagnie d'Aziz et de son cousin Boujemaa.
De retour à Guelmim, l'heure est au nettoyage et graissage de nos vélos, on bricole jusqu'à la tombée de la nuit. J'ai quelques soucis avec ma chaîne, mais c'est l'heure de manger, je verrai tout cela demain.
Barth : Une série de thés en guise de petit déjeuner, quelques achats dans la malle aux trésors de notre ami Aboubaker, et nous voilà partis pour une promenade à travers l'oasis… La faim et la soif ne nous permettent pas de nous attarder dans les dix kilomètres de palmeraie et nous regagnons vite le goudron pour attendre un taxi.
En passant plus de temps avec Aziz et Boujemaa, nous commençons à en savoir un peu plus sur eux. Aziz, en plus de descendre de temps à autre une voiture vers l'Afrique, travaille sur des chantiers de prospections minières ou pétrolières dans différents pays, mettant ainsi à profit sa formation de géologue. Il est également membre de l'association « Amnesty children » basée en suisse si j'ai bien compris. Boujemaa quant à lui, a exercé différents métiers aux Canaries avant de s'engager dans la protection de la lagune de Tarfaya, en offrant ses services de guide naturaliste aux touristes. C'est un homme de terrain, très pragmatique, amoureux et fin connaisseur de la faune et de la flore saharaouie, et pourvu d'un sens de l'humour caustique… La compagnie de ces deux compères nous fait oublier le temps et les contraintes de notre atelier pendant quelques heures.
De retour à Guelmim, après avoir calmé notre faim à grands coups de sardines grillées, nous rejoignons la petite boutique de réparation de vélos appartenant à Aziz pour une révision de nos bécanes plus que nécessaire ! Les freins serrés, la chaîne rutilante, nous faisons quelques courses pour la soirée avant de regagner la maison d'Aziz. Soirée détente, écriture, dérushage et discussion théologique avec notre ami, posés dans l'immensité de tapis et de coussins qui constitue le salon…
Jour 142 - Guelmim
Lundi 18 février 2013 - 0 kms - Post n° 142
Barth : Dernier jour à Guelmim, nous reprenons la route demain et devons finir les derniers préparatifs. Des nuages et un vent venant d'ouest font l'événement aujourd'hui. Il va peut-être pleuvoir ! L'ambiance est orageuse ce qui ajouté à la soirée interminable de la veille ne me donne pas beaucoup d'énergie…
Connexion internet, provisions de fruits secs et de farine d'orge pour la route, derniers réglages sur les vélos, aller-retours en centre ville… La journée passe vite avec une courte sieste en milieu d'après-midi.
J'ai l'impression que nous vivons ici depuis un mois ou deux. Aziz est comme un frère pour nous et c'est la première fois que nous passons autant de temps chez l'habitant au Maroc. J'espère vraiment qu'on se recroisera bientôt Aziz et que nous aurons de tes nouvelles ! La route nous appelle, le désert nous attend, on passe voir Boujemaa à Tarfaya et on se voit peut-être vers Dakhla si tu descends une voiture bientôt !
Le ciel a fini par crever avec la nuit. L'orage gronde et illumine l'horizon, il pleut sur Guelmim !
Fanch : C'est notre dernière journée ici, nous avions l'intention de quitter cette ville il y a trois jours déjà mais l'accueil d'Aziz nous a convaincu de rester. Nous profitons de la matinée pour établir le contact avec la France puis, de retour « à la maison » et après un copieux déjeuner (du poisson!) j'achève mon travail d'hier (remise en état du vélo) avec l'aide d'Aziz et d'une quinzaine de mômes du quartier toujours prêts à rendre service. Barth fait de même mais semble moins en difficulté… Enfin bref, comme on dit: « ça c'est fait! »
Aziz nous a briefé pour appréhender au mieux la route qui longe le Sahara durant ces cinq derniers jours. Nous finissons la journée par quelques courses alimentaires, dattes, amandes, soupes lyophilisées, 1kg de farine d'orge… Tout ce qu'il faut pour être autonomes en nourriture un bon moment. Tout semble prêt, le départ c'est pour demain.
Ce soir c'est un orage étrangement silencieux qui s'abat sur la plaine. Le point de vue est fantastique. Il ne pleut toujours pas mais les oiseaux s'affolent. Il arrive. Les grognements du ciel se font entendre, de plus en plus forts, la salle des invités est régulièrement inondée d'une lumière bleue, dehors le vent se lève, et les quelques palmiers fraîchement plantés le long du goudron s'agitent… Il est 1h35 du matin… La pluie est enfin de retour.
Jour 143 - Route de Tan Tan
Mardi 19 février 2013 - 50 kms - Post n° 143
Fanch : Nous comptions prendre la route à 9h ce matin, il est midi quand nous saluons une dernière fois notre hôte. Aziz, ce fut un réel honneur de passer ces cinq derniers jours en ta compagnie, merci pour tes conseils, pour tes services, pour ta patience, pour le tour en mobylette, pour la laborieuse réparation de ma chaîne de vélo, pour la rencontre d'Aboubaker, etc… A partir de maintenant, ces instants sont classés dans le dossier « Beaux souvenirs » et comme je te l'ai dis, avec ou sans photo ton visage restera gravé dans ma mémoire.
Et nous voilà repartis sous un ciel chargé et menaçant. Le vent, ce cher vent nous bouscule par la droite quand il n'est pas de face. Il devrait tourner nord demain. Nous essuyons même une franche averse qui fait rejaillir les quelques souvenirs humides de notre premier mois d'échappée. Il fait frais, presque froid alors que nous pénétrons le désert.
Un autre monde, plus hostile, plus sauvage, enfin. L'espace. Quelques restes de l'Anti-Atlas s'élèvent à droite comme à gauche. Des montagnes aux pentes douces, nues, sèches, brunes courbent l'horizon. Le sol fume, le sable rouge danse follement vers l'Est. Il n'y a rien au creux des hautes collines excepté une étroite bande de goudron où foncent à tout barzing des dizaines de poids lourds. Pas de dunes, non, ce n'est que la lisière du Sahara, plus tard certainement, juste de l'espace où se perdent mes pensées. Des bâtiments en vue, c'est peut être un point de chute (j’espère), notre repas aussi. Oui !
Une omelette chacun, le temps de faire connaissance avec Ali, le gardien de nuit du petit resto. Il nous propose le gîte pour la nuit, j'avais repéré un petit porche juste là dehors mais bien sûr, nous acceptons son invitation. Ali n'est pas du genre causant mais sa bonhomie naturelle en dit long…
Nous ne tardons pas à enfiler nos sacs de couchages et entamons respectivement notre rédaction quotidienne. Quelques dizaines de minutes plus tard, Ali nous apporte le thé, suivi d'un un tajine poulet! Au lit!!! C'est juste incroyable… Même au Maroc !
Barth : Impossible de se lever ce matin, sans doute l'orage de la veille qui nous a détendu mais je soupçonne une envie inconsciente de prolonger encore un peu notre séjour chez Aziz. Ça tombe bien, une grosse averse retarde un peu notre départ… En fin de matinée donc, Aziz nous accompagne jusqu'à la sortie de la ville et nous prenons un dernier thé ensemble à la station service. Le temps de voir Aziz disparaître sur sa mobylette et nous nous élançons sur la route de Tan-Tan.
Le ciel est toujours chargé, il fait frais et le vent de nord-ouest ne nous aide pas vraiment. Nous essuyons une bonne averse, un grain qui me rappelle la Bretagne, avant de trouver un coin abrité du vent pour pique-niquer.
La circulation est dense sur cette petite route reliant le maghreb à l'Afrique, et si deux camions se croisent à notre hauteur il faut s'agripper à la barre pour ne pas verser sur le bas-côté. Une voiture nous double à pleine vitesse et une fille nous fait de grands signes à la fenêtre… Nous pensons tous deux que c'était Camille que nous avions rencontré à Rabat. Nous en saurons plus à notre prochaine connexion…
Cinquante kilomètres dans les pattes, le soleil se couchant et le froid nous surprenant, nous arrivons au premier café routier croisé depuis Guelmim. Nous y trouvons Ali, 57 ans, gardien de nuit dans l'établissement. Il nous sert une omelette et du thé et quand nous lui demandons si nous pouvons planter les tentes pas loin, il nous dit que non, nous dormons ici, chez lui, dans un recoin de la salle de restaurant muni d'un tapis. Nous nous installons donc en assistant au défilé des routiers qui passent boire un thé en quelques minutes ou faire leur prière sur le petit tapis prévu à cet effet. Ali a déjà hébergé un français en vélo couché il y a plus d'un an. Nous voyons peut-être de qui il s'agit. Que de choses à vérifier sur la toile ! En attendant il faut dormir car la route va être physique demain, entre les derniers kilomètres de grimpette et le vent qui nous pousse vers le sud quand nous filons plein ouest…
Ah bah non, en fait l'omelette n'était pas le dîner, Ali vient de nous apporter un tajine de poulet auquel il va falloir faire honneur ! Nous sommes ses invités maintenant, plus ses clients comme tout à l'heure…
Jour 144 - Rass Oumlit, route de Tan Tan
Mercredi 20 février 2013 - 60 kms - Post n° 144
Barth : Le passage des routiers venant boire un thé ou faire une sieste sur notre tapis ne m'ont pas empêcher de dormir d'une traite. L'air de la montagne sans doute ! Petit déjeuner, rangement des affaires et thé d'adieu avec notre hôte Ali qui nous apprend qu'il était boulanger à Guelmim avant, et nous voilà repartis parmi les camping-cars, poids lourds et Land-rovers qui se partagent le ruban de bîtume menant vers l'Afrique. Le plafond est bas et le vent du Nord n'est pas chaud quand un des imposants cumulus masque le soleil.
Nous buvons un thé et refaisons le plein d'eau dans le premier village croisé depuis Guelmim avant d'attaquer la quarantaine de kilomètres de montagne qu'il faut avaler pour franchir la chaîne de l'Anti-Atlas. Malgré le vent nous avançons bien et la pause haïku/déjeuner au sommet nous en met plein la vue ! D'un seul coup nous apercevons l'océan tout au fond d'un paysage désertique entaillé par le lit de l'oued Drâa et sur lequel les ombres des nuages glissent comme de l'eau. Au fond dans la poussière de l'horizon, se cache Tan-Tan, à une trentaine de kilomètres vers le couchant. Nous n'y serons pas ce soir et dévalons avec le vent dans le dos quelques kilomètres pour bivouaquer dans la vallée.
Une construction en ciment surélevée au milieu d'un oued asséché fera l'affaire. Les dessins aux murs témoignent du caractère squattable du lieu et au moins ici nous pouvons dormir à l'abri du vent…
Fanch : Ali nous offre un dernier thé, puis la route continue… On repart dans ce nouveau paysage, étrangement paisible malgré les vas et viens des semi-remorques incessants. Là, il faut grimper, encore un peu, allez, encore ! Ça y est ! Le désert se dévoile, une grandeur dorée. Les ombres des nuages poussées par le vent glissent sur les vallons. A partir de ce moment, jusqu’à la vallée du Drâa le décor dans lequel nous évoluons sera l'un des plus impressionnant depuis notre départ. On dit souvent que les fantasmes sont fait pour ne pas se réaliser, celui ci est tout simplement somptueux.
Un son saugrenu se fait entendre. J'ai dans un premier temps du mal à le localiser. Il résonne étrangement le long d'une droite parallèle à notre route. Après quelques secondes je comprend qu'il provient des lignes à haute tension. L’occasion est trop belle pour la laisser filer et même si le pylône le plus proche nécessite un peu de marche et de grimpette à travers un champ de pierre, nous décidons de faire halte ici pour sortir le matos audiovisuel. Je m’approche des câble et ne comprends toujours pas quel est le phénomène physique à l'origine de ce son de fouet. C'est flippant, ça claque, siffle, file à toute allure et résonne sur des kilomètres, je ne pige pas d’où ça vient, ça restera un mystère.
Jour 145 - Vallée du Drâa
Jeudi 21 février 2013 - 30 kms - Post n° 145
Fanch : Les moustiques ont gâché ma nuit. Le réveil sonne une première fois à 7h30, une deuxième à 8h00. 8h30, je suis toujours couché, rattrapant mon sommeil en retard. Heureusement, Barth s'active à coté de moi ce qui me fait suffisamment culpabiliser pour m’extraire du lit. J'ai le cerveau engourdi, notre petit déjeuner est pauvre, farine d'orge, eau chaude, un peu de sel et d'huile… Je pense que l'on a foiré la recette, mais le cadre vaut les maux de ventre.
On se motive, c'est l'heure du checkpoint 003, petit retour en arrière et résumé des quinze derniers jours de route. L'occasion aussi de se poser de nouvelles questions sur le fonctionnement de l'atelier et tout et tout. Du lourd pour un matin pas très en forme.
Des questions se posent donc, c'est plutôt bon signe car elles sont synonyme d'évolution et interviennent bien souvent en post-production. Il en découle des réponses qui se métamorphosent de temps à autre en idées plus ou moins réalisables. Disons que le chemin se dessine sous nos pieds… Sous nos roues.
Et ça continue, il est minuit passé, nous sommes 30 kilomètres plus tard, dans un petit hôtel à Tan Tan, la discussion continue alors que Barth enchaîne sur le montage du checkpoint… Après s'en être pris plein la figure avec ces nouveaux paysages, nos neurones sont bel et bien actifs ! Wahou !
Barth : Quelques moustiques, mais rien de plus à signaler durant la nuit. Petit déjeuner à base de farine d'orge gonflée à l'eau chaude selon les recommandations d'Aziz, pas très concluant, à perfectionner… Nous prenons ensuite le temps d'enregistrer un nouveau check-point avant de reprendre la route. Les vingt-cinq kilomètres qui nous séparent de Tan-Tan sont vite avalés, entrecoupés par deux contrôle de gendarmerie, un sur l'oued Drâa et l'autre à l'entrée de Tan Tan. Rien de bien méchant, mais je sens qu'il va falloir se faire à l'idée que nous ne pourrons plus nous contenter d'un sourire et d'un salut de la main en croisant ce genre de dispositif. Nous sommes dans le Sahara occidental, la région reste instable et donc très contrôlée par les autorités…
Tan Tan est une ville moyenne posée au pied d'une immense falaise au-delà de laquelle nous ne pouvons rien voir. Depuis que nous avons quitté Guelmim, j'entretiens une sensation étrange de dépaysement et de d'interrogation. Je ne m'attendais pas à trouver les caravanes de dromadaires de l'ancien temps, mais la traversée de ces paysages grandioses où l'asphalte et les lignes à haute tension croisent les vestiges de vallées autrefois verdoyantes qui ne sont que champs de caillasses aujourd'hui, me laisse perplexe. A Tan Tan comme dans toutes les villes que nous avons croisé depuis notre départ de France, la modernité occidentale et mondialisée est toujours là. Si les frontières politiques sont toujours là, les frontières sociales et culturelles me semblent bien plus marquées entre villes et campagnes, ce quel que soit le pays… Mais peut-être que ce sentiment est-il accentué par le climat vraiment doux dans lequel nous abordons le Sahara.
