Distance parcourue : 700 kms
Durée : 30 jours
Date d'entrée : 2013-03-20
Date de sortie : 2013-04-18
Mercredi 20 mars 2013 - 50 kms - Post n° 172
Barth : Bon ! Ce coup-ci c'est sérieux, on sort du Maroc ! Petit déj en regardant la file de véhicules qui s'accumulent à la grille du poste frontière et attendent son ouverture… Heureusement, avec nos vélos nous pourrons nous faufiler jusqu'au bureau de tamponnement des passeports, mais nous ne couperons pas à la bonne heure d'attente parmi maliens, sénégalais, marocains et rares occidentaux… Ensuite les choses vont assez vite, nous serrons une pince aux douaniers, à la police, et hop nous voilà entrés dans le fameux Noman's Land, où tous les coups sont permis… Quatre kilomètres de piste plus facile à passer à vélo qu'en voiture de tourisme ou en semi-remorque, quelques carcasses de véhicules, un petit côté folklorique à la limite du surfait… Il faudrait quand même qu'un jour quelqu'un se motive à aménager l'endroit pour le rendre praticable. Mais cette zone de non-droit sert surtout au business de voitures, l'endroit est effectivement tranquille pour échanger quelques billets et refaire l'immatriculation d'un véhicule. Cette abération prend encore plus de consistance quand nous croisons une famille congolaise coincée ici depuis plusieurs mois pour des « raisons » administratives et à qui nous laissons un peu de pain et de fromage… Triste mascarade, folie administrative, je ne comprendrais jamais comment l'homme peu se rendre à ce point esclave de son propre système…
Pour nous, les choses sont bien sûr plus simples. Je dirais même bien plus simple que nous le pensions. Nous avons passé plus de temps à sortir du Maroc qu'à entrer en Mauritanie ! Il semble qu'il y a un régime spécial pour les cyclistes… Le fameux officier détenteur du sacro-saint tampon, que nous avons pourtant dérangé en pleine partie de réussite sur son ordinateur, nous délivre le sésame en moins de cinq minutes après avoir scanné nos passeports via un puissant système informatique dont je n'aurais jamais soupçonné l'existence ici !
Le temps de boire un coca et c'est parti pour nos premiers kilomètres mauritaniens. Contrairement à la veille, le vent chaud et sec est contre nous et il nous faudra toute la fin de journée pour atteindre Bou Lanouar à une cinquantaine de kilomètres. La route longe la voie ferrée sur laquelle nous apercevons le plus long train du monde qui transporte du minerais depuis le désert jusqu'à l'océan… Quelques baraques ponctuent le paysage, souvent associées à de petites parcelles verdoyantes dont les clôtures sont faites en traverses de chemin de fer. Nous croisons plusieurs barrages de gendarmerie où nous avons systématiquement droit à un questionnaire aussi intensif que sympathique.
En arrivant à Bou Lanouar, une tempête de sable se lève. Nous n'avons ni le temps, ni vraiment le choix pour trouver où dormir et filons vers le seul hôtel où après négociations nous trouvons une chambre vide avec deux paillasses pour environ dix euros… La vie semble plus compliquée ici qu'au Maroc, et notre statut de blancs est beaucoup plus handicapant d'un coup. Je commence à douter de notre capacité à mener tous nos projets dans ce pays où il va falloir passer un temps fou à négocier la moindre bouchée de pain et à exposer un programme détaillé aux autorités qui nous suivent à la trace… Mais peut-être que la proximité de la frontière accentue l'effet… À suivre…
Fanch : 9h30, c'est l'heure ou les deux pays voisin, ni ennemis, ni vraiment amis, ouvrent leur portes. Nous sommes encore aux Maroc. Il faut se plier à de courtes formalités, un tampon par ci, un enregistrement par là, en soi ce n'est pas très long, le véritable problème.. C'est l'attente… Deux heure peut-être? Mais bon, pas de fouille, pas d'embrouille, ne nous plaignons pas car d'autres n'ont pas cette chance et puis, nous nous y attendions. Et nous voilà projetés dans le fameux No Man's land.
Le bitume s'est stoppé net à la dernière barrière pour laisser place à 4 ou 5 kilomètres de pistes cassantes, sableuse parfois. Nous descendons régulièrement de nos bécanes pour pousser sur quelques mètres. D'énormes semi-remorques se dandinent et tentent en vain d'éviter les nids de poules, que dis-je… Les cratères. Les pistes se divisent, se multiplient, se rassemblent, certaines se perdent dans les sable. Il faut rester concentré, toujours prendre celle de gauche qui reste la moins sableuse, ne pas s'écarter du chemin car attention, le terrain est miné. Cool…
C'est un lieu ou les rumeurs venues d'occident racontent qu'il ne faut pas trop traîner ses guêtres, une zone de non droite ou tout, parait-il, est permit. À ce que je constate le trafique principal concerne celui des voitures. Elles descendent d'Europe (une caisse à 200 000 borne c'est du neuf ici!), convoyées de Tanger jusqu'ici par des marocains, puis son vendues au mauritaniens ce qui allège considérablement et en tout point le protocole de transaction. Tout cela pour dire que les traces de ces ventes hors « normes » modifient ce paysage déjà presque apocalyptique. Carcasses désossés ou calcinées, par-brises explosés, pneus parsemant l'espace, plaques d’immatriculations rouillés jonchant le sol… Un décor de cinéma. C'est vraiment con, il y a plein de truc à faire ici, mais c'est plus sûr de ne pas faire les malins, j'aurais bien aimé pourtant.
Juste avant la Mauritanie, j'échange quelques mots avec deux personnes, un homme et une femme originaires d'Afrique noir. Je suis sur mon vélo mais reste particulièrement attentif à ce qu'ils me disent. Je m’arrête et je me souviens.
Il y a de cela une dizaine de jours, au hasard de mes recherches sur ce lieu et sur le niveau de vigilance à adopter en le traversant, mon attention s'est arrêtée sur un article. Celui ci décrivait la situation délicate d'une trentaine de personnes bloquées dans cette zone plutôt inhospitalière, n'ayant ni la permission d'avancer, ni celle de reculer. Les deux pays leur refusaient catégoriquement une quelconque autorisation de séjour. Aujourd'hui, certains d'entre eux ont trouvés la porte de secours mais encore deux familles congolaise la cherchent, emprisonnées depuis maintenant quatre mois. Je discute avec deux d'entre eux. Il vivent dans une caisse de semi remorque abandonné et quêtent un peu d'eau et de nourriture auprès des conducteurs de passage pour survivre. On ferra de même en leur laissant un peu de pain ainsi qu'une boite de fromage. Ce n'est pas grand chose, juste un minimum.
Puis, nous nous adonnons à de nouvelles formalités sous le drapeau vert et jaune de la République Islamique de Mauritanie cette fois. Tout ce passe sans problèmes majeurs, c'est presque trop simple, trop rapide. Nous n'avons rien à négocier, juste à répondre à un questionnaire que l'on connais déjà par cœur. Je profite de changer de pays pour changer officiellement de profession. J'annonce au chef de police (en pleine partie de solitaire…) que je suis chercheur en phénoménologie acoustique. Mais le terme « phénoménologie » semble le rebuter et se contente de retranscrire « chercheur »… Ça veut dire plein de chose chercheur, c'est très bien comme ça… Et voilà notre premier contacte avec les autorités de ce nouveau pays.
Le reste… Et bien, notre enthousiasme est modéré. Enfin, nos premières prises de contactes s’avèrent… je ne sais pas comment l'expliquer mais j'ai l'impression que le fossé entre nos cultures respectives se creuse, d'un coup franc. Boum! On tombe dedans et ça fait mal. Nous nous confrontons rapidement à quelques octogones, qui sans le vouloir nous enfoncent (encore) un peu plus dans notre condition d'européens. Un jeune homme l'a très clairement exprimé d’ailleurs, je cite, « vous êtes blanc donc vous avez de l'argent ». Il a raison mais… Mais il n'y a pas de « mais », impossible de lui faire comprendre quoi que ce soit et c'est cela qui fait mal. À cela s'ajoute (on s'y attendait) les autorités qui ne nous lâche pas de l’œil. C'est plutôt rassurant j'en convient mais nous ne sommes explicitement pas libre de circuler comme nous en avions pris l’habitude et j'ai le présentement qu'il va nous être difficile de travailler comme nous l'aimerions.
Ce soir, deux gendarmes nous imposent l’hôtel de Bou Lanouar. C'est cher, trop cher, un loyer à environs 20 euros la nuit. J'explique au réceptionniste que nous ne pouvons pas nous permettre de mettre une telle somme pour une nuit chez lui. Il me rétorque que je suis européen donc que j'ai de l'argent. Aïe. Barth me rejoint, on use de nos arguments les plus sincères pour négocier un piaule à moitié prix.
Nous aurions voulu bosser un peu ici avant de rejoindre Nouakchott 400 kilomètre plus tard, mais ne nous sentons pas à notre aise. Finalement, la décision est prise, on redécolle demain pour foncer vers une destination plus accueillante.
Jeudi 21 mars 2013 - 95 kms - Post n° 173
Fanch : Notre route s'enfonce peu à peu dans le Sahara, disons plutôt qu'elle s'éloigne de la côte nous donnant l’opportunité de goûter à un nouveau climat, bien plus rude. Nous troquons la fraîcheur des embruns contre un soleil de plomb… Et je pèse mes mots. Le vent est quasiment nul en début d'après midi et la chaleur difficilement supportable. Je sue de tout mon corps, mon vélo aussi. Je commence à m'habituer à l'eau chaude de mes gourdes, aux bonheur que procure ces infusions goût plastique. En revanche les points de ravitaillement sont de plus en plus réguliers. On trouve une petit boutique tout les cinquante bornes environs ce qui nous permet de ne transporter qu'une « petite » quantité d'eau et de se lâcher sur la bouteille. Je bois abondamment sans pisser une seule goutte, c'est à la fois pratique et effrayant.
En fin d'après midi, alors qu'il ne nous reste qu'une quinzaine de borne nous séparant de notre fin d'étape, un violent vent de sable se lève. C'est incroyable, je le vois qui voile l'horizon, assombrit le ciel, en une minute, il vient nous frapper de plein fouet… nous sommes chanceux, ce thermique suis notre route et nous aide à avaler les derniers kilomètres.
La fin de notre étape, c'est un barrage de gendarmerie, nous le savions d'avance. On ne nous demande pas si nous voulons passer la nuit ici, nous n'avons pas le choix. Mais l’accueil qui nous est réservé, aussi simple soit-il, est sincère et amical. Il sont jeunes, tous jeunes et curieux de comprendre ce qui nous motive dans cette folle escapade. Nous en profitons pour discuter de la sécurité du territoire Mauritanien (entre autre) avec Momadou, engagé par (relatif) dépit. Je n'ose imaginer le nombre d'homme mobiliser pour « notre sécurité ». Avec les contrôles bitumes sont régulier, les nombreux postes avancés dispersés à travers le désert, des patrouilles mobile… Toute ces mesures militaire et policière ne laissent que peu de place à nos inquiétudes.
Notre auberge du soir est une ruine de caravane de la gendarmerie national qui oscille bruyamment en réponse aux violente bourasque. Je ne suis pas certain que mon sommeil supportera les secousse mais suis ravie de me retrouver en ce lieu insolite. Le deuxième jour en république islamique de Mauritanie est celui de la revanche, je m'y sens déjà beaucoup mieux qu'hier.
Barth : C'est le printemps aujourd'hui en France… Pour nous c'est la chaleur qui commence vraiment, enfin ! Nous avons donc pris le parti de foncer jusque Nouakchott sans trop chercher à produire de nouvelles choses. Quatre cent kilomètres en plein désert et loin de la douceur de l'océan contrairement au Maroc. Le vent sur lequel nous comptions n'est pas vraiment au rendez-vous aujourd'hui, il n'arrête pas de changer de direction en évitant soigneusement de nous pousser…
Au bout de quarante kilomètres il faut faire une pause pour reprendre des forces, manger un peu, et laisse redescendre la température de nos corps. Seulement voilà, il n'y pas une seule zone d'ombre à l'horizon… Rien d'autre que le sable, les cailloux, quelques dromadaires et buissons. Il faut avancer encore. Nous finissons par trouver refuge sous une tente saharaouie plantée au bord de la route et sous laquelle vivent trois femmes et deux enfants. Des routiers sont aussi en train de souffler ici… La chaleur est écrasante, la petite fille âgée d'une dizaine d'année, épuisante dans son obstination à se chercher un cadeau parmi nos affaires ( ce n'est sûrement pas la première fois qu'elle croise des touristes… ). Mais nous trouvons une place sous la tente pour avaler un morceau de pain et plusieurs théières de thé bien chaud. La discussion alterne entre les routiers et la petite fille… Je reste concentré sur la préparation du thé, trop assommé pour faire des efforts de communication…
Puis nous repartons, toujours au milieu de nulle part… Il faudra atteindre les soixante-dix kilomètres au compteur pour trouver une petite boutique pour faire le plein de provisions… Les sodas remplacent les fruits, c'est le retour des pâtes, et nous faisons le plein d'eau bien sûr. Voici notre nouveau régime mauritanien… Ensuite direction le poste de police à 25 kms pour y passer la nuit. Au bout de dix kilomètres, je sens d'un coup toutes mes forces m'abandonner. Il faut absolument que je mange quelque chose, les bouts de pains avalés n'ont pas suffit à encaisser l'effort physique. Je grignote donc quelques dattes quand soudain le désert se métamorphose. D'un coup le vent se lève, balayant le sable au point de ne presque plus voir le goudron de la route. Le soleil déjà bas devient rouge et les silhouettes des dromadaires s'effacent dans la poussière de l'horizon. Heureusement il ne nous reste que quelques kilomètres à parcourir et le vent nous pousse !
Nous arrivons donc juste à temps avant la nuit, au poste de police, en pleine tempête de sable. Et nous sommes bien accueillis ! On met à notre disposition une vieille caravane de la gendarmerie ouverte au vent et pleine de bazar, mais qui nous permet de préparer à manger et de passer la nuit sans trop de problème. Les gendarmes sont très sympas, tous jeunes et amusés de nous voir débarquer, ce qui casse un peu la routine ! Nous discutons longuement avec l'un deux, âgé de 28 ans et qui nous envie de pouvoir visiter le monde ainsi. On parle de terrorisme aussi, de musique, et de son village d'origine près de la frontière sénégalaise où nous passerons sûrement ! C'est vraiment une autre ambiance la Mauritanie, rien à voir avec la douceur de vivre marocaine… Mais nous n'avons encore rien vu !
Vendredi 22 mars 2013 - 125 kms - Post n° 174
Barth : La nuit était infernale. Orages, pluie, passage des camions à quelques mètres, et surtout le vent en rafale qui n'a pas cessé de secouer la caravane… Nous émergeons sous un centimètre de sable et le vent souffle toujours, dans le bon sens heureusement ! Après avoir joué aux « French doctors » en refilant quelques cachetons à un des gendarmes qui n'a pas bien digéré le repas de la veille, nous reprenons la route, propulsés par le vent…
Lancé à pleine vitesse, j'évite de peu un dromadaire en panique qui traverse la route au dernier moment juste devant moi. Avec les dunes, quelques arbres isolés et les carcasses de véhicules, ces fantastiques bestioles font complètement partie du paysage. La route que nous suivons relie Nouadibou à Nouakchott et semble avoir été regoudronnée il y a peu de temps. Quelques villages aux charmants noms de « kilomètres 145 » ou « virage untel » la jalonne. Par village, il faut comprendre une boutique, parfois une minuscule mosquée reconnaissable au haut-parleur qui la coiffe, et quelques tentes et baraques en terre ou en bois. Ce sont sans doute là les embryons de futures villes qui s'épanouirons avec le développement du pays dans les décennies à venir…
J'ai quelques difficulté à me souvenir de nos appréhensions au sujet de la traversée de la Mauritanie il y a quelques mois. La situation au Mali, les mises en garde depuis la France, la possibilité de contourner le pays par la mer, tout ceci me paraît loin et absurde. Bien sûr, tout peut arriver, mais les nombreux gendarmes que nous croisons, toujours très sympathiques et attentionnés, ne laissent pas beaucoup de chances à d'éventuels ravisseurs de nous atteindre… Le territoire semble bien contrôlé, particulièrement sur l'axe principal que nous empruntons et nous avons plus à craindre du vent de sable qui balaye systématiquement le nord du pays au couchant…
Après soixante-dix kilomètres parcourus en un peu plus de deux heures, nous faisons halte dans une station service très moderne, la seule digne de ce nom sur cette route. De nombreux bus ou minibus y font halte avec à leur bord toutes les nationalités voisines de la Mauritanie. Nous soufflons un peu en contemplant ce spectacle et en discutant avec pas mal de monde… Et c'est reparti, soixante kilomètres avant le poste de gendarmerie où nous passerons la nuit. Avec le vent il nous faut deux heures pour y arriver… Cette fois, la caravane bleu-marine n'est pas disponible et nous optons pour la location d'une petite baraque pour nous assurer une nuit de vrai sommeil à l'abri du vent et du sable. 125 kilomètres au compteur aujourd'hui, c'est un record pour nous deux, mais grâce au vent qui nous a aidé toute la journée, nous sommes fatigués mais pas épuisés. Mais le manque de sommeil de la nuit passée se fait sentir une fois le dîner avalé…
Fanch : La question de l'atelier ne se pose plus, en tout cas pour un moment car il faut avancer. C'est dur à dire mais les conditions difficiles dans lesquelles nous évoluons ne nous rendent pas disponible pour le reste. Notre énergie passe dans le coup de pédale uniquement. Oui, c'est frustrant mais je me console en remarquant les kilomètres défiler, le paysage évoluer rapidement. En une semaine nous avons parcouru plus de 600 bornes et pas des plus évidentes, voilà une bonne raison de ne pas se lamenter sur notre manque de production. Et l’Afrique se fait sentir, les peaux se fonces, les regards changent ainsi que les rapports humains. Le désert lui aussi se métamorphose. A mon grand étonnement, le vert joue avec le jaune, il va vient, disparaît puis réparait un peu plus dense à chaque fois, un peu plus fière de résister aux rude soleil de midi. Les arbres poussent entre les dunes, plus nombreux et de plus en plus haut et confère à ce paysage une allure de petite savane. Je ne sais pas du vraiment ce qui nous attend à ce sujet, mais j'ai bien l'impression que le Sahara s’efface timidement.