Nous mettons un peu de temps à trouver un petit hôtel pas cher et non complet pour finir par décharger nos affaires au « Sahara », avec l'aide insupportable d'un marocain imbibé d'alcool qui braille tout le temps. Le temps de laver mon corps collant et un peu de linge et me voilà devant l'ordi pour bosser sur le check-point et les derniers haïkus. Vous ne m'en voudrez donc pas si je ne suis pas très bavard ces prochains jours, l'ordinateur n'inspire pas vraiment ma prose…
Jour 146 - Tan Tan, rue marchande
Vendredi 22 février 2013 - 0 kms - Post n° 146
Barth : On est plutôt bien installé à l'hôtel Sahara. Le quartier regorge de crèmeries, d'épiceries, de snacks avec au choix bissaras, yahourts frais, pain et hamlou (délicieuse pâte à base d'huile, de sucre et de cacahuète, le nutella marocain en gros), jus d'oranges… Bref de quoi faire en sorte que la pause boulot nous permette de faire le plein d'énergie et de vitamines pour la suite !
Le nombre de bistrots dans ce quartier est également impressionnant, et le nombre de personnages imbibés d'alcool ou shooté à la colle l'est aussi. Nous sommes au coeur de la ville, au carrefour des routes du désert, où tous les trafics qui lient le Nord à l'Afrique sont en jeu, et la faune y est haute en couleurs…
La connexion du cyber à côté de l'hôtel est parfaite, j'ai pu mettre en ligne les derniers haïkus et on devrait pouvoir être au rendez-vous sur skype demain soir avec Linux Quimper. C'est Fanch qui orchestre ça, moi je suis dans le montage du troisième check-point jusqu'au cou aujourd'hui.
La méthode s'affine un peu, mais on peut encore perfectionner le protocole, particulièrement en ajoutant une caméra au tournage pour pouvoir faire plus de coupes au montage. Plus ça va et plus les processus de travail se précisent et deviennent efficaces ce qui devrait nous faire gagner du temps bientôt. C'est long de mettre en place un atelier de création mobile et les deux années de préparation n'ont pas pu remplacer l'expérience de la situation réelle et toutes les nouvelles questions que ça pose… Geocyclab c'est vraiment pas trois ans de vacances, mais je préfères travailler en changeant de paysage et de bureau chaque jour !
Fanch : Quatre raisons me poussent à écrire l'article suivant. Premièrement, j'ai un peu de temps. Deuxièmement, plus nous avançons en terre inconnue plus je prends conscience de la variété des sons qui composent notre environnement. Troisièmement, j'ai entamé la lecture d'un petit essai écrit par Luigi Russolo en 1913, « L'art des bruits ». Et enfin, avec Barth, nous échangeons souvent nos idées au sujet de l'image, de l'audio et des différentes passerelles qui relient ces deux univers. Tout cela combiné réveille quelques réflexions sur lesquelles je ne m'étais pas penché depuis longtemps.
Tan Tan, début d'après midi. Je marche dans la rue à la recherche de matos (que je ne trouve pas) mais j'écoute aussi ce flux continu de sons qui s'agencent dans le temps et l'espace et qui échappe à la maîtrise humaine. La ville est un instrument de musique joué par une multitude de femmes et d'hommes qui n'en n'ont certainement pas conscience. D'un certain point de vue (point d'écoute serait mieux approprié) c'est une composition parfaite qui raconte un quotidien collectif tout en intégrant l'individu, de ce fait, mille histoires coexistent à l’intérieur d'une même unité d'écoute. Chacun joue un rôle bien précis, chacun a son chorus, son petit moment de gloire et quand on y fait attention tout s'enchaîne presque parfaitement.
Vendredi, c'est la grande prière, l'imam psalmodie les versets du texte sacré, un taxi démarre lors d'une respiration, puis trois coups de klaxon retentissent, trois aboiements y répondent. A ce moment, je passe devant une boutique dont la radio se synchronise harmoniquement avec le chant du minaret. Une parabole de démonstration tombe de son présentoir sonnant comme un gong déformé. Tout d'un coup, le temps d'une seconde un silence se fige comme pour signaler la fin d'un mouvement. Mais une voiture aux fenêtres grandes ouvertes s’approche et de l'habitacle sort une mélodie pop-berbère qui s'efface progressivement laissant traîner derrière elle quelques boum-boum sourds qui ne perturbent en rien le chant enjoué des piafs… Etc…
Alors voilà, quelle est la différence ente le bruit et la musique. Ah ! Grande question ! Un ami m'avait donné sa propre définition de la musique: « elle est un agencement de sons et de bruits désirés, contrôlés et agencés par une conscience humaine ». Aujourd'hui (on verra demain si je suis toujours du même avis) je rajoute que peu importe le timbre et la qualité de ce qui parvient à nos oreilles, le bruit c'est ce que l'on entend, la musique ce que l'on écoute et l'agencement des sons se fait par l'auditeur, la musique se créé en sélectionnant mentalement les ondes qui racontent une histoire.
Je ne sais pas si ce carnet est le lieu idéal pour poser ce genre de réflexion. C'est une pensée propre que j’expose là, comme ça. Mais peut-être que ces lignes résonneront pour certain d'entre vous, j'imagine aussi que d'autres se demanderont quel est le sens de tout cela… Pfff, tu parles d'un carnet de bord… mais peu importe, je me dis juste que c'est ainsi que je voyage… en écoutant. Alors, demain viendra la suite…
Jour 147 - Tan Tan
Samedi 23 février 2013 - 0 kms - Post n° 147
Fanch : On met en ligne le checkpoint 003. 13h00, par un étrange mystère, cela fonctionne du premier coup, une bonne chose de faite. Le RDV est pris en début de soirée avec Linux Quimper pour une petite visio-conférence en direct de Tan Tan. Tout cela me laisse un peu de temps pour me balader (toujours à la recherche de materiel que je ne trouve pas) et j'en profite pour cogiter sur mes pensées du moment.
Alors pardonnez moi mais je continue sur ma lancée d'hier…
Je remarque différentes catégories de sons. Spontanément, j'en compte quatre. C'est d'ailleurs ces 150 premiers kilomètres de désert qui m'ont fait réaliser à quel point elles sont distinctes les unes des autres. (Entre nous, je n'ai pas l'habitude de mettre les choses dans de petites boites mais le fait de classifier m'aide dans ce cas précis à y voir un peu plus clair).
1. Les sons en provenance des éléments naturels. Le vent dans les branches de palmiers, l'océan et ses caprices, l'eau du ruisseau, l'orage, la pluie tombant sur un plan d'eau, les secousses sismiques, le grincement de la banquise, le silence de la neige… Il y en à encore d'autres mais j'ai presque envie de dire que cette catégorie est pauvre en variations, elle comporte généralement des événements sonores simples à identifier et nos oreilles s'y sont habituées. Mais de temps en temps, l'air, la terre, l'eau ou le feu se rencontrent et par un heureux hasard il se produit un phénomène acoustique extraordinaire, c'est là bien sûr que les choses deviennent intéressantes.
2. Les voix, chants, sifflements, râles, stridulations… D'origines animale ou humaine qui permettent principalement aux espèces de communiquer. C'est un autre monde, que je ne connais que très peu mais qui semble immensément riche. Non seulement il y a autant de natures de sons différentes que d'espèces vivantes mais il y a une quantité infinie de modulations en fonction du message à transmettre.
3. Les sons issus de l'ère industrielle. En créant la machine, l’énergie thermique et électrique et l'automatisme, l'homme a aussi créé une nouvelle catégorie de son. Le métal rigide, froid et silencieux est aujourd'hui capable de hurler. L'air sous pression explose, le marteau-piqueur génère des infra-basses qui résonnent à des kilomètres à la ronde, les moteurs ronronnent et le son de la fraise du dentiste en fait pâlir plus d'un. Nous y pensons rarement, mais l'homme en se créant des outils a complètement modifié le paysage sonore. Effets secondaires de la modernité, les rythmiques mécaniques sont la plupart du temps décrites comme pollution sonore, comme si l'homme fantasmant le calme du jardin d’Éden, n'arrivait plus à assumer ses propres inventions.
4. Les sons de synthèse. Ils ont commencé à voir le jour avec la maîtrise de l'électricité (l’électronique) puis très vite, ils se sont développés grâce à l’informatique. C'est une nouvelle catégorie, à la fois abstraite et réelle. Ces sons naissent de calculs, de suites complexes de nombres. À la différence des trois autres catégories, ils sont issus d'une intention qui se traduit par un concept mathématique. C'est une révolution ! Ici, la nature du son elle même est agencée par l'humain et cela permet non seulement de générer des timbres nouveaux mais aussi de reproduire, de copier et d'augmenter la réalité. Quand on y pense, c'est fou !
Ce qui est fou surtout, et qui me rend fou, c'est qu'aujourd'hui les quatre catégories se mélangent et engendrent un nouveau genre sonore. Une jungle composée de plusieurs calques superposés. L'écouter peut s’avérer passionnant, l'entendre fatiguant. Alors j'ajoute qu'il faut être disponible, concentré pour pouvoir discerner la magie des interactions entre ces différentes catégories. Je pense même que l'on est mentalement capable de sélectionner les événements sonores qui nous intéressent et de les ramener au premier plan, aussi, de faire abstraction des bruits qui ne nous intéressent pas. On se créé de cette façon une musique intime liée à notre propre sensibilité. Cette subjectivité est impossible à retransmettre puisque c'est un moment vécu dans une unité de lieu et de temps. L'enregistrement, même s'il est techniquement irréprochable, n'est qu'un aperçu de ce qui fut une réalité et se transforme souvent en souvenir à partager. Alors, pour qu'une captation sonore aie un sens, une profondeur, il faut lui apporter autre chose.
Tout ça pour dire que je pense beaucoup en faisant du vélo, ou pas…
La liaison Gouesnac'h - Tan Tan s'est bien déroulée, il y avait des problèmes techniques mais nous étions ravis de participer à cet événement à 4000 bornes de notre position géographique. Merci à Linux Quimper d'avoir organisé ce petit RDV.
Barth : Dur de se lever tôt après avoir bossé jusque trois heures du matin pour boucler le montage… Et il faut encore réussir à mettre en ligne les 500 Mo pour que je puisse enfin souffler. Le cyber de la veille est fermé, il faut donc en trouver un autre. Une fois connecté l'ordinateur, il faut nous relayer à son chevet pendant quelques heures en touchant du bois pour que la connexion ne saute pas ou que le cyber ne ferme pas… J'en profite pour passer quelques coups de fil en France et prendre un peu le soleil qui se cache derrières les nombreux nuages balayés par le vent.
Finalement le chargement est bien passé, dans les temps, ce qui nous a permis de déjeuner tranquilles et pour ma part d'écraser en début d'après-midi pour une bonne sieste. Ça c'est fait ! Reste a ne pas louper le rendez-vous de ce soir avec « Linux Quimper » et donc à venir avant pour quelques tests de connexion. En fin d'après-midi, nous voici donc de nouveau connectés dans l'attente que les choses s'installent à Gouesnac'h. Un des routeurs a cramé chez eux, ça nous laisse le temps d'avaler un bissara…
La connexion est établie vers 21h. Notre image est vidéo-projetée à Gouesnac'h mais nous n'avons pas de retour image. Nous parlons un peu de Geocyclab au petit public rassemblé, avant la projection des haïkus et du dernier CheckPoint. Malgré la connexion un peu faible et ma fatigue un peu prononcée ce soir, l'expérience était chouette et on remettra ça avec plaisir ! De retour à l'hôtel, un film vient marquer la fin du boulot. Demain on prend le temps de voir Tan Tan un peu plus en profondeur avant de reprendre la route lundi sûrement…
Jour 148 - Tan Tan
Dimanche 24 février 2013 - 0 kms - Post n° 148
Barth : Journée repos aujourd'hui… Mais c'est souvent quand on s'arrête de bosser que la discussion se creuse et que les nouvelles idées arrivent ! En déjeunant ce midi, nous reparlions des prochaines créations en vue et du matériel à trouver ici avant de partir. De fil en aiguille, on en vient à parler des objets libres et systèmes D pour nous rendre compte que nous sommes sans doute trop focalisés sur ce que nous avons défini théoriquement avant de partir. Ce filtre de critères nous empêche de nous concentrer sur tous ces objets qui rythmes notre quotidien, et qui mêmes s'il ne paraissent pas spécialement « libres », cachent une histoire, une réalité plus large… Décision est donc prise de nous intéresser d'abord aux objets qui nous interpellent avant de savoir s'il sont libres ou non.
C'est le cas par exemple de ces gobelets de plastique ou de fer blanc qui accompagnent presque systématiquement la présence d'un point d'eau (lavabo, citerne, bidon…) Ainsi chacun peut s'abreuver en utilisant ce gobelet commun pour éviter le gaspillage lié à la méthode manuelle. Mettons de côté les questions sanitaires que ça peut engendrer, on est au Maroc. Ces gobelets donc, semblent appartenir au lavabo ou au bidon auquel ils sont attachés. N'y a-t-il pas là une forme d'économie « libre », un ancêtre du « Creative Commons » selon lequel chacun peut utiliser ce gobelet à la seule condition de ne pas se l'approprier…
La série « objets libres » est donc sur le point de s'enclencher. Nous voilà donc partis en promenade dans les rues de Tan Tan, en quêtes « d'objets bavards » et de la liste de matériel pour les futures créations. La ville me paraît plus vaste que je l'avais imaginé. Une des activités principale est la réparation automobile et la vente de carburant détaxé. Et les boutiques de denrées alimentaires sont nombreuses et variées, Tan Tan vit au rythme du passage des voyageurs motorisés en route vers le sud…
La fin de journée passe vite entre les dernières courses, un peu de web, le rangement des affaires et Fanch qui fait des trous dans une théière pour faire du son. Demain départ le plus tôt possible en direction de Tan Tan plage, notre point de rendez-vous avec l'océan à 25 kms…
Fanch : Les réflexes qui se sont mis en place depuis le départ modifient notre manière d'observer notre environnement. Et oui, quand on se ballade dans Tan Tan avec un appareil photo/caméra, un enregistreur audio et une intention de capturer un « fragment de la ville » (pour en faire un haïku par exemple), cela nous force à être attentifs. Autre chose, ces petits objets que nous collectionnons (dont vous pouvez apercevoir les vignettes sur chacun de nos articles) sont ramassés quotidiennement. Ce travail « laborieux » nous pousse à scruter attentivement le sol qui souvent raconte ce que les hommes ne disent pas. C'est fou ce que l'on peut apprendre en regardant à 50 centimètres devant ses pieds! Et puis il y a les « objets libres » qui attendent toujours que l'on s'intéressent un peu plus à leur sort, qu'ils se détrompent, on parle d'eux d'avantage. Nous savons qu'ils ont aussi des choses à nous apprendre sur la culture dont ils sont issus et nous avons de plus en plus de temps pour les écouter.
Enfin bref… C'est plus fort que nous, les recherches continuent même si nous nous étions mis d'accord pour un dimanche comme les autres, un dimanche repos.
Jour 149 - El Ouatia
Lundi 25 février 2013 - 65 kms - Post n° 149
Fanch : Nous venons de joindre l'océan et roulons à présent sur une presque route plate, direction Ouest-Sud-Ouest. Le vent de Nord souffle modérément, l'air est sec, il fait chaud mais pas trop. Belles conditions. L'Atlantique est sur notre droite, à gauche défile un paysage aride où la rare et téméraire végétation qui pousse ne dépasse guère trente centimètres de hauteur. Mais grâce à la dernière pluie, quelques fleurs de bas coté exhibent leurs couleurs et tentent de séduire les routiers. On aperçoit au loin l'Anti-Atlas qui s'efface progressivement dans un nuage de poussière rougeâtre.
Nous sommes à 65 bornes de notre point de départ, sur L'Oued Chbeika, un petit coin de paradis. Allez! Une petit photo pour… Merde l’appareil il est… Merde (là j’enchaîne avec beaucoup d'autres gros-mots)! Je l'ai oublié au bord de la route lors de notre dernière pause, à 30 bornes d'ici…(encore des gros mots)! Il y a des moments vraiment où je m’insupporte!
Ok, on gare les vélos un peu plus loin, dans un troupeau de campings-cars, c'est pas grave, ça ne nous empêchera pas de dormir. J'enfile un pantalon, abandonne Barth pour tendre mon pouce au bord de la route. Je ne pense pas le retrouver mais si je ne tente rien je vais vraiment m'en vouloir. Un camion s’arrête, hop, je grimpe dans la cabine, le chauffeur a l'air sympa mais je ne comprend rien à ce qu'il me raconte, je n'arrive pas à me concentrer. Enfin bref, on rembobine en accéléré et j'arrive à quelques pas de l'oubli. Je remercie sincèrement mon chauffeur qui n'a pas du me trouver très causant et marche d'un pas désespéré vers le lieu de cette fameuse pause. Ouf, il est encore là… Vraiment je n'y croyais plus. Alors, après m'être assuré d'être seul je pousse un franc cri d'allégresse puis fait demi-tour pour tendre mon pouce à nouveau. Une heure trente plus tard, le soleil s'est noyé dans l'océan, il fait presque nuit et personne ne daigne s'intéresser à mon sort. « Quand on a pas de tête on a des jambes ». Je déteste ce dicton surtout quand il faut marcher trente bornes, de nuit dans le désert, pour rejoindre le campement. Mes hurlements de joie se transforment en râles d'inquiétude. J'ai marché 8 bornes environ et je me retrouve au milieu de nul part. (Gros-mots).
Finalement un semi-remorque s’arrête enfin. Je n'ai qu'une chose à dire, « vivement demain ».
Barth : Après trois jours de boulot aux soirées prolongées, difficile d'être très matinal. Nous décollons de Tan Tan en milieu de matinée sous un ciel bleu avec peu de vent. Juste avant de partir Fanch contact Boujemaa, le cousin d'Aziz que nous avons rencontré à Guelmim, pour lui dire que nous serons vers chez lui le lendemain soir normalement. nous sommes donc attendus pour une visite de la lagune de Foum Agoutir !
Une fois que nous nous sommes hissés sur le plateau surplombant le lit de l'oued, la route se perd dans la poussière de l'horizon. Enfin du plat ! À l'infini..!
Malgré le vent qui ne nous aide pas encore tant que nous allons vers l'Ouest, nous ne tardons pas à rejoindre Tan Tan Plage, autrement appelé El Ouatia. Sorte de station balnéaire un peu à l'abandon où nous prendrons juste le temps d'avaler un tajine avant de poursuivre notre route… Pédaler me fait du bien après ces jours de pause devant l'ordinateur. Mon corps le réclamait et cette route plate, où il est possible de maintenir une cadence régulière entre 20 et 25 km/h, me ravit. Pour fêter ça je sors les écouteurs et enchaîne trente kilomètres avec du Pink Floyd dans les oreilles… Le pied !
Nous atteignons l'objectif de la journée avec une soixantaine de kilomètres dans les pattes. Il s'agit de l'embouchure d'un oued où les dunes de sables retiennent l'eau en plusieurs étangs. Paysage somptueux mais habité par une tribu de camping-carristes pour changer !
Fanch vient de se rendre compte qu'il a oublié le petit appareil photo à la sortie Tan Tan Plage. Le voilà reparti, en stop, pour un aller-retour de trente kilomètres… Je reste seul avec les affaires et j'ai le temps de bien m'installer e de préparer le repas avant de voir revenir mon comparse à la tombée du jour, appareil photo à la main, alors que la pleine lune se lève à l'horizon. Il fait un peu frais ce soir et la fatigue de la reprise du pédalage se fait sentir, harira en sachet, pain, thé, et au lit sans cérémonie.
Jour 150 - Route de Tarfaya
Mardi 26 février 2013 - 60 kms - Post n° 150
Barth : Après nous être fait offrir le café par une camping-carriste, nous sortons du lit de l'oued en commençant la journée par une bonne grimpette. Au sommet nous attendent un contrôle de gendarmerie, et une petite boutique pour refaire le plein d'eau. Le vent souffle en sens contraire de notre avancée, pas fort mais il nous ralenti tout de même. La route est plate à l'infini, on aperçoit l'océan sur notre droite caché sous la falaise qui borde la route à une centaine de mètres. Après 25 kms, une petite pause nous fera découvrir que la falaise est habitée par des pêcheurs, parmi lesquels Jimmy, un français de 62 ans qui vient depuis treize ans passer l'hiver à pêcher avec sa femme en camping-car. Loin de tout et surtout des autres camping-carristes agglomérés plus au Nord, il semble bien connaître les pêcheurs qui vivent toute l'année dans de minuscules cabanes avec un couteau, une théière et un verre, pour nourrir leurs familles qui vivent dans les villes du Nord.
Il faut pousser 15 kms de plus pour atteindre la double station service, où après avoir encore une fois montré nos passeports aux autorités nous avalons une omelette pour reprendre quelques forces.
Il reste vingt kilomètres et deux heures de soleil pour atteindre Sidi Akhfenir où vit Boujemaa. Nous arrivons pile à temps avant que la nuit ne tombe, et avant qu'un peintre n'ai totalement recouvert de blanc l'enseigne du « Café de France », lieu potentiel de notre rendez-vous.
Nous demandons au patron s'il connaît Boujemaa, et quelques minutes plus tard le voici, en costume de ville ! Il rentre d'une journée de réunion à Tarfaya pour l'association de protection de la lagune, et nous l'avons tiré de sa sieste. Malgré la fatigue que nous partageons tous les trois, nous passons une soirée à discuter après avoir avalé trois délicieux bars tachetés au grill…
Fanch : Le vent ne nous porte pas, non au contraire, il m'épuise. Le paysage s'aplanit de plus en plus. Il est à ce point plat que les silhouettes des lointains semi-remorques ressemblent à des immeubles immobiles qui se reflètent dans un mirage. C'est une eau qui ne mouille pas. Il n'y a plus d'élément de comparaison pour jauger les proportions.
De temps à autre, tout les vingt kilomètres, le plateau sur lequel nous roulons s’effondre vers une rivière stagnante. Puis il nous faut remonter pour joindre la mystérieuse monotonie du désert. Je sais que ce n'est qu'un aperçu de ce qui nous attend… Il nous reste un peu moins de deux milles kilomètres de route avant de revoir un arbre.
Sidi Akhfenir, petit village sur l'océan, étape de la Nationale 1. Aux villageois se mélangent routiers et pécheurs. C'est juste avant l'heure du dîner que Boujemaa nous rejoint (le cousin d'Aziz que nous avons eu la chance de rencontrer à Guelmim) au Café de France. Nous installons nos affaires chez lui avant de nous régaler avec un bar moucheter chacun.
On discute, on cause, on parle mais la journée d'aujourd'hui, l'air de la mer, le vent, les 60 bornes m'ont épuisé, je lutte contre le sommeil… Aller, bonne nuit!
Jour 151 - Dune rouge
Mercredi 27 février 2013 - 0 kms - Post n° 151
Fanch : Nous partons avec Boujemaa à la rencontre d'une dune un peu particulière. Ici on l'appelle la dune rouge car le sable dont elle se compose est saturé en oxyde de fer ce qui lui confère une couleur orangée. À l'inverse de beaucoup de ses semblables, elle ne se déplace pas (taux d’hydrométrie élevé). Mais ce qui m'intéresse par dessus tout, c'est que son sable chante. Un phénomène relativement rare que nous allons pouvoir capter, enfin si les conditions le permettent.
Les dunes se trouvent à 12 kms à l'Ouest de Sidi Akhfenir, nous nous y rendons en stop. Hop, on saute à l'arrière d'une vieille Jeep américaine, une Land Rover déglinguée. Allongé sur des sacs de pain sec, une bouteille de gaz entre les jambes, rien que le trajet en vaut le détour.
La friction des grains sable glissant sur la surface d'avalanche génère des grincements sourds. Je mets un peu de temps à comprendre comment les provoquer. Je pousse, tire, déplace des brassées de ce sable fin, j'en ai partout… D'après Boujemaa, les conditions ne sont pas idéales, mais avec un peu de persévérance, finalement les premiers couinements se font entendre, alors je deviens fou. Je tente d'enregistrer mais le vent souffle fort, fort, trop fort. Et il faut faire vite, le soleil est en fin de course et le stop de nuit c'est pas génial. Je décide donc de sortir mon hydrophone pour l'ensabler et tenter de prendre le son de l’intérieur. Ok, cool, ça fonctionne à peu près. Il n'y a pas de vent mais les frottement du sable contre la capsule génère un bruit indésirable, un pshhhhhh. Dommage. Les conditions de captation s'avèrent délicates, il faudrait rester trois jours au moins pour obtenir un semblant de ce que je cherche (même pas sûr) et je ne voudrais certainement pas imposer cela à Barth !
Enfin, je reste bien heureux d'avoir une fois dans vie, écouté un live du chant des dunes…
Barth : Boujemaa a une longueur d'avance sur nous ce matin. Direction le Café de France pour le petit déjeuner gratuit que nous a promis le patron à condition qu'on arrive avant 10h. Boujemaa nous y retrouve et nous allons ensuite tous trois dans le café d'un hôtel d'affaires disposant d'une connexion wifi. Sur le retour, courses pour le tajine de midi que nous mangeons à 15h ( ce qui ne va pas sans rappeler le double tajine de l'oasis de Tighmert lors de notre rencontre avec Boujemaa ), mais l'attente en vaut la peine ! Notre hôte maîtrise aussi bien le tajine de dromadaire que celui de poulet !
En fin d'après-midi donc, nous partons en stop pour les dunes rouges à dix kilomètres de là… Le soleil est déjà bas, une brise souffle, le décor est planté pour une séquence de cinéma. L'esprit du haïku est avec nous ! Tandis que je me régale de lumières mouvantes et dorées sur le sable, Fanch est tout à son affaire, à faire chanter les dunes, armé de son hydrophone. Au retour à la nuit tombante, nous sommes pris par un routier, ce qui nous donne l'occasion d'imaginer l'effet que ça fait de tomber sur deux vélos roulant à 20km/h quand on est perché à trois mètres de haut en frisant les 100km/h avec quelques tonnes de chargement… Ça fait froid dans le dos, d'autant que la route est vraiment moins large ici…
De retour au village, je passe un peu de temps sur internet avant de dîner le reste de tajine. Boujemaa est un étrange personnage… La cinquantaine entamée, il vit avec son frère, son oncle et son père, et la pièce qu'il occupe est un véritable capharnaüm de livres de naturalisme, d'appareils techno-optiques, lunette infra-rouge, assainisseur d'eau à UV, boussoles de l'armée allemande, talkies-walkies, nunchaku… Il est très cultivé, curieux de tout et semble être connu de tous ici. Sans être particulièrement bavard, il nous parle beaucoup de la nature d'ici et particulièrement de la lagune que nous irons visiter demain, et pour laquelle il passe beaucoup de temps à travailler pour l'association chargé de sa protection…
Jour 152 - Lagune de Naïla
Jeudi 28 février 2013 - 25 kms - Post n° 152
Barth : Objectif du jour, rejoindre la lagune pour y passer l'après-midi et y dormir ce soir. Vingt-cinq kilomètres vites parcourus avec un petit vent dans le dos et un paysage grandiose. Nous saluons la dune rouge de la veille avant de dépasser la dune blanche. Le ciel est immense et suit un parfait dégradé allant du bleu azur au-dessus de l'océan, jusqu'au bleu délavé qui recouvre le désert… L'horizon est de plus en plus plat et vide, nous sommes à moins de cent kilomètres de Tarfaya où nous mettrons le cap au sud.
Boujemaa nous rejoint en stop quelques minutes après notre arrivée. il nous conduit jusqu'à une construction en béton surplombant la lagune. c'est un observatoire où nous pouvons séjourné cette nuit. Fanch s'occupe de lancer la cuisson d'un tajine, Boujemaa va faire le tour des campings-cars parqués à l'entrée, et je sors l'appareil photo. La lagune est immense. Un lac d'eau salée qui se vide et se rempli au gré des marées, séparé de l'océan par un ruban de dunes blanches et servant de refuge à de nombreux oiseaux migrateurs. À part quelques goélands, nous ne verrons pas grand chose, c'est un peu décevant.. Mais le paysage est tout de même grandiose, la marée descendante laissant peu à peu apparaître des bancs de sable recouvert de plantes semi-aquatiques.