Samedi 23 mars 2013 - 155 kms - Post n° 175
Fanch : Brume de sable, on n'y voit rien à 300 mètre. Je ne vais pas m'attarder sur le paysage alors j'en profite pour développer sur ce que j'ai écrit hier. « Les rapports humains sont en train de changer » L'épisode de ce midi en est la parfaite illustration. Je m'explique.
Il est l'heure pour nous de se remplir la panse, avec 75 kilomètres dans les pattes ce matin, notre maigre petit déjeuner est depuis longtemps digéré. Nous faisons halte dans un petit village de pécheur afin d'y dégoter un petit bout de pain ou quelque chose du genre. Barth est à une centaine de mètre devant moi, il vient à peine de poser pied à terre qu'un homme accourt vers lui pour nous inviter à manger et à prendre le thé. Nous n'avons aucune raison de refuser, ça tombe même plutôt bien! Nous suivons l'homme qui semble satisfait et heureux de nous recevoir jusqu’à sa tente semi-rigide implanté là, au abords de la route.
Là, nous sommes accueillis par une femme relativement âgée, une jeune fille et trois enfants. La femme divise en deux un plat de riz et de poisson déjà bien entamé pour que mangions « entre hommes ». Elle et les plus jeunes finirons leur « assiette » assis non loin de nous. Nous discutons rapidement le temps d’appendre que l'homme qui nous encourage à manger n'est pas d'ici et qu'il fait en réalité du business de poisson qu'il revends à Rosso (ville du sud de la Mauritanie).
Jusqu'ici tout va bien mais après le premier thé (il y en a trois, tradition oblige) presque brusquement, j'ai l'impression que nous n'existons plus. Je ressens une atmosphère changeante, l'homme ne nous adresse plus la parole et discute en Hassani avec la femme. Je croise le regard de Barth et comprends silencieusement qu'il pressent lui aussi quelque chose. D'un coup la femme lance un « donnémoi cadeau ». J'en étais sûr… Quelque minute s’écoule avant que Barth n'aille chercher un paquet de gâteaux pour l'offrir en guise de remerciement à la famille. La femme les distribue aux enfants qui jubilent devant les gourmandises. Deuxième thé, la jeune fille s'assoit près de nous et après un long silence, montre du doigt mes lunettes à deux euros et lance un « donnémoi cadeau ». Je lui explique gentillement que j'en ai vraiment besoin étant donné la tempête de sable qui sévit dehors. Déçu, elle se lève aussitôt, une grimace se fige sur son visage et retourner s’asseoir à l'opposer de la tente. Troisième thé, l'homme sort non nonchalamment se dégourdir les jambes alors que la femme lance un « donnémoi argent », elle insiste et nous fait comprendre avec ses geste et son regard noir que c'est pour le thé. Nous ne voulions pas en arriver là. Déçu nous ramassons nos affaires, avant de sortir à contre cœur un petit billet de notre poche. Tous deux pensifs mais surtout déçus, nous attelons nos montures et pendant qu'un adolescent me harcèle à coup de « donnémoi cadeau », l'homme à l'origine de l'invitation fait de même avec Barth.
Loin de nous l'intention de profiter d'une rencontre dans l'unique but de manger ou de dormir sans débourser un sous et ce même si nous n'avons guère de grands moyens. Si nous acceptons les invitations c'est en premier lieu pour qu'il se créer un échange d'ordre culturel, idéologique, spirituel ou même tout simplement pour partager un verre de thé et quelques anecdotes sans grandes importances pourvu qu'elles nous fassent (à tous) passer un bon moment. En général et quand cela est « logistiquement » possible nous participons au repas en sortant ce que nous avons dans notre « sacoche bouffe », c'est normal.
Alors que faut-il penser de tout cela? Comment se positionner face à cette question récurrente de distribution d'argent ou de « cadeaux »? Quel est l'origine de tout cela?
La personnes qui à un peu voyagé connait bien ce genre de situation et sait à quel point cela peut être déstabilisant, même navrant. Mais c'est une réalité. (Ami du Club Med, c'est aussi cela « l'authenticité ») Si je voyage c'est avant tout pour chercher l'humain et pour partager avec lui, quelque chose susceptible de nous enrichir tous les deux… Mais parfois nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde. Il voit en moi quelque chose dont j'essaie de m’éloigner, quelque chose qui dans notre monde est utile certes mais que je déteste profondément.
D'autres sont passés avant nous, ONG ou touristes cherchant à se donner bonne conscience en distribuant des « cadeaux » à tire-larigot sans réfléchir au conséquences de leurs actes et ce sur plusieurs générations. Tu donnes un stylo ici, un chocolat par là… Et après? A par générer une accoutumance que ce passe-t-il? Résultat, Les contacts humains sont biaisées d'avance et quand la langue ne nous aide pas il nous est difficile de passer outre le fossé qui nous sépare. Nous véhiculons malgré nous l'image de héros pleins aux as, de père noël moderne venu de l'occident pour distribuer des pommes empoisonnées. Oui, c'est certain, la population local est très loin de rouler sur l'or, mais le cour de la culture et de l'éducation est nettement supérieure à celui du pognon. Donnons lui les moyens intellectuels d'être autonomes et peut être qu'un jour elle ne s'écrasera plus devant l'homme blanc pour 50 centimes d'euro. C'est sur, plus on ira vers le sud de l'Afrique, plus ce genre de mésaventure risque de se présenter. Le sujet est délicat et mène souvent au débat mais je me devais d'en parler.
Barth : Encore une grosse journée de pédalage en perspective… Le vent n'a pas cessé de la nuit et souffle toujours ce matin, remplissant l'atmosphère de sables et de poussières. La première partie de la route semble magnifique. Nous sommes au bord du parc naturel du Banc d'Arguin, nous enchaînons plusieurs toboggans de bitume dans des dunes de toutes les couleurs, mais l'atmosphère saturé de poussière ne permet pas de voir à plus d'un kilomètre… Dommage !
Avec soixante-dix kilomètres dans les pattes, il nous faut trouver de quoi manger rapidement. Ça tombe bien, nous arrivons dans le premier village croisé depuis ce matin, un village de pêcheurs. À peine arrêtés, un homme nous saute dessus en nous demandant ce que nous voulons. Nous lui faisons part de notre appétit et avec une insistance un peu démesurée il nous entraîne sous une tente où deux femmes, une jeune et une âgée sont installées avec trois bambins… Nous partageons avec l'homme un plat de riz frit et un poisson puis il nous demande si nous voulons boire le thé. Nous acquiesçons sans nous douter que toutes ces propositions ne sont en fait que des services qu'il va falloir payer.. Et avec de l'argent s'il vous plait ! Notre dernier paquet de gâteaux offert aux gamins n'ayant pas l'air de compter. Je comprends bien qu'il est difficile pour ces gens de faire la différence entre les associations pseudo humanitaires qui leur ont mis en tête que les blancs viennent ici pour faire des « cadeaux » et notre statut de voyageurs au long cours… Mais tout de même, nous arrivons à vélo, fatigués, affamés… Qu'ils aient à ce point oublié la beauté de leur culture de l'hospitalité envers le voyageur me révolte. Nous repartons donc, amers et allégés d'un peu de monnaie…
La fin de journée se passe en pédalant jusqu'à atteindre un nouveau record, cent cinquante cinq kilomètres ! Sur la fin, nous longeons l’océan, invisible mais bien présent de par l'air frais et iodé qui nous réveille un peu et dont nous avions presque oublié la douceur. De chaque côté de la route, des dizaine d'hommes armés de pelles et de grands tamis séparent le sable des débris de coquillages qui serviront à remplacer le gravier dans les constructions en ciment de Nouakchott. Spectacle étrange qui semble provenir d'une autre époque… Nous arrivons à la tombée de la nuit au poste de douanes situé à vingt-cinq kilomètres seulement de Nouakchott, où nous trouvons refuge sans aucun souci ! Les relations avec les autorités sont vraiment plus simples et saines que celles que nous avons eu avec la population pour le moment. Mais bien sûr nous n'avons pas rencontré tant de gens que ça, il serait injuste de généraliser…
Dimanche 24 mars 2013 - 25 kms - Post n° 176
Barth : Vingt-cinq kilomètres pour rejoindre Nouakchott, l'affaire est vite réglée… Petit à petit le désert se transforme en zone urbaine, d'abord par la présence de nombreuses antennes de télécommunications, puis des constructions de plus en plus rapprochées les unes des autres. Le sable et les dromadaires sont toujours là mais la circulation automobile et la population citadine se densifient. Quelques affiches publicitaires viennent parfaire le tableau, nous sommes en ville !
Ce qui frappe tout d'abord ici, c'est le cosmopolitisme. Nouakchott est la capitale mauritanienne mais aussi la capitale du désert où se mêlent les populations berbères venues du nord, les mauritaniens, les proches pays d'Afrique noire (Sénégal, Mali, Côte d'Ivoire) et une petite communauté d'expatriés occidentaux… Nous prendrons le temps d'explorer plus en profondeur cette cité étonnante, mais pour le moment direction l'auberge Sahara pour nous reposer des dernières centaines de kilomètres parcourus… Mon ventre montre quelques signes de faiblesse depuis la veille, peut-être la première tourista tant attendue?!.. Je passe donc la fin de journée à me reposer, donner des nouvelles aux proches qui nous pensaient pris en otages dans les confins du désert, et prendre des nouvelles du monde sur internet… Nous rencontrons un couple de jeunes bretons de retour du Mali et dans la soirée nous retombons sur Camille qui après avoir séjourné quelques jours ici, a trouvé un hébergement gratuit chez un américain. Elle nous file quelques tuyaux sur le fonctionnement de la ville et comme nous prévoyons de séjourner ici un bon bout de temps, la possibilité de nous héberger pour pas trop cher nous rassure !
Il est ensuite temps de dormir, pour la première fois sous une moustiquaire car nous avons franchi la ligne à partir de laquelle ces sympathiques bestioles vont nous hanter jours et nuits, avec la potentielle transmission du fameux paludisme…
Fanch : La ville se dessine peu à peu. Les bâtiments qui percent le sol détrônent les cabanes des brousses. La circulation augmente, la poussière déjà bien présente se densifie. Nous sommes au porte de Nouakchott, une capitale de sable dont je suis curieux de découvrir quelques secrets. Petite anecdote sympa, nous sommes dans une auberge de jeunesse, à peine arrivés nous rencontrons un jeune couple de routards breton, c'est pas très étonnant me direz vous. Lui est de Lorient, elle de Cléguer, mon petit village natal… Et ça c'est déjà plus improbable!
Camille de Cyberconte est arrivée ici il y a quelques jours en voiture. On se retrouve sans avoir de rendez vous… Comme d'habitude. Le temps d'aller manger un bout et le charme du dépaysement agit. L’Afrique est là, l’Europe s'éloigne de plus en plus.
Les 800 bornes que nous venons de parcourir durant ces dix derniers jours nous ont… lessivé. Barth à mal au bide depuis quelques jours alors je pense que les deux prochains jour seront placé sous le signe du repos.
Lundi 25 mars 2013 - 0 kms - Post n° 177
Fanch : Que dire de cette journée excepté qu'il ne s'est rien passé. J'accuse la fatigue et l'état de Barth (ça ne va pas vraiment mieux apparemment) doit d'une manière ou d'une autre déteindre sur moi. Afin de me donner bonne conscience car j'ai du mal à concevoir un jour complètement perdue j'effectue une petite mise à jour du carnet de bord et bidouille le fichier d'un tracé GPS pour le balancer prochainement en ligne.
Auberge du Sahara, il y a là trois baroudeurs Italiens avec qui on cause Arduino et qui se promènent dans le nord ouest africain avec un camion-cinéma solaire (entre autre). Le concept est plutôt chouette alors je vous invite à aller faire un petit tour sur leur site : interzona42b.blogspot.it
Ah oui, un petit détail qui gratte et que j'ai omis de préciser. Depuis que nous sommes arrivé à Nouakchott, à l'heure du soleil couchant, des centaines de vampires descendent du ciel et ils ont faim ces enfoirés de moustiques. C'est un signe qui ne trompe pas, nous avons franchis une étape, il y à de l'eau quelque part dans le coin…
Barth : Depuis notre arrivée en Mauritanie, j'ai quelques difficultés à sortir l'appareil photo, ce qui commence à me frustrer un petit peu… Il y a plusieurs raisons à ça. Tout d'abord notre vitesse de déplacement, nous avons passé quatre jours à foncer avec le vent dans le dos et à 35 km/h, quand j'aperçois un potentiel sujet, il est souvent trop tard ou trop compliqué de s'arrêter, voir de faire demi-tour, d'autant que sur la route que nous empruntons rares sont les poteaux sur lesquels nous pouvons adosser les vélos à l'arrêt. Ensuite, il y a le vent et le sable qui font que je maintient ma sacoche fermée le plus hermétiquement possible, ce qui n'aide pas au non plus au dégainage rapide… Et la dernière raison, c'est que dans ce nouveau pays où les quelques contacts avec la population nous plaçaient en position de pères-noël à roulettes, je ne me sens pas vraiment à l'aise pour exhiber l'appareil, redoutant une facturation aussi mirobolante qu'injustifiée.
Bref, pour le moment c'est un peu le blocage de ce côté là, mais je compte bien tenter l'expérience à Nouakchott pendant notre séjour. Dès que mes intestins me libéreront… Ça ne va toujours pas fort aujourd'hui, coup de fatigue doublé d'une petite déshydratation il me semble. Pas encore la vraie tourista…
Mardi 26 mars 2013 - 5 kms - Post n° 178
Barth : Trop cher, trop bruyant, trop chaud, et trop de moustiques… Si nous voulons rester deux semaines à Nouakchott pour travailler efficacement il nous faut trouver un autre abri. Une fois le petit déjeuner avalé, nous nous rendons donc en taxi à l'auberge Menata dont Camille nous a parlé. Il s'agit d'une des premières auberges ouverte par une française dans la ville. Aujourd'hui un peu délaissée par sa direction et en conséquence par les clients, nous y trouvons du calme et de l'espace pour travailler ainsi qu'un tarif plutôt raisonnable et une situation plus centrale dans Nouakchott. Le temps de refaire l'aller-retour à l'auberge Sahara pour ramener nos affaires et faire nos adieux à la tribu franco-italienne d'interzona42b qui organise un cinéma solaire itinérant en Afrique depuis quatre ans, et nous voilà installés dans la tente sur les toits de notre nouvelle adresse.
Déjeuner dans un petit snack marocain qui nous rappelle de bons souvenirs culinaires déjà si loins, et la fin de journée se passe devant l'ordinateur pour mettre à jour le site, en sirotant du thé dans les jardins de l'auberge. J'ai hâte de retrouver toute ma santé pour commencer à découvrir enfin cette ville pleine de promesses, et pour me plonger avec allégresse dans les différents montages vidéos en retard, tout particulièrement celui du dernier check-point qui commence à dater un peu ! Peut-être qu'une bonne nuit au calme et au frais me remettra sur les rails ?…
Fanch : On commence la journée par déménager. Et oui le nomadisme coule dans nos veines à présent et dormir deux jours durant au même endroit déstabilise considérablement notre rythme physiologique. Non, plus sérieusement, nous pensons rester une quinzaine de jours à Nouakchott, les nuités de cette auberge sont relativement trop coûteuses pour notre petit budget et stratégiquement, la géolocalisation du lieu pas très avantageuse car excentrée du centre ville et des commerces. Si on veut être efficace mieux vaut il se sentir à l'aise. Mais le temps de prendre un taxi, de visiter une auberge susceptible de répondre à nos attentes, de négocier les tarifs, de reprendre un taxi pour le retour, de préparer nos affaires, de dire au revoir aux italiens, de manger un bout et de refaire le même chemin mais en vélo cette fois ci… Il est déjà 15 heures… j'aimerai trouver du temps pour bosser moi! J'y parvient finalement un peu plus tard, enfin… je m'occupe un peu de courriers en retard, d'envoyer quelques mails, de pondre quelques textes, rien de très concret mais ce sont de petites choses inévitable qui prennent pas mal de temps. Mais ça c'est fait!
Le coût de la vie n'est pas donné en Mauritanie. Nous pensions que les prix baisseraient mais voilà, quand on y pense, c'est logique, quasiment tout y est importé. Allez faire pousser fruits, légumes et faire paître vos brebis dans le désert vous comprendrez! Mais outre cela, j'ai l'impression qu'ici peut-être plus qu'ailleurs il nous faut négocier pour faire tomber les prix et c'est parfois fatiguant de se « battre » pour ne pas (trop) se sentir arnaqué, c'est aussi une question d'honneur. À cela s'ajoute une nouvelle monnaie dont la conversion en euros n'est pas des plus évidente. 1 euros = 360 ouguiyas.
Barth semble se remettre de son coup de mou et proportionnellement ma motivation réparait. Demain est un autre jour qui sera bien plus productif enfin… Je l’espère.
Mercredi 27 mars 2013 - 0 kms - Post n° 179
Fanch : Je bouine ce matin, essaie des trucs graphiques sans prétentions mais surtout sans réelles covictions. Mais bon, après coup et en causant de cela avec Barth, j'arrive à rebondir sur d'autres idées. Le bilan de la matinée n'est pas extraordinaire mais tend plutôt vers le positif. De son coté Barth patiente devant l'ordinateur, la connexion est plus que capricieuse et la synchronisation du site est lente, très lente… très très lente, et ça continu de ramer. La cause? Une panne. Des travaux sont en cours sur la fibre optique qui joint Nouakchott, ça arrive… c'est juste que cela m'étonne moins ici qu’ailleurs. Mais devant cette déprimante attente et laissant Barth à cette tache ingrate, je décide d'aller faire le curieux et de rencontrer la population de Nouakchott au marché du bidouillage de portables. Ici on l'appel Le « Point chaud » car d'après ce que l'on dit, mieux vaut il faire attention à ses poches, la rumeur stipule que c'est un repère de mafieux…
Pas de mafia qui ne me dépouille, je découvre en outre un joyeux labyrinthe de minuscules échoppes. Ambiance assuré, ça braille dans tout les sens, des enceintes crachent à toute berzing les tubes pops d'ici et d'ailleurs. J'observe attentivement ce qui s'y passe et me laisse guidé par un flux tourbillonnant de rencontre et de poignées de mains. Je m’arrête en premier lieu dans une boutique de réparation de téléphones portables ou deux hommes attendent le client. Il a ici des téléphones en pagaille, rien de neuf, uniquement de la récupe de deuxième, troisième, quatrième main. On discute une bonne heure. Les mecs m'expliquent qu'ils n'ont pas de diplômes d’ingénieur en électronique ou quelque chose du genre, mais ils connaissent mieux que n'importe qui le fonctionnement de ces petite machine à l’électronique relativement obscure. Un client arrive, un démontage, une soudure par ici par là, on remplace un composant et hop en 5min l'affaire est réglé, le client repart le sourire aux lèvres. La démonstration m'a largement convaincu et je ris devant cette étonnante simplicité… Comment fait-on en Europe quand un téléphone ne fonctionne plus?
Outres les génies de la réparation d'appareils mobiles, on trouve ici une flopée de Geeks qui téléchargent tout ce qui bouge et qui fait du bruit depuis leurs domiciles, blindent leur disques dur et viennent ici échanger de l’octets en pagaille contre quelques ouguiyas. Dans son échoppe Mohamed, alias Johnny a installé deux chaises et un veille ordinateur connecté à une chaîne-hifi qui crache du décibel en espérant accrocher le client, le fichier mp3 téléchargé la veille servant d’appât. Je m'assoie sur l'une des chaises pour discuter et en savoir un peu plus sur ce qu'il « magouille » ici. Le Point Chaud c'est un réseau parallèle ou des dizaines de personnes échangent pour de modiques sommes des milliers de mega octets. HADOPI aurait fait un malaise mais apparemment, les autorités locales les laissent faire. La question: Pour combien de temps encore? Nous regardons ensemble si quelque chose est susceptible m’intéresser, je ne trouverai pas ici la perle rare. Mais qu'importe! L'ambiance du lieu m'a convaincu, je reviendrais plus tard.
Barth : Toujours pas en grande forme physique, je suis resté à l'auberge toute la journée pour travailler en dépit d'une connexion internet capricieuse. Il semble que des travaux sur la fibre-optique sous-marine qui relie l'Afrique occidentale au Web sont en cours, ce qui expliquerait les coupures régulières du réseau. La synchronisation du site ne sera donc pas faite dans les temps…
Malgré ça, la journée a été marquée par des rencontres instructives sur la réalité mauritanienne, particulièrement de Nouakchott… En milieu d'après-midi, alors que Fanch est parti explorer le marché des téléphones portables, je lance la préparation d'un thé qui fait apparaître Camille, suivie de près par Ziza (Aziz de son vrai nom), un musicien que nous avions rapidement croisé la veille. Je délaisse donc l'ordinateur pour papoter avec ces deux visiteurs autour du thé. Ziza est chanteur de reggae et il s'apprête à sortir son premier album dans lequel il dénonce différents problèmes qui font le quotidien de la Mauritanie. Il nous explique ainsi à quel point la discrimination est active dans ce pays formé de différentes ethnies. Les maures, au pouvoir depuis longtemps entretiennent un sentiment de supériorité sur les autres ethnies à la peau noire, souvent reléguées aux travaux les plus contraignants. A cela s'ajoute la prédominance des cultures nomades qui ne permet pas une véritable pensée politique, handicap important pour une république… En tant qu'artiste black, Ziza souhaite parler et dénoncer tout ceci, conscient des problèmes que ça peut lui attirer. Une fois son album en diffusion, il s'attend à devoir quitter le pays, à défaut de se retrouver mis à l'ombre par les autorités…
En allant dîner, nous sommes démarchés par Papiss, un de ces nombreux jeunes sénégalais qui arpentent les rues de Nouakchott dans l'espoir de vendre quelques marchandises, montres, tongues, maroquineries, à la sauvette. Nous lui expliquons comme à chaque fois que voyageant en vélo nous n'avons besoin de rien, et s'ensuit une discussion sur sa vie. Papiss n'a qu'une idée en tête, rejoindre l'Europe pour y gagner de l'argent pendant quelques années et rentrer construire une famille au Sénégal. il a réussi une fois à atteindre l'Espagne mais s'est fait attrapé et reconduire par les autorités marocaines en plein désert aux abords de la frontière algérienne… Qu'à cela ne tienne, un rêve aussi fort ne se laisse pas perturber par si peu. Son petit business à Nouakchott devrait lui permettre de rassembler assez d'argent pour remonter jusqu'au nord du Maroc, et après avoir de nouveau économisé de quoi passer la méditerranée, il retentera sa chance… Pour lui, il n'y a aucun espoir au Sénégal, toute son énergie est consacrée à la réalisation de son rêve, du rêve d'une grande part de l'Afrique, aller cueillir les fruits de l'abondance en Europe…
Dans la soirée, pendant que l'ordinateur mouline à quelques centaines d'octets par secondes dans l'envoi de fichiers sur le serveur du site, une conversation s'engage avec Jeff, un français à la cinquantaine bien tassée qui séjourne à l'auberge depuis quelques jours. Bon ami d'Olivia, la fondatrice de notre auberge, il a lui-même tenu une auberge dans le désert mauritanien il y a une dizaine d'année, à l'époque où le tourisme était plus florissant. Son point de vue d'occidental et le recul sur l'évolution du pays de ces dernières années est fort intéressant. Selon lui, la situation se dégrade.. Moins de liberté, moins de tourisme, plus de tensions entre les différentes ethnies, nous comprenons un peu mieux l'état de l'auberge Menata qui semble un peu à l'abandon.. Nous arrivons après cet âge d'or où Menata était le rendez-vous festif et bouillonnant de tous les occidentaux de Nouakchott ! Tant mieux pour notre tranquillité, mais quel dommage pour les micros-économies qui s'étaient construites il y a dix ans autour de ces concentrations touristiques. Dans le désert, ce sont des villages entiers qui bénéficiaient de cette activité, aujourd'hui éparpillés, abandonnés, fantômes…
Jeudi 28 mars 2013 - 0 kms - Post n° 180
Barth : Ce matin s'est au tour de Fanch de subir les joies des perturbations intestinales… Pour ma part, je ne me sens pas encore prêt à tenter le diable même si ça va quand même un peu mieux. La connexion fonctionne à peu près ce matin, j'ai bon espoir d'arriver à finir la synchronisation du site… Mais c'est sans compter sur le faible débit en upload, même avec une connexion stable. Je parviens tout de même à charger toutes les images, une centaine de fichiers d'un poids maximum de 1 Mo, c'est pas bien lourd mais ça aura pris plus de 24 heures quand même !! Reste le gros morceau, la base de données d'un poids indivisible de 20 Mo… J'ai réussi à atteindre 52% du chargement en trois heures avant que la connexion ne saute. La fin de journée consistera à guetter un éventuel retour de cette connexion en faisant cuire du riz pour mon pauvre comparse étendu sous une couverture à quelques mètres de moi…
Le passage du tropique et la traversée du désert qui l'a suivi ne nous ont pas laissé indemnes. Maintenant que nous sommes confortablement installés, la pression physique se relâche et nos corps laissent exprimer toute leur fatigue. C'est une bonne chose, il nous faut prendre le temps de nous acclimater à ce nouveau climat avant de poursuivre notre route africaine… Laisser le temps à nos corps de se tropicaliser !..
Fanch : Tourista: premier round, je suis vaincu par K.O. Rien à ajouter.
Vendredi 29 mars 2013 - 0 kms - Post n° 181
Fanch : J'ai encore de belles crampes d'estomac, mais le pic est passé. Je reprends des forces mais préfère ne pas jouer au malin. Je reste donc à l'ombre des feuillages du jardin de l'auberge. Et je regarde d’un œil mon ami qui avec son flegme naturel, entretient son sang froid face à l'ordinateur de bord. La synchronisation du site n'est toujours pas effectuée et cela devient synonyme de perte de temps. Mais bon, en parallèle Barth bosse sur le montage du Checkpoint 004, non seulement ça lui occupe l'esprit mais c'est une des (nombreuses) choses urgentes à finaliser.
L'ordinateur change de main, j'ouvre un dossier de vieux patchs (patch=petit programme) Pure Data (mon logiciel préféré). Je replonge ainsi quelques mois et années en arrière et redécouvre les joies et les possibilité d'un granulateur audio et d'un générateur d'harmoniques. Les idées jaillissent. Je ressors de vieux outils de ma boite à programme qui associés à la matière sonore déjà collectée, tendent à m'ouvrir de nouvelles portes. A suivre.
Barth : L'atelier de l'auberge Menata commence a être bien installé. les fauteuils et tables basses disposés à l'ombre des grands arbres en constituent le principal mobilier. L'ordinateur reste au centre du dispositif, accompagné du camping-gaz que je ne quitte plus pour préparer régulièrement le thé… Ce qui a souvent pour effet d'attirer les visiteurs et personnel de l'auberge me permettant de lever les yeux de l'écran quelques instants ! Encore une bonne journée de boulot donc, avec pour thème principal le montage du checkpoint. Il est temps de passer à autre chose ! Reste la synchronisation du site qui est en maintenance depuis plusieurs jours déjà.. J'ai eu une lueur d'espoir en me rendant compte que je pouvais compresser la base de données par dix fois son poids, mais ça ne suffit pas, il semble que l'ordinateur a quelques problème pour accéder au web alors que la connexion fonctionne. Peut-être une histoire de mises à jour que je n'ai pas réussi à faire…
Côté santé, Fanch va un peu mieux et je sens que je ne suis pas loin du retour à la normale non plus. En fin de journée, une scène de crime organisé dans les toilettes de l'auberge nous inspire un nouveau haïku.. Enfin ! Les affaires reprennent après une quinzaine de jours de chômage technique…!
Samedi 30 mars 2013 - 0 kms - Post n° 182
Barth : La grande tente dans laquelle nous dormons sur le toit de l'hôtel est exposée au soleil vers huit heures le matin, ce qui a pour effet de me tirer du lit à une heure raisonnable et de bonne humeur ! Se faire réveiller par le soleil reste chose relativement agréable…
Nous avons vaguement rendez-vous en fin de journée pour aller boire le thé chez un américain chez qui loge Camille. Une première sortie en douceur qui pourra peut-être nous permettre d'accéder à une bonne connexion en plus ! Du coup, il faut mettre les bouchées double pour finaliser un maximum de choses à mettre en ligne. Je laisse Fanch avancer sur le checkpoint et m'occupe d'appeler l'aide de l'ami George pour enfin réactiver notre site ! Mais je me rends compte au même moment que nous sommes le week-end de Pâques, il risque de ne pas être vraiment disponible…
Finalement, pas de nouvelle de Camille, la journée file vite… Le checkpoint est enfin prêt en fin d'après-midi, reste à le mettre en ligne et pour ça il nous faudra trouver une nouvelle connexion… Les tentatives de synchronisation du site ont toutes échoué encore aujourd'hui par contre j'ai réussi à mettre à jour le système de l'ordinateur qui semble mieux tenir la connexion. Peut-être que demain ce sera la bonne !
Depuis quelques jours il fait de plus en plus chaud, particulièrement autour de midi quand le vent tombe et que l'air devient épais de chaleur. Le soir, quand la fraîcheur revient, le soulagement est de courte durée car c'est aussi l'heure à laquelle sortent les moustiques affamés qui font tripler de volume mes chevilles quand toute ma concentration est absorbée par l'écran…
Fanch : Une envie irrésistible me pousse à jouer avec les sons engrangés depuis le début du voyage. Jouer, ce mot intègre à la fois les notions de musique et d'amusement, c'est bien de cela qu'il s'agit.
Les instrument virtuel et expérimental que j'ai ressortis hier me pousse à repenser l’identité de mes enregistrements. Je ne les considère plus comme un ensemble d’unités indépendantes les unes des autres mais plutôt comme un tout. Je pars du principe qu'un enregistrement raconte l'histoire d'un instant précis à un moment précis. Mais jusqu'à présent quelque chose m’empêchait le mélange de ces histoires comme si le seul fait d'assembler deux enregistrements anéantissait le sens de chacun d'entre eux. Alors je retombe sur une question qui me turlupine l'esprit depuis le début du périple, depuis bien plus longtemps d'ailleurs. comment exploiter intelligemment et de façon créative mes enregistrements audio?
Bien que je sois un adepte de la simplicité (en réalité j'aime les choses qui « paraissent » simples mais qui sont infiniment subtiles), je ne trouve pas de sens - excepté dans un but informatif- à diffuser tel quel une captation sonore sur une simple paire d'enceintes. Je ne vois pas non plus pas l’intérêt de retravailler le son pour qu'il paraisse, à la réécoute, aussi vrai si ce n'est pas mieux que nature. Pour sortir de ce schéma je ne vois (pour l'instant) que trois options. La première consiste à chercher de nouveaux modes de diffusions, oublier les enceintes ou plutôt, aller au delà en inventant puis en offrant au son un nouveau support de diffusion. La deuxième solution est de (re)contextualiser un enregistrement en le confrontant à l'environnement dont il est issu ou en tout cas en réfléchissant l'espace de diffusion. Et la troisième c'est bien sûr la composition. Fragmenter, éclater, fusionner, assembler, couper, boucler, superposer. Le compositeur peut exprimer par ce travail une idée sensible et singulière en empreintant à la vie quelques un de ses bruits, sons, rythmes et timbres. Quand on parle de créativité, à mon sens il faut commencer par une de ces trois options.