Une fois le ventre plein, la journée est déjà presque finie. Boujemaa nous quitte pour rentrer chez lui avant la nuit, nous le reverrons peut-être demain matin. Ah non ! Le revoilà, en compagnie du gardien de nuit de la lagune qui nous explique que nous ne pouvons pas dormir dans l'abri mais qu'on peut monter les tentes à dix mètres au-dessus… Bon, ok, tant pis… On monte le camp avec la tombée de la nuit. Un thé avec un peu de pain et de hamlou en guise de dîner, et au lit pour être d'attaque demain !
Fanch : Bon, nous sommes à la lagune de Naïla, une zone naturelle protégée et fréquentée par de nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs. C'est sur la route de Tarfaya, nous nous y sommes donc rendus avec nos fidèles montures. Boujemmaa lui, nous à rejoint en stop.
Pas de flamants roses, mais des cailloux qui résonnent. Décidément, la géologie de la région est étonnamment sonore, comme s'il fallait combler le silence du désert… Je vais tenter d'enregistrer ça demain matin, en espèrant que le vent se calme un peu. A suivre donc.
Jour 153 - Route de Tarfaya
Vendredi 1 mars 2013 - 55 kms - Post n° 153
Fanch : Pain-amlou avalé, je sors comme prévu l'enregistreur pour quelques tests de son en attendant que Barth émerge et fasse de même avec sa caméra. Ça tourne, les roches de sable sonnent, à chacune sa note. Des pierres qui résonnent et entonnent une mélodie calcaire, il ne faut rien de plus pour m'amuser sérieusement. Boujemaa arrive de Sidi Akhfenir en plein tournage. Nous finissons notre affaire et c'est l'heure des adieux.
Et là, il nous réclame de l'argent, « pour un ami » dit-il. Je lui laisse un billet, le cœur triste d'apprendre que nous n'avons pas le même concept d’amitié. Je ne vais pas pinailler pour quelques dirhams, mais je me demande maintenant si le flouze n'était pas sa principale motivation pour nous recevoir… Enfin bref, on est de nouveau sur la route et j'y pense.
Le paysage défile. Boujemaa nous avait indiqué un petit café pour un ravitaillement en eau à 25 kilomètres, il n'en est point. 16h00, la faim se fait sentir, nous faisons halte devant une bicoque de pêcheurs. Naturellement, Maelim et Barack, ses deux occupants nous invitent à prendre un thé accompagné d'une boite de sardines. On papote tranquillement à coup de grand gestes pour tenter de se comprendre.
Il y a dans un coin de la pièce une petite bouteille de gaz dont dont le raccord tuyau est surmonté d'une seringue. Le gaz sort tout en douceur par l'aiguille, il brûle subtilement imitant brillamment la flamme d'une chandelle. C'est une bougie libre… On s’arrête quelques bornes plus loin dans une petite cabane esseulée, entre la N1 fréquentée et la plage abandonnée. C'est parfait.
Barth : Avant de quitter la lagune, on prend le temps de réaliser la petite captation qui nous est venue à l'esprit hier après que Fanch ait remarqué que les pierres environnantes sonnent creux. Boujemaa nous rejoint pour un dernier au-revoir un peu gâché par une demande de pourboire… Business is business, on gardera quand même un bon souvenir de cet étrange olibrius !
On nous a indiqué un petit restaurant où nous pourrons faire le plein d'eau à environ 30kms… Le vent ne nous aide pas vraiment et à chaque cabane déformée par les mirages de l'horizon bouillant, l'espoir est reporté. Je n'arrive pas à pédaler aujourd'hui, les kilomètres me paraissent interminables, je ne trouve pas l'énergie des jours d'avant. Cinquante kilomètres au compteur, toujours pas de restau. On s'arrête pour une pause casse-croûte à l'ombre d'une petite baraque posée entre la route et l'océan. Elle est habitée par Barack et Maelim, deux pêcheurs qui nous ouvrent une boîte de sardines et nous coupent un oignon cru en nous servant le thé. C'est ça qui me manquait ! Nous ne traînons pas, juste le temps de photographier un chouette système D composé d'une seringue montée sur une bouteille de gaz qui produit une flamme jaune pour l'éclairage. Merci messieurs !
Cinq kilomètres plus loin nous tombons sur le fameux restaurant… nous faisons le plein d'eau et de pain et filons encore en avant pour trouver refuge dans une cabane de pêcheur non habitée. Nous remplissons presque totalement l'espace avec nos affaires mais nous à l'abri du vent, plutôt bien installés pour dîner, travailler un peu sur l'ordi, et dormir…
Jour 154 - Tarfaya
Samedi 2 mars 2013 - 25 kms - Post n° 154
Barth : Le vent souffle Sud-Ouest ce matin. Nous ne tardons pas à reprendre la route, les vingt-cinq kilomètres nous séparant de Tarfaya s'annoncent difficiles. Quand le vent souffle de la gauche de la route, dans les pays où on roule à droite, le fait de croiser un camion ressemble à une énorme baffe assaisonnée de sable ! Le vent est coupé d'un coup, ce qui déséquilibre et une demie-seconde plus tard il faut serrer les fesses pour traverser le tourbillon de turbulences qui suit l'engin… Bref, du sport extrême !
On finit par arriver à Tarfaya. Fatigués on échoue à la terrasse d'un café, le temps de reprendre nos esprit et de prendre la température des lieux. Tarfaya, ancien village de pêcheur est une ville aux larges rues balayées par le vent. Coincée entre le désert et l'océan, il y règne une ambiance de bout du monde, d'île océane…
Après avoir pris nos quartiers dans un petit hôtel, je me lave et me plonge dans l'ordinateur pour mettre à jour les dernière productions, pendant que Fanch file se connecter… Il revient avec deux mauvaises nouvelles. Le vent va souffler fort contre nous toute la semaine, et nos visas marocains vont expirer dans dix jours… Pour le vent, il se peut qu'on prolonge un peu le séjour à Tarfaya, ce qui nous permettra de bosser sur la mise en ligne de nos créations et reportages. Pour les visas, nous allons faire une demande de prolongation à Laayoune… Inch'Allah !
Ce soir c'est Fanch qui bosse sur l'ordi, j'en profite pour écrire un peu tout en lui enseignant les rudiments de Kdenlive, notre logiciel de montage sous Ubuntu. Nous avons trouvé un cyber performant et accueillant, un vendeur de bisarra, une faiseuse de m'semen et les habitants de Tarfaya sont accueillants et détendus… On est bien quoi !
Fanch : 25 bornes qui comptent triple. Un gros vent d'Ouest s'est levé ce matin alors que nous enchaînons nos derniers kilomètres dans cette direction avant de virer plein Sud. Tarfaya, nous voilà. Étrange ville balayée par les vents, ruelles ensablées, le plastique roule quand le sable tourbillonne. Au premier coup d’œil, nous sentons clairement que la présence militaire s’accroît au fur et à mesure que nous descendons.
Et puis c'est deux mauvaises nouvelles qui surviennent aujourd'hui. La première, le vent d'Ouest va virer plein sud et forcir avec des rafales à 80km/h et ce, une bonne partie de la semaine prochaine. Autant dire que pédaler dans ces conditions va s’avérer très sportif. La deuxième et là c'est plus emmerdant, dans 11 jours nous serons hors la loi si nous ne faisons pas de prolongation de séjour. Sachant qu'il nous reste un peu moins de milles borne à parcourir, ça risque d'être un peu juste. Je vais donc de ce pas me renseigner à la gendarmerie et après avoir été reçu poliment par un homme en arme, j'apprends que le service qui s'occupe de ce genre de d'affaire se trouve à Laayoune, à 100 bornes d'ici. 100 bornes en vélo avec ce vent c'est quatre jours de pédalage. A suivre.
Jour 155 - Zone en chantier, Tarfaya
Dimanche 3 mars 2013 - 0 kms - Post n° 155
Fanch : Au programme ce matin, montage vidéo, et oui je m'y colle aussi. C'est un exercice que j'ai déjà expérimenté mais il y a trop longtemps que je ne m'étais pas adonné à ce doux labeur. J’enchaîne sur les finitions d'un objet sonore pendant que Barth manipule minutieusement quelques brins d'html pour préparer notre site à recevoir les restitutions de nos derniers travaux. Puis je pars me balader, ou plutôt, fouiller le sol de Tarfaya à la recherche d'objets bien précis dont je veux pour l'instant pas dévoiler la nature. La pêche a été bonne, je rentre au petit hôtel retrouver Barth qui bosse encore. Il fait nuit, journée productive.
Ça y est, un gros vent de sable s'est levé. Comme prévu il souffle du Sud vers le Nord. Il nous semble difficile, voir impossible d'avancer dans ces conditions, nous allons probablement rester bloqués ici quelques jours. Seule cette histoire de prolongation de séjour m'inquiète un peu. Demain lundi, je passe un coup de fil au service d'immigration de Laayoune.
Barth : Après une matinée brumeuse entre connexions internet et coups de fil, boulot cet après-midi ! Fanch a bien avancé de son côté, il est temps que je me secoue.
Le vent souffle de plus en plus fort au fil de la journée, nous donnant raison d'être restés à l'abri. J'en profite pour faire une grosse mise à jour sur le site avec en vue la publication prochaine de premiers objets libres et de créations…
Tempête ce soir. Les rafales de vent s'abattent sur la ville manquant d'arracher réverbères et minarets. Puis c'est la pluie qui vient éclater sur la petite fenêtre de notre chambre d'hôtel. Avec la pression du vent, l'eau s'infiltre dans le cadre de la fenêtre et est régulièrement projetée en petites giclées directement sur ma tête… Je change de sens dans le lit, et finit par trouver le sommeil après l'arrivée tardive et peu discrète de clients dans les chambres voisines… Peut-être des réfugiés qui viennent de perdre le toit de leur maison…
Jour 156 - Tarfaya
Lundi 4 mars 2013 - 0 kms - Post n° 156
Barth : C'est reparti pour une journée de boulot. Le pic de la tempête est passé, mais le vent du Sud souffle toujours fort et pour quelques jours encore selon les prévisions…
Après le déjeuner, la pluie est de retour, et dans ce pays où les toits sont plats, les fenêtres non jointées, les caniveaux inexistants, c'est vite la zizanie ! Je crois que c'est la première fois que je travaille sur un site internet assis sur un lit avec un centimètre d'eau au sol et les allers et venus de tout le personnel de l'hôtel qui écope, éponge, colmate, dans une humeur générale plutôt joyeuse ! Je voulais voyager en travaillant, me voilà servi…
Toujours est-il que la mise à jour du site est terminée ce soir. C'est la dernière majeure qui inaugure la galerie des « haïkus », présente une liste des « checkpoints », règles quelques questions dans les « objets libres » ou « ex-situ », et offre une nouvelle page d'accueil plus dynamique, avec un accès facilité aux contenus… Bref, tout est enfin prêt pour se concentrer uniquement sur la création. Il y a encore un peu de retard dans les montages vidéos mais ma prise en main du logiciel est maintenant assez avancée pour me rassurer sur le temps que j'y passerais. Et Fanch s'y est mis aussi, alors on va pouvoir se répartir le boulot un peu !
Fanch : La tempête semble ne pas perturber le quotidien de la population locale. La vie suit son cours malgré le sable qui fouette les visages. De l’extérieur tout paraît paisible ici, chacun vaque à ses affaires, tranquillement. Le rythme de vie n'est plus le même que dans le nord du pays et en ce sens j'ai le franc sentiment que l'occident s'éloigne.
Mais les signes du capitalisme croissant et les empreintes du colonialisme économique se tuilent à une culture dont les fondements sociaux sont extraits d'un texte sacré et qui plus est, millénaire. Le pays se développe sous la tutelle de l'Europe mais la religion et les traditions persistent. Il en résulte (pour nous occidentaux) des scènes quotidiennes truffées d'anachronismes et de paradoxes qui nous poussent d'avantage à interroger l'impact de la modernité sur les modes de vie. Enfin bref, c'est toujours la même question.
Culturellement parlant, l'ouverture des esprits n'est pas flagrante. L’intérêt pour les arts semble souvent se résumer à la musique traditionnelle et pop-traditionnelle (pour la nouvelle génération) ainsi qu'à l'artisanat et quelque peu à la peinture. C'est une constatation personnelle (je tiens à le préciser) mais pour le moment, excepté à Casablanca et à Rabat, nous n'avons que trop peu croisé de cinémas, de salles de spectacles, d'ateliers d'artistes, théâtres ou autre centres culturels. Abdhela (cf: jour 106, Casablanca) nous parlait de son désir de décentraliser la culture et de la rendre accessible, je comprends maintenant quelle est la nature de son combat.
Pour la petite histoire, quand on me demande quel est mon métier je réponds que je suis artiste, alors la question suivante est: artisan ou musicien ? Je suis toujours un peu gêné, je réponds en premier lieu que je suis musicien (ça passe bien en général) puis j'essaie tant bien que mal d'expliquer que je fais aussi de la sculpture sonore avec de l’électronique. Mais souvent la curiosité de mon interlocuteur, sûrement du fait de son incompréhension, s’estompe rapidement, il change de sujet… Et peut-être bien qu'il me prend pour un fou.
Il pleut, il vente… Mais au moins, ici on a le sentiment de vivre quelque chose d'exceptionnel.
Jour 157 - Tarfaya
Mardi 5 mars 2013 - 0 kms - Post n° 157
Fanch : Bon, le vent se calme doucement. On décollera demain, si tout va bien, en direction de Laayoun. Nous devons y tamponner nos passeports afin de prolonger notre séjour marocain. J'ai fouillé un peu sur le web, ça n'a pas l'air simple cette histoire. Ce qui m'étonne le plus c'est que je ne trouve pas comment contacter quelqu'un susceptible de nous renseigner à ce sujet. Rien, walou. On fait comment nous?
Alors nous envisageons trois options.
- On se rend au service d’immigration de Laayoun, tout ce passe bien, on continu sur notre lancée.
- Échec, pas de prolongation pour des touristes comme nous. Dans ce cas on tente de trouver un moyen de transport pour un aller retour aux Iles Canaries et ainsi rafraichir la page Maroc de notre passeport.
- Si les deux options précedentes se révèlent impossibles, alors on prends un bus pour foncer vers Dakhla. C'est biensur la solution de secours, ça me rendrai fou mais je préfère avoir à regarder le paysage défiler à tout allure à travers les fenêtre d'un car que de me coltinner une expulsion suivit d'une interdiction de séjour + une amande…
C'est donc sur un gros point d’interrogation que nous nous préparons à reprendre la route…
Barth : Le soleil montre un peu ses rayons et le vent encore fort s'est calmé. On devrait pouvoir reprendre la route demain…
La synchronisation du site se déroule sans accrocs malgré la grosse mise à jour. Ouf ! Une petite lessive et quelques courses et voici enfin le temps pour moi de faire un tour dans Tarfaya, sur la côte précisément. Armés de nos caméras et enregistreurs, cette chasse au haïku s'avère heureuse. Le vent et le sable dans les nombreux chantiers qui parsèment la ville offrent des surprises.
Mais la journée est vite passée. Je garderais un sentiment étrange de ce séjour à Tarfaya. Quelques jours de boulots dans une toute petite chambre d'hôtel au beau milieu d'un combat entre l'océan et le désert. Un espace et un temps insaisissables, aux frontières du réel. Les habitants de Tarfaya sont adorables, avec toujours le mot pour rire, et dans l'ambiance exceptionnelle due aux précipitations des derniers jours, j'ai du mal à me rappeler des derniers jours de pédalage dans le désert… Il y aussi le fait d'avoir passé presque trois mois au Maroc, et de ne pas savoir si on va avoir le temps de rejoindre la frontière à vélo. Je commence à me sentir totalement acclimaté et immergé dans ce pays, trop sûrement, au moment où on va nous demander d'en sortir. Bref, vivement la suite !
Jour 158 - Tarfaya
Mercredi 6 mars 2013 - 0 kms - Post n° 158
Barth : Bon… On a tous les deux très mal dormi et le vent n'est vraiment pas encourageant. Une fois le petit dej avalé, c'est décidé, on reste une journée de plus pour nous reposer vraiment et avoir plus de forces pour tartiner question pédalage demain !
Comme souvent quand on dit ça, impossible de résister à la tentation d'avancer un peu et de rattraper le retard dans les montages ou autres… Mais cette fois, je laisse l'ordi à Fanch, préférant un peu de lecture et quelques croquis… Même si les choses avancent plutôt bien côté boulot, nous sommes un peu perturber par le suspens qui va durer jusque Laayoune, pour savoir si nous allons devoir nous précipiter en Mauritanie sans pédaler ou si nous pourrons prolonger notre séjour marocain pour finir la route du désert.
La journée passe vite tout de même et le soir nous avons le plaisir d'assister au spectacle des « Visions d'Edgar » en direct sur internet depuis Quimper. Petit moment de nostalgie, surtout pour Fanch qui a joué dans cette formation pendant un bon bout de temps avant qu'on parte… Et en même temps c'est plutôt motivant de voir les copains faire d'aussi belles choses au rond de la Bretagne, ça donne envie d'en faire autant ici, partout !..
Fanch : Bon, j'ai mal dormis. Je propose à Barth qui ne semble pas en grande forme non plus de rester 24h supplémentaires et d'en profiter pour faire une (vrai) journée off. De plus le vent souffle toujours et ne nous permettrait pas d'avancer sans nous épuiser complètement. Quant aux histoires de prolongation de séjour… de tout façon on est déjà dans le pétrin. Le programme s'annonce chargé pour les prochains jours. L'option Canaries est tombé à l'eau, les liaisons maritimes pour rejoindre les îles se sont stoppées il y a 4 mois et le coup des billet d'avions est bien trop élevé. Dans le meilleur des cas, c'est un marathon administratif qui nous attend. Dans l'autre cas, il va vraiment falloir mettre la gomme pour joindre la frontière Mauritanienne. Enfin voilà.
J'envoie un grand bravo à mes amis des Visions d'Edgar et particulièrement à Gwendal Briec. C'était la première du nouveau spectacle ce soir que nous avons eu la chance de suivre en directe sur le web (merci à Torr Penn Prod au passage) avec beaucoup, beaucoup d'émotion. Il s'en suit un petit coup de blues, Mme Nostalgie vient me dire bonsoir. Je crois qu'il est tant vraiment de se bouger et de reprendre la route, ça me changera les idées.
Jour 159 - Laayoune
Jeudi 7 mars 2013 - 50 kms - Post n° 159
Fanch : Merde, le vent souffle toujours dans la mauvaise direction. Mais il faut quitter cette ville ou trop de temps s'est écoulé. Notre forme physique n'est pas au top, surtout concernant mon cher comparse qui manque explicitement de sommeil. Ce n'est pas évident mais il faut faire avec.
Avec ce vent de face, on roule à 12km heure environ, sachant que nous devons parcourir 120 bornes d'ici demain, fin d'après-midi, le moral en prend une claque. Notre lente progression se fait dans un paysage qui malgré son charme, semble infiniment statique. L'océan est à notre droite toujours, à gauche c'est un désert de roches explosée et de minuscules acacias dont les racinent sucent difficilement l'humidité du sable trop sec. Les dunes font leur apparitions au loin, elles seules courbent l'horizon (heureusement qu'elle sont là). En trente bornes (2h30 de route) la monotonie s'est presque installée. Je fixe les bas cotés ensablé espèrent y croiser un bout de vie, un étrange insecte, scorpion, reptile, quelque chose qui pourrai faire office d’événement. Mon regard suis la queue d'un lézard fuyant, rien de plus. Je me rends compte alors que mes yeux s'accroche au sol car c'est la seul chose qui bouge, qui change. J'imagine être ce lézard peureux que je viens d’apercevoir pour qui le buisson ressemble à au baobab. Je me dis qu'en collant ma tête contre le sol et avançant à plat ventre, L’uniformité du paysage disparaîtrait certainement.
Nous rempruntons un axe secondaire. Seul le son du vent et celui d'une mer lointaine trouble le vide sonore de ce lieu. Le trafic à quasiment nul aujourd'hui, pas un camion ne nous provoque de petites montées d'adrénaline, seul les cadavres de pneus témoignent de leurs passages.
Une voiture de la gendarmerie royal s’arrête au loin. Je sens qu'un petit contrôle de papier s'annonce inconsciemment sous peu. Barth est quelques centaines de mètres en arrière alors je prépare mentalement mes argument pour être le plus efficace possible et ne pas perdre de temps. Mais pas de contrôle, il n'en est rien, les deux hommes sortent tranquillement de leurs véhicule grillagé pour me demander si tout va bien. Je leur réponds que oui, mais que nous sommes un peu fatigués.
Alors ils réagissent au quart de tour! Qu'est ce que je n'ai pas dis là!
« On ne va pas vous laisser là, mettez les vélos à l'arrière de la voiture, on vas vous aider »
Je suis pris au dépourvu « euh c'est gentil mais les vélos ne rentre pas là ». Et aussitôt il arrête une camionnette de passage. J’hallucine, je crois que Barth qui vient de nous rejoindre aussi!
Il me semble que nous n'avons guère le choix mais j'avoue que ce coup ci, ça nous arrange pas mal. Les vélos sont chargé dans la caisse du petit camion frigorifique, les bagages dans la voiture des flics. C'est partit, nous échangeons quelques mots avant de sombrer tout les deux dans un demi sommeil. Ils nous déposent 90 bornes plus loin, il en reste 20 à parcourir pour joindre Laayoun, avec le vent dans le dos. Il seront vite avalés.
Barth : Pas bien… Pas bien dormi, pas bien réveillé, pas bien digérer le repas de la veille… La journée s'annonce très difficile. Nous voilà donc embarqués sur la route côtière qui relie Tarfaya à Laayoune, très peu fréquentée, avec un vent de face qui m'empêche de dépasser les dix kilomètres-heure…
Quoi qu'il en soit il faut avancer aujourd'hui. Pas le temps de batifoler, pas même pour admirer l'épave d'un ferry échoué sur l'estran à quelques dizaines de mètres de la route. Vision surréaliste que je n'ai pas même eu le courage d'immortaliser… Pas de photo aujourd'hui d'ailleurs, heureusement que Fanch a relevé le niveau !
Au bout de trente kilomètres parcourus en presque trois heures, nous envisageons une pause casse-croûte mais sommes arrêtés par une voiture de gendarmerie qui « ratisse » la route… Deux gendarmes à bord qui insistent pour nous sauver la vie et ne pas nous abandonner en plein désert dans le vent, en proposant de nous embarquer sur 90 kms. L'occasion est inespérée, plus nous arrivons tôt à Laayoune, plus nous aurons de chances d'obtenir notre prolongation de séjour.
Yalah ! Nos deux gendarmes arrêtent un camion qui se charge du transport de nos bécanes tandis que nous embarquons avec nos sacoches dans la voiture de gendarmerie… Là, pour moi c'est le trou noir. Je me souviens juste que le chauffeur aux allures de loukoum et originaire d'Essaouira nous parle avec passion de gastronomie marocaine, je crois avoir vu quelques dunes traverser la route devant nos roues… Pour moi, l'histoire reprend au moment de décharger tout notre barda. Je me suis endormi…
Nous sommes à une quinzaine de bornes de Laayoune. Avec le vent dans le dos, l'affaire est pliée en une heure ! Nous allons directement à la préfecture de police pour nous renseigner. Le responsable n'est plus là, nous devrons revenir le lendemain matin. Le temps de trouver un petit hôtel, de faire des photos d'identité et d'avaler une harrira et la journée est enfin terminée. Je vais pouvoir dormir, inch'Allah !
Jour 160 - Laayoune
Vendredi 8 mars 2013 - 0 kms - Post n° 160
Barth : Priorité de la journée, retourner à la préfecture pour enfin avoir la réponse concernant l'éventuelle prolongation de nos visas marocains. Nous sommes reçus par un novice fort aimable qui nous explique que nous pourrons obtenir une prolongation à Dakhla et qu'il suffira de dire ça aux nombreux barrages de police que nous croiserons sur la route… Après plusieurs tentatives auprès de son supérieur qui n'a pas l'air commode, nous laissons tomber. Il nous faudra rejoindre Dakhla en bus pour refaire la demande à la sous-préfecture… Inch'allah..
Direction l'agence CTM pour trouver un bus pour Danhla donc. Et là, surprise, les vélos ne sont pas acceptés, alors que nous avons déjà plusieurs fois pris le bus de la même compagnie sans souci dans le nord du Maroc… Nous allons donc prendre la route demain matin et tenter de nous faire prendre en stop par un camion. Seule alternative pour rester en règles…
Laayoune est une grosse ville, la plus grande du Sahara occidental. Capitale administrative de ce territoire encore sensible il n'y a pas si longtemps, la présence des forces de l'ordre y est très visible. Gendarmerie royale, police, armée, ONU, l'éventail est large. C'est assez étrange d'observer les militaires en particulier, vêtus d'un simple treillis kaki assorti d'une casquette et de rangers, portant pour la plupart la moustache et circulant dans toute la ville, à pied, en taxi, à vélo, à moto… Un ballet silencieux qui semble appartenir à une autre époque en comparaison des signes affichés de la modernité occidentale.
Le gérant de l'hôtel tente en vain de nous rencarder avec des routiers, mais la route de Dakhla ne passe pas forcément par Laayoune, du coup le mieux à faire est de rejoindre la route à 25 kms de Laayoune pour y attraper un camion. Nous décollerons donc tôt demain matin pour tenter notre chance.
Fanch : Pour résumé, malgré notre insistance, l’amabilité et la disponibilité des deux subordonnés du bosse de l’immigration, nos prolongations sont refusées. « Tentez votre chance à Dakhla » nous dit-on. Mais là encore, rien de sûr. Pour nous cette étape se termine non seulement sur une déception mais sur un nouveau point d’interrogation administratif qui se trouve à quelques 580 km d'ici. Le petit hic c'est qu'il ne reste que 5 jours avant notre fin de contrat avec les terres marocaines. Autant dire que tenter cette distance en vélo serait prendre un risque inconsidéré. Alors, direction, les gares routières. Merde, pas une compagnie ici ne semble accepter les vélos en soute. Euh, d’accord… mais là on est coincé!
Peut être que oui, peut-être que non… on décide de lever le camp de très bonheur demain matin, pour se taper 20km afin de rejoindre la route de Dakhla. De là, nous tenterons le stop, avec les vélos… Haha, c'est bon de ne pas savoir de quoi demain sera fait!
Alors, cette après midi, on s'occupe comme on peut. De toute façon il y a toujours des petites choses à régler, cleaner, affiner, réparer, manger… enfin bref, on ne s'ennuie jamais!
Jour 161 - Foum El Oued
Samedi 9 mars 2013 - 20 kms - Post n° 161
Fanch : Le réveil sonne trois fois, dur dur. Après avoir plié bagage et attelé nos montures, un petit dèj à la française s'improvise en compagnie d'Hamid avec qui nous avions rapidement discuté la veille. Puis on décampe, un peu navré de mettre terme à une discussion déjà bien engagée. Mais il ne faut pas traîner, nous avons près de 600 bornes à avaler aujourd'hui et nous ne savons pas exactement de quelle manière y parvenir.
On décampe donc pour 20 bornes de pédalage jusqu'au carrefour stratégique ou se trouve deux stations services, point évident de RDV de tout les routiers de la nationale 1. On se pose juste après la deuxième station. Et c'est parti pour une, deux, trois heures de stop. « Ça mord pas (injure) vraiment pas!!! Allez Barth, viens, on vas manger un bout à la station, on recommencera plus tard »
Alors on se rend rapidement compte que notre technique n'était pas vraiment adaptée aux coutumes locales. Le stop, c'est au bistrot que ça fonctionne! Bla bla bla, bla bla bla et encore un petit bla bla et me voilà négociant le prix d'un convoyage vers Dakhla avec un conducteur de poids-lourd. De 600 drh on passe à 200 drh en 5 min et j'avoue que là, je suis plutôt satisfait de mon coup (je suis convaincu que le chauffeur l'est aussi)! Enfin, toujours est il que le stop se monnaye au Maroc, mais en plus d'être moins cher que le bus, c'est bien plus funky!
17h, les bécanes sont chargées sur les sacs de ciments qui constituent la marchandise de Lhoucin le chauffeur. Juste avant que la cloche ne sonne, je recroise le gendarme d'avant hier, le « Loukoum » comme l'a baptisé Barth. Je m'approche de lui avec la simple intention de lui serrer la main, mais il me prend dans ses bras et me claque deux bise chaleureuse. J'exprime ma légère gêne par un sourire pincé, mais malgré son uniforme, il est vraiment sympa ce type… Bon trêve de plaisanterie on a de le route nous… Yalha!