Enfin, cette replongé au cœur du monde la MAO Open Source réveil une certaine motivation, c'est bon signe.
Dimanche 31 mars 2013 - 0 kms - Post n° 183
Fanch : L'objectif notre fin d'après midi est d'aller d'un point A vers un point… Indéfini, de se laisser guider par nos pressentiments ou par une éventuelle rencontre, en espérant découvrir un petit secret.
Nouakchott continue de nous dévoiller, au compte goutte ses caractéristiques étonnantes. Une capitale ou le sable est roi. Seules les avenues principale semblent goudronnées, mais le sable envahi tous les axes secondaires, rues et ruelles, petites places de quartier, les trottoirs sont eux, inexistant. Les promenades dans ce sable mou s'apparentent rapidement à une randonnée sur G.R. côtier. Mais les tumultes du trafic routier, l'odeur d'échappement mêlé à celle de poissons en décomposition, l'architecture hétérogène, le bruit strident des meuleuses provenant des ateliers de ferraille celui des klaxons et des moteurs nous plonge dans une ville réellement vivante presque anarchique, et le coté exotique du sable se fait vite oublier. Le soleil baisse progressivement, les ombres s'étire au sol.
Ici, ce joue un match entre occident et tradition. Un homme en boubou (tunique sharahoui) sort de son 4×4 flambant neuf, le téléphone collé à son oreille droite, il attrape son ordinateur portable sous le bras gauche pour fermer d'un mouvement du bassin la portière conducteur de la grosse bagnole. À 5 mètres de lui, un vendeur de clope à l'unité le regarde en mâchouillant un bout de racine.Vêtu sobrement d'un vieux jean jaunit par la poussière et d'une veste de lin bleu marine, il est affalé à même le sol. Sur son mini stand un mini mégaphone diffuse en boucle un slogan pré-enregistré stipulant que ses Malbo sont 100% qualité. On se rends rapidement compte que les contrastes ne sont pas uniquement d'ordre culturel, le fric côtoie la misère, le béton côtoie le bois et la taule ondulé, le Hassani côtoit le Peul. La distribution des richesses reste une fois de plus fortement désavantageuse pour une grosse part de la population avec un arrière goût de discrimination racial. Le business de bureau pour les mauritanien du nord, le business des rues pour les blacks venus du sud ou d'encore plus au sud. C'est semble-t-il le même schéma qui se reproduit partout.
Barth : Couché tard et réveillé tôt par le soleil, il faut un peu de temps pour refaire surface, le temps pour le soleil de rendre l'air brûlant… Ce matin la connexion fonctionne et j'ai réussi à compresser un peu plus la base de données. Résultat, le site est enfin de nouveau accessible !! Après quatre jours de tentatives infructueuses… Mais ces difficultés m'ont appris à optimiser encore plus le protocole de synchronisation, ce qui devrait faire encore gagner du temps les prochaines fois !
L'auberge est le lieu de passage de pas mal de monde. Clients, guides touristiques, anciens employés… Par exemple hier soir nous discutions avec Dahi, un mauritanien représentant d'une société belge de distribution de films, séjournant ici avec sa femme d'origine bretonne. Kusturica, les frères Darden, et d'autres, surgissent donc dans la conversation sans qu'on s'y attende !.. Ce matin, c'est M. Mohamed Mahmoud Ould Bowbe, président de l'Association nationale des guides sahariens qui est venu nous parler d'une lettre ouverte à François Hollande revendiquant le déclassement en zone rouge de la plupart des sites touristiques mauritaniens. Effectivement, la Mauritanie semble bien plus sécurisée que tout ce que nous avions pu entendre avant d'y séjourner, et la chute du tourisme de ces dernières années a des conséquences économiques et sociales assez lourdes pour un pays aussi fragile. Zone rouge, zone rose, zone blanche… Une mise en couleur arbitraire qui semble masquer des intérêts bien plus flous que la seule sécurité des ressortissants français…
Pendant que Fanch s'immerge dans le bidouillage de Pure-Data, j'en profite pour faire une grosse lessive puis nous partons nous promener au hasard des rues de Nouakchott. Nous traversons ainsi une zone complètement verte au coeur de la ville, un oasis végétal au milieu de la poussière où de nombreuses plantes et fleurs sont cultivées à l'ombre des grands arbres, alimenté par un compost à base de sciure de bois… Notre errance nous conduit ensuite dans un café très branché et très cher qu'Aziz, un des loustics de l'hôtel nous a recommandé pour sa connexion internet. Effectivement le débit en upload est satisfaisant, mais tout de même pour charger les 600 Mo du checkpoint il faudra compter presque quatre heures… Nous prenons donc notre mal en patience et installons la succursale de notre atelier en avalant une pizza. Finalement, un peu avant minuit, le chargement est complet ! Ouf ! Direction l'auberge, à pieds car les taxis sont rares et chers à cette heure, pour une nuit sereine…
Lundi 1 avril 2013 - 0 kms - Post n° 184
Barth : La tendance ne change pas, quelques degrés supplémentaires encore aujourd'hui… Je me lève de bonne heure pour publier le dernier checkpoint tant attendu et j'enchaîne sur un peu de courrier en retard… La matinée passe vite et Fanch qui est sorti se balader, revient sur les talons de Camille qui vient chercher un peu d'ombre dans son excursion quotidienne. Déjeuner, thé, dans une chaleur étouffante dont même Mafou, le gérant de l'auberge, se plaint…
En fin d'après-midi, le vent se lève un peu, permettant d'envisager une sortie. Direction le port de Nouakchott à une quinzaine de minutes en taxi… Débarqués sur la place principale, située à l'arrière de l'immense criée d'où s'écoule un flot ininterrompu de personnes, nous avons le sentiment d'avoir changé de pays, ou du moins d'être à la frontière d'un autre monde. En effet, une barrière filtre l'accès des véhicules à la zone portuaire et d'un coup nous sommes plongés en Afrique noire, la pêche semble être une activité délaissée par les hassanis… Après avoir traversé la criée afin d'accéder à l'océan, la surprise est de taille ! Je m'attendais à trouver là un port, une digue, des quais, mais au lieu de ça s'étend à perte de vue une vaste plage de sable blanc, noire de monde. C'est l'heure du retour des bateaux qui par dizaines surfent pour franchir la barre et venir s'échouer sur le rivage. Un attroupement se forme alors, constitué de charrettes tirées par des mules, de brouettes équipées de caisses, d'acheteurs et autres curieux, et l'embarcation se déleste de son poisson en quelques minutes. Reste à hisser la coque jusqu'au sommet de la plage où elle rejoindra ses semblables jusqu'à la prochaine sortie. C'est l'équipage qui s'y emploie, une dizaine d'hommes, armés de longues bombonnes de gaz en guise de rondins et qui à la force des bras tractent la grande barque sur le sable mou, au rythme d'un chant entraînant !
Au coeur de cette activité aussi joyeuse qu'intense on ne semble pas prêter spécialement attention à nous. Tant mieux car nous avons prévu de nous isoler pour réaliser une petite installation que Fanch traîne dans ses bagages depuis le Maroc. Cela nous prend une bonne demie-heure, un peu à l'écart de la fourmilière, le temps pour le soleil de se rapprocher de l'horizon marin et pour la température de chuter. Nous ne tardons donc pas trop, juste le temps de retraverser la plage, de croiser un hassani qui nous tient de tristes propos au sujet de l'invasion du nord de l'Afrique et bientôt de l'Europe par les populations noires, et de serrer la pince à quelques pêcheurs heureux de nous faire admirer le produit de leur pêche. Puis, après avoir trouvé un taxi parmi les incroyables antiquités automobiles qui assurent la liaison entre le port et les différents quartiers de Nouakchott, retour à l'auberge pour une soirée studieuse comme toujours.
Fanch : J'aime ce type de journée où ce mêlent travail, recherches et découvertes. Je reste un bonne partie de la matinée assis devant mes bidouillage virtuels et sonores tout en continuant à chercher une méthodologie convaincante pour jouer mes samples et enregistrement. Cela demande beaucoup de temps et de rigueur mais quand cet instrument à base de samplers, granulateur et synthétiseur, sera sortie de l'atelier de lutherie numérique, je vais pouvoir donner libre court à mon imagination et peut être même aller au delà. Pure Data est un logiciel Open Source conçu par Miller Puckette destiné en premiers lieu à la synthèse et au traitement du signal audio. Mais conscients de son énorme potentiel une communauté d’utilisateur lui a rapidement apporté d'autres fonctionnalités comme la gestion de l’interactivité ou le traitement vidéo en temps réel. Autre Avantage non négligeable, on trouve sur le net une documentation de plus en plus riche à propos de l'utilisation du logiciel mais aussi des patchs (programmes) la plupart du temps sous licence libre que l'on peut donc utiliser, modifier, personnaliser puis repartager (sans oublier de citer le nom du ou des concepteurs initiales).
Alors je fouille dans de vieux dossiers ainsi que sur le web pour y déceler de « bons patchs » puis je les teste avant de leur apporter les modifications nécessaires et de les assembler pour créer mon instrument idéal. Une fois que cela sera achever, la seconde tache va consister à sélectionner les enregistrements de ce voyage, les « nettoyer », les couper pour en faire des échantillons prêts à êtres joués. Ça va demander un peu de temps mais je pense que cela en vaut largement la peine. J'ai plusieurs idées en tête, aussi bien en ce qui concerne l'habillage sonore des Checkpoints qu'en live ou sous forme d'installations autonomes et interactives.
Et puis, à l'heure ou le soleil entame son irrémédiable chute vers l'Ouest et que la chaleur s’estompe doucement, nous sautons dans un taxi en direction du port de Nouakchott. Une surprise se dévoile ici. Je m'attendait à un port en béton, avec digues et chaluts mais passés la tumultueuse criée, nous arrivons sur la plage… Heureux hasard? Nous sommes pile à l'heure pour observer les pirogues rentrer de leur campagnes quotidiennes, rapportant le précieux poisson par centaines de kilos. Cet événement draine, dans une ambiance générale plutôt décontractée et haute en couleur, une foule d'hommes et de femmes qui lui confère une allure de fête. Ça grouille, ça chante dans l'effort, ça gueule dans tout les sens.
Mardi 2 avril 2013 - 0 kms - Post n° 185
Fanch : Une haute muraille de bétons qui cours sur plusieurs centaines de mètres et couronnée sur toute sa longueur d'une guirlande de barbelé, un homme en arme vêtu d'un uniforme de l'armé mauritanienne… Au premier abords, cela ressemble plus à l'enceinte d'une prison ou d'une cargaison militaire qu'à un centre culturel. En réalité ce mur est une frontière qui sépare la Mauritanie de la France. De l'autre coté se trouve les bâtiments de l'Ambassade, ceux de l'Institut Français et que sais-je d'autre encore. Avant de pénétrer dans l'enceinte, j'avais en tête un espace peuplé de dandys au visages pales rassemblés entre expatriés, pour combler un manque social et affectif évident. Mais une fois passé le détecteur de métaux je réalise alors que ce lieu est fréquenté en majorité par les mauritaniens. Autant pour moi et ça ne peu que m'enchanter!
Nous faisons un rapide tour du domaine. L'exposition actuelle est une restitution d'une série d'ateliers de créations effectués au sein de plusieurs écoles primaires. En soit, ce n'est pas passionnant mais il faut dire que c'est plutôt rassurant de constater que l'expression plastique commence à fleurir dans les classes certaines écoles de Nouakchott. Au fond, là bas, on entends les clapi ti tap s'échapper d'un cour de percussions africaines. A notre gauche, dans un petit bâtiment, on identifie le studio de répétition devant lequel un guitariste néophyte s’essaie aux accords barrés. Pas facile. Il est à noté que c'est ici que l'on peut trouver l'unique cinéma de Nouakchott et je crois, de Mauritanie ainsi qu'une médiathèque et une imposante scène extérieur au pied de laquelle, tout les jeudi soir la jeunesse de Nouakchott se rassemble devant l’événement hebdomadaire.
Nous nous décidons à pousser la porte de l'administration et avons l'honneur d'être reçus par Émilie Droin, chargée de mission culturelle. Nous en apprenons un peu plus sur laborieuse évolution culturelle mauritanienne, particulièrement dans le domaine des arts plastique (pour ne pas dire contemporains). Elle nous a entre autre, donné l'adresse web du blog de Francesca Nucci, ethnologue ayant étudié le sujet en profondeur : arts-plastiques-mauritanie. N'hésitez donc pas à y jeter un oeil si cela vous intéresse.
L'entretien se termine avec un jus d'orange pressées à la cafétéria de l'institut, je m'autorise ensuite un petit tour dans dans le studio ou j'assiste, ravi, à une répétition… à l'africaine s'il vous plaît! Ça joue grave dans le coin!
Barth : Il faut déjà penser à la nouvelle synchronisation du site, la précédente ayant duré si longtemps que nous n'avons pas vraiment pu profiter du calme qui suit normalement. Le programme de la journée est donc tout vu en ce qui me concerne… Mais grâce à la connection du café de Tunis que nous n'avions jusqu'alors pas repéré à quelques minutes de l'auberge, l'affaire est classée à midi ! Ensuite c'est décidé, j’enchaîne sur les montages en retard, je ne me sens plus dans une énergie créative avec autant de vieux dossiers sur le bureau… Besoin de finir les choses, de tester les formats et les langages aussi et de tourner la page du Maroc et de l'Europe qui paraissent si lointains dans le temps maintenant…
Un peu de courrier en début d'après-midi, et nous voilà partis visiter l'Institut Français de Nouakchott. La place est bien gardée, par des hommes en armes, une fouille à l'entrée et de nombreuses caméras de surveillance… Le bâtiment jouxte celui de l'ambassade de France, ceci explique sans doute cela… Après avoir visité les lieux, une cafétéria, une immense cour, une salle d'exposition, une bibliothèque, et des locaux pour les ateliers de musique ou de dans, nous pénétrons dans les locaux de l'administration. Après plusieurs échelons, nous atterrissons dans le bureau d'Emilie, une française chargée de mission culturelle à l'Institut qui nous éclaire sur les différentes activités culturelles de la ville de Nouakchott, en particulier les contacts de différents artistes plasticiens et musiciens qui sont associés à l'institut. Que de rencontres en perspectives !
Pour ce soir, ça suffit… La nuit tombante à fait venir une fraîcheur humide qui nous pousse à vite rentrer à l'auberge pour manger et… Travailler, bien sûr !! Minuit passé, Abdoulaye, le jeune et discret gardien de nuit, vient nous faire la causette. Originaire de Guinée, il veut lui aussi rejoindre l'Europe pour y gagner en quelques années de quoi faire vivre sa famille pour le restant de ses jours… Mais son point de vue très rationnel sur l'Afrique, nous surprend. Selon lui, le principal problème vient du manque d'éducation, et il semble espérer de tout son coeur un « printemps noir » dans la lignée des printemps arabe… Inch'Allah ! Un jour l'Afrique se réveillera, j'y crois aussi !.. D'ici là, prend garde à toi sur la dangereuse route de l'émigration clandestine…
Mercredi 3 avril 2013 - 0 kms - Post n° 186
Barth : Que les choses soient claires, comme cela m'arrive de temps à autre, j'entame une immersion totale dans les méandres de Kdenlive, notre logiciel de montage vidéo. La plongée devrait durer quelques jours et rendre indisponible ma matière grise à d'autres activités…
Au programme, réaliser le montage des différents portraits d'acteurs du libre et de libre penseurs croisés depuis notre départ et finaliser les captations des différentes créations in-situ en vue d'inaugurer notre galerie virtuelle. Vous ne m'en voudrez donc pas si je ne suis pas très bavard durant cette phase cybernétique de mon existence…
Fanch : Boulot-dodo-boulot. C'est l'objectif principal des prochains jours en ésperant que notre cloisonnement au sein de l'atelier puisse ratrapper le retard qui s'accumule au sujet des objets-libres et de la création. De mon coté ça n'avance que très très lentement mais Barth semble s'être lancé dans un marathon de montage vidéo.
Désolé de n'être pas plus causant mais à part secher devant quatre feuilles blanches, je n'ai ni fait, ni vu grand chose de notable. Je reste néanmoins ravi de vous connaître. Bonne nuit.
Jeudi 4 avril 2013 - 0 kms - Post n° 187
Fanch : Barth enchaîne. Une, deux, trois, quatre vidéos de montée! Et moi je m'occupe comme je peux à coup de lessive et de ballades dans le quartier à la chasse au son.
J'en profite pour observer, écouter ceux qui m'entourent. Et oui, La pluralité des langues font du français une passerelle pour une compréhension collective. C'est une aubaine considérable qui simplifie notre appréhension de notre environnement mais aussi qui me pousse vers une analyse, aussi sommaire et spontanée soit-elle, des comportements sociaux inter-culturels.