En parlant d'uniforme, on est sans conteste sous surveillance rapproché. A chaque barrages de gendarmerie (une dizaine entre Laayoun et Daklha) Lhoucin fait halte, et nous devons descendre pour officialiser notre déplacement. Nous avions pourtant prévu fiches de renseignements et photocopies de passeports à distribuer pour gagner du temps, mais que nenni! Il faut répondre sans fléchir à leur questions redondantes. D'autant que le téléphone arabe de la gendarmerie royal semble plutôt bien rodé, l'un d'entre eux (qui a omit de lever les yeux) vient d’ailleurs de se trahir en nous demandant ce que l'on a fait de nos bicyclettes. Il sont pourtant fort aimables ces gendarmes, « Bienvenu au Maroc, vous êtes ici chez vous, c'est pour votre sécurités » (je reste curieux d'écouter ce qu'ils diront lorsque notre autorisation de séjour sera périmée). Mais ce que je vois, c'est le même amalgame entre sécurité et flicage que partout ailleurs et cela a tendance à m'énerver profondément. Ah oui, je suis officiellement architecte, ce n'est pas un fantasme mais ici, mieux vaut-il éviter de dire que l'on est artiste, photographe ou autre chose du genre. Et ça, c'est vraiment pour notre sécurité.
La nuit tombante avale le paysage et il ne reste plus que cette dangereuse ligne d'asphalte déformée qui fait parfois froid dans le dos tant elle est étroite. Alors, j'ai le sentiment de zapper une étape, je resterai frustré de ce « raccourci » même si j'ai conscience du niveau de difficulté que représentait cette portion de route. C'est comme ça, on a pas mal traîner nos pneus au Maroc, je me console en pensant que du sable, nous n'avons pas fini d'en manger. De tout façon le problème n'est pas là, nous devons nous rendre au plus vite à Dakhla pour notre prolongation de séjour et cela l'espoir d'atteindre la frontière sans précipitation et en toute légalité.
Barth : Le réveil sonne à six heures, dans le vide… Deux heures plus tard, nous emmergeons enfin et chargeons directement les vélos. Hamid, que nous avions croisé la veille nous propose un petit dej dans une pâtisserie. Après tout, nous ne sommes plus vraiment pressés, et c'est l'occasion de faire un peu plus connaissance avec ce sympathique bonhomme qui me fait vraiment penser à Nagui ( celui qui charme nos grand-mères à la TV…)
Bref, il est temps de sortir de Laayoune pour tendre le pouce. Pas si simple, à l'occasion de la journée mondiale de la femme, un marathon est organisé et nous bloque le passage. Le spectacle en vaut l'attente ! Quelques centaines de femmes pour la plupart emmaillotées de la tête aux pieds dans de grands tissus colorés dont je ne connaît pas le nom, dossard numéroté dans le dos, emplissent l'avenue plus ou moins en courant. Nous créons un petit contre-événement avec nos montures, mais ne traînons pas pour autant…
À une quinzaine de kilomètre de Laayoune se trouve un barrage de gendarmerie et deux stations essences, lieu idéal pour trouver un camion en direction de Dakhla. Mais ce n'est pas la bonne heure. La première vague est passée tôt ce matin, d'où cette idée de réveil à six heures sur les conseils du gérant de l'hôtel, mais nous devrions avoir plus de chance en fin d'après-midi.
Effectivement, vers 15h30, plusieurs camions sortent chargés de la cimenterie voisine et font étape à la station pour faire le plein et finir de bâcher leurs cargaisons. L'un d'eux accepte de nous embarquer pour deux fois moins cher que le bus..! Yallah !!
C'est parti pour 500 kms de route droite et plate rythmée par les nombreux barrages de police et de gendarmerie et l'arrivée d'autres passagers qui se succèdent dans la cabine. Le soleil vient de disparaître derrière l'horizon quand Boujdour sort de la poussière. Les lumières de la ville forment une sorte de guirlande qui semble flotter au-dessus du sol, dominée par un phare. Au travers de l'immense pare-brise, Boujdour paraît être une ville importante et moderne… Tandis que Lhoucin, notre chauffeur fait quelques courses pour le dîner, nous avons une petite pensée pour Camille (Cyberconte) qui doit se trouver dans les parages… On finira bien par se recroiser à force de se doubler !
La route reprend… La nuit est complètement tombée au moment de faire une pause pour la prière et pour lancer la cuisson du repas dans une des soutes de la remorque. Il reste 300 kms jusque Dakhla. De nuit, la route paraît encore plus étroite et je regarde avec un brin d'admiration notre chauffeur serrer les fesses à chaque fois que nous croisons un autre poid-lourd et tenir tout en souplesse les quarante tonnes de son engin qui mord le bas-côté. Le métier de routier n'est pas le même dans le nord et dans le sud du pays…
Après quelques arrêts éclairs pour vérifier la cuisson du tajine sous la remorque, nous mangeons enfin en compagnie d'un jeune pêcheur marocain monté à Boujdour et qui travaille à Dakhla le lendemain matin. Puis les kilomètres enchaînent moins vite que les heures et nous somnolons à l'arrière de la cabine. Lhoucin finit par faire une pause pour dormir un peu. Deux ou trois heures de vrai sommeil à quatre dans la cabine d'un quarante tonnes sous le splendide et silencieux ciel du désert !
Jour 162 - Côte de Dakhla
Dimanche 10 mars 2013 - 10 kms - Post n° 162
Barth : Lhoucin redémarre le moteur vers six heures. Le temps de comprendre où nous sommes et déjà l'aube révèle le paysage lunaire que nous traversons. Le ruban sombre de bitume serpente dans la masse cotonneuse que forment les dunes de part et d'autre de la route. Bientôt, nous entrons dans la péninsule de Dakhla, longue d'une quarantaine de kilomètres avec à droite l'océan trop loin pour être visible, et à gauche la baie qui ressemble à un lac… Soudain, le soleil perce l'horizon, les reliefs se précisent et nous apercevons Dakhla à l'horizon. Le vent a tourné plein nord depuis hier et une fois déposés à quelques kilomètres de la ville, nous n'avons même pas besoin de pédaler pour finir notre route.
Il est à peine huit heures quand nous réveillons le boulanger pour un petit déjeuner rapide. La vie de la ville redémarre peu à peu, le temps que nous trouvions un hôtel où nous pouvons enfin nous reposer… Chose rare, pas besoin de chercher un cyber, il y a une connexion wifi juste à côté de notre chambre ! Nous sommes dimanche, il faut attendre demain pour aller voir la police, journée repos donc…
Fanch : Et voilà… il est 7H30, mal réveillé, nous passons notre dernier poste de contrôle avant d'arriver aux portes de Dakhla. On décharge le matos dans un gros vent de nord (enfin) qui nous porte sur 10 bornes jusqu'au centre ville. 14H de route pour 580 kilomètres, c'est conséquent. Mais je retiendrai la popote offerte par notre chauffeur, la sieste de 3H à 4H dans une cabine de camion dont trois personnes sur une banquette large comme mes épaules, Lhaoucine au pied de son joujou de 40 tonnes moteur et plein phare allumé faisant sa prière à même le sol. Même si je suis crevé, le jeu en valait largement la chandelle, sans oublié que notre objectif est atteint!
Direction un petit hôtel, pas cher SVP ou une grosse sieste va certainement s'imposer.
Aujourdh'hui dimanche, sous préfecture fermé. Demain Lundi… Le tampon du service de l’immigration, inch'Allah of course!
Jour 163 - Du coté des égouts de Dakhla
Lundi 11 mars 2013 - 0 kms - Post n° 163
Fanch :
« Service de l'immigration bonjour! Revenez chercher vos passeport demain à 11h. - Heu vous pensez que nous aurons la prolongation ? - Demain inch'allah. »
Bon, je n'aime pas trop les inch'allah administratifs, c'est quitte ou double car sans cette fameuse prolongation… Enfin bref, de toute façon il n'y a plus qu'à patienter. La salle d'attente, et bien c'est Dakhla (prononcez Darla). On en profite pour explorer la ville, enregistreur et appareil photo au poing, il ne servirons quasiment pas ce coup ci.
Pas un chat à 300 kilomètres à la ronde, Dakhla est une étrange ville au milieu du désert qui s'habille à la mode occidentale. On s'attendait à un village de pécheur relativement branché certes mais certainement pas à ce point. C'est une ville béton avec tout ce qu'il faut pour ne pas trop dépayser le touriste qui manque presque à l'appel. Nous en faisons le tour pour sortir des quartiers battus. C'est en général en ces lieux que l'on trouve ce qui nous intéresse. Mais mes oreilles d'aujourd'hui ne sont pas attentives, allez savoir pourquoi. Peut-être est-ce vent qui me tourmente l'esprit…
Quelques visages pâles se dévoilent, ça faisait un bail tient!
On s'enferme dans notre chambre atelier d’hôtel pour bricoler et rattraper le courrier en retard cette après midi. Rien d’extraordinaire, l'attente administrative forme un vide difficile à combler en ce qui me concerne. Je traîne un peu mes souliers mais les choses avancent malgré tout. L’événement du jour c'est que Camille vient d'arriver à Dakhla. On se retrouve en soirée au pied de son hôtel. On échange sur nos aventures commune et respective le temps d'un petit thé avant de la laisser à ses affaires et de retourner aux nôtres. Là, maintenant ? Je boirai bien une petite mousse. Et oui, ça fait trois mois déjà…
Barth : En allant petit déjeuner, nous discutons avec un sénégalais de 19 ans qui rêve de rejoindre l'Europe et travaille un peu à Dakhla pour avoir les moyens de poursuivre sa migration vers le Nord… Le premier d'une longue série certainement.
Ensuite direction la préfecture de police, où après avoir refait les photocopies de nos passeports, nous déposons nos dossiers que le policier à annoté de la mention « 10 jours »… Si tout va bien, nous aurons demain matin une prolongation de notre séjour au Maroc ! De quoi avoir le temps de rejoindre la frontière sans paniquer.
Il est temps d'aller visiter un peu les environs. Nous longeons la côte, d'abord aménagée en promenade luxueuse le long de la Baie d'or, le décor change rapidement pour se transformer en quasi-décharge à ciel ouvert derrière les immenses hangars du port de pêche. Revers de la médaille un peu étonnant quand on sait que la Baie d'or est interdite à la pêche depuis une quinzaine d'années pour préserver l'environnement… Mais peut-être s'agit-il surtout de limiter la circulation navale et forcer ainsi le passage par les barrages de police sur la route…
Ce soir nous venons d'apprendre que Camille est arrivée à Dakhla. Nous la retrouvons à une terrasse le temps de se donner quelques nouvelles et de prendre rendez-vous pour le petit déjeuner du lendemain. Après avoir suivi ses mésaventures à Laayoune sur son site, nous sommes rassurés de voir que sa motivation est toujours là !…
Jour 164 - Dakhla centre
Mardi 12 mars 2013 - 0 kms - Post n° 164
Barth : La journée commence par un petit dej avec Camille, assez tard car nous avons bossé tard hier, profitant de la connexion wifi dans la chambre pour régler de nombreuses choses en attente depuis longtemps. Puis, direction le commissariat pour récupérer nos passeports… Tout va bien, nous avons un mois de rab ! Mais d'ici là il faudra que nous ayons quitté la Mauritanie, il y a de la marge… Fanch doit juste refaire des photos sans ses piercings. Mimétisme de la biométrie s'appliquant chez nous ou petite leçon de morale genre « les piercings c'est pas bien », difficile de savoir…
Après une véritable « pause » déjeuner où nous prenons le temps de papoter un peu avec Fanch, le reste de la journée passe vite entre dernières lignes de codes, mails et préparatifs du départ du lendemain. Nous prévoyons de faire étape demain chez Ahmed, un saharaoui qui vit sous la tente à une quinzaine de kilomètres de Dakhla, et que Fanchic nous a recommandé. Ensuite il faudra faire une trentaine de kilomètres face au vent pour sortir de la péninsule avant d'attaquer les 250 kms avec le vent dans le dos qui nous mèneront à la frontière.
Juste avant d'aller avaler le possible dernier bissara du voyage, nous faisons des copies de nos passeports avec fiche de renseignement pour gagner du temps sur les nombreux barrages à venir. Pas facile d'expliquer efficacement notre demande à nos vendeurs absorbés par le match du Barça à la TV, mais au bout d'une demie-heure on finit par obtenir nos dix copies !
Nous tombons ensuite sur Camille, qui est en compagnie de Thomas, un français parti sans le sou sur les routes de l'Afrique et qui travaille à Dakhla depuis un mois pour pouvoir se payer le visa mauritanien et l'aller-retour à Rabat qui va avec ! Le dernier bissara se déguste donc en bonne compagnie, mais nous ne tardons pas à rejoindre l'hôtel pour fignoler un peu les préparatifs.
Fanch : C'est bon, 30 jours supplémentaires. Excepté un petit problème de piercing nous avons obtenu notre laisser passer de manière plutôt fluide. Pas d'attente, pas de leçon de moral ou de petits chichis administratifs comme je le redoutais. Non juste un « bonjours messieurs, voilà messieurs, au revoir messieurs ». Ok. N'en parlons plus, affaire classée, petit soulagement.
Dakhla est une oasis de béton au milieu du presque rien. J'ai le sentiment d’être en « sécurité » ici. Quand je dis « sécurité » ce n'est pas en pensant être protégé d'une agression ou d'un mal quelconque. C'est juste qu'ici tout est accessible, c'est (trop) simple de se nourrir, il suffit de faire 50 mètre pour acheter une bonbonne d'eau, un jus d'orange pressé, un bissara, c'est confortable, vraiment confortable. Mais à ce premier sentiment s'ajoute une réel frustration de se sentir dépendent des villes, des humains (ne vous inquiétez, pas je reste sociable), de la petite boutique ou l'on peut acheter des aliments de base mais aussi des accès web et de l'électricité. Nous ne parvenons pas à être complètement autonomes sur de relativement longues distances/durées ,cela me gène un peu. J'ai parfois l'impression de passer plus de temps en ville que dans une nature que je trouve souvent plus stimulante. Mais cela risque de changer rapidement.
En effet, Nous quitterons Dakhla demain pour une petite étape de 15 borne mais après cela, il va falloir mettre les bouchées doubles. Même si le document que l'on vient d'obtenir nous permet de prendre encore un peu de temps au Maroc, notre visa Mauritanien expire dans un peu plus d'un mois et nous sommes donc dans l'obligation d’accélérer la cadence. Les routes qui nous mènerons au Sénégal vont se vider petit à petit, les points de ravitaillement se raréfier, le prochain distributeur automatique est à plus de 800 km et peut être que la prochaine borne WIFI aussi. Alors on grappille d’ores et déjà de petits renseignements à droite à gauche pour organiser notre imminente descente vers la Mauritanie.
Jour 165 - Plage de Boutalha
Mercredi 13 mars 2013 - 20 kms - Post n° 165
Fanch : Petite étape aujourd'hui, c'était prévu. Fanchic est passé par là et il y est resté trois jours, c'est lui qui nous a conseiller de nous y arrêter. Nous sommes dans la tente d'Ahmed, sur la petite plage de Boutalha qui borde une crique aux couleur paradisiaque. À notre arrivée, je comprend immédiatement pourquoi notre ami nous avait indiquer ce lieu.