Nouakchott est le trait d'union qui sépare l'Afrique arabophone de l'Afrique francophone, c'est le centre d'une marmite bouillonnante dans laquelle une bonne dizaine de cultures sont tombées lorsque les frontières les ont poussé à vivre ensemble. Mais clairement, le mélange ne prend pas. Une certaine résignation de la communauté noir (bien que beaucoup d'entre eux soient nés sous les couleurs mauritaniennes) fait face à la fierté et au mépris flagrant des Maures.
J'observe, constate et alors je me sens piégé entre, d'un coté, mon refus de généraliser et de l'autre, une récolte de témoignages qui pointe du doigt une réelle ségrégation raciale. J'essaie de garder ma position d’observateur qui ne connais que trop peu l'histoire et les us et coutumes des ces peuples mais, j'ai certaines valeurs profondément ancrées qui m'empêchent d'être neutre et indifférent vis à vis de ce que je vois actuellement. Valeurs qui sont en partie communes à celles du coran et qui prônent le respect et l'acceptation d'autrui. Mais, non… Vous avez raison de penser qu'ici il ne s'agit plus de religion. L'homme se complaît parfois dans l'intolérance, ça ne date pas d'hier et ce n'est pas un problème endémique à cette région du globe, allez savoir pourquoi… Enfin bref, je pourrais très bien éviter ce sujet fâcheux mais je n'y parviens pas, l’ambiance générale est pesante, je ne m'y sens pas à l'aise. Puisse l'éducation grandissante au sein ce pays faire évoluer les mœurs.
Ces mots posés ici m’aideront peut être à projeter mon regard au delà de cette pénible réalité, je ne reviendrai pas sur ce sujet et tenter de passer à autre chose.
Barth : Les choses avancent bien mais il y a encore à faire ! Le temps à changer depuis hier, un vent de sable et de poussière balaye la ville, recouvrant tout d'une fine pellicule beige… Je fais partie du décor dans le jardin de l'auberge. Assez confortablement installé sur une des tables basses avec à mon côté le camping-gaz et la théière. Un français vivant au Maroc, un américain de Las Vegas et un japonais sont arrivés aujourd'hui à l'auberge. Mon activité asociale ne me permet pas d'en savoir beaucoup plus sur eux pour le moment… Mais nous allons dîner avec l'américain, rapidement car j'ai toujours un calcul ou un transfert sur le feu, mais assez longtemps pour faire quelques progrès en anglais !
Tard dans la nuit, alors que j'entame le dernier montage, Abdoulaye, le jeune gardien guinéen vient discuter avec moi. Comme la première fois, je suis épaté par sa lucidité, sa connaissance des réalités géopolitiques en Afrique et dans le monde et son désir que les choses bougent ! À seulement dix-huit ans, son regard sur le monde n'est ni irrationnel, ni exalté, ni fataliste, ni je-m’en-foutiste… Juste lucide et sagement révolté. Quand il me dit que s'il était président, les choses iraient beaucoup mieux dans son pays, je le crois sur parole. Le monde entier, et en priorité le continent africain, a besoin d'hommes et de femmes riches d'autres valeurs que le pouvoir et l'argent… Tu es de ceux-la Abdoulaye.
Vendredi 5 avril 2013 - 0 kms - Post n° 188
Barth : Après une courte nuit, direction le café de Tunis pour charger les vidéos en ligne… A midi, je laisse le soin à Fanch de veiller au bon déroulement de l'opération et m'en retourne à l'auberge pour entamer une série de paliers de décompression afin de revenir dans le monde réel, loin de l'ordinateur…
Camille va sans doute laisser un peu tranquille son hôte américain et venir s'installer à l'auberge. Une islandaise et un suisse arrivants du Sénégal viennent aussi de débarquer, Menata commence sérieusement à ressembler à l'auberge espagnole ! Mais tant que je peux me reposer, je ne l'en plaindrais pas… Je passe donc l'après-midi à écrire un peu, somnoler en sirotant du thé… La bulle !!! Et pour la première fois depuis notre départ l'agréable sentiment de ne pas avoir de boulot en retard accumulé, je passe en mode temps réel dès que j'ai repris des forces.
Fanch : Barth vient de mettre fin à son marathon de montage vidéo et son visage est marqué par la fatigue. Je reprends la main et enchaîne sur un tissage de patchs Pure Data. Je met au point un modeste générateur harmonique, un synthétiseur en quelque sorte. Mon objectif étant d'avoir la possibilité de paramétrer, indépendamment les uns des autres, les volumes des 15 harmoniques qui suivent une fondamentale prédéfinie (un LA par exemple). C'est long et fastidieux d'autant plus que plusieurs logiciels existent pour jouer sur ce genre d'instruments virtuels, qui finalement n'est pas si originale que ça. Alors pourquoi se prendre la tête me direz vous? La réponse… Et bien, elle réside dans la philosophie du libre.
Enfin bref, il est trois heure du matin et nous somme à Nouakchott.
Samedi 6 avril 2013 - 0 kms - Post n° 189
Fanch : Fanch : Je reste (encore) devant l'écran, un casque sur les oreilles. Je laisse Pure Data de coté pour me coltiner une belle séance sampling (échantillonnage de sons). Ça aussi c'est fastidieux, mais j'ai bien avancé et mon objectif de la matinée est atteint… A 15H précise.
Ce midi, bolognaise sans viande.
De retour sur Pure Data, je continue de fignoler mon générateur harmonique, je lui apporte d’ailleurs un jumeaux qui sonne un peu différemment. Le temps de les finaliser puis de les documenter et ils seront bientôt disponibles au téléchargement. Je sais très bien que beaucoup d'entre vous ne se sentent pas concernés et ne comprennent en rien mes élucubrations artistiquo-numériques mais si ce patch peut servir ne serait-ce qu'à une autre personne que moi, j'en serai ravi.
Demain, j’arrête l'ordinateur… Je sens que Nouakchott nous appelle.
Barth : Le vent se calme, la chaleur revient… Journée tranquille entre matinée au café wifi pour charger les dernières vidéos et prendre quelques nouvelles de la France. Une prochaine intervention de l'équipe de choc de Linux Quimper se profile, pour assainir le système de notre ordinateur qui montre de nombreuses faiblesses depuis sa réparation miraculeuse en Andalousie…
Les quelques jours restants avant notre départ de Nouakchott doivent absolument être consacrés à la concrétisation des différentes visites prévues dans la ville, glanées au fil des conversations à l'auberge. Mathieu, le français vivant au Maroc qui connait bien Nouakchott, est de bon conseil, et Camille a bien repéré les lieux et les problématiques. Les quelques rencontres faites au café avec les vendeurs à la sauvette, et quelques clients ont affiné la projection que je me fait de cette cité mais il est temps après cette longue phase de repos et d'atelier numérique, de partir voir de nos propres yeux le tableau imaginé.
Ce soir, dîner au restaurant. Une petite enseigne dans une ruelle ensablée, indiquée par son patron qui quand il ne travail pas au restaurant, circule la journée en ville pour vendre quelques paires de tangues aux gens assis aux terrasses de café, aux gens comme nous… Le dîner est bon, mais l'addition est peu salée, ça nous apprendra à enfreindre la règle selon laquelle si tu suis la proposition de quelqu'un, aussi sympathique et sincère qu'il paraisse, ça se paie à un moment ou à un autre..! C'est le jeu !
Dimanche 7 avril 2013 - 0 kms - Post n° 190
Barth : Le dimanche à Nouakchott, c'est comme un lundi en France, tout redémarre après le week-end ! La rue de l'auberge est alors envahie par des dizaines de jeunes issus de familles aisées qui fréquentent les cours des différentes écoles privées qui se trouvent là. Nous sommes dans le quartier riche de Nouakchott, où il n'est pas rare de voir un embouteillage de grosses voitures de luxe conduites par des maures en boubou bleus. La caste des maures est elle-même divisée en deux sous-castes, les maures blancs et les maures noirs. Le café tunisien que nous fréquentons depuis que la connexion de l'auberge ne fonctionne plus semble être le lieu de rendez-vous des intellectuels maures… Chicha à la bouche, ordinateur portable devant les yeux, parfois accompagné de quelques livres, discussions animées en groupe en buvant des cappuccinos, les maures sont fiers, tellement qu'il est parfois difficile de faire la part des choses entre le véritable intellectualisme et une forme de frime sociale qui fait partie de leur culture… Ces maures-là sont un peu les bobos mauritaniens.
A l'autre bout de la chaîne, se trouvent les travailleurs noirs, sénégalais, malien, ivoiriens, guinéens, qui assurent tous les petits métiers. Serveurs, marchands ambulants, coursiers, gardiens, femmes de ménage, tous sont issus de l'Afrique noire et sont aux services de la caste au pouvoir. Cette mixité culturelle semble se dérouler dans une relative harmonie, un ordre des choses qui ne peut être remis en cause et qui abrite en son sein les restes d'une domination centenaire entre les peuples du nord et ceux du sud. La forme la plus extrême de cette domination est encore visible dans la vie privée où il n'est pas rare de trouver des esclaves noirs dans les maisons des riches maures…
Malgré ça, la liberté d'expression, le débat d'idées semblent plus accessibles ici qu'au Maroc. Nouakchott est une ville immense, qui grignote le désert comme une champignonnière depuis seulement un demi siècle, alimentée par la rencontre entre tous ces peuples d'Afrique. Ici tout semble possible, pensable, imaginable. La modernité de l'occident rencontre de plein fouet les racines culturelles des ethnies nomades, et l'embargo sécuritaire qui a anéanti le tourisme des Toubabs donne pour le moment une certaine forme d'authenticité au tableau. Charnière entre le Maghreb et l'Afrique noire, ce qui se passe en Mauritanie se joue entre africains, sans la présence parfois dénaturante des foules touristiques venues d'autres monde.
Cet après-midi nous suivons Mathieu qui veut nous présenter un griot sénégalais, et éventuellement nois faire assister à un tour de thé, une réunion entre femmes qui se cotisent pour payer les services des musiciens et s'éclater un peu en dansant quelques heures, jusqu'à la transe… Le taxi nous conduit à plusieurs kilomètres de l'auberge dans le quartier dit « cinquième » où nous retrouvons Pape, le dit griot, et plusieurs de ses musiciens qui commencent à se regrouper en vue des programmes du jour. Pape a une trentaine d'années, marié avec un enfant, et il est fils et petit fils de griot… Le temps de faire connaissance, de boire le thé et nous voilà partis. Nous arrivons dans la cour d'une grande maison où quelques femmes sont déjà là, habillées de leur plus belles tenues aux couleurs éclatantes et scintillantes, et pour la plupart avec un enfant en bas âge accroché dans le dos. Nous ne restons pas, il vient d'y avoir un décès dans la famille, un pêcheur mort en mer, le tour de thé est donc naturellement annulé… Pape nous entraîne alors à la sortie de Nouakchott pour rejoindre l'autre partie du groupe qui est en train d'animer un tournois de lutte sénégalaise. Le site est fermé par une palissade en toile et nous avons quelques difficulté à rentrer face à un service d'ordre incohérent et émoustillé par la vue de mon appareil photo. Je range donc le matériel et nous prenons place juste derrière les musiciens pour assister au tournois… En fait nous ne verrons pas de combat, le froid et la faim nous font décamper au bout de trois heures de danses et de rituels autour des cinq ou six champions qui s'affronteront. Sur notre gauche la tribune VIP où siègent des femmes toutes peinturlurées de maquillage et aux robes dorées ou argentée, qui font pleuvoir les billets sur les musiciens et danseurs. Ce sont les marraines nous confie Pape. L'arène de sable comme les champions sont arrosés d'eau et de lait bénis par le marabout de chaque équipe. Les paris vont bon train. Religion, sport, argent, musique et danse se mélangent devant un public de plusieurs centaines de supporters… Nous avons vu un autre visage de Nouakchott ce soir, celui de la communauté sénégalaise qui occupe le quartier « cinquième » sans eau courante ni égouts…
Le retour de nuit prend beaucoup de temps. Notre taxi manque de foncer sur deux policiers à un barrage qui ne manquent pas de lui soutirer 2000 ouguyas… Sur une course à 300, ce n'est pas très rentable, mais notre chauffeur s'en sort bien, la police a pour habitude de rafler tous les étrangers en situation irrégulière… Nous finissons par rejoindre l'auberge pour un dîner très attendu et une bonne nuit de repos !
Fanch : Quartiers 5ème et 6ème, nous voilà plongé au cœur d'un autre Nouakchott, submergée par les sables. Ici, le goudron n'existe et n'a jamais existé. Nous sommes dans un taxi clandestin via lequel nous parcourons les pistes chaotiques des banlieues de la capitale en compagnie de Mathieu (un français habitué de Nouakchott) et de Pape, griot (percussionniste traditionnel) sénégalais. Le 5ème, nous donne un aperçu de l'Afrique sub-saharienne, ici plus de Maures et encore moins d'européen, les populations viennent du sud, en majorité originaires du Sénégal. La vie semble différente, paff, d'un coup, les rues s’animent, les mômes cours de leurs pieds nus après le ballon rond, les chèvres se ballade de poubelles en tas d'ordure. Les femmes aussi se dévoile, certaines montre même leurs épaules et malgré une apparente pauvretés, l'atmosphère semble plus décontractée ici qu'au centre ville. Le dépaysement opère.
Nous nous laissons porter par le programme de Pape qui nous transporte au cœur le la culture populaire sénégalaise.
Quartier 6ème, nous voilà arrivés, la rythmique asymétrique des percussions, après avoirs percutée les façades des bâtiments qui nous encerclent résonnent jusqu’à nos oreilles. Nous pénétrons sans encombres particulières dans l'enceinte du combat dont le périmètre est entièrement rendu opaque par de nombreuse bâches blanche et poussiéreuses. Pape rejoint ses frères griots, nous nous installons auprès d'eux et sommes vraisemblablement les bienvenus. L'arène se remplie peu à peu, les pompoms girles arrive en jean et t-shirt tandis que les marainnes de l'évènement vêtues de leurs plus beaux apparats s'installent non loin de nous. Puis les lutteurs font leurs entrés dans une ambiance aussi festive que chaotique. De francs pas de danse accompagnent d'obscures rituels que je ne peux qu'observer sans comprendre de quoi il s'agit. Je sais simplement, à en jauger la quantité de grigris et les litres potions bénites déversés sur le sable, que derrière ce combat de lutteurs se cache aussi celui des marabouts. Les superstitieuseries n'en finissent pas, c'est un véritable show désorganisés qui s'anime au son décousus des griots et de la voix distordu de l'animateur expulsée par une trop veilles enceintes. La tension monte lentement. Il est déjà tard quand les chorégraphies des joueurs et de leur staff débutent.
Je ris à la vue de ce spectacle spontané, naturel et anarchique, mais aussi devant mon incapacité à piger les codes et modes de communication mise en place entre danseurs et griots. Ça s'éternise, il fait nuit depuis déjà longtemps, 4 heures après notre arrivée, nous décidons de rentrer sans avoir vu les lutteurs en action. Parait -il que la duré totale des combats n’excède pas les 10 minutes ce qui, quand on y pense justifie amplement cette interminable et extravagante mise en scène.
Lundi 8 avril 2013 - 0 kms - Post n° 191
Fanch : La réconciliation avec Nouakchott est imminente. Notre petite sortie d'aujourd'hui nous fait découvrir un nouveau quartier, une nouvelle ambiance. Nous voilà glissant dans le flot quotidien du marché Capital. Les centaines d’étals se succèdent exhibant leurs couleurs et leurs marchandises au passants qui scrutent d'un œil aiguisé la bonne occase. C'est un magnifique bazar au sein duquel chacun semble occuper une place précise. Les bruits rivalisent avec les odeurs, ils nous assaillent et nous encerclent mettant nos sens à l'épreuve.
Nous cherchons quelque chose dont nous ne soupçonnons pas l’existence, c'est pour moi la meilleur méthode pour ne pas avoir le sentiment d'avoir louper quelque chose. Même si aujourd'hui, la route que nous empruntons est censée nous mener aux ateliers des chaudronniers (qui pour le coup nous intéresse) mais l'attention que nous portons à notre environnement nous guide vers d'autres découvertes. Comme ont dit, le chemin compte plus que ce qu'il s'y trouve au bout. Et le « hasard » nous amène à rencontrer à l'angle d'un trottoir Alassan le tisseur de fer, un homme réservé mais qui se fait une joie de nous expliquer ce qu'il bricole à longueur de journée. Il tisse le fil de fer comme le jonc pour confectionner des ses doigts durcis de petits paniers coniques destinés à recevoir les braises qui « cuirons » le thé. L'objet en soi est simple mais il nous intéresse particulièrement car la matière première, le fil de fer, est extraite de la structure interne des pneus. Un objet libre s'esquisse.