En annonçant que nous venons de la part de Fanchic nous sommes reçu comme des amis. La trentaine entamé, un sourire édenté et sincère fixé sur son visage, Ahmed nous étonne par son mode de vie. Après avoir travaillé pendant quelques années, il décide de tout stopper pour vivre sobrement dans une tente similaire à celles qu'utilisaient ses ancêtres saharaoui.
C'est une grande tente, 49m² exactement faite de tissus patchworkés cousus main. Au fond à droite de l'entrée, à même le sol, c'est gît une couverture, c'est la place de notre hôte avec à porté de mains la radio, le nécessaire à thé, le narguilé, deux petits ventilos, tabac, charbon etc… Tout ce qu'il faut pour pouvoir passer une demi-journée sans avoir à se lever. À droite de l'entrée, ce sont plusieurs glacières frigorifiques qui se juxtaposent aux cotés de la télé recouverte d'une serviette, posé sur une table de jardin et présenté comme une sculpture que l'on va dévoiler au publique à l’occasion d'une inauguration quelconque. À gauche, c'est le modeste espace cuisine ainsi qu'une partie de la réserve d'eau maintenue à l'ombre et enfin, au quatrième coin, Ahmed stock tout ce qu'il faut pour accueillir plusieurs invités (couverture, petit matelas, coussins…), pas plus de 8 SVP.
L’électricité est essentiellement par un panneaux solaire (100w) explosé (ça réduit à 40W) dont un camping-cariste cherchait à se débarrasser et par un petit groupe électrogène qu'il fait tourner le soir pour zapper sur son petit écran. Ici tout est mobile, l'aménagement est modulable en quelques dizaines de secondes. Pas de meubles excepté le socle de la télévision et une table basse en plastique qui change de place au heures des repas. On mange, cuisine, discute et dort le cul posé au sol. Tout semble avoir une fonctionnalité bien précise, pas de superflu mais le confort est bel et bien présent, sans parler du paysage…
Moi qui ne suis pas spécialement matérialiste, devant cette sobriété, j'en viens rapidement à requestionner mon mode vie de sédentaire.
Barth : Reprise en douceur du pédalage… Quinze kilomètres jusque la plage de Boutalha, où nous trouvons sans peine la tente d'Ahmed en suivant les indications de Fanchic. Il s'agit d'une petite plage sur le bord d'une lagune qui se vide à chaque marée dans la baie d'or, un peu à l'écart de la route. Quelques camping-cars sont posés là au-dessus de la petite falaise et la tente d'Ahmed est plantée à quelques mètres du rivage à marée haute. Le petit bout de terrain est jonché d'affaires en tout genre, récupérées à gauche ou à droite, et habités par une troupe de chiens et chiots.
Ahmed nous situe immédiatement. « Les amis de François en vélos couchés ! », et nous sommes tout de suite invités à passer quelques jours chez lui, dans les 50 mètres carré de sa tente. Ancien intendant sur un navire de pêche, il a tout plaqué il y a treize ans pour ce mode de vie autonome. Panneaux solaires, petit groupe électrogène, bidons d'eau et filets de pêche constituent la base de cette autosuffisance. Et pas question de se priver des vertus de la modernité ! La télévision, la radio, et quelques ampoules électriques font partie du mobilier.
Nous faisons connaissance autour d'un thé. Ahmed fume la chicha sans modération embaumant l'air de la tente, et il parle un français plein de poésie… N'employant que la première personne, même pour nous parler d'autres gens, cela donne des formules telles que : « Le thé très sucré, je t'aime ! » Nous avons de la chance nous dit-il, aujourd'hui il est allé à Dakhla pour faire des courses. C'est donc jour de fête ! Après avoir lancé la cuisson d'un tajine et fait sa tournée des campings-cars pour prendre les fiches de renseignement, Ahmed nous installe la télévision et nous assistons en direct à l'élection du nouveau pape en sirotant le thé que nous sert un de ses amis venu lui rendre visite. La soirée se poursuit autour du repas, avec gâteaux et salade de fruit en dessert !! Le tout en regardant d'un œil quelques films à la télévision…
Jour 166 - Plage de Boutalha
Jeudi 14 mars 2013 - 0 kms - Post n° 166
Barth : Les chiens ont un peu aboyé cette nuit, mais à part ça nous nous sommes bien reposé. Je sors le premier de la tente, vers 10h. La marée est basse et une armée de crabes violonistes retourne le banc de sable, disparaissant chacun dans son terrier au moindre de mes gestes. Un rapace survolant la lagune affole quelques courlis qui fendent l'air en criant. Le soleil cogne, le vent du Nord se lève et l'eau turquoise va bientôt commencer à remplir de nouveau la lagune, jusqu'au bord de la tente…
Nous reprendrons la route demain pour profiter encore un peu du petit paradis d'Ahmed et prendre le temps de tourner un nouveau checkpoint. Un pêcheur, ami d'Ahmed, ramène quelques poissons pour le déjeuner, et malgré toutes nos tentatives pour l'aider à la préparation du repas, nous laissons Ahmed opérer et en profitons pour faire quelques tests en vue du tournage.
Une fois avalé le succulent tajine de poissons frais, il faut attendre un peu de digérer avant d'aller affronter le soleil pour le tournage du checkpoint. Quand nous rentrons, Ahmed est en train de faire sa tournée des campings-cars, récoltant les fiches de renseignements qu'il transmet ensuite à la police. Un peu malgré lui, il se retrouve gérant du camping sauvage de la lagune…
La nuit tombe déjà, et avec elle la fraîcheur du soir. Impossible encore une fois de filer un coup de main pour la préparation du dîner, mais je parviens tout de même à passer un coup de balais dans la tente. Ahmed nous a prévenu, pas question de lui donner un peu d'argent en partant. C'est l'hospitalité saharaouie dans toute sa splendeur et son authenticité ! Ni une, ni deux, mais toutes les étoiles du ciel pour le petit hôtel d'Ahmed ! Ce soir, Ahmed nous a même sorti une canette de bière chacun du fond de sa tente ! De nouveau, soirée télévision grâce au petit groupe électrogène qui nous aura donné du fil à retorde pour arriver à charger notre ordinateur en même temps. Le groupe étant à 50 mètres de la tente, c'était l'occasion pour Ahmed de sortir ses talkies-walkies. Au-delà de la magie du petit écran, il lit des romans et écrit un journal de bord quotidien. À 34 ans, Ahmed est un grand enfant qui a choisi de vivre en vacances toute sa vie, mais des vacances raisonnables et pleines de bon sens…
Fanch : Le paradis d’Ahmed nous retient, la petite crique de Boutalha nous pousse à la paresse. Ahmed prend soin de nous et malgré notre insistance il refuse toute participation de notre part aux taches quotidiennes. Nous nous étions décidé à tourner le checkpoint 004 mais la flânerie envahit nos esprits. À 17H nous parvenons enfin à nous secouer pour sortir le matos afin de se mettre au boulot.
Ce soir, nous discutons longuement et devant l'ouverture d'esprit de notre ami, nous ne pouvons faire autrement que de l’interroger sur sa vision du monde et sur son choix de vie :
« - Pourquoi tu as choisi cette vie Ahmed, une tente à la place d'une maison c'est étrange non?
(J'adapte et simplifie un peu la réponse car sa syntaxe très particulière fait qu'il met du temps à nous faire comprendre ce qu'il veut exprimer)
- Je vis ici pour être tranquille, pour être libre. Je mange quand j'ai faim, je dors quand je suis fatigué, je vais nager quand je veux, je reçois des amis (…), je n'ai de compte à rendre à personne. Je ne travaille pas, je n'ai pas besoin d'argent ici. »
On abordera un peu plus tard le sujet tabou du conflit latent du Sahara occidental, c'est une de nos première rencontre qui acceptera d'en parler ouvertement. Et puis comme la veille, c'est une soiré télé. Ah, il aime le petit écran Ahmed. Alors nous nous laissons aller au jeu du « scotchage », affalés, dans la fumée sucré de son narguilé, une atmosphère au senteur de bonbon à la pomme. Demain nous aimerions partir de bonheur… mais nous savons (tous les trois) que ce ne sera pas le cas.
Jour 167 - Route d'El Argoub
Vendredi 15 mars 2013 - 65 kms - Post n° 167
Fanch : Comme nous l'avions envisagé hier, nous avons quelques difficultés à plier bagage.
La gentillesse et la générosité de notre hôte nous retient. La discutions s’étire et pourrait ne pas avoir de fin. La visite de Marcel, retraité et ami d'Ahmed de longue date n’arrange rien à notre petit défaut de ponctualité. Quand tout est fin prêt, pour en rajouter une couche, je me rend compte qu'un des tube de mon porte bagage a céder sous le poids des sacoches. Merde. Mais bon, coup de veine, Marcel a le sens du système D ainsi qu’une bonne caisse à outils. Nous réparons le petit pépin rapidement… « Ça tiendra plus de jours que d'années » me dit il, mais voilà qui est réglé.
Il faut vraiment y aller maintenant… Même quand tu as le cœur gros, tu gardes le sourire… Merci Ahmed, merci pour tout et vraiment, ne change rien.
13h, on décolle pour une bonne soixantaine de bornes. C'est juste avant le crépuscule que nous atteignons notre objectif du jour, El Argoub, point de ravitaillement. Notre arrivé se fait sous l’œil curieux de plusieurs dizaines de militaires. Des bidasse, il n'y a en faite que cela, El Argoub est un village caserne et c'est apparemment l'heure de la « perm ». Mais comme l'homme a une faculté d'adaptation surprenante… Nous nous « habituons » rapidement au uniformes kakis et dégotons même au fond d'une boucherie-bistrot-resto, un tapis pour la nuit.
Barth : Dur de se motiver pour reprendre la route. Le confort de ce petit coin de paradis et Ahmed qui semble être au bord des larmes de nous voir partir si vite ne motive pas vraiment à s'enfoncer dans le désert saharien… Mais il faut qu'on avance ! Au moment de charger les vélos, Fanch s'aperçoit que son porte bagage est cassé… Heureusement, Marcel, un touriste français qui connaît Ahmed de longue date, vient d'arriver et se fait un plaisir de prendre en main la réparation. Une heure plus tard nous voici enfin prêts. Ahmed part devant nous en mobylette pour Dakhla, suivi par sa troupe de chiens et chiots… C'est la dernière image que nous avons de lui, avant de se revoir après 2015, c'est promis !!!
Après nous être fait offrir un chocolat chacun par Marcel et Pierrette, nous voilà enfin sur la route. Il fait très chaud et le vent de face ne souffle pas trop fort. Il reste 27 kilomètres à parcourir pour atteindre PK40, l'endroit où nous prendrons la direction du Sud. Le paysage que nous avions aperçu en camion en arrivant à Dakhla est vraiment splendide. Entre deux descentes et grimpettes nous traversons d'immenses plaines totalement vides, que les grandes marées inondent parfois. C'est le fond de la baie d'or, des hectares de sables à perte de vue parsemés de quelques dépôts de sel…
Pause repas à la station service de PK40. La salle de restaurant compte plus de mouches que de clients, il va falloir s'y faire. Mais comme dirait Ahmed : « Les mouches du Maroc, c'est très gentilles, plus que celles de Mauritanie… » Fanch a pris un petit coup de chaud dans la dernière grimpette, et je ne suis pas contre l'idée de souffler un peu en sirotant un coca avant de nous élancer avec enfin le vent dans le dos, sur la route de la Mauritanie. Une quarantaine de kilomètres à parcourir jusque El Argoub, notre dernier point de ravitaillement sûr avant la frontière à trois cent kilomètres. La route longe la baie d'or, en face de Dakhla. Une couverture nuageuse empêche le soleil de trop cogner et le vent nous pousse un peu. Nous arrivons juste avant la nuit dans le village qui est habité par de nombreux militaires. Étrange sensation de débarquer dans un tel endroit, que des hommes pour la plupart vêtus de kaki qui se promènent en attendant le dîner… Ambiance surréaliste !
Nous sommes accueillis, ou plutôt pris en charge par un homme qui nous conduit au poste de police pour signaler notre présence et nous arrange le coup pour passer la nuit dans une salle à l'arrière d'une boutique ! Parfait, nous gagnerons du temps pour décoller demain. La reprise du pédalage et les premières grosses chaleurs nous ont épuisé… Un tajine et au lit !
Jour 168 - DDE, route de Dakmar
Samedi 16 mars 2013 - 85 kms - Post n° 168
Barth : Le groupe électrogène a tourné tard hier soir et j'ai eu quelques difficultés à trouver le sommeil ensuite… Ce matin, le réveil à 7h30 est un peu dur. Nous sommes enfermés dans la boutique et notre hôte Mohamed le boucher n'apparaît qu'une heure plus tard. Heureusement nous avons de quoi déjeuner et nous sommes prêts à décoller à neuf heures. Premier objectif de la journée, avaler les 20 kms qui nous mènent au tropique du cancer ! Sur un des panneaux matérialisant cette ligne imaginaire, nous trouvons un mot de Camille qui est passée là la veille en milieu d'après-midi. Nous allons peut-être la rattraper… Mais avant ça, nous prenons le temps de tester une installation prévue de longue date, ce qui nous fait perdre un peu de temps… Ce n'est pas très convaincant, en ce qui concerne la captation du moins, on remettra ça ailleurs. Pour le moment il faut enchaîner les kilomètres pour ne pas se trouver à court d'eau. Un vent d'ouest s'est levé, le soleil cogne, j'ai sûrement faim sans avoir vraiment d’appétit, les trente kilomètres suivants sont un calvaire…
Surprise, alors que nous pensions revoir un point de ravitaillement à 200 kms, nous tombons sur une station service ouverte. Nous soufflons un peu en mangeant et refaisons le plein d'eau avant de repartir pour une trentaine de bornes sous un ciel gris, et cette fois avec le vent dans le dos ! Les paysages bien qu'un peu monotones recèlent de vraies surprises quand nous apercevons l'océan à quelques dizaines de kilomètres, tout au fond d'une plaine interminable qui s'étend en contrebas du plateau sur lequel nous sommes. La circulation est beaucoup moins dense, ce qui n'est pas désagréable !