Suite à cette rencontre avec Alassan, nous arrivons à une heure trop avancée et les ateliers de chaudronnerie sont désormais clos, les échos du métal se sont perdu dans les méandres de Nouakchott. Nous rencontrons néanmoins Amodou qui se présente comme le spécialiste de l'aluminium et qui nous propose de repasser demain pour une visite guidée de son domaine. Affaire à suivre.
Barth : La connexion remarche à l'auberge ! Youpi ! Et le vent du nord souffle fort… Matinée administrative pour ma part, quelques dossiers à remplir pour finaliser ma cessation d'activité en France. Le midi nous accompagnons Mathieu dans une maison où il est possible de manger ou d'emporter un plat pour un prix bien plus intéressant qu'au restaurant. Une femme prépare chaque jour un plat différent dans de grandes quantités et les gens du quartier viennent acheter une part emballée dans des sacs plastiques. Aujourd'hui c'est mafé, un plat sénégalais à base de cacahuètes, un régal !
Après une vague sieste digestive à base de mise à jour du site internet, nous partons en excursion dans le marché « capitale » à quelques encablures de l'auberge. Le marché s'étend sur des kilomètres mais toujours grâce aux précieux conseils de Mathieu, nous allons directement voir le quartier des bijoutiers. Chacun dans son petit atelier, travaillant à même le sol, produit des bijoux en argent, en laiton, en bronze, en cuivre, d'une finesse assez impressionnante au vu des conditions rudimentaires. En face se trouvent les bouchers qui viennent de temps à autres faire redresser le fil de leurs couteaux chez ces artisans… Nous poursuivons notre route dans un dédale de ruelles dégoulinantes de boue et d'ordures, où les chèvres croisent les camions croulants dans une foule multicolore. Pas un mètre carré qui ne soit pas occupé par un stand de bric ou de broc, les odeurs rivalisent avec les mouches, et la nourriture au raz du sol est saupoudrée de sable et de poussière. Un stand attire notre attention, une voix de petite fille s'échappe du traditionnel haut-parleur répétant en boucle ce que propose le vendeur, chose inhabituelle… En s'approchant, nous remarquons que le marchand est en train de bricoler avec du fil de fer. Il fabrique en fait des sortes de paniers avec des fils de fer récupérés en faisant brûler des pneus dans lesquels on peut poser quelques charbons incandescents pour faire le thé. Un nouvel objet libre en somme !
Nous finissons la promenade par un repérage du quartier des fondeurs, qui transforment les carrosseries de voitures en marmites et autres contenants métalliques. Mais la nuit tombe déjà, les ateliers sont fermés et le froid est en train de recouvrir la ville. Rendez-vous est pris le lendemain pour une visite des lieux, inch'allah comme toujours !
Mardi 9 avril 2013 - 0 kms - Post n° 192
Barth : Synchronisation du site aujourd'hui, au café vu que la connexion de l'auberge ne fonctionne toujours pas bien… A midi, c'est réglé, le temps d'avaler un morceau et nous filons en direction des ateliers de fonderie aperçu la veille… Nous arrivons trop tard, c'est le matin qu'à lieu la fonte de l'aluminium, nous reviendrons demain. En poussant un peu la promenade, nous tombons au bord de la rue sur un lieu improbable en bordure d'une palmeraie. Une pancarte indique qu'il s'agit d'un programme de récupération de déchets inauguré en 2007 en partenariat avec l'ambassade de France. L'homme qui tient le lieu est ravi de nous faire découvrir l' amoncellement de bouteilles, en plastiques ou en verre, triées par types, qui forment une sorte de caverne surréaliste où il nous prie de rentrer. Le programme n'a pas vraiment eu de suite, mais l'homme continue d'accumuler ces récipients qu'il revend au compte gouttes à qui le veut. Étrange mise en scène des ordures de Nouakchott !
Un peu plus loin, alors que nous engageons la conversation avec quelques métallurgistes, un homme en boubou vient me dire de ne pas prendre de photos… Cela arrive souvent, la levée de l'interdiction officielle d'il u a quelques années n'ayant sans doute pas convaincu tout le monde… On attend un peu qu'il s'éloigne, avant de reprendre notre conversation qui se termine autour d'un thé dans un atelier voisin. Ici on fabrique des réchauds à charbon ou à gaz, des fer à repasser au charbon en pliant de la tôle récupéré sur des carrosseries automobiles. En retraversant le petit marché crasseux des métallos, un homme qui se dit comédien nous parle de son ouvrier qu'il surnomme « mon zanimo », nous faisant bien comprendre que ce dernier dépend totalement de lui… Humour décalé, réalité sociale ? Difficile de dire ce qu'il en est vraiment…
Sur le retour, nous passons saluer Alassane qui vient de terminer un nouveau modèle de réchaud avec plateau incorporé. Il est avec sa femme et ses deux enfants aujourd'hui. Nous partageons un thé en écoutant le récit de son parcours… Il a quitté le Mali il y a plusieurs années déjà pour venir gagner de l'argent à Nouakchott, ou attendre que son frère ait réussi à gagner l’Europe et à lui envoyer une somme suffisante pour retourner au Mali et reconstruire la maison familiale à Bamako. Nous déclinons son offre de nous faire cadeau de son dernier modèle de panier réchaud, en lui expliquant que nous voyageons à vélo, puis nous prenons congé avec dans l'idée de repasser le lendemain !
De retour à l'auberge, nous passons la soirée à discuter avec Peter, père de deux enfants qui se trouve sur la route du retour en Hongrie après avoir passe l'hiver en famille en Casamance comme tous les ans depuis 2007. Il nous fait part de son désespoir quand à la situation économique et sociale de la Hongrie et plus largement de l'Europe, qui explique en grande partie ce choix de vivre une transhumance annuelle dans une région aussi lointaine. On est loin de l'exode hivernal des retraités français aperçus au Maroc, même si le principe est le même…
Fanch : Direction… Les ateliers de chaudronnerie. Nous traversons de nouveau le marché Capital, plus rapidement ce coup ci. Hop hop hop, nous slalomons à travers les étals, changeons de trottoir et rentrons le ventre pour pouvoir se faufiler entre les dizaines bagnoles garées en vrac, hop hop et paf, on se casse le nez. Amodou est là et nous annonce que nous sommes arrivés trop tard. Il est 15 heure seulement et la journée de travail touche à sa fin. Bon, ok, ce coup ci le rendez vous est pris pour 11 heure demain, sans faute !
Alors GO! On pousse plus loin, coupe à travers le marché aux volailles, enchaîne poignée de main, un thé par ici, un autre par là, un petit brin de causette et hop, nous nous retrouvons dans une rue qui me semble mener au quartier 5ème et qui longe une palmeraie. C'est ici que nous faisons la connaissance d'Houssein, un peu allumé sur les bords mais de son rire franc, il nous propose de faire halte pour échanger quelque mots. Il faut dire que le cadre où se déroule la scène et dont Hussein est le gardien attire notre attention. Des centaines, que dis-je, des milliers de bouteilles, de bocaux et de bidons habillent ce petit bout terrain à la lisière de la plantation de palmiers. Au premier coup d’œil cela s’apparente à une déchetterie comme nous les connaissons mais rapidement mon regard se change et je vois des « déchets » bien rangés, classé avec des critère de sélection précis comme s'il s'agissait d'une collection. Bon, il faut bien avouer que ce n'est pas aseptisé comme un couloir d'hôpital mais la classification reste néanmoins évidente.
Notre homme à la fâcheuse tendance à changer de sujet avant même que je comprenne ce dont il cause, mais avec beaucoup de concentration j'arrive à décrypter (enfin je crois) ce dont il s'agit. Tout cela à commencé en 2007 lors d'un concours de recyclage lancé par une organisation étatique, le vainqueur aurait dû être le plus grand récupérateur de bouteille de Nouakchott mais seulement, jamais personne n'a mit terme à la compétition, un petite histoire sans fin. Le pauvre Houssein nous fait part de son désarrois mais il semble s'en être remis et il parvient à gagner quelques petits sous en revendant le plastique de sa collecte à quelques autochtones avident de contenant… Vide. Tout se récupère ici et beaucoup font de cette pratique un modeste gagne pain.
Sur le chemin du retour nous saluons L'inventeur du Fourne en fil de fer, Alassan nous présente sa famille, on papote un peu, acceptons un dernier thé avant de refaire route vers l'auberge. Notre acclimatation suit son cours à tel point que l'envie de prendre quelques jours supplémentaire ici se fait ressentir. D'ailleurs, nous venons de prendre la décision de faire un bout de chemin en compagnie de Camille et à sa demande, nous ne partirons que dimanche prochain en direction du Sénégal. Comme j'aime tant le dire… Affaire à suivre !
Mercredi 10 avril 2013 - 0 kms - Post n° 193
Fanch : Amodou est là, ou plutôt, c'est nous qui sommes là et à l'heure, c'est parfais, la visite commence et elle va durée deux heures. Deux heure durant lesquelles nous prenons le temps d'observer les rituelles de ces chaudronnier de l'aluminium.
Devant l'aisance manifeste de notre jeune ami, la méthode parait simple mais je sais pertinemment qu'il n'en est point. Il semble que la principale production sortant des ateliers soit destiné aux arts culinaires, casseroles, chaudrons, marmites, passoires etc… La technique est intéressante certes mais pas inédite et ce qui m’interpelle c'est l'aspect débrouille dans un espace et avec un outillage sommaire mais aussi le coté recyclage de matériaux. Pas d'établi, on travail à même le sol, le charbon de bois remplace le four à thermostat, alors on applique d'ancienne méthode. Pas d’électricité, on ne parle ni ne pense même pas à l'eau courante. L'espace est composé de 4 ou 5 ateliers qui comporte un foyer chacun. Pour atteindre une température suffisante des ventilateurs de moteurs de voitures font office de soufflet. Deux d'entre eux, dotés d'une manivelle, fonctionnent manuellement, les autres ont été modifiés pour être alimentés par une batterie 12 V. Les braise sont contenu dans jante de roue de poid-lourd. Et ça chauffe dur! En tout cas suffisamment pour rendre à l'état liquide les bric et broc d’aluminium achetés ou récupéré à droite à gauche.
Le métier s'exerce de père en fils et on sent clairement qu'Amodou et son frère sont tombés dedans tout jeunes. Le travail est propre rodé, rapide et efficace. L'accueil fut franc et sympathique… Merci les gars, on reviendra vous filer quelques photos demain, promis!
De retour à l'auberge, je m’accapare l'ordinateur pour finaliser mon petit synthétiseur construit et assemblé sous Pure Data. Il est disponible ici : Phasorrrr Si l'envie vous prend de faire les curieux alors surtout n’hésitez pas! N'oubliez pas auparavant, de télécharger et d'installer (si ce n'est pas déjà le cas) Pure Data et de prendre le temps de trifouiller un peu le patch pour comprendre comment il fonctionne!
Barth : Rendez-vous à 11 heures à l'atelier de fonderie pour assister aux coulages du jour. Mahmdou nous attend, reconnaissable au casque qu'il porte toute la journée sur les oreilles. Trois postes de fonte sont installés à même le sol autour d'une cour pleine de ferrailles et de cadres en bois. Pendant que les morceaux d'aluminium, pour la plupart issus de moteurs, sont en train de fondre dans une marmite d'acier disposée dans un foyer de braises attisées par un ventilateur de voiture lui-même branché à une batterie, il faut préparer les moules. Chaque moule est fabriqué sur la base d'une marmite ou d'une passoire pré-existante, en utilisant un sable argileux qui a l'incroyable propriété de garder la forme qu'on lui donne en tassant. Il faut un bon quart d'heure pour préparer un moule, et si l'exercice paraît simple, il n'en demeure pas moins le fruit d'une longue expérience transmise de père en fils depuis quelques générations. Mahmdou nous confie avoir travailler à l'occasion pour des commandes artistiques, et bien qu'aspirant lui-aussi à rejoindre l'Europe un jour, il est fier de son métier et heureux de l'exercer !
La faim et la chaleur nous font prendre congés, mais nous reviendrons demain ou après-demain pour ramener les photos prises et peut-être prendre le temps d'interviewer Mahmdou. La fin d'après-midi se déroule entre deruchage des images du matin, sieste, coups de skype en France…
Jeudi 11 avril 2013 - 0 kms - Post n° 194
Barth : C'est un grand jour aujourd'hui ! Nous avons rendez-vous ce soir avec LibLab pour une visioconférence en direct dans le cadre du festival les « Giboulées sonores » organisé par Fresharts. Pour l'occasion, nous avons décidé de publier toutes les créations et objets libres qui étaient en attente depuis les premières semaines de notre périple. Les galeries « Objets libres » et « Ex Situ » sont donc inaugurées sur le site ! Ce qui aura demandé un peu de temps ce matin…
Vers 15h, la connexion est établie avec Quimper. L'équipe de Liblab est présente au grand complet, et le temps que le public arrive, nous papotons en réglant quelques détails techniques. Tout est prêt pour notre intervention, entrecoupée par la diffusion de notre dernier checkpoint, les questions réponses se déroulent bien, ça fait chaud au coeur de revoir quelques têtes quimpéroises vues pour la dernière fois le jour de notre départ, bref un plaisir qu'il faudra renouveler !! Grâce à notre nouveau partenaire « bookBéo » (merci David!) une série de carte postales munies de flashcodes renvoyant sur nos haïkus a été imprimée et affichée dans la salle. Belle initiative !!
Nous restons ensuite connectés pour assister aux présentations d'autres projets libres des environs de Quimper…
Ce soir je prends une leçon de thé… José, un espagnol qui vient de débarquer à l'auberge, nous demande s'il y a de quoi faire du thé ici… Je suis en train d'en préparer un et lui propose donc de le boire avec nous. Mais ce que je ne pouvais pas savoir, c'est que notre ami a appris durant une nuit entière à préparer le thé à la manière des Saharaouis. D'un coup, je ne suis plus crédible avec ma technique marocaine améliorée. Je laisse donc la main et José fait monter la mousse dans chaque verre en prenant le temps qu'il faut pour ce faire..!
Fanch : Une trappe se dérobe sous nos pieds et nous voilà téléportés à Quimper, en plein rassemblement du Libre quo-organisé par le collectif Fresharts et l'association LibLab lors du festival « Giboulée Sonore ».
C'est bien sur l'occasion pour faire un petit point, de (re)présenter nos aventures mais aussi de revoir quelques bouilles bretonnes (avec plaisir!) que l'on n'a plus vu depuis quelques temps maintenant. Mais à celles que nous connaissions déjà d'autres sont venu exposer leurs projets autour des cultures numériques et Open Source. C'est bon de voir que les choses avance à ce niveau du coté Finistère Sud et de sentir acteur de cette émulation grandissante. Nous sommes donc restés 4 bonnes heures assis devant l'ordinateur et après notre intervention, nous avons eu l'honneur d'assister à ce rendez-vous du Libre en Finistère. Chers amis de LibLab, de Fresharts Collective, Linux Quimper… Merci à vous, merci beaucoup, sutout, restez comme vous êtes !
J'ai un peu de mal à écrire ces temps ci. C'est certainement dû au mouvements permanent au sein de l’auberge car cela influe sur ma concentration. En ce moment même j'écoute d'une oreille José et Barth qui causent un franco-hispano-anglais et je suis en permanence obligé d'effacer et de remplacer les mots anglais qui tombe malgré moi dans ce texte. Mais c'est bon signe, certaine rencontres se font en anglais, et je sens que quelques vieux complexes vis à vis de cette langue sont en train de se défaire enfin.
Vendredi 12 avril 2013 - 0 kms - Post n° 195
Fanch : Le départ approche, la fin de matinée est entièrement consacrée à mon cher vélo qui se plaint de cette poussière qui s'accumule depuis 15 jours maintenant. Un gros gros nettoyage s'impose, je veux qu'il soit beau, qu'il brille pour fouler la route qui nous mènera vers le Sénégal. Deuxième partie de journée, on décide de s’égarer à nouveau au Point Chaud, le marché du téléphone portable. L'objectif pour Barth est de faire quelques images vidéos et je l'accompagne, enregistreur en main. L'ambiance sonore de ce lieu est véritablement cacophonique, mes oreilles peinent à accrocher un événement particulier. Il n'y a pas de trame, les sons se croisent et n'arrivent pas à s'agencer, dans ma caboche en tout cas. Il arrivent de devant, derrière, gauche, droite, à une allure trop rapide et à cela s'ajoute de nombreuses perturbations visuelles qui gâtent ma concentration. Il y a pourtant de quoi faire mais je me sens bloqué, je ne suis pas dans la bonne dynamique. En revanche, j'ai l'impression que mon ami est bel et bien décidé à revenir la carte mémoire pleine d'images.
Mais les rencontres continues, aussi courte soient elles, je prends toujours plaisir à échanger quelques mots, un sourire, un regard furtif. L’appareil photo de Barth suscite l’attention, c'est souvent l'occasion de discuter et de rire avec un « beau gosse » qui se trémousse devant l’objectif. Mais parfois, les réactions s'inversent, le simple fait de déambuler avec un appareil photo affole certains. C'est un mélange de pudeur et de peur de se retrouver sur le web mais il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas si longtemps, il n'était pas autorisé de prendre une photo dans la rue. Ceci explique certainement cela.
Nous achevons notre ballade au dixième étage, sur la terrasse d'un café situé sur la pus haute construction de Nouakchott et qui nous offre un point de vu imprenable sur la ville.
Barth : Le départ approche, la liste des choses à faire s'allonge et la chaleur est de retour. Pas de chance, nous sommes vendredi, tous les magasins et administrations sont fermés, il faut reporter au lendemain une partie des courses. Mais il y a de quoi s'occuper entre le nettoyage des vélos qui ont un peu pris la poussière ces dernières semaines, une dernière lessive, et des prises de contact avec le Sénégal pour anticiper notre arrivée.
En fin d'après-midi nous passons au Point Chaud, le marché des appareils électroniques et informatiques qui commence à s'animer avec la sortie de la prière. Le marché en soit n'est pas immense, mais le nombre de toutes petites boutiques/ateliers est assez effarant. Ici on échange, on récupère, on répare et on remplit de fichiers tous les genres d'appareils électroniques, particulièrement les téléphones portables. En déambulant dans les petites ruelles, appareil photo au bout du bras, les réactions sont variées, allant de « c'est interdit de prendre des photos » à « prends moi en photo » ! D'une manière générale c'est la bonne humeur qui prime, tant nous sommes des ovnis dans ce lieu de business que peu d'occidentaux fréquentent. En rentrant, nous faisons un crochet pour admirer le panorama au sommet d'une des seules tours de Nouakchott. Un gardien nous accompagne dans l’ascenseur jusqu'au dernier étage où se trouve un luxueux café. Effectivement la vue est unique dans cette infinie platitude. Aux confins de la ville on aperçoit l'océan d'un côté et des dunes de l'autre. Notre gardien tentera en vain de soutirer quelques billets prétextant qu'il est interdit de prendre des photos et qu'il nous a arrangé le coup. Trop gros, on ne nous la fait pas !
Samedi 13 avril 2013 - 0 kms - Post n° 196
Barth : Comme hier, il fait très chaud… Ça promet pour la reprise du pédalage qui aura lieu demain en compagnie de Camille. Depuis l'Espagne que nos routes se croisent, nous avons enfin l'occasion de synchroniser notre déplacement pour quelques jours et de comparer le fonctionnement des deux ateliers mobiles ! Geocyclab a besoin d'un bon coup de boost après cette longue pause urbaine, les paysages à venir et la présence de Camille devraient contribuer à un redémarrage créatif et productif.
Encore quelques courses à faire, une dernière synchronisation du site et surtout la visite d'Alassane et Mamdou pour leur donner les tirages photos de nos rencontres. C'est donc la dernière balade dans le marché capital, dans une chaleur et une crasse incroyable, l'occasion de faire quelques images et de tomber sur un nouvel objet libre : un poste à souder fait maison ! Alassane et sa petite famille ont été très touchés par les photos, nous sommes les bienvenus chez lui au Mali dans quelques années inch'allah ! Mahmdou quant à lui, termine une longue journée de boulot, il est fatigué mais prends tout de même le temps de nous faire rencontrer d'autres bricoleurs qui plient de la tôle pour fabriquer des mangeoires à volailles, des pots de glace, etc… Il y aurait tant de choses à découvrir encore à Nouakchott, une vie n'y suffirait pas…
Fanch : Au chiottes de l'auberge, je tombe souvent sur quelques pages de L'Authentique Journal mauritanien qui n'a pas froid au yeux et dont la lecture me donne quelques clés pour comprendre d'avantage les maux de ce pays. Je viens de regarder Les Carnets qui regroupent les brèves du quotidien, j'en sélectionne quelques unes ici qui dévoile ce que nous ne voyons pas systématiquement dans la rue.
Record - 31 mars 2013
Arrivé en début d’après-midi mercredi dernier à Nouakchott, l’Amiral Edouard Guillaud, Chef d’Etat-major des armées françaises, aura fait exactement trois heures d’horloge dans notre capitale. Un temps mis à profit pour rencontrer son homologue Chef d’Etat-major de l’Armée nationale, le Général de Division Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed, et le ministre de la défense nationale, puis le président de la République. Objet des discussions ? Silence… Secret militaire.
Fonds - 31 mars 2013
1 milliard d’ouguiyas ! En décidant cette semaine de dissoudre l’Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés ANAIR au profit d’une nouvelle institution relevant du président Ould Aziz, l’Agence de lutte contre les Séquelles de l’Esclavage de l’Insertion et de Lutte contre la Pauvreté, le gouvernement n’a pas trop forcé dans ses caisses ! En effet, ce montant écrit ci-haut, destiné au fonctionnement de la nouvelle Agence est exactement le même qui faisait fonctionner le PESE – Programme d’éradication des séquelles de l’esclavage- ancêtre de la nouvelle Agence et qui était lui aussi, placé sous l’Autorité du président de la République !
1 euro - 01 avril 2013
1 euro ! C’est ce que devrait payer le député français Noel Mammère si sa culpabilité était établie par la justice française appelée à statuer en mai prochain sur la plainte pour diffamation déposée contre lui par le président Ould Abdel Aziz. « 1 euro en guise de dommages et intérêts à titre symbolique et la publication du jugement ». C’est tout ce que nous demandons ont soutenu samedi dernier les avocats du chef de l’Etat.
Décoré - 01 avril 2013
Le président Ould Abdel Aziz va être décoré la semaine prochaine de la médaille de chevalier de mérite de l’Ordre des journalistes arabes pour les actes qu’il a réalisés dans la promotion de la presse Il est vrai que c’est sous son règne que les médias privés (télés et radios) ont été créés, il est aussi vrai que la dépénalisation du délit de presse a été en partie effective et qu’une subvention est désormais accordée annuellement aux médias du pays. Mais cela mérite-il- un tel honneur quand on sait que la rétention de l’information est toujours érigée en règle de conduite et la liberté d’expression et de presse réduite à sa plus faible expression ? Pour nos hôtes qui proviennent d’Egypte, la réponse est oui !
Contrôle - 02 avril 2013
C’est à croire que la circulation des voitures est désormais interdite à Nouakchott, à partir de 21 heures ! Dans les soirées de dimanche et lundi, les automobilistes ont eu bien des peines à se déplacer après le crépuscule, du fait des contrôles intempestifs suivies de conduites vers les fourrières, menés simultanément par les forces du Groupement de Mesgharou, la gendarmerie, la garde et la police. Mettre fin à la circulation des voitures, et rafler les passants serait le remède au regain de la criminalité à Nouakchott.
Contrôle Bis - 02 avril 2013
6000 UM ! C’est le montant de la contravention que doit payer chaque propriétaire de voiture qui voudrait la récupérer de la fourrière ! Notre fureteur qui a compté 112 voitures dans un des 12 fourrières de Nouakchott dans la soirée de dimanche, voudrait bien savoir quelle somme a été versée au Trésor dans la journée d’hier, étant entendu que toutes les fourrières affichaient sur plein en milieu de soirée !
Timide - 02 avril 2013
La reprise de l’école après la fin des vacances de Pâques est très timide. Dans la plupart des établissements scolaires publics à Nouakchott, les élèves ont été renvoyés chez eux en attendant que les professeurs et enseignants acceptent de reprendre les chemins de l’école !Publiée. 04 avril 2013.
Scandale - 04 avril 2013.
Après les enregistrements compromettants pour le président Aziz sur fond d’actes de banditisme liés au trafic de faux dollars, c’est maintenant autour de l’acquisition frauduleuse de milliers d’hectares de terre à Tevragh Zeina par le Président en utilisant les noms de ses enfants et de son épouse qui font les choux gras de la presse. « Al Akhbar » qui publie les documents à sa disposition à ce sujet accuse aussi le Général Ghazouani d’avoir bénéficié des mêmes largesses visiblement indues. Alors, sommes-nous entrain de boire dans la même coupe que celle que nous voulons faire vomir à Ely Ould Mohamed Vall !
Formés - 04 avril 2013.
Les journalistes de la presse publique ont participé, lundi dernier, à un atelier sur le renforcement des capacités de la presse sur les questions des droits de l’homme organisé conjointement par le Bureau des droits de l’homme des nations à Nouakchott et le ministère de la Communication. Les intervenants à cet atelier ont entretenu les participants sur des questions aussi importantes que les fondements du droit des droits de l’homme, le cadre juridique de l’exercice des droits de l’homme en Mauritanie, les conventions internationales ratifiées par la Mauritanie et le journaliste et les droits de l’homme. Ingénieuse idée, mais la cible a-t-elle été bien choisie ?!
Bilan - 04 avril 2013.
53 cas de viols ont été commis pendant le premier trimestre de l’année en cours ! 60% des cas cités ont concernés des filles âgées entre 10 et 15 ans, et 63% ont concernés des filles violées par leurs beaux-pères ! L’information est de Madame Zeïnabou Mint Taleb Moussa, président connue d’une ONG installée à El Mina. Elle a été révélée dans la soirée de mardi dans un débat à la télévision.
Dimanche 14 avril 2013 - 70 kms - Post n° 197
Fanch : Ces 20 derniers jours on été bénéfiques car il nous ont permis de nous mettre à jour dans les différente tâche de notre atelier. Mais il était grand temps de partir, de laisser la sédentarisation derrière nous pour aller de l'avant, à la découverte de ce qui ce cache un peu plus loin, hors les mur de Nouakchott. Nous revoici donc sur le bitume et pour la première fois, Geocyclab roule aux cotés de CyberConte.
Les 15 premières bornes sont plutôt délicates et il nous faut user de vigilance pour s'extirper de la folle circulation du centre ville. Le code de la route est d'une simplicité déconcertante et se résume à donner la priorité au plus gros engins. Comme nous sommes les plus petit, l'affaire n'est pas gagnée d'avance. Je suis tendu, ça klaxonne dans tous les sens, ça pu, c'est la fête des queues de poissons et vraiment, c'est à nous d'anticiper la conduite imprévisible des autres conducteur. Vivement que l'on sorte de ce merdier.
Enfin, nous retrouvons le paysage que nous avions quitté il y a 3 semaines. Le calme revient. Du sable, toujours du sable mais la verdure réparait, petit à petit elle prend de l'assurance, grignote un peu de terrain et monte de plus en plus haut. Avec elle, les signes de la civilisation résistent et notre route est bordée de tentes, de cases et de cabanes de bric et de broque. D'imposant panneaux de compagnies d'assurances, pour la plupart en piteux états, ponctuent les kilomètres et comme pour justifier les tarifs exorbitant qu'elles appliquent, souhaitent une excellente route aux automobilistes. « Roulez en toute sécurité avec Assurance Islamique. » Le pire c'est que ce n'est pas du second degré. C'est à la fois comique et effrayant!
Enfin voilà, les bonnes habitudes reprennent. Nous trouvons un petit gîte ou nous abriter du vent et des regards indiscret dans un petit village désert. Après un petit coup de ménage, nous nous y installons, mangeons nos traditionnelleS nouilles chinoiseS et ne tardons pas à nous coucher car physiquement, la reprise fut quelque peu difficile.
Barth : Au-revoir Nouakchott ! Dans une fournaise déjà bien palpable, nous faisons donc nos adieux à Mafou et Mathieu, les seuls levés à l'auberge, et nous traversons la ville en ébullition en ce dimanche matin, jour de reprise du travail après le week-end. Il faut faire une quinzaine de kilomètres pour avoir le sentiment d'être sortis de la ville, là où les dunes sont plus nombreuses que les constructions. C'est au moment de quitter un lieu qu'on se rend compte à quel point on y reviendrait bien… Je reste un peu sur ma faim par rapport à Nouakchott. Trop de fatigue accumulée avant, trop de travail sur l'ordinateur, et trop de choses à voir sans vraiment savoir où les trouver. Une chose est sûre, ce pays à la frontière entre l'Afrique et le Maghreb, entre l'océan et le désert, est passionnant et j'y reviendrais !
Mais il nous reste encore cinq jours de visa pour découvrir le sud-ouest de la Mauritanie en compagnie de Camille. Pour commencer, 150 kms sur la route principale avant de bifurquer sur une piste en direction de St Louis. Impossible de rester au soleil entre midi et 16h, nous stoppons donc pour déjeuner dans une boutique sur le bord de la route, et morts de fatigue, écrasés par la chaleur, nous siestons de concert à l'ombre d'un abri à bétail, uniquement perturbés par le passage d'une mini tornade qui nous recouvre de sable. Vers seize heures le vent chaud venu de l'est tourne pour enfin rafraîchir l'atmosphère. Nous en profitons pour faire une trentaine de kilomètres avant de trouver refuge dans une bergerie vide pour la nuit. Après un rapide dîner à base de nouilles chinoises au goût de colle à bois, nous ne tardons pas à nous endormir, épuisés par la reprise du pédalage.
Lundi 15 avril 2013 - 40 kms - Post n° 198
Barth : Levé matinal après une bonne nuit de sommeil. Le soleil commence déjà à faire chauffer l'air alors qu'un troupeau de chèvres semble nous faire signe de quitter les lieux. Nous apercevons en partant un homme qui semble être le seul habitant du hameau… Fanch n'est pas en forme, un coup de chaud sans doute, les quarante kilomètres nous séparant de Tingent, le prochain village, sont donc éprouvants. Plus les heures avancent et plus l'air devient brûlant, 45 degrés selon le quatuor de motards qui nous double juste avant un barrage de gendarmerie où nous faisons une pause. Le paysage change peu à peu, le sable est de plus en plus rose, tirant même vers l'orangé, et partout de petits villages plus ou moins habités et dont les minuscules baraques sont peintes en couleurs vives du jaune d'or au bleu turquoise. J'aperçoit même une petite mosquée rose fluo et crème, pâtisserie de béton au milieu du désert. Les arbres sont de plus en plus nombreux également, abritant une faune pas encore très variée, mais rassurante après ces centaines de kilomètres de désert. De grand corbeaux au plastron blanc, quelques écureuils, lézards et insectes peuplent cette région…
Nous finissons par nous échouer dans le premier restaurant de Tingent où nous retrouvons les motards. Nous y passons plusieurs heures à dormir sur les matelas disposés dans toute la salle, boire beaucoup et manger un peu en attendant que l'air se rafraîchisse… Finalement, vers seize heure trente, il fait toujours aussi chaud, nous nous sommes sans doute trop éloigné de l'océan pour bénéficier de sa douceur le soir. La sensation de vivre dans un four à chaleur tournante n'arrange pas la santé du pauvre Fanch qui ne se sent vraiment pas bien. Décision est prise de rester pour la nuit à Tingent. Je pars avec Camille à la pharmacie pour trouver de quoi remonter Fanch qui reste assis à l'ombre… Et chose incroyable, le pharmacien en plus de nous trouver un médicament approprié, nous propose de nous prêter sa maison pour la nuit, gratuitement ! En attendant qu'il ferme sa boutique nous allons nous reposer dans un autre restaurant pour siroter un thé. À la tombée de la nuit, notre pharmacien hôtelier nous conduit donc dans sa petite maison, nous indique une douche dans la maison voisine et nous souhaite une bonne nuit. Une seule pièce, avec l'électricité, de quoi faire la cuisine, un matelas et quelques affaires, la garçonnière mauritanienne d'un pharmacien célibataire. Un bon bol de riz, quelques litres de thé, et au lit sans cérémonie… Et dans un demi sommeil, vers minuit, le pharmacien vient nous avertir qu'il y a un incendie dans une boutique pas loin, nous conviant à venir assister au grabuge colle s'il s'agissait d'un feu d'artifice ! Pas le courage de se relever, même si la ville entière doit être attroupée là-bas…
Fanch : 8 heure n'a pas encore sonné que l'air est déjà chaud. Le lever commence bien et excepté quelques petits soucis gastriques que je traîne depuis un moment, je me sens en dans un forme tout à fait convenable. La route s'annonce donc bien. Mais au bout de quinze bornes je doit faire un pose. Je suis nauséeux, je n'ai plus de force et des vertiges commencent à se manifester. La température de l'air grimpe en flèche, à notre deuxième pause, il fait 42 degrés et pour moi, ça ne vas pas du tout. Je ne pense qu'à m'allonger quelque part au frai. Le village que nous vison n'est plus qu'à 6 bornes, c'est pas grand chose mais je sais que ça va être dur.