Mais tout ceci ne nous empêche d'arriver lessivés après 80 kms, devant une sorte d'enclos de travaux publiques où nous pensons pouvoir planter les tentes à l'abri du vent. Les routiers qui font leur pause dîner nous disent que le gardien va bientôt arriver… Effectivement, une bonne demie-heure plus tard, un homme arrive de nul part à pied et nous ouvre la barrière de l'enclos, puis la porte d'une grande pièce vide où il nous invite à passer la nuit ! Pas le temps de faire plus ample connaissance, notre gardien retourne en compagnie des militaires qui campent à quelques kilomètres pour une soirée télé (la sienne est en réparation à Dakhla…) Tant pis, ou tant mieux, nous sommes rincés et il faut qu'on se couche tôt en vue des 130 kms à faire demain pour rejoindre la prochaine station… Ce n'est pas toujours facile quand nous sommes reçus chez des gens.
Fanch : Objectif du jour: accélérer le tempo. Là, on passe au niveau supérieur. Les conclusions d'un rapide calcule révèle que nous ne trouverons pas de ravitaillement au cours des prochains 200 kilomètres. Sachant que l'hygrométrie a largement chuté depuis que nous sommes dans la région de Dakhla, il faut prévoir de l'eau en conséquence mais là aussi un calcul précis s'impose. Nous optons pour 14 litres pour 2 jours / 2 jours et demi, thé du soir et soupe inclue. En avant…
20 borne plus loin, nous faisons halte sur la ligne du tropique du cancer. Un ligne symbolique certes mais c'est une étape importante pour moi. C'est un fantasme de plus qui se réalise. Nous en profitons d’ailleurs pour faire un « test de création à base de GPS ». À voir avec un peu de recule ce que ça donne (malheureusement ça s'annonce foireux). On ne traîne pas, chaque heure qui passe c'est 20 bornes de gagnées, il faut y aller.
Chose à laquelle nous ne nous attendions pas, à 50 borne de notre point de départ, c'est une station service que nous croisons. Cette fois ci, c'est la dernière que nous trouverons sur ces prochaines 160 bornes. Nous y déjeunons et rachetons les 3 litre de flotte que nous venons d'engloutir ce matin.
Ce soir, au kilomètre 85, nous nous retrouvons dans un établissement de la DDE marocaine, le sympathique gardien nous offre le gîte et la tranquillité… Ça tombe bien, on en avait fort besoin…
Jour 169 - Route de Dakmar
Dimanche 17 mars 2013 - 90 kms - Post n° 169
Fanch : Hier fut une journée sportive. Rebelote. Mais la fatigue se cumule et je suis en petite forme ce matin. Le vent de nord que l'on attends désespérément reste Ouest, dur dur… Je rame dès les premières bornes. Le paysage défile lentement mais malgré cela, je peine à me concentrer et ne parviens à l’apprécier à sa juste valeur.
Nous avançons dans un désert de plus en plus désert. Il n'y a plus personne sur les bord de route, des cadavre de pneu par centaine (pour ne pas dire milliers) répondent aux squelettes de chiens et de dromadaires. Les lignes à haute tension ont disparut, La Nationale 1 s'est vidée de véhicule, comme si il n'y avais rien, là bas, au bout de cette route.
Alors c'est le silence, enfin presque.
Excepté le son qu'il provoque en percutant de plein fouet mon pavillon auditif droite, le vent n'a rien à faire siffler, vibrer, pas de feuille à agiter, rien, il se perd dans l'immensité. Mais heureusement, de temps à autre il y a cet étrange piaf, plus gros qu'un moineau mais plus petit qu'un pie qui trouble le silence. Cet oiseau dont le vole ressemble à celui d'une fusée en papier « à looping » que j'aimais fabriquer quand j'étais môme. Il décolle, monte à la verticale, à 4/5 mètre, fait une acrobatie trop rapide pour que j'arrive à la discerner pour redescendre en flèche et freiner juste avant le sol. Durant l’exécution de sa courte pirouette, il pousse un sifflement aiguë, un son pur, dénué de variation si ce n'est au niveaux de la hauteur de sa note. J'ai d'abord cru que c’était un couinement provenant mon vélo avant de d'identifier avec étonnement la source de ce son, ce presque grincement…
C'est la pause bouffe. Pain sec et fromage industriel en plat principal, une demi orange en dessert, c'est un repas 5 étoile. Pendant que Barth joue au Yann Artus Bertrand, je somnole à l'ombre d'un mur, au pied d'une antenne 3G.
J'essaie d'équilibrer ma consommation de flotte, ne pas trop boire pour ne pas épuiser les réserves, boire suffisamment pour éviter l'infection urinaire car je sais que je n'en suis pas loin.
Je suis vraiment, vraiment naz, je ne tiens plus sur mes jambe… on trouve un spot pourrie au pied d'une autre antenne 3G (a peu près le seul type de construction en dur que l'on trouve dans les parages) pour s'y planquer derrière. Bouffe suivit d'un gros dodo!
Barth : Une fois n'est pas coutume, la nuit fut reposante ! Debout avant sept heures, nous avons mis toutes les chances de notre côté pour avaler les 130 kms jusqu'à la prochaine station… Mais c'est sans compter avec le vent qui souffle moyennement fort, plein ouest et qui sans être tout le temps de face ,nous empêche de dépasser les quinze kilomètres heure. Ça me déprime de rouler à cette vitesse, c'est fatigant, il faut faire des pauses tous les dix kilomètres pour grignoter et boire, et je n'arrive pas à oublier que si nous avions le vent dans le dos, notre vitesse serait multipliée par deux… C'est comme ça il faut faire avec ! Et les paysages sont toujours aussi grandioses, avec un peu de musique dans les oreilles je parviens à oublier le temps.
À la pause de midi, nous nous arrêtons au pied d'une grande antenne de communication. Avec les quelques cabanes de pêcheurs et les voitures, ce sont les seules traces de vie potentielle par ici. Celle-ci est habitée. Par son gardien qui à la manière d'un gardien de phare, passe de longues période seul au milieu de nul part, payé par Maroc Telecom. Nous conversons un peu et il observe notre pique-nique et le séchage du linge comme s'il regardait la télévision… Une fois requinqué, pendant que Fanch succombe à une bonne sieste, je ne résiste pas à l'envie de demander au gardien s'il est déjà monté dans l'antenne. Non ! Il a le vertige… Mais moi je peux y aller si je veux ! L'occasion de réaliser un vieux rêve… Je ne me le fais pas dire deux fois, et grimpe donc les quelques dizaines de mètres armé de l'appareil photo. L'ascension est aisée via les échelons, à condition d'être bien concentré et de prendre son temps. Une fois en haut, je laisse la parole aux images…
Quatre-vingt dix kilomètres aujourd'hui. Il nous reste assez d'eau pour bivouaquer, près d'une autre antenne… Pour la première fois nous mangeons avant de monter les tentes. Le soleil, le vent et les kilomètres nous ont lessivés…
Jour 170 - Dakmar
Lundi 18 mars 2013 - 40 kms - Post n° 170
Barth : Une quarantaine de kilomètres pour rejoindre Dakmar, le vent n'étant toujours pas avec nous, il faut trois heures pour les avaler. À quinze kilomètres de l'objectif, nous apercevons l’îlot de civilisation qui nous semble être à trois ou quatre kilomètres. L'air chaud de l'horizon fait un effet de loupe qui raccourci les distances et transforme de simples baraques en buildings. C'est ce qu'on appelle un mirage !
Station service, poste de police, hôtels et quelques habitations composent cette petite cité perdue au milieu du désert… En arrivant nous prenons le temps de nous rafraîchir à la station service avant de comparer le prix des deux hôtels qui se trouvent là. Le premier à 20 dirhams moins cher ne dispose pas de connexion internet, comme on doit mettre à jour le site, on opte pour le second, un immense complexe tout neuf avec tous les services… Dont la douche chaude qui se fait désirer depuis plusieurs jours ! Le lieu est improbable. Sans doute construit par un espagnol, les chambres sont réparties sur deux étages tout autour d'un immense patio recouvert d'un chapiteau, où poussent des arbres et de nombreuses plantes vertes. Les oiseaux chantent dans cet oasis artificiel et la clientèle est composée entre autre de camping-carristes qui rentrent de Mauritanie. En discutant, un d'entre eux nous explique qu'ils viennent de séjourner dans le désert mauritanien, pas loin de la frontière malienne… Comme quoi, les alertes officielles concernant la sécurité en Mauritanie sont belles et biens exagérées, principe de précaution oblige… Nous n'en serons pas moins vigilants, mais nous voilà rassurés.
La fin de journée passe vite entre douche, lessive, internet, boulot, et un tout petit peu de repos. Demain nous partirons en début d'après-midi pour passer la nuit dans le désert et arriver le surlendemain à la frontière à quatre-vingt kilomètres de Dakmar…
Fanch : Le désert c'est aussi la poisse, une poisse qui résulte d'un mélange de sueur et de poussière. Ça colle, c'est moite, mon corps, mes mains, mes vêtements… Une douche ne serait pas du luxe.
Mais ne nous plaignons pas, la nuit fut réparatrice, on a déjà fait le plus gros de ce bout de route difficile et le vent semble en notre faveur ce matin. Il nous reste 40 kilomètres avant le prochain point de ravitaillement, 40 petits kilomètres avant de voir un peu de vie, 40 kilomètres qui sont vite avalés. Nous voilà à Dakmar, un petit village isolé qui semble t-il doit son existence à ses deux stations services.
La voilà ma douche! Il me faut à présent faire la mise à jour du site avant que Barth ne tente une synchronisation des donnés. Et oui, le réseaux est de piètre qualités mais il existe! Incroyable, au milieu de nul part, pas de téléphones mais internet est arrivé là… à méditer.
Jour 171 - Frontière Maroc, No Man's Land
Mardi 19 mars 2013 - 90 kms - Post n° 171
Fanch : « Branle-bas le combat!!! Le vent est nord, le souffle du Nord, il est bien là, il est fort, allez mon ami, on y va! »
Effectivement, il est bien là. Ô combien ce vent nous ravi, il nous pousse jusqu'à la frontière dans un paysage radieux. Nous zigzaguons dans un immenses champs de monticules, tantôt de pierre, tantôt de sable. Devant nous, à quelques centimètres au dessus du sol, le sable et et son ami le vent génèrent des arabesques qui ondulent à la manière d'une aurore boréale.
Nous roulons nos derniers kilomètres sur cette fameuse Nationale 1 qui mériterait le prestige de la route 66 traversant d'est en ouest les States. Longue de plus de 2300 bornes, elle nous aura portée à travers le désert marocain et malgré les obstacles qui s'y sont présentés, je lui suis reconnaissant pour tout ce qu'elle nous à offert et de ne pas avoir eu de réelles emmerdes.
Et ce vent… Qu'il est bon, ce foutu vent!
De notre escapade Saharienne cette journée fut peut-être la plus délicieuse, pour le moment car ce n'est point terminé.
C'est donc ici, au port du « No Man's Land » que se termine notre route Marocaine. Enfin presque car nous ne sommes pas encore de « l'autre coté ». Mais bon, c'est quand même l'heure de la petite séquence émotion. Et oui, je tiens à remercier le pays qui vient de m’accueillir et pense faire de même à chaque fois qui je quitterai une nouvelle terre, comme un accord, un arrangement personnel. Enfin bref…
Alors merci, tu m'en a foutu plein la vu, plein les oreilles, plein le crane. Une belle gifle culturelle qui a remise en place quelques idées préconçues (et oui, sans l’expérience de l’ailleurs, l'imagination suit parfois de trompeuses voies). De la neige et des montagnes, des dattiers et des rivières, des dune et de l'espace, des arabes, des Berbers, des Saharaoui et des Bédouins, tu détiens là un bien beau trésor. Cultives le, essais juste de trouver le moyen de le conserver en ouvrant tes portes au monde mais prend garde à la tentation de la consommation et de la gadgetisation, c'est une merde venu du nord et vraiment tu vaut mieux que cela. Prends soin de tes peuples de tes gens aux larges sourires, beaucoup d'entre eux te font confiance alors ne les déçois pas s'il te plaît. J'ai regardé, écouté et compris de petites parties de ce que tu ne dévoile pas à tout le monde, mais beaucoup reste encore à découvrir, beaucoup je sais. Mais comme nous avons souvent entendu dire par chez toi, « une autre fois inch'allha », une autre fois tu m'en diras un peu plus.
Je pourrai m’étaler encore et encore mais c'est déjà assez pompeux comme cela, alors… Sbaha!!!
Barth : Début de journée toujours un peu studieux, pour finir de mettre à jour le site, tenter en vain quelques commandes de matériel, tout ça avec une connexion très capricieuse. Heureusement, dehors le vent de nord s'est levé et commence à faire voler le sable. On devrait pouvoir avancer rapidement pour se rapprocher de la frontière, nos derniers kilomètres marocains seront peut-être de la voltige enfin !
Après avoir avaler une improbable pizza, nous enfourchons donc nos montures sous un soleil de plomb. Les premiers dix kilomètres vers l'ouest sont un peu poussifs… Le vent latéral freine bien et ne permet pas d'atteindre plus de 18 km/h sans prendre un coup de surchauffe. Mais soudain la route vire plein sud, après avoir frôlé l'océan, et là le réacteur se lance, donnant tout son sens au vélo couché. Sans effort, nous filons à 30 km/h sur le ruban d'asphalte qui coupe le désert en deux ! Enfin !!! J'exulte ! Je pousse jusque 40 km/h sur quelques centaines de mètres en ayant au préalable revu la structure d’en-roulage de mon cheich pour une meilleure ventilation des voies aériennes…
Bref, que du bonheur, et les paysages sont incroyables. Les dunes succèdent aux petits massifs de roches dentelées pour la plupart surmontés de petits tas de pierres aux formes aussi variées qu'évocatrices. Les tags du déserts sans doute… Je l'excuse pour le manque d'images sur ce coup là, mais à trente km/h, impossible de s'arrêter !
Du coup les 86 kms jusqu'à la frontière sont avalés en quatre heures et sans grosse fatigue (par rapport aux 90 kms laborieux des derniers jours)… Le soleil se couche quand nous atterrissons dans le cul de sac du poste frontière fermé depuis quelques heures. Une station, deux hôtels dont un avec des tentes collectives, nous décidons de suivre les traces de Camille qui a squatté la salle de billard du café deux jours avant contre une somme raisonnable. Il nous reste quelques dirhams à dépenser, le reste ayant été changé à Dakmar, donc tajine, thé, billards tout en discutant avec quelques maliens de retour vers leur pays, d'un basketteur sénégalais en route pour Casablanca et du serveur du café venu de Marrackech travailler ici quelques mois avant de se marier cet été. Ambiance détendue donc, en cette veille de passage de frontière. Pourvu que ce soit la même demain !