J'avance tout doucement, Camille et Barth s'adaptent à ma cadence, il me suivent et me surveillent sans rien dire. Quand nous arrivons enfin j'ai l'impression d'avoir parcouru 150 kilomètres alors que nous n'en avons roulé seulement 40. A Tingent, j'indique à mes amis un restaurant sur notre droite, pose mon vélo contre une balustrade et me précipite à l'intérieur pour m'étendre sur une banquette. Après avoir échangé quelques mot avec 4 sympathiques motards français, je m'effondre dans un lourd sommeil.
A mon réveil, ça va un peu mieux, je propose à mes amis de reprendre la route, mais après avoir remballé nos affaire et fait quelques courses, les vertiges reprennent. On en conclu à un coup de chaud, c'est foutu pour aujourd’hui on va dormir à Tingent. Barth et Camille partent à la pharmacie demander quelques conseils concernant mon cas pendant que je reste posé à l'ombre. A leurs retours, ils m'annoncent que le pharmacien nous propose le gîte. Impeccable, merci les copains, vous avez assuré! J'espère juste que demain matin je me serai remis de ce petit coup dur…
Mardi 16 avril 2013 - 50 kms - Post n° 199
Fanch : Je me sens mieux. Pour éviter de reproduire la même erreur qu'hier, nous avions pris la ferme décision de partir de bonheur pour rouler sous les premiers rayons du soleil, avant que la température ne soit trop rude. Mais Mohamed, notre ami pharmacien nous retient et tente de nous convaincre par tout les moyen de rester une nuit de plus. L'envie d'accepter sa proposition est réelle mais notre visa expire dans trois jours et même s'il ne nous reste que peu de kilomètres à parcourir avant le Sénégal, notre seul certitude est que nous ne connaissons rien à la suite des événements, quand il s'agit d'administratif, on ne peut pas se permettre de rester glander.
Le temps de lui faire admettre que la frontière est à 160 bornes (dont une bonne moitié de piste) et non pas à 80 kilomètres comme il l'affirme, il est déjà trop tard pour prendre la route. Il va nous falloir attendre 16 heures. Que voulez vous… Certains ne lésinent pas sur la question d'hospitalité.
Alors, nous continuons notre descente vers le fleuve (Sénégal), les dégradés de couleurs nous ravissent. La route ondule entre les dunes maquillée d'un subtile camaïeu orangé et mouchetées d'arbres aux épines acérées. Le vent est avec nous, les températures sont clémentes et comparé à hier, cette journée n'a strictement rien à voir. Que du bonheur.
Pour couronner le tout, nous sommes invités dans la demeure d'une joyeuse bande de potes qui nous accueillent à bras ouverts. Un cabri est égorgé en notre honneur. Nous assistons au sacrifice Ces loustics travaillent sur le goudron qui remplacera prochainement la piste que nous emprunterons demain.
Barth : Huit heures du matin, Mohamed notre pharmacien débarque avec du pain frais et de la menthe pour préparer le thé… Ça va être compliqué de décoller avant la chaleur, d'autant qu'il nous incite à rester une nuit de plus pour partir en voiture le lendemain matin. Nous passons une bonne heure à lui expliquer que Diama se trouve à 170km et non à 70km comme il nous l'assure et que notre visa expirant le 19, il nous faut nous dépêcher de sortir. Quoiqu'il en soit nous sommes coincés, le soleil est déjà haut. Nous partirons vers 16h, à vélo, à moins que nous trouvions un véhicule pour faire les 50 kms de goudron avant de rejoindre la piste. La matinée et le début d'après-midi se passent donc à l'ombre de sa petite maison, sous le regard inépuisable de trois gamins très collants. Mohamed n'est pas vraiment pharmacien, mais technicien préparateur. Son métier autrefois incontournable est aujourd'hui remplacé par l'arrivée de nombreux médicaments chinois à très faible coût. Heureusement il a une autre corde à son arc puisqu'il est également journaliste, écrivant régulièrement des articles en langue arabe pour la presse mauritanienne au sujet de la religion et des questions sanitaires. La prochaine étape consiste à apprendre le français pour faire partie de l'élite des journalistes…
Vers 16h, le vent tourne enfin et la fraîcheur rend le départ possible. Une cinquantaine de kilomètres dans un fantastique paysage de dunes rouges avec un vent frais dans le dos, que du bonheur ! Pour la première fois depuis si longtemps les arbres sont assez grands et serrés pour former par endroits de véritables sous-bois où paissent chèvres, vaches et dromadaires. La route goudronnée est l'artère de cette région, tout le long tentes et cabanes peuplent le désert et tous les cinq kilomètres, une petite mosquée et une boutique signent la présence d'un village. A la tombée du jour, nous arrivons à l'endroit où la piste récemment goudronnée quitte la route. Un homme nous invite à passer la nuit dans sa maison. Mamed travaille pour la société qui gère les travaux de goudronnage de la piste, il vit avec sa femme et son petit frère dans une grande maison… Pour l'occasion, et pour faire plaisir à son collègue Ousmane qui part en week-end le lendemain, Mamed décide de tuer un cabri. Nous assistons donc à l'abattage puis au dépeçage à la lueur des lampes de poches, avant de partager un dîner très animé par les histoires que nous racontent Mamed et Ousmane. Tout deux ont moins de quarante ans, le premier est beau parleur et s'est marié quatre fois sans avoir d'enfant tandis que le second, bien plus sage est marié depuis huit ans et a deux enfants. Mais cela ne les empêche pas d'être bons amis et de très agréable compagnie…
Mercredi 17 avril 2013 - 35 kms - Post n° 200
Barth : Grâce à nos hôtes nous sortons du lit avant sept heures et profitons de la fraîcheur matinale pour rejoindre Keur Massène, le premier village sur la piste de Diama à une trentaine de kilomètres. Les deux premiers kilomètres se font sur un bitume reluisant que nous devons hélas quitter pour rejoindre l'ancienne piste faite de creux et de bosses parfois recouverts par les dunes. La progression est laborieuse et malgré un paysage toujours aussi beau, nous ne profitons pas vraiment… Les oiseaux sont de plus en plus nombreux, colorés et bruyants, annonçant le fleuve Sénégal qui n'est plus très loin. À midi passé, nous rebroussons chemin sur quelques kilomètres après avoir atteins un cul de sac. Il nous faut rejoindre la future route, un remblais de sable et de coquillages tassé sur lequel nous pouvons rouler plus facilement… Si on avait su ! Bref, encore une dizaine de kilomètres jusque Kermesen, presque plus d'eau, rien à manger et le soleil qui commence à cogner sérieusement, c'est le moment que choisi Fanch pour exploser son dérailleur, la même qu'à Iznajar pour le mien… Je suis loin devant et c'est Camille qui m'apprend la nouvelle en me rattrapant à deux kilomètres de Keur Massène. Elle repart dans le providentiel pick-up d'un gendarme pour récupérer Fanch pendant que je termine seul la route. Nous arrivons finalement presque en même temps chez Mme Julie, une imposante mama qui tient un restaurant et que nous avait recommandé Ousmane…
Riz au poisson, coca frais, et sieste sauf pour Fanch qui tente de réparer les dégâts et parvient avec l'aide d'un garagiste à démonter le dérailleur dans l'idée de rouler sans changer de vitesses les prochains jours… Heureusement, la piste est plate le long du fleuve !
Il est presque dix-huit heures, pas question de reprendre la route, nous installons nos affaires dans le restaurant pour la nuit et partons à pieds faire quelques images et sons dans le marais tout proche… Pour la première fois depuis si longtemps, un plan d'eau, envahi de roseau e habité d'une foule de poissons que je pense avoir déjà vu dans des aquariums en France… Enfin de l'eau, de la verdure, et des animaux autres que chèvres et dromadaires ! Par contre, c'est le paradis des moustiques ici, pourvu que nous arrivions à dormir…
Fanch : Le deux-centième jour se fête… Tu parles! 25 kilomètres de piste nous sépare de Keur Massen, notre prochain point de ravitaillement et nous avons sous estimé la difficultés de cette étape. Nous nous y engageons le ventre presque avec 1,5 litre d'eau chacun et commettons là une grossière erreur. Outre nos retrouvailles avec un terrain vallonné, ce chemin qui coupe au travers des dune n'est pas des plus évident et il nous faut rester les yeux fixé sur le sol pour éviter les passages sablonneux, les nids de poules, les pierres anguleuses qui se mettent sur notre passage. Et puis, nous loupons un embranchement cruciale pour arriver au creux d'une impasse, il nous faut faire demi-tour et nous rallongeons notre étape d'une dizaine de kilomètres alors que nos réserves de flotte arrivent à sec et que mon ventre se plaint de mauvais traitement que je lui ai infligé. A cela s'ajoute que ce n'est de nouveau pas la grande forme (je passe les détails) mais le plus ennuyeux c'est que mon dérailleur vient de me lâcher, je dirais même d'exploser… En pleine brousse, super! Le dérailleur s'est bloqué dans les rayons de ma roue arrière en pleine décente, je ne peu plus avancer. Barth est loin devant (il nous attendra au prochain bled), c'est Camille qui va chercher une « dépanneuse » pendant que je patiente en plein cagnard. Je n'ai plus d'eau à présent, il n'y à pas d'ombre, je m'assoie sur le bas coté, me couvre pour éviter un coup de chaud et patiente pour une durée encore indéfinie.
A cet instant là, je me demande comment nous allons joindre la frontière du Sénégal, je me persuade que tout va bien mais à une fatigue physique certaine s'ajoute ce dernier événement et je subit malgré tout une petite baisse de moral. Je fini le bout de cette courte étape assis entre Camille et un militaire plutôt causant dans un pick-up de la gendarmerie nationale.
Je passe une partie de l'après midi à tenter de trouver une solution pour une sommaire réparation car bien sur, on ne changera pas mon dérailleur dans ce village de brousse. Je parvient non sans difficulté à l'extraire de mes rayons pour ensuite le démonter et le mettre de coté (il est foutu). Je raccourcis alors la chaîne ce qui me permettra de rouler mais sans possibilité de changer de vitesse. En théorie l'opération semblait aisée mais en pratique je me confronte à une flopée d'effets secondaires qui me donne du fil à retordre… Bon, le bricolage de fortune semble porter ces fruit mais je n'ai pas le courage de faire des essaies avec le vélo chargé, on verra demain pour la suite des événements.
Le coté positif (évidemment il y en a un) c'est que nous sommes à deux pas du fleuve et que la vie reprend possession des lieux.
Jeudi 18 avril 2013 - 50 kms - Post n° 201
Fanch : Comme par miracle, mon bricolage d'hier semble tenir le coup et même si je n'ai plus de frein arrière, qu'il me reste 90 kilomètre (Jusqu'à Saint Louis, la prochaine grande ville) à parcourir sans possibilité de changer de vitesse, ça roule!
Nous longeons la piste du fleuve, toujours aussi chaotique mais sans dénivelé cette fois ci. la verdure s'est confortablement installée et avec celle ci, la faune fait preuve d'impudeur. Après avoir traversé près de 2000 bornes de désert ou seuls quelques insectes osaient se montrer, nous assistons ravis, à ce retour à la vie. Je découvre ici milles espèces d'oiseux que je n'ai pour la plus part jamais vue de mes propres yeux. Des échassiers de toute sortes (grues, aigrettes, cigognes, hérons…), de toute taille, certains doivent atteindre 3 mètres d'envergure peut être plus, se mélangent au pélicans, au hirondelles et aux autres espèces de petites tailles qui exhibent fièrement leur couleurs vives et chatoyantes. Aux animaux à plumes s'ajoutent les mammifères et de nombreuses familles de phacochères traversent la piste de temps à autres, curieuses et peureuses à la fois. Dans la catégorie reptile, nous apercevons ce que nous pensions être un gros lézard mais qui, nous l’apprendrons plus tard, est en réalité une petite variété de crocodile. Et c'est avec étonnement que nous découvrons dans les roseaux, le corps sans vie d'un petit anaconda de 3 mètres (c'est déjà impressionnant), apparemment tué par un berger bien décidé à ne plus voir ses chèvres disparaître unes à unes dans le tube digestif de ces impressionnantes bestioles.
Après de rapides formalités administrative, le barrage de Diama nous ouvre ses portes, nous quittons la Mauritanie pour franchir la frontière Sénégalaise. L'heure est aux adieux. Je quitte la République Islamique de Mauritanie sans regret, heureux dans la perspective de découvrir un nouveau pays, de nouvelles saveurs, une nouvelle culture. Je reste néanmoins satisfait de ce passage en R.I.M., il y eu de belles rencontres, de belles surprises et je suis maintenant convaincu d'avoir fait le bon choix en parcourant les routes de cette « zone rouge » cependant ce pays me laisse sur le palais une petite amertume. Outre la ségrégation raciale et l’esclavagisme (plus ou moins) moderne persistant ici, le pays est assis sur d'énormes gisements de richesses naturelles (pétrole, phosphate, or, poissons…) qui devrait largement suffire à la mise en place d'équipements et de mesures pour le confort de tous. Au lieu de cela et alors qu'une minorité se gave à vomir du flouze, la majeur partie de la population traînent leurs pieds dans une triste poussière. La réalités est dur à avaler, j'espère juste qu'elle évoluera positivement au cours des prochaines années et qu'une prise de conscience alimentée par une éducation de la jeunesse précédera cette résignation apparente.
Paf paf paf, c'est à coup de tampons et de « bienvenu » que nous sommes accueillis au Sénégal. Et puis, coïncidence ou non, nous y rencontrons Olivier de Bruxelles et Gurvan le breton qui nous avaient doublé sur la piste 6 heures auparavant. Croiser un bretons ici ne m'étonne plus en revanche, au bout de quelques minute, je reconnais ce visage car 5 ou 6 ans auparavant nous avions tapé le « boeuf » ensemble quelques part au fin fond de la Normandie. Ha ha! Bonne surprise! Peu après cette rencontre inattendu, le crépuscule approchant, ils montent dans un taxis pour rejoindre Saint Louis quand de notre coté, nous inspectons les lieux car il grand temps de dégoter quelque chose à manger ainsi qu'un coin pour dormir.
Barth : Keur Massène est un mélange entre village de fermiers et étape de brousse. Tous les véhicules qui suivent la piste s'y arrêtent pour faire quelques provisions ou boire un thé avant de s'enfoncer dans le le parc naturel du Dialow. L'ambiance qui règne ici me rappelle mes lectures de Bob Morane de ma jeunesse, la plupart des aventures débutants dans le dernier poste avant les territoires inexplorés d'une jungle aux mille dangers.
De bon matin, nous voici donc partis pour la traversée du parc dont un panneau « Attention animaux sauvages » signale l'entrée. La piste suit la digue de terre qui sépare le fleuve Sénégal sur notre gauche d'une immense savane à droite nous séparant de l'océan. Le safari commence par la traversée de quelques familles de phacochères à quelques mètres de nous, puis à la pause de midi nous observons des centaines d'oiseaux, pélicans, cigognes, hérons, aigrettes, sternes et tant d'autres que je ne saurais nommer. Le chant du calao se fait entendre régulièrement et nous avons même eu la chance d'entrevoir deux crocodiles, trop farouches pour se laisser admirer. À une dizaine de kilomètres du barrage de Diama qui nous fera rejoindre le Sénégal, se trouve la maison du parc où nous devons payer notre droit de passage. Malgré tous nos efforts de négociation, impossible d'y couper, mais heureusement nous parvenons à faire comprendre au gardien que l'espagnol à moto qui vient de nous doubler sans payer n'est pas avec nous… Le gardien nous amène derrière des fourrés pour nous montrer le cadavre d'un anaconda de trois mètre qu'un paysan vient de tuer car il dévorait ses moutons !
Arrivés au barrage, nous passons les différents postes de police, gendarmerie et douane de part et d'autre du fleuve, dans une ambiance très détendue. Le douanier sénégalais nous fait une dédicace sur nos passeports, tandis que le policier tente de nous soutirer une dizaine d'euros en regardant d'un oeil le JT de Canal+… Nous retombons sur Gurvan et Olivier, un breton que Fanch avait croisé il y a quelques années et un belge, partis en stop pour rejoindre Bamako et qui nous avait promis une bière en arrivant à St Louis. La nuit tombe presque, il fait un froid de canard, nous ferons les trente kilomètres jusque St Louis demain matin et décidons de passer la nuit ici, sous le porche d'un café. aux portes du Sénégal, le cinquième pays de notre périple…